AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'obscure clarté de l'air (76)

Nout sans battements de cœur, sans pouls. Il devrait y avoir un élan lourd et poussif, rythmé et rassurant, un cœur géant suspendu loin au-dessus d’eux et loué comme un soleil, chaque oreille tendue dans cette direction, une façon de mesurer les distances. Tous les voyageurs avalés à son approche, secoués tandis qu’ils avanceraient, s’éloigneraient, et lorsque les battements se mêleraient indistinctement à ceux de leur propre cœur, l’aube nouvelle naîtrait et le soleil serait vénéré à sa place. Chaque jour, Nout oubliée, et chaque nuit, revenue dans les mémoires.
Mais Nout n’est jamais entendue. Il n’y a pas de pouls, rien à suivre, aucune façon de mesurer les distances, de se repérer dans ce long passage. Nout refuse toute forme humaine. On peut se représenter un corps de femme, mais ce n’est que le fruit de notre imagination.
Notre propre forme tente d’émerger de l’obscurité, tenant davantage de la menace que de la promesse, néanmoins attendue. Un élément juste au-delà des limites de notre peau, tentant de se solidifier dans l’air et changeant sans cesse. Un élément qui pourrait se mélanger et dessiner un autre élément, une autre forme fusionnée, une croyance en la nuit, l’idée que nous ne sommes pas si séparés, que nous ne sommes pas réduits aux limites de notre propre corps.
Commenter  J’apprécie          30
Le monde vidé, par cette journée liquide et grise, et il semblerait vraiment que Médée soit la seule femme, ou une seule et même femme. Elle va devoir affirmer son individualité.
Commenter  J’apprécie          30
Eson la regarde dans les yeux, courageux, vestige d’un roi perdu, héritier d’un autre. Combien de rois en lui ? Le sang de combien d’autres tyrans ?
Commenter  J’apprécie          30
Seul le métal peut sembler froid alors même qu’il brûle, aucun autre liquide ne peut être aussi lourd. Cette mer pourrait briser le monde, une sorte de plateforme en contrebas qui claque et se plie, et tout précipité, les mers qui s’assèchent, le rivage qui glisse. Qui peut dire ce qui demeure sous la surface, sur quoi repose le monde ?
Commenter  J’apprécie          30
La peur est faite d’attente.
Commenter  J’apprécie          30
Le pêcheur s'agenouille à côté d'elle, son couteau, une ombre œuvrant avec rapidité. Chaque poisson est décapité et vidé, ses entrailles jetées à la mer, ses écailles grattées et poussées en gigantesques constellations parmi les dépouilles de son frère. Saupoudré d'une poussière d'étoiles nées du sang et du sel, nées de tout ce qui est dissimulé, et inconnu. C'est mieux que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. De funérailles parfaites pour un prince.
Commenter  J’apprécie          20
Une foule s'engouffre dans la citadelle, des corps serrés. Trop petite, des murs en pierres sèches aux portes basses et aux allées labyrinthiques, un dédale, pas une citadelle en surplomb, déconcertante à mesure que Médée approche. Sans repères , exaspérante. La fumée des torches, les murs qui bougent dans les flammes, qui semblent changer tandis que les ombres se voutent et se redressent.
Commenter  J’apprécie          20
SON père, un visage doré dans la pénombre. Apparaissant à la lueur des torches au-dessus de l’eau puis s’éclipsant à nouveau. Le visage du soleil, un descendant du soleil. Trahison et rage. Quatre plumets le long de son masque, une dispersion de lumière, une sorte de crinière. Son bouclier de maintes peaux tannées, une obscurité creuse. Sa lance grise, une ligne mince puis disparue. La voile au-dessus de lui gonflée comme la panse d’un bœuf devenu aussi immense qu’un dieu, ses sabots évoluant dans l’eau sans émettre le moindre son.
Rien ne l’arrêtera, Médée le sait. Il a trop perdu. Elle ne peut que le ralentir. Elle se baisse et saisit un morceau de son frère, un avant-bras puissant et étrangement doux, refroidissant déjà, et elle le laisse tomber à la mer, presque sans un bruit, englouti par les éclaboussures des rames.
Elle l’a fait pour Jason et elle en fera bien davantage, elle le sait. Son frère démembré à ses pieds. C’est ainsi que commence le monde.
Du bois sombre dans une eau plus sombre encore, une mer d’encre, des motifs ressentis mais imperceptibles, l’oscillation des vagues à peine entraperçue. Le bois épais sous eux, ses lignes grinçantes. Les épaisses cordes du mât derrière elle, gémissant sous la pression des deux gouvernails. À chaque vaguelette, elle est soulevée, elle retombe et pivote, et Jason et ses hommes réitèrent chaque mouvement un instant plus tard. Tous rassemblés en une seule et même personne, la barbare et ses Minyens. Chaque coque de navire, un foyer.

(INCIPIT)
Commenter  J’apprécie          10
Le soleil grimpe plus haut et les ponts deviennent brûlants, les planches si chaudes qu’elles semblent sur le point de s’embraser. Aucune ombre, aucune voile, aucune brise.

Les hommes moites et luisants, la peau tannée et sombre. La peau de Médée bien plus blanche, qui vire à présent au rouge, douloureuse.

Tout autour d’eux, l’eau en flammes, trop étincelante pour être contemplée, aussi Médée ferme-t-elle les yeux et s’agenouille-t-elle sur le pont, se dissimulant du soleil, attendant que tout cesse. Chaque jour à bord de ce bateau est plus long qu’aucun jour jamais connu. Le périple de son grand-père à travers le ciel sans progression notable, heure après heure, une punition qu’il lui inflige, il tire sur ses rênes, il ralentit et lui fait sentir sa colère, elle qui a détruit sa lignée, mis en pièce le futur roi. Aucune forêt pour l’abriter, ni brouillard, ni brume, ni nuage, ni pénombre, ni refuge bâti par l’homme. Un dieu impitoyable.
Commenter  J’apprécie          10
De ses bras, Médée sculpte le vent et les vagues, elle attire l'eau depuis les profondeurs, œuvre au sein d'un élément invisible. Un vent imperceptible. Sa puissante brute, le plus proche que l'on puisse se sentir des dieux. La colère, et une volonté de tout détruire, et sa source infinie, prenant naissance aux confins du monde.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (345) Voir plus



    Quiz Voir plus

    David Vann

    De quel état d'Amérique est-il originaire ?

    L'Alabama
    L'Arizona
    L'Alaska

    5 questions
    97 lecteurs ont répondu
    Thème : David VannCréer un quiz sur ce livre

    {* *}