Lecture incontournable pour tout adepte de
David Vann (dont moi),
le bleu au-delà – traduit par
Laura Derajinski – est bien plus qu'un recueil de nouvelles complétant le chef d'oeuvre
Sukkwan Island : c'est un accompagnement de l'auteur dans la réflexion permanente qu'il mène sur son père, et une clé d'entrée supplémentaire dans son oeuvre atypique.
Dans ce court recueil de novelas et autres petits textes, Roy c'est-à-dire le jeune David, convoque ses souvenirs et parfois son imaginaire pour tenter de comprendre toujours un peu mieux James Fenn, ce père qui a choisi le suicide et qui hante depuis sa vie et ses livres. Sa relation avec les autres est toujours complexe, que ce soit avec sa première femme, celles qui ont suivi, son frère, ses parents ou amis… Les souvenirs du jeune Roy lui reviennent, éclairés d'angles nouveaux de compréhension.
Ses liens avec son territoire, l'Alaska, sont profonds et intimes. Roy-David va y retourner pour y retrouver les lieux de son enfance et les gens qui ont vécu l'époque, mais avec un sentiment étrange : « Un autre monde : c'est chez lui et en même temps ailleurs, l'endroit du suicide de son père ».
Mais au-delà de cette introspection intimiste, on retrouve dans
le bleu au-delà tous les grands marqueurs de l'oeuvre de Vann : le suicide bien sûr, mais aussi la pêche, la chasse, l'oncle tutélaire, la nature et la montagne, les armes ou l'Alaska… Autant de thèmes repris ensuite dans Goat Moutain,
Désolations,
Aquarium ou
Un poisson sur la lune. Lire
le bleu au-delà, c'est un peu comme réviser son
David Vann avec un recueil d'annales thématiques, le style et l'émotion en plus. Et se rappeler que toutes les relations père-fils sont fragiles : « Nous n'avons peut-être jamais été assez généreux avec le père. Un père, après tout, est une chose difficile ».