Nouveau Mexique, 2017. Sylvia Wren, célèbre peintre, reçoit le courrier d'une journaliste qui souhaite faire un reportage sur elle. Son insistance amène Sylvia à replonger dans son passé, alors qu'elle vivait avec sa famille sous le nom d'Iris Chapel. En 1950, Iris avait 13 ans. Elle était la cinquième des six filles de la famille qui habitait une immense bâtisse victorienne à Bellflower Village. Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel y ont grandi en cultivant des talents divers, avec pour perspective d'avenir de devenir la femme d'un homme respectable. Aster, l'aînée, a été la première à se marier mais est morte mystérieusement le lendemain de ses noces, malgré l'avertissement lancé par Bellinda, la mère, qui communiquait avec des esprits. Neuf mois plus tard, Rosalind connait le même sort. Alors que la mère est internée en asile psychiatrique, les quatre soeurs, bouleversées par ces deux deuils, partagent, chagrin, peur et interrogations. Une malédiction aurait-elle frappé la famille ? C'est peut-être ce que pense Iris, qui continue de dévider ses souvenirs…
Après une première partie un peu longue, jusqu'à la mort d'Aster, qui aurait pu être plus resserrée, la narration trouve ensuite son rythme, alors que les décès s'enchaînent, et que se pose la question lancinante du pouvoir délétère des hommes sur les soeurs Chapel. Car ce sont bien eux, les « voleurs d'innocence », ces mâles qui déflorent leur jeune épousée au point de les faire mourir. Fleurs fragiles que sont ces jeunes femmes qui finalement ne peuvent vivre que sur un terreau qui leur convient, auquel le désir des hommes est fatal. La métaphore florale est filée tout au long de ce récit qui frôle parfois la dimension fantastique, à commencer par les prénoms des soeurs, qui représentent tous des fleurs : l'aster, plante vivace couleur parme, la rose bien sûr, le calla ou arum blanc, le daphné, fleur d'hiver blanche ou rose pâle, l'iris et enfin la fleur de noisetier (hazelnut) ; la mère, dont la propre mère – appelée Rose – est morte en lui donnant le jour, ne supporte pas l'odeur des roses qui vient la hanter lorsqu'elle a des prémonitions funestes ; Iris devenue Sylvia peint le corps des femmes en les transformant en fleurs.
Un long roman donc, qui prend son temps et, sous ses aspects un peu gothiques et son héritage des romancières anglaises comme Jane Eyre ou
Daphné du Maurier, est une belle ode au féminin et à l'affirmation de soi.