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EAN : 9782211053167
94 pages
L'Ecole des loisirs (24/03/2001)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Depuis la nuit des temps, en Russie, les bylines, ces récits épiques chantés par les bardes au son des gousli, enchantaient et terrifiaient les enfants. À l'aube du XXe siècle, les bardes se sont tus. Ce recueil est le premier à leur rendre hommage, à leur redonner la parole, mais aussi à réinventer leur univers. Comme si les bardes oubliés chantaient ici et maintenant. Ilia Mouromietz est leur héros, éternel, et moderne. Un héros éternel parce qu'à l'image des autr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"En passant par là, nous avons vu partout d'innombrables tas d'ossements et de crânes humains. [Kiev] était autrefois très riche et peuplé, mais il n'en reste presque rien. A peine deux cents maisons, dont les habitants vivent en dur esclavage."
(Giovanni Carpini, légat du pape Innocent IV, 1240)

La légende raconte que là où coule le fleuve Dniepr s'étendait autrefois la mer. Un jour, St. André a planté une croix à l'endroit où se trouve encore aujourd'hui l'église qui porte son nom, et la mer s'est alors retirée, permettant de bâtir la ville de Kiev. On ne sonne jamais les cloches de l'église de St. André, de peur que la mer revienne et qu'elle engloutisse la belle ville de Kiev chargée d'histoire.
Ville qui était autrefois la capitale de la Russie, cette Russie archaïque qui a survécu dans les chants épiques, dans les tableaux de Victor Vasnetsov et dans les charmantes illustrations d'Ivan Bilibine, pleines de roubachkas brodées, magnifiques coiffes hautes, casques pointus et cottes de maille.
Cette légendaire "Russie kiévienne", qui a duré un demi-millénaire, a connu son âge d'or sous le règne de Vladimir le Beau Soleil, et qui a été anéantie par les invasions mongoles au 13ème siècle, comme en témoigne l'émissaire du pape en voyage chez le khan mongol.

Les Tatars de la Horde d'or étaient une menace permanente pour la Russie chrétienne orthodoxe, il n'est donc pas étonnant que le folklore de ce pays est si riche en récits sur les faits des bogatyrs, ces héros nationaux regroupés autour du prince Vladimir. le riche marchand Sadko (une sorte de Sinbad russe), Dobrynia Nikititch (connu pour son ouïe hors-pair, vainqueur du terrible dragon Gorynitch), le malin Aliocha Popovitch, le beau Churila Plenkovitch, mais avant tout, le courageux Ilia Mouromietz, qui faisait voler les Tatars dans les airs comme des fétus de paille. C'est d'ailleurs le seul qui a été canonisé par l'église orthodoxe, au 17ème siècle.
Leurs histoires étaient racontées dans les bylines, ces chants épiques transmis d'une génération à l'autre par les bardes nationaux, et elles représentent une part importante du patrimoine culturel russe, depuis que ces chanteurs barbus ont déserté la campagne russe à la fin du 19ème siècle.
Antoine Volodine (sous le pseudo d'Elie Kronauer, cette fois) est donc une sorte de barde "post-exotique" (pour utiliser ses propres termes), qui ravira avec son "Ilia Mouromietz" tant les traditionalistes que les amateurs de son "Terminus radieux". Ce livret est très court, un épisode de la vie héroïque d'Ilia, et c'est avant tout une belle narration poétique.

Ilia de Mourom reste immobile jusqu'à ses trente ans, mais après avoir offert l'hospitalité aux trois vieillards magiques, il se lève de son lit, doté d'une force surnaturelle. Il va donc se rendre à Kiev, pour proposer ses services au prince Vladimir le Beau Soleil. Beaucoup d'aventures l'attendent en chemin, notamment la traversée de la forêt noire habitée par le redoutable Rossignol Brigand, dont le sifflement fait ployer les arbres, obscurcit le ciel et fauche tous les êtres vivants à des verstes alentour. Ce Rossignol Brigand (Solovieï Razboinik, en russe) a trois filles (les lecteurs du "Terminus" s'en souviennent...), mais Ilia va déjouer leurs pièges et emmène le brigand capturé devant le prince Vladimir. Celui-ci, incrédule, va demander au Rossignol de siffler, ce qui va presque lui coûter la vie... mais tout finit bien, et Ilia de Mourom est officiellement admis dans le cercle des bogatyrs.
Volodine/Kronauer ne raconte pas ses autres aventures, mais ce ne serait pas lui s'il n'avait pas insufflé une charmante dimension (d'autant plus amusante, si vous connaissez l'original) post-nucléaire, post-Tchernobyl... bref, "post-exotique" (même si j'avoue que la définition de ce terme m'échappe encore) à sa réécriture de cet épisode.
Les parents d'Ilia ne travaillent pas dans les champs, mais dans les "caves empoisonnées", on va voyager de la "Petite Centrale" à la "Grande Centrale" du secteur de Kiev, en passant, bien sûr, par Levanidovo, où les filles du brigand habitent dans les immeubles délabrés.
Mais étrangement, rien de tout ceci n'est gênant et cette byline post-apocalyptique se tient parfaitement. Peut-être est-ce une preuve que ces bogatyrs sont immortels...

Je ne sais pas comment noter... C'était bien, mais court, trop court, un bref passage d'un barde qui vous donne envie de l'écouter, puis range sa gusle radioactive un peu trop vite. Mais comme la pizza était bonne et le film "Ilia Mouromietz" d'Alexandre Ptouchko (1956) que j'ai regardé juste après encore meilleur, ça m'a mise d'excellente humeur, alors 4/5. Илья Муромец, молоде́ц !
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Quinze ans avant Terminus Radieux, le premier héros pour enfants des temps nucléaires.

Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/09/14/note-de-lecture-ilia-mouromietz-et-le-rossignol-brigand-elli-kronauer/
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et ainsi, le temps qu'un sablier s'écoule, il arriva en haut d'une colline.
Il regarda en direction du sud-ouest, il scruta la route qui conduisait au secteur de Kiev.
Dans la distance, il distinguait les boulevards et les habitations et les champs d'orge orange et les jardins d'absinthe du secteur de Tchernigov, et les voies ferrées et les ateliers de mécanique qui prolongeaient la Moyenne Centrale, les usines à pain et les usines à anthracite et à mercure, les dépôts de vêtements, les écoles, et il voyait aussi que tout cela tremblait sous une brume de peur, car le secteur se trouvait encerclé par une puissance invincible et obscure, très , très obscure.
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Autrefois, dans le quartier russe, il y a bien longtemps, au nord-est du vieux quartier russe de Mourom, dans la rue Karatcharovo, vivaient un homme de bien et sa femme, elle aussi une femme de bien, tous deux paysans et travaillant dur nuit et jour, semant des herbes dans les ruines et les récoltant, plantant des absinthes et des raves au pied de la Petite Centrale et les récoltant, et ils eurent un fils, connu sous le nom d’Ilia, fils d’Ivan, Ilia Ivanovitch, et plus tard célébré dans les chansons des chanteurs, plus tard appelé tout simplement Ilia de Mourom, ou encore Ilia Mouromietz, ce qui est une autre manière de dire la même chose. Ilia avait déjà trente ans et il avait des jambes, mais pas moyen de marcher avec, et il avait des bras et des mains, mais pas moyen de s’en servir pour tenir ou pour prendre, pas moyen de s’en servir pour se défendre, et il restait là, dans la rue Karatcharovo du secteur de Mourom, allongé, et il attendait sans bouger, depuis déjà trente longues, très longues années.
Dans ce fameux été, dans ce bel été où se passe l’histoire, la vieille mère d’Ilia de Mourom partit travailler dans les terrains vagues, sur les champs de ruines, elle partit gratter les cendres et la terre amère qui s’étendaient près de la Petite Centrale du quartier russe, elle partit voir à quoi ressemblaient les épis de maïs et les légumes qu’elle avait plantés durant le printemps, les choux blanchâtres et les absinthes, les cives jaunes et les radis amers et les potirons en forme de grenade, et le père d’Ilia Mouromietz s’en alla vers les caves empoisonnées où il cultivait du riz amer et du riz bleu, et des liserons d’eau saumâtre et des lentilles roses, et ils laissèrent derrière eux Ilia de Mourom, dans la maison de la rue Karatcharovo où tous les jours il attendait sans bouger leur retour, où tous les jours dans la solitude il attendait avec ses mains qui ne pouvaient pas saisir le moindre objet, avec ses jambes qui ne le portaient pas.
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Afin de ne pas trahir ce qui constitue une des plus belles matières orales dans l’histoire littéraire de l’humanité, Elli Kronauer a donc à son tour endossé les habits d’un chanteur de bylines, et il a choisi de réinventer le monde épique comme seul un barde aujourd’hui aurait osé l’imaginer, si la tradition des bylines avait continué jusqu’à la fin du XXe siècle : en y introduisant des objets contemporains, et surtout une manière de voir (et d’entendre) qui tienne pleinement compte de notre expérience historique récente.
La mémoire poétique d’Elli Kronauer est la même qu’il y a un siècle, mais Auschwitz, Hiroshima, Tchernobyl ont eu lieu et ont laissé sur notre monde des marques indélébiles. C’est pourquoi on ne peut plus croire de la même manière aux valeurs et aux choses du monde, ni les dire de la même manière.
La mémoire est la même, mais elle a changé. Les bylines d’Elli Kronauer sont russes et conformes à leur modèle original, mais elles sont différentes.
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