Je reviens après des années, au café
où je recueillais les empreintes du monde.
Le garçon est là toujours, éternel dans son gilet lie-de-vin.
La boîte aux lettres au coin de la rue, vide de tout
excepté de moi.
Les arbres me frappent de la beauté de leur vieillesse
(Un jour ils mourront mais je n’en serai pas témoin).
Je suis venue te dire adieu, dis-je au garçon,
qui m’interroge sur ma vie, comme un ami de plus.
Je n’appartiens plus à ce lieu
(je n’appartiens à aucun, pense pour sa part
la mélancolie, mais je ne le lui dis pas)
et j’écris une longue lettre sur une feuille d’agenda,
au frère que je n’ai pas eu (ou qu’on m’a enlevé),
tout en buvant mon café
et je dessine des nez sur des serviettes en papier.
Avant que la vraie nuit froide ne m’avale
je laisse tomber la lettre dans la boîte.
L’insistance de ce que je suis tient – muette –
dans cet acte minuscule.
Je laisse derrière un éclat ou son souvenir
(c’est la même chose)
comme une lumière de fable.