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Le livre commence fort avec la fuite de Médée de Colchide. A bord de l'Argo, avec l'équipage de Jason, elle navigue toutes voiles dehors, jetant les morceaux du cadavre de son frère qu'elle a fraichement découpé pour ralentir la traque que son père leur a lancé, celui-ci ramassant les restes de son fils flottant sur la mer. Pour ceux qui connaissent l'histoire de Médée, celle-ci n'est pas entièrement relatée dans l'ouvrage, elle s'arrête à sa fuite vers Athènes et n'évoque pas le passage de sa vie avec le roi Egée.

David Vann occulte également les aventures de Janson en royaume de Colchide, les épreuves qu'il doit accomplir et la manière dont il subtilise la toison d'or à Eétès le roi et père de Médée, ainsi que l'aide que Médée lui procure pour vaincre les maléfices auxquels il est confronté. le focus est donc fait sur Médée, Jason étant relayé au second plan. le portrait qui est fait de lui n'est pas très relisant (pleutre, sans ambition, soumis, sans reconnaissance, infidèle etc...). On notera que sa description se fera tout au long du livre à travers le regard de Médée. Je ne l'avais jamais auparavant imaginé sous ce jour (c'est quand même le chef des Argonautes!).

Avec ce livre, David Vann donne une nouvelle dimension à l'histoire de Médée, lui amputant sa poésie tragique et une partie de sa "pureté". Cependant il lui propose en échange de la couleur (malgré le sombreté du texte), des odeurs, un décor méditerranéen empli de peuplades sauvages. Avec David Vann Médée se rapproche de nous, elle est une femme nouvelle, on la perçoit sous un autre jour, plus contemporain. Il adopte un style haché et des phrases courtes qui ajoutent de la percutions et de la tension au texte. Les scènes sont détaillées et nous immergent dans un monde dans lequel les croyances sont reines et la peur l'instrument principal du pouvoir.
Icône de la femme déterminée, insoumise, résistante face à la puissance masculine écrasante, Médée affiche clairement son mépris pour le pouvoir en place, moquant les moutons qui le suivent. Elle est la révoltée, celle qui se dresse contre la bêtise et la tyrannie. On conviendra bien sûr que le tableau clinique de cette femme est particulièrement préoccupant, mais on ne fait pas de bonnes tragédies sans personnalités extrêmes...

Pour finir je dirai que cette lecture m'a permis de renouer avec un vieille passion un peu délaissée sur laquelle un nouveau regard m'est apporté. J'ai vraiment été embarqué par l'auteur dans l'enfilade des évènements tragiques si magistralement décrits. J'ai aimé Médée, je dois l'avouer, dans sa folie, dans son entièreté, dans son indéfectible détermination. J'ai été écoeuré à vomir sur le pont du navire et effrayé devant sa cruauté. Vous l'aurez compris, David Vann m'a touché de différentes manières par sa façon d'aborder le sujet. Après avoir rendu le livre à la médiathèque, et je n'ai pu m'empêcher d'aller le commander pour l'ajouter sur mon étagère.
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David Vann a choisi de revisiter le mythe de Médée par une approche historique. Son livre se déroule donc à l'époque réelle de Médée (~ -1250 av. JC) et, pour cela, David Vann s'est appuyé sur les dernières découvertes archéologiques "dans un souci de réalisme constant". Et c'est quelque chose qu'il faut bien garder en tête pendant la lecture. Car si Jason et ses argonautes viennent d'un peuple primitif plus ou moins évolué qui côtoie la civilisation égyptienne, Médée, elle, est issue d'un peuple "barbare" et bien plus violent. Au final, David Vann nous offre un face à face de l'évolution, assorti d'une réflexion sur la condition féminine et le corps des femmes.
La lecture de ce livre n'est pas facile et, si on oublie qui est Médée et d'où elle vient, son comportement peut heurter fortement notre sens moral d'aujourd'hui. Mais c'est aussi le genre de livre qui prend toute sa mesure plus tard, quand on l'a refermé, qui nous taraude l'esprit, fermente et qui enfle, enfle... et nous fait réfléchir. À mon avis, c'est le meilleur livre de David Vann et un coup de coeur pour moi mais il risque de déplaire à beaucoup de monde.
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L'obscure clarté de l'air est rien moins qu'une revisite du mythe de Médée par un David Vann qui se fait tragédien.

Bien qu'aimant beaucoup L Histoire, je ne me suis jamais attardée sur la mythologie grecque, très vaste et très complexe.
J'avais bien sûr déjà entendu parler de Jason et les Argonautes, de la fameuse Toison d'or, mais sans avoir jamais eu la curiosité d'en savoir plus.
Ma surprise fut donc grande, dès les premières pages, de découvrir que j'allais enfin faire connaissance avec Médée, petite-fille d'Helios, prêtresse de la déesse Hécate et amoureuse de Jason.
On sait que les récits mythologiques sont empreints de violence, on est donc loin ici d'une histoire d'amour à l'eau de rose.

Médée est une femme puissante, volontaire, une meurtrière prête à tout pour se venger et obtenir ce qu'elle veut, fut-ce en versant le sang de ceux qu'elle aime.

Elle s'enfuit de son royaume de Colchide en compagnie de Jason venu dérober la Toison d'or au roi Éétès dans le but de récupérer le trône de Iolcos, usurpé par son oncle.
Afin de retarder au maximum la flotte de son père lancée à leur poursuite, elle n'hésite pas à tuer son propre frère et à en lancer les morceaux un à un dans la mer.
Médée méprise les hommes de pouvoir et la royauté, se dit elle-même "née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n'être jamais effacée".
Trahie par Jason une fois parvenus à Iolcos, sa vengeance sera terrible.
Elle commettra un crime épouvantable à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui, le complexe de Médée.

C'est une femme féroce mais tellement humaine en même temps, qui met une détermination farouche dans la poursuite de son destin.
Une femme qui veut secouer le joug de l'esclavage dont elle et les siens sont victimes durant leur périple, qui se veut maîtresse de son avenir, respectée et libre.
Un récit dur, fort, mais captivant par sa dimension mythique et historique.
Une plume incisive, percutante qui se met au diapason de la tragédie.
Une lecture belle et difficile à la fois, bien loin de l'Alaska auquel David Vann nous avait habitués.
C'était ambitieux et, à mon sens, c'est réussi !
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Fidèle lectrice de David Vann, je sais depuis longtemps qu'en ouvrant un de ses livres, je ne m'embarque pas dans une aventure où la vie est belle, parsemée de bons sentiments et autres mièvreries littéraires. J'ai l'habitude d'être malmenée sous la plume d'un auteur que je considère comme l'un des meilleurs de la littérature américaine.

Cette fois ci, ma souffrance a été d'une toute autre nature, en découvrant qu'il me proposait le mythe de Médée, sorte de femme fatale de la mythologie grecque.
Ignorant absolument tout du sujet, j'ai dû dans un premier temps aller glaner sur Wikipédia quelques précieux renseignements pour appréhender plus sereinement ma lecture.
Pas à pas, laborieusement, j'ai découvert cette femme descendante du soleil, mais adorant l'obscurité dans ce qu'elle a, à la fois de terrible et de fascinant.

Ce qui m'a frappé dans ce livre est la profusion des détails fournis par l'auteur. L'écriture est minutieuse et violente. Rien ne nous est épargné dans la description des meurtres, des tortures et du sang versé. Certaines scènes m'ont paru insoutenables, me laissant à la limite de la nausée.
Une souffrance, oui, cette lecture me fut douloureuse, mais, n'est- ce pas le propre des grands livres et des grands écrivains d'emmener le lecteur au-delà de là où il pense être capable d'aller ? Je ne peux que regretter mes lacunes qui ne m'ont pas permis d'apprécier pleinement un roman qui m'a cependant beaucoup appris et dont je ressors avec la curiosité d'approfondir mes connaissances pour reprendre dans quelques temps cette « Obscure clarté de l'air » et en goûter pleinement la mortelle saveur.
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J'aime beaucoup les romans de David Vann, leur univers tourmenté, douloureux, parfois violent. Il s'en détache souvent une lumière souterraine, une voix, cette violence n'est jamais gratuite, elle offre des cheminements singuliers.
Tout d'abord, j'ai été surpris de découvrir ce nouveau registre dans lequel l'auteur faisait irruption. Mais au fond, pourquoi s'étonner de cela ? Bien sûr, un écrivain peut aussi s'autoriser à visiter d'autres territoires auxquels il nous a habitué. Mais ici, au final, et après avoir refermé la dernière page du livre, je me suis dit que ce récit restait fidèle quelque part à l'itinéraire torturé de David Vann.
Nous voici plongés de plein pied dans la mythologie grecque, qui met en scène le personnage principal de Médée, lors d'un épisode précis qui dépeint son combat et son désir de pouvoir, son désir de parvenir à ses fins au prix d'attenter à la vie de ses proches., à toutes les fins. Nous sommes ici dans le récit de Jason et les Argonautes, mais David Vann nous en propose une nouvelle lecture.
Peut-être que la mythologie antique nous est peu proche. Peut-être que nous y sommes désormais peu sensibles. Pourtant, elle est riche. On y trouve des reflets de nos vies...
Le personnage de Médée est fort. Je ne sais pas si tout le monde le connaît. L'évocation de ce nom évoque déjà l'image d'un personnage extraordinaire, même si on ne connaît pas précisément le détail de son histoire, du mythe qui va avec, Médée c'est loin d'être une femme tranquille, posée au coin d'une cheminée, tricotant, lisant disant des poèmes, Médée est une femme de pouvoir, mais bien plus encore, son nom inspire la violence, le combat, le sang, la cruauté... C'est une femme meurtrière...
David Vann a ce talent de nous décrire cette femme dans tous ces multiples aspects. Il pose une description solide d'un personnage féminin qui prend sa place dans un univers d'hommes. À ma connaissance, elle incarne dans la mythologie antique un des personnages féminins les plus forts.
Elle est trahie à maintes reprises et se relève, se venge. Oui, mais elle est entière, elle aime aussi entièrement. Elle est simplement irrévérencieuse, révoltée, insoumise, se situant au-dessus des hommes et des dieux. J'adore cette posture antique ! Bon, parfois, elle n'y met pas les formes, mais c'est une question d'époque...
J'ai aimé la force de la narration, cette puissance qu'a eu l'auteur de nous partager sa fascination pour ce personnage totalement ambigu.
Brusquement, David Vann en fait aussi un personnage attachant, n'effaçant pour autant rien de sa cruauté, mais disant aussi son humanité. C'est une relecture féministe du personnage.
Le récit est magnifique, très exigeant, nous emporte dans cette tragédie antique.
J'aime l'écriture de David Vann pour dire les méandres d'un chemin tortueux happé par le pouvoir. J'aime ce récit qui nous pose plein d'interrogations sur cette femme, Médée.
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David Vann, l'auteur des inoubliables Sukkwan Island, Goat Mountain, Désolations… ou encore du récent Aquarium, se lance dans son dernier roman dans un projet un peu fou sur le papier, à savoir une réécriture du mythe de Médée , cette héroïne de la mythologie grecque, fille de roi, divinité aussi meurtrière que tragique.

Médée, figure à la fois meurtrière, humaine et inhumaine, terrible, impuissante. femme des mondes antérieurs, hante cette 'obscure clarté de l'air plein de rage, de bruit et de fureur.

On se laisse vite prendre dans cette plongée dans la folie intérieure de ce personnage hors norme qui refuse d'être soumise à quiconque et qui se doit donc inspirer la crainte voire la terreur.


Nul besoin de connaitre grand-chose en mythologie pour se plonger dans cette histoire qui a priori peut sembler assez éloignée des romans de Vann mais qui en fait épouse les thèmes qu'il a souvent exploré, à savoir les dysfonctionnements familiaux et les tragédies familiales, qu'elles soient contemporaines ou ici mythiques.

Un livre pas forcément facile d'accès mais qui trouve sa vraie place dans une bibliographie aussi intense que cohérente.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une très très très agréable surprise … D'ailleurs je remercie tous les Babeliotes qui par leur billet m'ont fait connaitre ce roman, ont su titiller ma curiosité et m'ont peu à peu convaincue de retenter l'aventure avec David Vann… Entreprise ô combien risquée après ma déception avec Sukkwan Island et aussi, et surtout, parce que j'éprouve une véritable fascination pour Médée … A côté d'Antigone et la reine de Saba, Médée est l'un de mes héroïnes préférées de l'Antiquité.

Parce qu'elle est entière, qu'elle aime passionnément, absolument, au-delà les limites, comme probablement aucun être humain n'aimera jamais. Parce qu'elle est abandonnée par celui qu'elle aime, et que probablement (non pas probablement ! il faut écrire : évidemment) je porte moi aussi cette peur de l'abandon au fond de mes entrailles.
Et puis aussi Médée parce qu'elle est indocile, insoumise, au-dessus des rois, au-dessus des rites qui tiennent lieu de lois dans ces temps reculés. Médée parce qu'elle ose écouter son intuition, son besoin de liberté. Médée parce qu'elle casse les codes, parce qu'elle impose sa violence à la violence de sa condition. Médée parce qu'aucun homme ni aucun dieu ne l'effraie.

Bon pour Jason c'est, vous l'aurez compris, une toute autre chose. Jason ce naïf, ce chien, cet homme sans honneur, subissant sans broncher l'humiliation de l'esclavage. Et pire encore le lâche qui accepte que ses propres enfants sont rejetés et réprouvés, condamnés dès le plus jeune âge à l'esclavage eux aussi et à une vie misérable. Difficile de lui trouver des circonstances atténuantes à ce Jason.

Mais revenons au roman. David Vann raconte la fuite de l'Argo, avec à son bord la Toison d'or, Jason, ses guerriers et bien sûr Médée, l'arrivée à Ioclos, le meurtre de Pélias puis l'exil à Corinthe jusqu'à l'infanticide. Et l'Américain nous propose sa lecture de ce mythe, une lecture résolument moderne et féministe que j'ai beaucoup appréciée.

Je pense qu'il faut connaitre un minimum l'histoire et ne pas être pressé de « connaitre la fin », pour savourer la langue, la poésie, les images de David Vann. Certes il y a ici et là quelques lourdeurs, quelques maladresses (peut-être dues à la traduction ?) mais la poésie de l'ensemble et le plaisir de lecture sont indéniables. D'ailleurs il est difficile de résister à la tentation de recopier des paragraphes entiers pour les mettre en citation …

« L'obscure clarté de l'air », un roman magnifique, au titre tout à fait inexplicable … tout autant que les meurtres qui ouvrent et ferment l'histoire de cette femme qui ne cesse de m'interroger, par-delà les siècles.
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Le tour de force de David Vann c'est de nous plonger au coeur de la mythologie grecque, avec ses dieux, ses demi-dieux, ses héros, les moeurs de l'époque, tout en nous brossant le portrait d'une femme, Médée, étrangement moderne, révoltée contre la tyrannie des rois et celle des hommes et qui ira jusqu'au bout de sa vengeance.

Comme dans tous ses romans les scènes cruelles ne manquent pas, les meurtres s'accumulent, mais sans aucune gratuité dans leur violence. Elles sont là pour illustrer les relations profondément sauvages qui subsistent entre les êtres humains quand la passion s'en mêle. La tragédie qu'il nous relate rejoint et éclaire ses autres récit où le huis-clôt familial débouchait sur le crime, unique échappatoire pour fuir l'emprise de l'autre ou pour se venger.

Encore une fois j'ai été saisie par la puissance du texte, la magie de la langue, qui nous embarque dans cette époque incertaine mais pas si lointaine si l'on explore les méandres de la folie humaine et tout simplement les faits divers dans les journaux…La loi du destin est inéluctable et celui de Médée, femme libre et magicienne, petite fille du Soleil, mais vénérant Hécate, la déesse de la Lune, puisant son pouvoir à sa lumière, est tracé : ne plus être gouvernée mais gouverner, accomplir le monstrueux pour détruire le mensonge. Puissant et bouleversant.
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Derrière chaque grand homme se cache une grande femme… Sage citation qui prend tout son sens dans L'obscure clarté de l'air de David Vann, traduit par Laura Derajinski.

J'avoue que la mythologie ne m'a jamais passionné, et mes faibles connaissances en la matière me rendaient donc les aventures de Jason plus familières que celles de Médée. D'où mon intérêt d'un seul coup éveillé pour le parti-pris de Vann, qui relègue Jason et sa toison au second plan (dans un rôle d'indécis et d'opportuniste assez peu valorisant), pour mieux valoriser la prépondérance de Médée dans l'épopée des Argonautes.

Avec cette subtilité qui signe ses livres, lui permettant de mélanger extrême violence et poésie dans une même phrase, David Vann nous décrit une Médée à la fois belle, forte, cruelle, retors, ambitieuse, aimante, cupide, mère, femme, furie, indomptable, insensible au mal, sorcière… et sublime, jusque dans sa fin.

L'histoire de sa longue errance revisitée en arrière-plan (la fuite de Colchide, Iolcos, Corinthe…) n'est que prétexte à ce portrait à décharge, à cette réhabilitation des siècles plus tard, sous forme de « à défaut de m'aimer, comprenez-moi ». La lecture n'en est pas simple : il faut entrer dans cette atmosphère particulière et passer le cap des cent premières pages pour s'y habituer et trouver ses repères. Alors la lecture devient plus simple.

Ai-je aimé ce livre ? Je n'en suis pas sûr. Mais j'ai – une fois de plus – apprécié l'incroyable talent de David Vann, virtuose capable de m'étonner à chacun de ses livres.
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Une adaptation moderne de l'histoire de Médée, puisant ses racines dans la tragédie grecque d'Euripide et l'épopée des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes. Médée, prêtresse d'Hécate et magicienne redoutée, permet à Jason et ses Argonautes de dérober la Toison d'or à son père Éétès, roi de Colchide. le roman débute alors qu'ils fuient à bord de l'Argo et que Médée, pour ralentir son père et son armée, assassine son propre frère pris en otage et jette morceau par morceau son corps démembré à la mer. Puissante entrée en matière qui annonce le ton et la rage meurtrière de ce roman.

S'ensuivent comme dans le mythe, une succession de fuites et de morts, à travers les mers et les royaumes. le récit se focalise sur Médée, sur sa fureur et son ambition dévorante, son amour pour Jason combiné à une rare misandrie. Elle veut défaire les rois, être roi elle-même à la manière d'Hatchepsout, femme pharaon qui porta la barbe. Et cette ambition la conduira à dépasser bien des tabous, à commettre les pires horreurs pour tenter de parvenir à ses fins et rester fidèle à ses choix. Si le personnage de Médée est particulièrement fort et bien travaillé, il écrase aussi tous les autres, à commencer par Jason et les Argonautes vus comme des « esclaves-avortons ». Cette focale extrêmement subjective est évidemment un parti-pris de l'auteur, mais elle dénature un peu le mythe.

Le style d'écriture se rapproche énormément du précédent « Goat Mountain », avec ces phrases acérées jetées en pâture sans aucun verbe ni fioriture. Si ce style incisif m'avait séduit initialement, j'ai trouvé ici que l'effet d'accumulation nuisait au récit, confinant par moments à l'exercice de style. Enfin, la construction narrative paraît déséquilibrée, avec une première partie assez lente et presque sans aucun dialogue qui occupe les deux-tiers du roman, suivie d'une seconde partie bien plus dynamique avec des ressorts dramatiques plus nets et davantage d'interactions entre les personnages.

« L'Obscure clarté de l'air » reste un roman très original, dans son traitement narratif comme dans sa langue, et qui, malgré quelques défauts formels et des choix discutables, manipule habilement tous les engrenages de la tragédie grecque.
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