AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,85

sur 36 notes
5
4 avis
4
6 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La collection LIBELLE des éditions du Seuil est toujours aussi passionnante et riche en termes de débat, de réflexion. C'est Annette Wieviorka qui signe cet opuscule, "Anatomie de l'affiche rouge", qui défend une idée explicitée dans le journal le Monde par de nombreux signataires de cette tribune. En effet, le 21 février 2024, Missak Manouchian et son épouse Mélinee, sont entrés au Panthéon. C'est, bien évidemment, quelque chose qui nous réunit tous et toutes. Mais pour Annette Wieviorka et d'autres intellectuels, il aurait fallut célébrer également les 21 autres jeunes gens, tous résistants étrangers, qui furent fusillés en même temps que Missak Manouchian. Pour quelles sombres raisons cette chape de plomb. Que dire aussi du silence sur l'exécution de Olga Bancic, guillotinée en Allemagne le 10 mai 1944. Pourquoi ne pas rendre hommage à tous ces braves ? Pourquoi seulement Missak et Mélinee ? La question se pose légitimement que l'on soit historien(ne)s ou citoyen(ne). Un court texte qui interpelle, fait réfléchir au "devoir d'histoire", terme que je trouve plus juste que le trop galvaudé "devoir de mémoire." Tout ceci fait vivre le débat démocratique sur la construction du récit historique par nos politiques. Ces derniers n'ont pas toujours la pleine mesure du sens à donner à une leçon d'histoire. Libre à chacun(e) d'y puiser des éléments pour nourrir son avis sur la question.
Commenter  J’apprécie          210
Anette Wieviorka livre ce court essai "à propos de l'Affiche rouge" à l'occasion de la panthéonisation ce mois de février 2024 du couple Manouchian. Il ne s'agit pas de remettre en cause leur présence au Panthéon, elle ne souhaite pas polémiquer sur le bien-fondé de cet hommage national. Mais elle cherche à démontrer que mettre l'accent sur un couple contribue à héroïser et "glamouriser" deux personnes, au détriment de tous les autres : le poète, l'amant, l'orphelin arménien survivant du génocide et venu en France par amour pour les écrivains, et "sa Mélinée, son amour, son orpheline" pour citer les "Strophes pour se souvenir" d'Aragon, où certains vers sont une déclaration d'amour bouleversante, par-delà la mort.
Un groupe, le groupe Manouchian - qui n'en était d'ailleurs pas un au sens strict, les différents résistants ne travaillaient pas tous ensemble, mais par petits groupes spéciaux et spécialisés indépendants - est ainsi réduits à deux figures, alors qu'ils étaient "vingt-et-trois quand les fusils fleurirent", vingt-deux en réalité puisque la seule femme, Olga Bancic, a été guillotinée.
Elle cherche donc à montrer toute la diversité de ces résistants étrangers membres de la MOI, la Main-d'Oeuvre Immigrée : hongrois, polonais, espagnols, italiens... qui ont néanmoins pour point commun d'être presque tous juifs - hormis Missak Manouchian, ce qui est l'argument principal de détestation des Nazis. Ainsi, un véritable "casting" est organisé par les services SS pour composer la fameuse affiche rouge, les brochures et les tracts qui l'accompagnent. Il s'agit de mettre en avant les figures qui correspondent le plus à la conception nazie de "dégénération de la race", les noms qui "sonnent" les plus étrangers, les chiffres des attentats étant de plus complétement faux. Il faut des visages "noirs de barbe et de nuit hirsutes, menaçant".
Anette Wievorka retrace donc les figures de ces résistants - et de cette résistante, sans s'attarder sur le couple Manouchian, qui est déjà au centre de nombreux ouvrages historiques. Et, surtout, ce qui m'a particulièrement intéressée, elle insiste sur la construction mémorielle. On ne devient pas un héros de la mémoire nationale comme ça, c'est tout un processus qui se construit à travers l'histoire. Elle présente donc l'histoire même du poème d'Aragon, commandé par l'Humanité, le grand journal communiste, dans le contexte particulier de la mort de Staline. L'identité juive est dissimulée, le ton est certes patriotique, mais aussi un poème d'amour, et une réflexion sur le sens et la fonction même de la poésie. C'est ensuite la chanson qui va mettre en avant les membres de l'Affiche rouge - le titre de Léo Ferré chantant le poème d'Aragon s'est d'ailleurs imposé, jusqu'à ce que l'affiche elle-même devienne un matériel historique, présent notamment dans les manuels de l'enseignement secondaire.
La mémoire - la légende, le mythe, l'histoire d'amour - a donc surpassé l'histoire, et Anette Wieviorka essaye de lui rendre sa place.
Commenter  J’apprécie          140
J'ai regardé la panthéonisation de Missak Manouchian et de son épouse. Ses compagnons ont été cités, certains racontés... Annette Wieviorka dénonce dans ce livre la mise en lumière d'un couple qui va laisser dans l'ombre ceux moins "glamour" parmi les résistants étrangers morts pour la France. Elle revient sur la composition de l'affiche et sur la volonté profondément antisémite qui y a présidée... volonté quelque peu écartée dans celle du président de mettre à l'honneur le couple Manouchian, survivant d'un premier génocide.
Annette Wieviorka relance en historienne rigoureuse l'éternel débat de la mémoire et de l'histoire. A trop vouloir la simplifier, puisque notre jeunesse ne retient plus grand-chose, trop fascinée par ses écrans, on risque de lui faire perdre son sens.
Commenter  J’apprécie          104
Ce court essai (46 pages) est une leçon d'histoire, rigoureuse.

La légende de l'Affiche Rouge a été construite à plusieurs reprises.

Par les nazis d'abord, qui ne firent pas figurer tous les résistants mais surtout les juifs, ce qui correspondait à la propagande de l'époque. Choisir parmi les résistants du FTP-MOI ceux qui étaient juifs quitte à qualifier Celestino Alfonso de "juif espagnol"de "ne pas mettre sur l'affiche" le français Rouxel. Attribuer un nombre fantaisiste d'attentat à chacun. Les mettre en scène....Sur les 23 condamnés seuls dix figurent sur l'affiche, 7 juifs sur les dix présents alors qu'ils étaient douze sur les vingt trois fusillés...

Tous étaient FTP-MOI . Missak Manouchian ne remplaça Boris Holban qu'en aout 1943. Officiellement, le "groupe Manouchian" n'a jamais existé sous ce nom, affirme l'auteur....

Annette Wieviorka étudie dans le détail les personnalités de ces combattants du FTP-MOI, loin de la légende ou de la propagande sans éluder la trahison .

Légende de l'Affiche Rouge entretenue par le poème d'Aragon publié dans l'Humanité en 1955 dont elle livre une première version. . En 1959 Léo Ferré le met en musique, reprise par de nombreux artistes jusqu'aux rappeurs  et Feu Chatterton.

Légende portée au cinéma  ici encore des libertés sont prises par rapport à l'histoire.

La panthéonisation a privilégié la légende à la vérité historique, privilégié deux héros à la reconnaissance du collectif

"Le « groupe » est donc devenu un couple, plutôt glamour, les « étrangers » les seuls Arméniens ; les Italiens, Espagnols, Juifs de toutes nationalités et les Français, compagnons de ce combat solidaire, passent au mieux au second plan, deviennent invisibles ou noyés dans la vaste catégorie des « étrangers » privés de noms."

Saine lecture en temps de "réécritures de l'histoire" et de "vérités alternatives"
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          60
Annette Wieviorka, c'est un coup de gueule, et je peux le comprendre, bien que j'y apporterai quelques nuances car des historiens ont déjà écrit le parcours des FTP MOI et des 23 fusillés de l'affiche rouge.
Dans ce pamphlet, elle réécrit l'identité et le parcours de ces hommes fusillés et d'Olga Bancic, seule femme arrêtée du groupe MOI. Un hommage rendu à leur sacrifice et à leur honneur était nécessaire. En effet, la panthéonisation se devait à tout l'ensemble des combattants. Manouchian et Mélinée étaient déjà un mythe. Les frères d'armes et activistes ne pouvaient être réduits à une tombe dans le carré des fusillés au cimetière communal d'Ivry, morts pour la France. Leurs actions contre l'armée d'occupation, des nazis et de la France collaborationniste ont participé à la libération de celle-ci au prix de la vie d'une centaine d'entre eux. Alors comment ne pas s'indigner de leur absence lors d'une cérémonie officielle de reconnaissance légitime ? Hongrois, Roumains, Espagnols, Italiens, Polonais, Français, Arméniens, juifs, communistes. Solidaires.
La lettre ouverte parue dans le Monde le 24/11/2023, signée par les descendants des victimes, par des intellectuels, des réalisateurs, des historiens, … a été écoutée et validée par l'exécutif. La cérémonie au Panthéon le 21/02/2024 fut à la hauteur de l'attente, émouvante et vibrante. Cela devait être, cela est.
Quand les coups de gueule ont du bon !

Lien : https://www.babelio.com/conf..
Commenter  J’apprécie          20
Ce petit fascicule donne un éclairage essentiel même si réduit pour comprendre l'histoire de « L'affiche rouge », et ses prolongements ultérieurs divers.
Dès la une de couverture, Annette Wieviorka précise notamment : « … Missak, le militant, le résistant est une figure digne d'être honorée. Mais je suis saisie par un double sentiment, celui d'une injustice à l'égard des 21 autres résistants étrangers fusillés en même temps que lui par les nazis et d'Olga Bancic guillotinée; celui d'un malaise devant un récit historique qui distord les faits pour construire une légende… ».
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (80) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
855 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}