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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou sur les blogs, il n'est plus question que de rentrée littéraire qui débarque de plus en plus tôt sur les étals de nos librairies avec une cohorte d'ouvrages grands formats reléguant les collections de livres de poche dans les rayonnages. Si vous n'êtes pas encore enfiévré par cette quête des nouveautés et si vous fouinez un peu, peut-être aurez-vous la chance de dénicher un roman de Jean-François Vilar. Peu importe le titre, prenez-le. Vous ne le regretterez pas car il s'agit de romans noirs d'une grande envergure tant au niveau de l'écriture qu'au niveau de l'intrigue où l'on perçoit l'engagement politique de l'auteur comme militant trotskiste. Durant les vingt-et-une dernières années de sa vie, Jean-François Vilar n'a publié que deux nouvelles et on peut se dire qu'avec un roman comme Nous Cheminons Entourés de Fantômes Aux Fronts Troués, publié aux éditions du Seuil en 1993,il n'avait peut-être plus rien d'autre à ajouter en parvenant au sommet de son art. Evoquant notamment l'écrasement du Printemps de Prague, dont on "célèbre" les 50 ans, Nous Cheminons Entourés de Fantômes Aux Fronts Troués aborde, avec une certaine forme de désenchantement empreint de nostalgie, plusieurs époques révolues comme la lutte des proches de Trotski qui doivent survivre à Paris en 1938 ainsi que l'effondrement du mur de Berlin en 1989 et cette fameuse révolution de Velours qui précipita la chute du Parti communiste tchécoslovaque.

En 1989, après trois ans de captivité, le photographe Victor Blainville débarque à Paris avec son compagnon d'infortune Alex Katz. On parlerait bien de cette libération des deux otages, mais l'actualité se trouve soudainement chamboulée avec l'annonce de la chute du mur de Berlin. Déboussolé, Victor peine à retrouver ses repères, ceci d'autant plus que son appartement a été complètement vidé. Tant bien que mal, la vie reprend son cours lorsque survient la mort d'Alex. Un malheureux accident ? Une exécution ? Qui peut le dire ? Victor trouvera peut-être la réponse dans le mystérieux journal du père d'Alex qu'on lui a confié. Rédigé en 1938, il découvre les événements d'une autre époque qui semblent faire écho à cette période chamboulée. Et si l'histoire n'était qu'un éternel recommencement ? Un adage funeste où les fantômes se rappellent aux bons souvenirs de ceux qui survivent.

Il s'agit bien d'une balade à la fois funèbre et poétique dans ces rues de Paris qui deviennent des lieux ou plutôt des liens de transition pour passer d'une époque à l'autre en déterrant les secrets enfouis dans les méandres de l'histoire. Bâtiments, monuments, tout est prétexte pour suivre les pérégrinations hasardeuses de Victor Blainville ce photographe presque désinvolte dont on ignore les circonstances de sa captivité qui l'a éloigné de Paris durant trois années. Un mystère de plus pour ce guide étrange, presque las de tout, dont le nom rend hommage à Marcel Duchamp qui fait partie de ce courant surréaliste que l'auteur affectionne tant. Il en sera d'ailleurs constamment question tout au long du récit où nous aurons l'occasion de croiser André Breton, Salvatore Dali, Paul Delvaux et bien d'autres notamment au cours de cette première exposition internationale du Surréalisme se déroulant en 1938. Une année charnière de l'intrigue puisqu'il s'agit également de la période où Lev Sedoy, le fils de Trotsky, meurt dans d'étranges circonstances qui seront évoquées sous la forme d'un mystérieux journal qui ne recèle que la « vérité » de son auteur mais qui va offrir à Victor une espèce d'échappatoire salutaire. Engagements et trahisons, Jean-François Vilar met en scène avec une belle intensité tous les aléas d'une lutte dévoyée qui n'a plus rien de révolutionnaire mais dont l'inspiration reste éternel. Texte érudit mais complètement accessible, c'est par le prisme de cette littérature noire que l'auteur parvient à secouer l'histoire dans le choc des circonstances et des rencontres improbables. de l'audace des surréalistes aux conflits larvés entre staliniens et trotskistes, des étreintes dans un hôtel que fréquentait Burrough et Kerouac à l'effervescence de cette Révolution de Velours, Jean-François Vilar romance l'histoire avec le talent de celui qui en maîtrise toutes les arcanes dans un entrelacs d'époques qu'il nous projette au travers d'intrigues qui ne doivent pas forcément apporter toutes les réponses. Dans ce labyrinthe de rues et de passages obscurs, le lecteur s'égare ainsi dans l'incertitude de personnages refusant de livrer tous leurs secrets et va cheminer, parfois en vacillant, entourés de fantômes et de regrets mais avec la conviction d'avoir découvert un grand roman noir que l'on ne pourra pas oublier.

Jean-François Vilar : Nous Cheminons Entourés de Fantômes Aux Fronts Troués. Editions du Seuil 1993. Edition Points 2014.

A lire en écoutant : Body And Soul de John coltrane. Album : Coltrane's Sound. 1964 Atlantic Records.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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Quel beau titre pour ce roman de Jean-François VilarNous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués… Cette phrase-titre provient d'une citation de Natalia, la femme de Léon Trotsky et fait référence aux militants assassinés par la police de Staline.

Une histoire de chemins parcourus et de souvenirs en marge de l'Histoire avec un grand H…
Les quelques 1021 jours et nuits d'intimité forcés entre deux hommes qui ne se connaissaient pas mais qui sont devenus otages ensemble : Victor et Alex…
Tout un univers de roman noir, des flics déguisés, des agents doubles, des femmes mystérieuses, des fausses-pistes… Une enquête en forme de déambulation, paradoxale pour Victor qui déteste l'idée même de voyage, deux intrigues qui se télescopent au gré d'un croisement du passé et du présent et du hasard.
Une belle plongée dans l'entourage d'André Breton et de Man Ray et dans le quotidien de jeunes militants trotskystes pleins d'idéaux, épris de liberté… Une histoire d'amour et de trahisons avec la menace nazie en filigrane…
Des personnages sombres, auréolés de mystère et de non-dits, dont un médecin-flic, une journaliste d'origine tchèque et un vieil homme, réalisateur de télévision à la retraite…
Un café parisien…

Une écriture à la première personne, sans concession, désabusée. C'est Victor qui raconte ou plutôt, s'il s'écoutait, qui ne voudrait rien dire… Il a tout de l'anti-héros, photographe pigiste sans grande envergure. C'est par pur hasard qu'il a vécu trois ans de détention à l'autre bout du monde… À son retour, en novembre 1989, il ne reconnaît plus Paris à l'heure où tombe le mur de Berlin et où s'effondre l'Europe de l'Est et il ne comprend pas la surveillance policière dont il fait l'objet.
Alors, pour éviter de nous ennuyer avec la gestion de son stress post-traumatique, il se plonge et se réfugie dans la lecture d'un journal intime rédigé en 1938, entre surréalisme et révolution… Ce journal est celui d'Alfred Katz, le père de son camarade de captivité, mort à son retour dans de drôles de circonstances.
Les dialogues sont savoureux, les descriptions à la fois détaillées et évocatrices. La personnalité du photographe transparait dans le récit, dans la transcription de la lumière ou des contre-jours, dans le rendu des physionomies.
Jean-François Vilar nous balade et nous captive dans ce roman introspectif, didactique, historique et très humain.

Ce roman est le dernier volet d'une trilogie très remarquée qui met en scène Victor Blainville, photographe de presse et enquêteur, flâneur, dilettante, au regard aiguisé ; c'est par pur hasard que si j'ai commencé par la fin ; je vais me procurer rapidement les deux premiers : C'est toujours les autres qui meurent et les Exagérés.



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