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Citations sur La guerre des pauvres (93)

À Londres, c’est la panique. Le roi ne sait plus quoi faire. Les bourgeois et les nobles errent comme des ombres dans les couloirs. On chuchote, on crie. Sur leur chemin, les pauvres enfoncent les portes des prisons, ils libèrent les captifs, des hommes sortent des trous, les yeux fermés, incapables de voir. Des vieillards, des fantômes. On les embrasse, on leur donne à manger et à boire. Ils meurent ; c’est du moins ce que dit la fable.
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Les bourgeois entendirent prêcher Müntzer, à l’église Sainte-Marie ; mais au retour d’Egranus, qu’il avait remplacé, on le nomma à l’église Sainte-Catherine, paroisse des tisserands et des mineurs. Là, Müntzer dut côtoyer le groupe des prophètes de Zwickau : Storch, Stübner, Drechsel. Ces trois ombres s’agitaient de toutes leurs forces, baignant dans l’extase, les visions et les songes, guettant les moments où le Bon Dieu leur parlait directement. La grande querelle était de prôner un baptême volontaire et conscient. Oh ! ça paraît un peu démodé cette idée de baptême, ce rationalisme de fous furieux, cette Aufklärung des burettes. Mais c’est une réaction à la corruption de l’Eglise, à l’irrationalité de la doctrine et des sacrements. Car ils lisent autre chose qu’Augustin et Thomas d’Aquin les fous furieux de Zwickau, ils lisent Érasme et Nicolas de Cues, ils lisent Raymond Lulle et Jean Hus, ils polémiquent, ils argumentent, ils veulent se tenir nus dans la vérité.
Ainsi, la ville est partagée en deux. Il y a d’un côté les patriciens, à Sainte-Marie, de l’autre, à Sainte-Catherine, la plèbe. La raison et la pureté, ce sera pour les pauvres : c’est devant eux que Müntzer commence à s’agiter, c’est là que sa blessure s’avive. Il parle. On l’écoute. Il cite les Évangiles : « Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses. » Il croit pouvoir lire les textes tout simplement, à la lettre ; il croit en une chrétienté authentique et pure. Il croit que tout est écrit noir sur blanc dans saint Paul, qu’on trouve tout ce qu’il faut dans les Évangiles. Voilà ce qu’il croit.
Et c’est cela qu’il va prêcher aux pauvres tisserands, aux mineurs, à leurs femmes, à tous les misérables de Zwickau. Il cite l’Évangile et met un point d’exclamation derrière. Et on l’écoute. Et les passions remuent, car ils sentent bien, les tisserands, que si on tire le fil toute la tapisserie va venir, et ils sentent bien, les mineurs, que si on creuse assez loin toute la galerie s’effondre. Alors, ils commencent à se dire qu’on leur a menti. Depuis longtemps, on éprouvait une impression troublante, pénible, il y avait tout un tas de choses qu’on ne comprenait pas. On avait du mal à comprendre pourquoi Dieu, le dieu des mendiants, crucifié entre deux voleurs, avait besoin de tant d’éclat, pourquoi ses ministres avaient besoin de tellement de luxe, on éprouvait parfois une gêne. Pourquoi le dieu des pauvres était-il si bizarrement du côté des riches, avec les riches, sans cesse ? Pourquoi parlait-il de tout laisser depuis la bouche de ceux qui avaient tout pris ?
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ohn Wyclif eu l’idée qu’il existe une relation directe entre les hommes et Dieu. De cette première idée découle, logiquement, que chacun peut se guider lui-même grâce aux Écritures. Et de cette deuxième idée en découle une troisième ;,les prélats ne sont plus nécessaires. Conséquence : il faut traduire la Bible en anglais. Wyclif – qui n’était pas, comme on le voit, à court d’idées – eut encore deux ou trois autres pensées terribles : ainsi, il proposa qu’on désigne les papes par tirage au sort. Dans son élan, il n’était plus à une folie prêt, il déclara que l’esclavage est un péché. Puis il affirma que le clergé devait vivre désormais selon la pauvreté évangélique. Enfin, pour vraiment emmerder le monde, il répudia la transsubstantiation, comme une aberration mentale. Et, pour finir, il eut sa plus terrible idée, et prôna l’égalité des hommes.
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Le fond devint social, enragé. La frange huppée de ses sympathies se mit à prendre peur. Il parlait d'un monde sans privilèges, sans propriété, sans État.
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Müntzer est une voix. Il crie que princes et serviteurs, riches ou pauvres, Dieu nous a tous pétris dans la même boue de caniveau, taillés dans le même bois de santal.
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Il s'exprime de manière impulsive et sans ordre, il suit le fil brûlant de son désir. Et il a un désir, Thomas Müntzer, et ce n'est pas le même désir qui vous fait cardinal et qui vous fait Thomas Müntzer. Lui, une chose terrible l'habite, le secoue. Il est en colère. Il veut la peau des puissants, il veut ratiboiser l'Eglise, il veut crever le ventre à tous ces enfants de salauds ; mais il ne le sait pas encore peut-être ; et pour le moment, il étouffe. Il veut en finir avec la pompe et ce luxe de chien. Le vice et la richesse l'accablent, l'association des deux l'accable. Il veut faire peur. La différence entre Müntzer et Hus, c'est que Müntzer a soif, il a faim et soif, horriblement, et rien ne peut le rassasier, rien ne peut étancher sa soif ; il dévorera les vieux os, les branches, les pierres, les boues, le lait, le sang, le feu. Tout.
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Et il brûle Jan Hus, il brûle comme le bois, comme la paille,.Il brûle comme le cœur.
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On dit que la vérité à plusieurs visages, dont l'un serait plus affreux que le mensonge, mais toujours caché.
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En 1380, le Parlement vote une nouvelle poll tax, et voici que brusquement les paysans se soulèvent. La révolte commence à Brentwood ; les routes sont coupées, les châteaux brûlent. Puis ça se propage dans le Kent, dans le Norfolk et le Sussex. Et John Ball fulmine, il prêche l’égalité humaine. Les auberges sont pleines de pèlerins et de fous. À Colchester, entre les ballots de laine et les chapelets d’oignons, on parle ; en Anglie de l’Est, on parle ; partout, la poll tax est contestée et les hiérarchies remises en cause. Les nobles fuient. Les soldats désertent. Les rues des villages sont encombrées d’épaves, charrettes renversées, sacs de terre. Le pouvoir est inquiet. Le duc de Lancastre donne ses ordres : il faut arrêter John Ball. Au mois de mai, on parvient à mettre la main sur le prieur et on l’emprisonne à Maidstone.
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“Ce ne sont pas les paysans qui se soulèvent, c’est Dieu !” – aurait dit Luther, au départ, dans un cri admiratif épouvanté. Mais ce n’était pas Dieu. C’étaient bien les paysans qui se soulevaient. À moins d’appeler Dieu la faim, la maladie, l’humiliation, la guenille. Ce n’est pas Dieu qui se soulève, c’est la corvée, les censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez cou­­pés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés. Les querelles sur l’au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde.
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