Emprunt à la Bibliothèque Buffon- 3 novembre 2022
Une sorte de fable surréaliste, déjantée et poétique sur le " dur métier de vivre " pour un jeune homme , tentant de trouver du sens à sa vie !
Période où je m'immerge à nouveau dans la prose aussi colorée que réjouissante de Thomas Vinau ...
Nous allons être "embarqués " par les tribulations de ce jeune étudiant croisant par hasard , un vieux loup de mer...tout aussi marginal et hors du " jeu social " que
lui- même !!...
"Parfois il n'y a que ça à faire. Sortir. Même si on ne sait pas pourquoi. Même si on ne sait pas où aller.Sortir. Surtout de soi. de son crâne tiède. S'échapper. Mes potes et moi on avait tous lu ce livre- là qui plaisait beaucoup à l'époque
" L'
Éloge de la fuite".C'était un essai
d'
Henri Laborit, un des seuls essais que j'avais lus jusqu'au bout.Et pour cause. le gars racontait que la fuite était était la meilleure solution. (...)
Pablo, Charles et moi étions méchamment d'accord.C'était prouvé scientifiquement, esquiver le monde était la solution. Fuir le réel avait été jouable jusqu'à présent. La plupart du temps en tout cas."
Le narrateur, un jeune homme, étudiant pas très convaincu, fait des petits boulots pour " survivre", entre présence épisodique aux cours, travail dans une friterie, glandouille diverses, fumettes et virées avec les potes !!...
Toutefois, il gamberge sur son avenir, sans grand résultat, en dehors d'un unique besoin irrépressible : ce
lui d'écrire , encore et encore !..
......jusqu'au jour, où un " drôle d'oiseau"
lui tombe dessus, au propre comme au figuré...Un vieil original, qui déambule dans la ville, qu'il croise plusieurs fois à la terrasse d'un café, buvant des " rosés ", en noircissant un calepin de notes et de dessins...Notre jeune narrateur, trop intrigué, se décide à
lui suivre...Ce vieil original se glisse , en grimpant sur un mur , dans un parc clos, sauvage, mystérieux...
Et voilà notre étudiant transformé en " enquêteur "...trouvant les manies et les allées et venues du vieil homme, trop insolites !
Il ne sera pas déçu....il se retrouvera dans une sorte d'espace caché, protégé...tenant du jardin sauvage , du lieu magique de l'enfance et de l'arche de
Noé; une sorte de domaine extraordinaire aménagé par " un savant
fou" !!
Au fil de ses filatures, le narrateur a donné un surnom à " l' objet de toutes ses curiosités ": Marcello ( en songeant à l'acteur beau , ténébreux et mystérieux que représente pour
lui, Mastroïanni).
..C'est ainsi, qu'au fil de la narration, le narrateur
( auteur?) nous fait partager sa passion des plus enthousiastes pour le cinéma, et plus particulièrement, ce
lui de Frederico
Fellini...
Une lecture singulière, pleine de fantaisie comme d'accents de gravité ...Un récit qui parle de façon débridée de questionnements existentiels , mais aussi des " solitudes urbaines"...Avec de magnifiques passages sur l'Écriture et ses pouvoirs...Les mots, transformant la réalité et surtout cette Ecriture qui " donne SENS" à notre jeune narrateur, en recherche...
Toutes mes excuses pour le très long extrait qui clôturera cette note de lecture...cependant j'y tiens, car il est parmi mes préférés, dans les abondants soulignements qui ont parsemé cette étonnante lecture !
"J'avais un carnet, pour poscaster et écrire deux ou trois lignes en tentant de capter quelques détails, de mettre un peu d'ordre dans tout ça. (...)
Ce n'était pas un hobby mais une nécessité. Il fallait que je prenne des notes , que j'écrive, que je marque et traduise pour capter, dans tous les sens du terme, quelque chose.Dans ces moments, je mettais ma foi et mes forces à me prendre pour
Henry Miller ou Céline , Kafka,
Maupassant ou
Koltès et, étonnamment, je n'y arrivais pas.Mais j'essayais.Jusqu'à ce que je déteste le résultat. C'était le seul domaine dans lequel j'acceptais d'aller au bout.Parce que j'en avais besoin.Parce que c'était plus grand que moi, plus grand que les cailloux noirs dans mon ventre, plus grand que cette farce humaine et sociale, plus grand que l'horreur de l'injustice, plus grand que toutes les hypocrisies, même la mienne.Plus grand que mes peurs aussi.Parce que c'était beau et que ça me consolait, me faisait rêver, penser et sentir, me donnait l'illusion d'avoir une place et d'y être infiniment meilleur.
Parce que toutes les lumières et toutes les ombres se mêlaient dans les mots.Parce c'était la littérature, donc l'art, donc la seule vie qui vaille, l'unique construction humaine à laquelle je voulais bien croire.En secret."