C’avait été comme un rêve transformé en réalité. La rencontre avec Rodolfo, le sexe si merveilleux que nous avions partagé avait été, presque exactement, comme celui dont j’avais rêvé pendant des années. Il m’avait démontré une passion conforme à l’image que j’avais toujours eue de lui, rien de pareil à l’indifférence qu’il me montrait d’habitude dans notre
train-train quotidien ni à la brutalité avec laquelle il m’avait traitée le peu de fois que nous avions partagé notre intimité.
Maintenant, alors que je remarque que la nuit pénètre par la fenêtre, je rigole comme une sotte et j’essaie de taire mes pensées. C’est comme si j’avais l’impression que le simple bruit de mes idées pouvait gâcher l’instant si merveilleux que j’avais passé avec Rodolfo Vitti, mon mari, mon amour, la lumière qui a toujours fait éclore mes journées. Et, c’est qu’en effet, plus je m’en souviens, plus je me rencontre de ce que Rodolfo avait représenté pour moi. Il n’avait pas été la typique idole que toute adolescente a à un moment donné, sinon que beaucoup, beaucoup plus. Ç’avait été lui, l’idée de sa personne, qui m’avait accompagnée dans les moments difficiles, où la vie avait paru plus dure, quand mes parents s’étaient disputés, pendant les difficultés économiques. Ç’avaient été ses yeux, sur n’importe quelle des milliers de photos et de posters que j’avais disséminés sur les murs dans toute ma chambre, que j’avais vus en premier, lorsque je m’étais réveillée. Je me l’étais imaginée me disant bonjour, faisant en sorte que ma journée commençait par un doux baiser, me donnant du courage pour sortir du lit et pour lutter contre tout le monde. Ç’avait été à Rodolfo à qui j’avais raconté mes premières déceptions, mes difficultés à trouver l’amour. Aucun des autres hommes qui, étaient passés dans ma vie, jusqu’à maintenant, n’avait su m’aimer ni un millième de ce que j’attendais. J’avais supposé qu’au fond, ce qui s’était passé, ç’avait été qu’aucun d’entre eux n’avait été Rodolfo, je l’avais toujours attendu, lui, pour peu probable que c’avait pu paraître.
La première chose qui me vient à la tête, lorsque je me retourne dans mon lit, c'est le whisky, ou peut-être le rhum, oui, définitivement ça doit être le rhum ou du moins la téquila. La seule chose qui m'apparait clairement c'est que je sens comme si j'avais une équipe de travaux publics travaillant dans ma tête. Marteaux piqueurs, rouleaux compresseurs, cris, mille travailleurs me cassant les oreilles depuis l'intérieur de mon propre cerveau. Ma langue est pâteuse, je sens encore le goût de différents types d'alcool.
Bouger la main se transforme en une tâche titanesque, je la lève doucement jusqu'à la hauteur de mes yeux et je me couvre légèrement les paupières pour oser enfin les ouvrir.
Je ne sais pas ce que j’ai bu, peut-être un peu de tout. Ou, plutôt : beaucoup de tout.