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Citations sur L'ordre du jour (341)

A cet instant, le commentateur, inspiré, nasille que les quatre chefs d’état, Daladier, Chamberlain, Mussolini et Hitler, animés d’une même volonté de paix posent pour la postérité. L’Histoire rend ces commentaires à leur dérisoire nullité et jette sur toutes les actualités à venir un discrédit navrant.
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Et finalement, Schuschnigg céda. Il fit même pire. Il bredouilla. Puis, il déclara qu'il était prêt à signer, mais il émit une objection, la plus timide et la plus aboulique qui soit, la plus veule aussi : "Je vous ferai seulement remarquer" ajouta-t-il, dans un mélange perceptible de malice et de faiblesse qui dut le défigurer, "que cette signature ne vous avance à rien". A cet instant, il dut savourer la surprise d'Hitler. Il dut savourer la seule petite étincelle de supériorité qu'il put dérober au destin sur Adolf Hitler. Oui, il dut jouir, lui aussi, mais d'une autre manière, comme un escargot peut-être, de ses cornes molles. Oui, il dut jouir. Le silence après sa réplique dura une éternité. Schuschnigg éprouva sa part invincible, minuscule. Et il se tortilla sur son siège. Hitler eut un regard interloqué. Qu'était-il en train de lui dire ? "D'après notre Constitution", renchérit alors Schuschnigg, d'un ton doctoral, "c'est la plus haute autorité de l'Etat, c'est-à-dire le président de la République qui nomme les membres du gouvernement. De même que l'amnistie est sa prérogative." C'était donc cela, il ne se contentait pas de céder à Adolf Hitler, il lui fallait encore se retrancher derrière un autre. Lui, le petit autocrate, voici que soudain, au moment où son pouvoir devenait empoisonné, il acceptait de le partager.
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À l’époque où il était prisonnier des Italiens, jeune homme, pendant la Première Guerre, Schuschnigg aurait dû lire les articles de Gramsci plutôt que des romans d’amour ; alors il serait peut-être tombé sur ces lignes : “Quand tu discutes avec un adversaire, essaie de te glisser dans sa peau.” Mais il ne s’est jamais glissé dans la peau de personne, tout au plus a-t-il enfilé le costume de Dollfuss, après lui avoir pendant quelques années léché les bottes. Se mettre à la place de quelqu’un ? Il ne voit même pas où cela mène ! Il ne s’est pas glissé dans la peau des ouvriers tabassés, ni des syndicalistes arrêtés, ni des démocrates torturés ; alors, maintenant, il ne manquerait plus qu’il parvienne à se mettre dans la peau des monstres ! Il hésite. C’est la toute dernière minute de sa dernière heure. Et puis, comme d’habitude, il capitule. Lui, la force et la religion, lui, l’ordre et l’autorité, voici qu’il dit oui à tout ce qu’on lui demande. Il suffit de ne pas le demander gentiment. Il a dit non à la liberté des sociaux-démocrates, fermement. Il a dit non à la liberté de la presse, avec courage. Il a dit non au maintien d’un parlement élu. Il a dit non au droit de grève, non aux réunions, non à l’existence d’autres partis que le sien. Pourtant, c’est bien le même homme qu’embauchera après la guerre la noble université de Saint Louis, dans le Missouri, comme professeur de sciences politiques. Sûr qu’il en connaissait un bout en sciences politiques, lui qui avait su dire non à toutes les libertés publiques. Aussi, une fois passée la petite minute d’hésitation – tandis qu’une meute de nazis pénètre dans la chancellerie –, Schuschnigg l’intransigeant, l’homme du non, la négation faite dictateur, se tourne vers l’Allemagne, la voix étranglée, le museau rouge, l’œil humide, et prononce un faible “oui”.
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Ce n'est pas un désespoir intime qui les a ravagés. Leur douleur est une chose collective. Et leur suicide est le crime d'un autre.
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On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d’effroi. Et on voudrait tant ne plus tomber qu’on s’arc-boute, on hurle. À coups de talon, on nous brise les doigts, à coups de bec on nous casse les dents, on nous ronge les yeux. L’abîme est bordé de hautes demeures. Et l’Histoire est là, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l’an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guide de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux.
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La vraie pensée est toujours secrète, depuis l’origine du monde. On pense par apocope, en apnée. Dessous, la vie s’écoule comme une sève, lente, souterraine.
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La cervelle est un organe étanche. Les yeux ne trahissent pas la pensée, les mimiques imperceptibles sont illisibles aux autres ; on croirait que le corps entier est un poème dont nous brûlons, et dont nos voisins ne comprennent pas un mot.
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C’est curieux comme jusqu’au bout les tyrans les plus convaincus respectent vaguement les formes, comme s’ils voulaient donner l’impression de ne pas brutaliser les procédures, tandis qu’ils roulent ouvertement par-dessus tous les usages. On dirait que la puissance ne leur suffit pas, et qu’ils prennent un plaisir supplémentaire à forcer leurs ennemis d’accomplir, une dernière fois, en leur faveur, les rituels du pouvoir qu’ils sont en train d’abattre.
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Un mot suffit parfois à congeler une phrase, à nous plonger dans je ne sais quelle rêverie ; le temps, lui, n’y est pas sensible. Il continue son pèlerinage, imperturbable au milieu du chaos
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La plupart passèrent leur matinée à bucher, plongés dans ce grand mensonge décent du travail, avec ces petits gestes ou se concentre une vérité muette, convenable et ou toute l'épopée de notre existence se résume en une pantomime diligente.
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