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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre m'a été prêté et chaudement recommandé par un lecteur averti. Je commence avec ce livre ma découverte de cet auteur. Si les trois premières pages ont accroché mon attention, les 45 suivantes ont été plus pénibles à lire jusqu'à me demander si je n'allais pas abandonner la lecture, le style faisant écran au fond. Lyrisme? Un mélange de points d'exclamation et de mots d'argot au milieu de phrases complexes? et puis j'ai poursuivi et ai lu d'un trait la suite, appréciant ma lecture et savourant notamment la visite de De Lattre de Tassigny aux États Unis et son interview. Source d'informations notable et mise en abîme des travers de nos pseudo démocraties.
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Ouf, quel récit ! Vuillard nous entraîne cette fois dans les coulisses de la guerre d'Indochine, démontrant avec éloquence les intérêts purement économiques de cette guerre, auxquels souscriront sans sourciller les politiques, sauf quelques rares. Il démontre aussi au passage les liens étroits («incestueux») entre les familles Françaises qui occupent le pouvoir, tant au Parlement que dans les banques et grandes corporations, entre les huitième et seizième arrondissements de Paris... Ensuite, il illustre comment les militaires ont foncé sans se questionner, aveuglés par une fierté nationale chauvine et simpliste, sacrifiant sans trop de remords leurs soldats majoritairement issus des colonies. Une fois que la défaite est consommée, l'on constate que les même intérêts économiques avaient retiré leurs billes de la colonie depuis le début, et se sont enrichi sans vergogne sur les cadavres de cette guerre sans merci qui dura finalement, 30 ans (avec les Américains qui prirent le relais) et se termina sans aucune forme de «sortie honorable». C'est d'un cynisme glaçant, mais il fait bon de lire un tel pavé dans la mare.
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C'est toujours un plaisir de lire un roman de Vuillard même si le lecteur n'est pas dupe de l'angle choisi par l'auteur.Ici, il revisite l'histoire de la guerre d'Indochine, une guerre de 30 ans commencée par les Français, poursuivie par les Américains jusqu'à la chute de Saigon en 1975. Vuillard est partial , assurément, à charge contre les Occidentaux .Mais le lecteur ne résiste pas à cette belle plume incisive, à cette savoureuse galerie de portraits.
Ce très long conflit fait 400 000 morts du côté des Occidentaux, 3600000 morts du côté vietnamien.Au moment de la débâcle les Occidentaux sont évacués en urgence par des moyens sûrs tandis que des milliers de Vietnamiens vont périr noyés.
En fait, Vuillard joue à décortiquer les ressorts de cette guerre.Par le biais du Parlement, une bourgeoisie financière française des beaux quartiers, tire les ficelles.Et l'auteur nous amuse avec la généalogie de Christian Marié Ferdinand de la Croix de Castries nommé à la tête du commandement du camp-bourbier de Dien Bien Phu.Dans un récit très vivant, visuel, l'on voit à l'oeuvre Herriot, le Général de Lattre, Navarre, c'est très cocasse…
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Vuillard croque avec acidité le corps politique français mais pas que, lors de la Guerre d'Indochine. Son livre est un petit bijoux, assez court, qui raille les décisionnaires de cette époque.

Ce que j'ai vraiment énormément apprécié dans le texte, c'est clairement le ton. On est face à un auteur qui s'est énormément documenté et qui connaît les tenants et aboutissants de la question de cette guerre coloniale. Il restitue avec énormément d'ironie ce que pensent les politiques de l'époque. C'est brillant.

L'effet produit est une réelle désiconisation de toute la classe dirigeante. Les députés sont dépeints comme des vieux croulants dépassés, les militaires comme de vulgaires hommes de paille qui se succèdent sans conséquence et le reste regarde et applaudit.

Enfin, j'ai aussi beaucoup aimé l'esprit dénonciateur du livre. Éric Vuillard montre bien que la guerre n'était que pour des enjeux financiers. Seules de grandes entreprises partent gagnantes. Les personnes, elles, en sont les victimes. le passage le plus grinçant et horrifique du livre est à ce sujet les crimes de Dulles, qui n'ont pas un rapport flagrant mais qui sont conséquents.

Je ne m'attendais pas à autant apprécier cette lecture ainsi. Un livre indispensable.
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Bref et incisif, ce récit s'inscrit dans le style adopté par Éric Vuillard pour faire entrer le lecteur dans des pans de l'Histoire le plus souvent ignorés ou inconnus. Comment l'État français a négocié sa sortie de guerre avec l'Indochine, voilà le propos que Vuillard a fouillé dans le détail à travers les discours et les positions de certains députés français, de l'avis des généraux sur le terrain et du point de vue des hommes d'affaires exploitant les ressources naturelles du territoire occupé. « D'un côté, les partisans d'un cessez-le-feu immédiat, de l'autre ceux d'un cessez-le-feu négocié. C'est l'affaire Dreyfus des nigauds, le Panama des crétins. » L'appui américain dans cette guerre (son financement par les États-Unis est évalué à 40 % en 1953) et les tractations en sous-main de la CIA prélude de ce qui suivra au Vietnam après coup.
Peu familière de la politique française, il m'a fallu extraire du dictionnaire ces hommes de pouvoir du passé pour m'en faire une idée concrète et m'imprégner du contexte social. Un exercice auquel je suis habituée et qui m'a permis de mieux apprécier ma lecture. J'aime beaucoup la manière Vuillard : une concision dans l'art de raconter qui élimine de facto l'ennui.
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Les deux premiers chapitres sont magistraux, époustouflants, saisissants ! L'écriture d'Eric Vuillard est toujours très belle et travaillée et si les scènes décrites à l'Assemblée Nationale sont très instructives sur l'état d'esprit des hommes politiques pendant la guerre d'Indochine, certains passages sont un peu superfétatoires. Cela reste un livre très important à mon avis.
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La guerre d'Indochine, qui s'en souvient, la deuxième guerre, oui, la première encore un peu, mais celle d'Indochine pas du tout. Une sale guerre coloniale, qu'en plus, on a militairement piteusement perdue à Dien Bien Phu; Effacée par la guerre du Vietnam que les Américains ont perdu aussi et puis surtout l'Algérie encore vivace dans les souvenirs des deux cotés de la Méditerranée. Mais c'est celle-là que Vuillard nous narre, pas tant sur le terrain, dans la boue et les rizières qu'à l'Assemblée Nationale et au Haut commissariat, en nous faisant revivre la médiocrité, la vanité des politiques et des militaires d'après-guerre et aussi le monde feutré et cossu de la banque d'Indochine. On croise Mendès, Violette, Herriot, Michelet et puis le somptueux de Lattre, tous sauf Mendes, défendant l'Empire bec et ongle d'autant plus violemment qu'ils ont subi la honte des reniements et de la défaite de juin 40. Et puis Navarre qui va plonger l'armée française dans la cuvette du désastre, clôturant bien involontairement l'aventure coloniale asiatique de la France. Alors il était tentant de raccrocher avec l'assassinat de Lumumba, bien que cela n'a rien à voir, il s'agissait alors des Belges en Afrique et c'était 7 ans plus tard. C'est un peu le problème avec les auteurs français cette tentation de virer à gauche dans de la littérature, alors qu'il y avait tant à raconter sans avoir à inventer ou à imaginer les états d'âme de personnes qui n'en avaient pas à l'époque, sûr de leur bon droit. le colonialisme c'était pas très beau, euphémisme, et c'était surtout fini, quoi qu'on fasse, et on en a fait des tonnes, surtout des tonnes de cadavres, civils et militaires. Pas la peine d'y méler la grande finance qui n'a fait que prendre ses dividendes à temps, c'étaient les seuls qui y voyaient clair, on ne peut leur reprocher. C'est bien de rappeler le carnage et de lui donner une touche humaine. Faut lire ce livre et relire Bodard aussi .
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On reste dans l'ambiance coloniale mais plutôt sur le versant décolonisation, avec cette oeuvre - pas vraiment un roman - d'Eric Vuillard dont j'avais adoré "L'ordre du jour" sur la conférence de Munich en 1938, du même type inclassable, ni vraiment roman, ni vraiment documentaire.

Ici, on est en Cochinchine. le chapitre liminaire pose les bases de l'ordre colonial : lors d'une visite dans une plantation Michelin, une équipe d'inspecteurs du travail met à jour une série de mauvais traitements infligés aux travailleurs, sans être choqués outre mesure pour autant par le système. Brutalité de la colonisation, inégalités, rapports de force, exploitation économique : avec une économie de moyens toujours admirable, Vuillard ouvre magistralement son bouquin.

La sortie honorable, c'est celle que le pouvoir doit trouver en Asie du Sud-Est face à l'affirmation du Viet Minh qui défend l'indépendance. On navigue entre les scènes de guerre et les débats parlementaires de la IVe République qui semblent surnaturels et anachroniques, éclairés par le talent de Vuillard pour les portraits. de l'apogée de la colonisation jusqu'à la chute de Saïgon, l'auteur fouille la violence coloniale jusque dans ses enjeux économiques et financiers les plus cyniques.

Comme toujours chez Vuillard c'est impeccable : érudit, intelligent, élégant. "Le déshonneur eût peut-être mieux valu".
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Le cliché sur les années 1950 nous renvoie à une image d'Epinal faite de prospérité retrouvée, de reconstruction, d'insouciance après l'horreur de la Seconde guerre mondiale, matinée de stabilité des moeurs et des classes sociales à l'ombre du grand Charles.
Pourtant, derrière les photographies sur papier glacé, se dissimulent de sinistres négociations afin qu'un petit nombre de personnes puissent continuer à se partager le monde et ses richesses, malgré les secousses des indépendances.
Eric Vuillard s'attaque à la fin d'un monde dans lequel les puissants d'hier cherchent une sortie honorable d'Indochine pour cacher ce qui sera dans les faits une véritable débâcle.
Composés de différentes scènes apparemment indépendantes, d'agencement de portraits acérés de personnalités aussi différentes qu'oubliées aujourd'hui, ces différents niveaux de narration tissent une solide trame pour mieux donner à comprendre cette guerre longue, meurtrière, pourtant mal connue.
Ainsi avec son style si reconnaissable, l'auteur, de livres en livres, observe le double mouvement des événements qui composent notre histoire, à la fois tumultueuse et émancipatrice.
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96 Haussmann Paris 8ème : Aujourd'hui s'y trouvent un cabinet d'avocats, la compagnie Iberia, un centre de sport et un gestionnaire de fonds. Seul le dernier cité à quelque chose à voir avec ce qui s'y épanouissait dans les années 50 : des sociétés financières, associées aux mines d'étain, aux cultures d'hévéas, les banques (Société Générale, CIC entre autres), toutes liées à l'exploitation des ressources naturelles de l'Indochine.

En Indochine, André Michelin fait fortune en fabriquant des pneus à partir de l'hévéa qui fournit le latex, selon les principes organisationnels de Frederick W. Taylor : pour éviter les gestes superflus et une réflexion inopportune, les hévéas sont plantés selon un ordre et des distances rigoureusement identiques sur des kilomètres carrés. le travailleur indochinois moyen est supposé répondre aux standards de Taylor :

« Un homme de l'intelligence d'un travailleur moyen peut être dressé au travail le plus délicat et le plus difficile s'il se répète suffisamment , et sa mentalité inférieure le rend plus apte que l'ouvrier spécialisé à subir la monotonie de la répétition. » !


Tandis que la guerre d'Indochine fait autant de morts que la Première Guerre mondiale, les banques et sociétés de gestion engrangent des records de gain en cette période. La guerre n'est pas un mauvais moment pour tout le monde. « On ne se bat pas pour un poste avancé perdu dans la jungle et on devrait rebaptiser la bataille de Cao Bang, à propos de laquelle s'écharpe le parlement : bataille pour la société anonyme des mines d'étain de Cao Bang ! »

Dans ce livre évidemment partisan, Eric Vuillard met en perspective les politiques, les généraux, les affairistes et un nombre incalculable de soldats vietnamiens, algériens, africains envoyés à la mort, voire blessés, torturés d'atroce manière. Ceux qui en sont revenus ne racontent pas, un peu comme ceux qui ont fait la guerre d'Algérie. Alors, merci à Eric Vuillard de leur donner la parole, de raconter comment et pourquoi ils se sont retrouvés dans le terrible piège de Cao Bang. Comment, pour ne pas perdre la face, on n'a pas pris la décision de mettre un terme à cette boucherie. Limiter la casse, faire « une sortie honorable », tel fut finalement l'objectif.
L'auteur brosse des tableaux savoureux, exaspérants, choquants, de plusieurs décideurs, stratèges, politiciens. Il revient sur le passé en évoquant Léon Blum, insulté en 1936 au sortir de l'Assemblée nationale, agressé physiquement.

Un livre qui ne plaira pas à tout le monde car très engagé mais argumenté, vivant, parfois drôle. L'auteur semble vivre dans la tête de certains protagonistes. En revanche, je ne vois pas pourquoi ce recours ponctuel à un langage argotique désuet, très décalé aussi bien en 2022 qu'en 1953 à mon avis.

Une bonne expérience de lecture, même si, pour ma part, j'avais préféré L'Ordre du Jour.
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