Je sais que cela fait intellectuel et élitiste de critiquer négativement un auteur populaire, mais, bien que je ne prétende être ni l'un ni l'autre, je ne peux pas faire autrement.
L'intrigue est pleine d'idées qui auraient pu être intéressantes, mais elle est polluée par toutes sortes d'absurdités trop grossières pour être crédibles. Ainsi, on apprend que "Gaïa" souffre lorsque l'homme fait des forages. Quand on connaît les conditions qui règnent au centre de la terre, on ne peut qu'éclater de rire. de plus, je trouve que pour une planète bien au courant des conditions de son existence, "Gaïa" ne pourrait pas ne pas ignorer le rôle bénéfique de la lune qui stabilise son orbite autour du soleil et donc ne pas voir en elle uniquement une cicatrice de sa rencontre avec Théia.
Mais ces erreurs seraient excusables si elles n'étaient pas au service d'idéologies plus inquiétantes. Monsieur
Werber nous explique avec force que la surpopulation est la cause principale de tous les problèmes écologiques. En premier lieu, cette idée, bien que très répandue, est fausse. Les faits montrent que l'impact sur l'environnement ne cesse de croître dans les pays développés, alors même que leur démographie est stable, voire en déclin. Certains rétorqueront que c'est une raison supplémentaire pour que les pays à forte croissance démographique n'atteignent pas notre niveau de vie ? Ce n'est pas si simple puisque le taux de natalité diminue avec le niveau de développement. Quant à l'argument malthusien selon lequel nous serions trop nombreux pour nourrir tout le monde, il ne tient pas non plus. Il y a aujourd'hui, compte tenu des moyens de production, assez de récoltes pour nourrir toute la population. Les disettes ne viennent pas d'un manque de produit mais de prix trop élevés, qui excluent les pauvres du marché. Les problèmes ne viennent donc pas d'une prétendue surpopulation, mais d'une surconsommation de certaines sociétés et de mécanismes financiers.
Le plus grave, dans cette affaire, c'est que l'auteur, en s'appuyant sur la thèse malthusienne, n'est pas loin de justifier un génocide (Comment qualifier autrement cette épidémie provoquée qui extermine deux milliards d'individus ?), d'autant plus qu'à l'en croire, certaines "races" (les bantous) seraient plus méchantes que d'autres (les pygmées).
Werber aurait-il une part d'ombre ? J'ose espérer que le genre de réflexion qu'il propose ici n'est due qu'à sa naïveté. Naïveté dont, au passage, il n'a pas l'exclusivité.