Plus jamais petite

Elle s'appelait Britney. Avant. Il y a longtemps. Avant que son père commette l'irréparable. Avant qu'il la brise et lui fasse promettre de se taire. Avant que sa mère mette la main sur son journal intime et comprenne pourquoi sa fille semble si triste, si différente depuis la naissance de sa petite soeur. Ça n'a rien à voir avec la place qui lui a été usurpée. Ni avec les bouteilles d'alcool de plus en plus nombreuses que laisse derrière lui le père de ses filles.

Elle s'appelait Britney. Comme la correspondante de son père, à une époque où une autre Britney ne brillait pas encore. Mais elle n'a plus de père, à peine un géniteur, duquel il ne reste qu'un prénom qu'elle a du mal à prononcer à l'heure où elle a décidé de mettre fin à ce qui l'unit encore à lui en se rendant à la prison où il purge sa peine.

Elle s'appelle Lucie. Lucie, parce que ça signifie « lumière » et qu'elle ne veut plus vivre dans la noirceur ou dans l'ombre. Elle le lui dira. C'était la dernière chose qui la retenait à lui : le prénom qu'il avait choisi.

Elle s'appelle Lucie et elle est prête à affronter pour la dernière fois cet homme qui a abusé d'elle. Qui n'a rien d'un père et tout d'un monstre.

Elle n'est plus petite depuis longtemps. Aujourd'hui, elle va devenir grande.

Sévérine Vidal signe ici un roman sobre, fort, bouleversant. Qui donnera peut-être le courage à certaines (et certains) de parler. Même si trop de mères, il y a encore peu de temps, ont été des complices et ont incité leurs filles à se taire, ou pire encore, les ont accusées de menteuses. Je pense à deux d'entre elles, dont j'ai été proche il y a une dizaine d'années, à l'heure où elles étaient mères d'adolescents, tout en n'ayant jamais réussi à guérir tout à fait de cet abus.

J'aurais aimé offrir ce livre à leurs filles.
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Lucie attend, on comprend rapidement qu'elle est devant une prison et retarde le moment d'aller voir son père. Il lui faut du courage pour l'affronter, pourtant elle est décidée à y aller et à y aller seule. Pourquoi cette peur et pourquoi cette détermination ? On l'apprendra très vite...

Une belle histoire très dure mais racontée avec pudeur et très bien écrite. le sujet n'est pas nouveau mais l'accent est vraiment mis sur le courage de l'adolescente qui a fait un travail sur elle-même et veut se prouver qu'elle n'a plus peur d'être face à son père.

Ce texte est désormais publié dans la collection "Court toujours" et c'est en effet un monologue d'une traite dans lequel une adolescente, Britney-Julie, attend la visite avec son père au parloir de la prison et revit en pensée ce qui a amené son père ici, ce qu'il lui a fait vivre au moment de la naissance de sa petite soeur et pas seulement à cause de l'alcool.
Le récit est d'autant plus fort qu'il n'y a aucune ambiguïté, aucun doute pour l'héroïne sur la culpabilité de son père et sur l'horreur de ses gestes. On sent sa rage, sa colère, sa haine même pour son géniteur avec lequel elle est venue rompre définitivement. C'est aussi une chronologie assez exemplaire avec le journal intime découvert par la mère, la plainte déposée, le soutien des amis et de la grand-mère, personne ne remettant en cause sa parole. Je pense que ça peut faire du bien à lire à une victime avec une issue juste et rapide (pas forcément réaliste malheureusement...).

Un petit roman essentiel, car parler d'inceste n'est pas évident. Miley s'est rebaptisée Lucie, parce qu'elle veut aller vers la lumière, sortir de l'ombre et avancer. Elle veut revoir son père une dernière fois, pour se débarrasser de lui. On la suit devant la prison, où ce dernier purge sa peine, elle avance doucement vers son but et s'en éloigne une fois atteint. En parallèle, l'histoire vécue en amont se redessine doucement. Les événements, les protagonistes, la mise à jour de l'innommable et la réception de la terrible nouvelle par une mère qui prend la mesure de l'horreur, qui écoute et accompagne. Tout comme l'amie de Lucie.
Roman court, brut, à l'écriture fluide et puissante, qui encourage la libération de la parole et propose un chemin de résilience assumant une part de colère pour mieux se détacher des attaches et de la honte.

Lucie est devant la prison. Elle cherche dans ses souvenirs et ses blessures la force d'affronter cet homme derrière les barreaux, cet homme qu'elle a autrefois appelé son père mais qui a cessé de l'être lorsqu'il lui a volé son innocence. Acte thérapeutique, cette confrontation doit l'aider à avancer.
Plus jamais petite est une nouvelle puissante, intense, qu'on lit d'une traite, le souffle suspendu, les larmes aux yeux jusqu'à ce que la dernière page tournée nous permette enfin de nous laisser aller. L'émotion tangible de Lucie confronte le lecteur à l'impensable, l'innommable et pourtant si véritable crime de l'inceste.
Avec pudeur, mais également justesse, Séverine Vidal raconte la douleur d'une adolescente trahie par celui qui aurait du être son protecteur, l'impossibilité de pardonner et la nécessité de parler. Après la compréhension et la bienveillance d'une mère, d'une grand-mère, d'une amie, la déclaration au commissariat sonne comme une nouvelle agression et rappelle combien la parole des victimes est encore trop souvent banalisée, car trop souvent reçue par un personnel non sensibilisé et non formé.
Initialement publié chez Oskar éditions, Plus jamais petite, trouve sa place dans la collection Court Toujours des éditions Nathan par son sujet grave qui résonne terriblement avec une actualité encore trop présente.
Je remercie Séverine Vidal et les éditions Nathan pour l'envoi de cette nouvelle bouleversante.


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50 pages, une heure de lecture pour un récit percutant destiné principalement aux 15/25 ans : voici ce que propose la collection Court toujours de chez Nathan.

Reçu ce matin à la bibliothèque, fraîchement filmé et déposé sur la table des nouveautés, je crois bien que « plus jamais petite » n'attendait que moi.

Je l'ai lu en cet après-midi caniculaire et malgré les 42 degrés affichés sur le thermomètre extérieur … j'ai frissonné jusqu'à la dernière page.

Lucie attend sur le banc des visiteurs de rencontrer son père en prison. Elle doit le voir, elle doit l'affronter. Elle qui a changé de prénom, qui a abandonné celui que son père avait choisi pour elle a sa naissance au profit d'un prénom signifiant lumière.
Elle veut briller auprès de son père, elle veut être en vie, lui montrer qu'il ne lui a pas tout pris.

Il est évidement question d'inceste, et de reconstruction.

En le rendant à la bibliothécaire, elle m'a demandé discrètement : « ça va ? ». J'ai bafouillé que c'était bouleversant. Elle m'a fait un clin d'oeil. Je crois qu'elle l'a lu ce matin avant de le préparer à rentrer dans le grand bain de la bibli… ce n'est pas pour rien qu'il était si bien mis en évidence.

Le dernier roman que j'ai lu sur l'inceste, Les longueurs (qui vient d'ailleurs de gagner le prix Vendredi), m'avait laissée mal à l'aise plusieurs jours et je n'étais pas certaine d'avoir envie de replonger dans une histoire à ce sujet, connaissant par ailleurs la propension de Séverine Vidal pour mettre l'émotion au coeur de ses récits. Je me suis néanmoins lancée dans cette courte plaquette et… si j'en suis ressortie soufflée, j'étais aussi plus apaisée.
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