A la lumière de cette lecture dense en informations, et non moins entraînante sur le plan narratif, j'ose tout d'abord émettre une petite objection qui tient au titre. Waterloo ne sera jamais démythifié, comme ne le seront jamais Alésia – une autre défaite gauloise ! – ou Verdun. D'ailleurs, Vander Cruysen ne la démythifie pas, cette bataille : il se contente, en fin connaisseur de son sujet, de démonter les fantasmes liés à cette page du roman national français, et au-delà, sans lui ôter sa puissance évocatrice.
Passé ma petite remarque de néophyte – Waterloo représente plus pour moi Fabrice del Dongo ou le père de Marius, sauvé par un certain Thénardier ! –, le remarquable travail de recherche qui se cache derrière ce rectificatif historique mérite à lui seul le respect.
Ainsi, ces anecdotes brodées avec le temps sur la légende napoléonienne, sont-elles rectifiées avec justesse et un certain humour.
Waterloo est donc une petite commune entrée dans l'Histoire grâce à la dépêche du vainqueur, Wellington, qui acheva et signa ladite dépêche à…Bruxelles. Mais est-ce une victoire anglaise ? L'auteur nous permet d'en douter, quand on apprend que 30% à peine des effectifs alliés étaient composés de Britanniques, le reste de Germaniques.
Waterloo est donc symboliquement devenu le lieu de l'effondrement d'un titan. Aussi, ces colportages autour de la bataille, certains entretenus par l'empereur en exil, ne font qu'attester le caractère légendaire de cet événement hors norme, quelle que soit leur véracité. Une légende est sans cesse réécrite.
Cette chasse aux reliques – dont l'authenticité est souvent douteuse – ou ce besoin de creuser les entrailles de ce combat – quelques centaines d'ouvrages consacrés à Waterloo –, tout participe du mythe. Car à Waterloo est tombé un titan, ce qui ne s'était pas vu depuis la victoire de Zeus !
Les plus grandes plumes du XIXe siècle n'ont eu de cesse de le convoquer, ce titan –
Chateaubriand,
Stendhal,
Balzac, Hugo, etc., pour ne citer que des écrivains français –, le modelant en héros romantique par excellence et lui donnant quelque part raison lorsqu'il disait de lui-même : « Et pourtant, quel roman que ma vie ! »…A moins que ce soit, là aussi, une invention de plus ?!
Peut-être plus encore que s'il était mort en vainqueur, son destin de vaincu exilé sur un rocher au milieu de l'Atlantique a contribué à forger ce mythe. Et c'est à Waterloo – peut-être « morne » mais pas si « plaine » que ça, nous confie l'auteur ! – que Napoléon a été vaincu. Quoi qu'il en soit, il fait désormais partie de ce Panthéon des conquérants, tels Alexandre de Macédoine,
Jules César, Genghis Khan, etc., pour l'éternité relative des Hommes.
Mais il est bon de dépoussiérer les figures historiques, si grands soient-elles, de ces petits arrangements avec la réalité. Et quoi que je ne goûte pas la ferveur napoléonienne outre mesure, force est de reconnaître qu'
Yves Vander Cruysen a rédigé là un texte plein de bon sens. Il montre surtout qu'en l'état, la bataille de Waterloo se suffit à elle-même sans qu'il soit besoin d'en rajouter car il s'y est déroulé un événement qui occupe à ce point la mémoire collective qu'on ne l'oubliera pas de sitôt. le Monde est venu, et continue de venir, à Waterloo, qui a essaimé sur la planète où villes et lieux portent son nom.
Je regrette toutefois que l'auteur, dans son chapitre « Waterloo, terre de combats ? », ait omis de mentionner une autre fameuse bataille qui, selon des sources « authentique », aurait opposé les armées de Jules à des Belges, lesquels étaient accompagnés d'invités de marque venus d'un village d'irréductibles gaulois ! (lire à ce propos l'« essai » très documenté de messieurs Goscinny et
Uderzo : Astérix chez les Belges !)
Ah, si seulement tout cela s'était joué sur une simple partie de croquet ! Les lecteurs du présent livre me comprendront !
(PS : remerciements à Babelio et aux éditions Jourdan)