- Bon, si on gagne, j’achète une maison de vacances avec piscine en plus de mon garage pro ! lance papa en sortant de la boutique.
-Non, une villa au bord de la mer ! insiste Adèle. À Dubaï. Ça a l’air trop stylé.
- Dubaï ? Quelle horreur ! réplique ma mère, outrée. Cette ville remplie de boutiques de luxe fait partie d’un émirat où les femmes risquent la prison si elles dénoncent les violences sexuelles qu’elles ont subies. Impossible ! Non, si on gagne, on part sur un voilier faire le tour du monde ! Ça serait formidable.
La voiture est chargée à bloc. Tout est moins bien rangé qu'à l'aller et nos souvenirs prennent de la place au milieu du linge froissé.
En vacances, on ne sait jamais quel jour on est.
J’adore cette impression d’être perdue dans le temps et plus encore dans l’espace quand je me réveille dans un endroit inconnu. Par exemple, dans une chambre en plein soleil avec face à moi une tapisserie de chien ratée, au-dessus du lit une croix du petit Jésus entouré d’herbes desséchées, et sous mon nez des draps qui sentent la lavande moisie. Une drôle d’odeur. Entre le qui sent bon et le qui chlingue. Un peu comme moi, entre deux âges. (p.43)
Ce n'est pas un passage, l'adolescence, mais un tunnel hanté, un tube expérimental et spatio-temporel qui prive les gens d'hmour et d'intelligence pour les métamorphoser en chanteurs mielleux ("Je t'aime. Je te kiffe. I love you") ou au contraire en hurleurs dépressifs ("J'ai la haine. Tout est noir et amer comme le chocolat").
" Pas envie d'être une préadolescente ! "
Esthere
Quand j’y pense, qu’est-ce que je sais faire, à part changer Juliette, faire la vaisselle, éplucher des patates, courir vite et grimper aux arbres ? Ça promet. Tu parles d’un avenir. Je sais rêver et observer, c’est sûr, mais personne n’est jamais épaté par quelqu’un qui sait rêver et observer. Personne ne dit : “Oh, regardez comme cette fille sait admirer les oiseaux, les gens et les insectes ! Regardez comme elle imagine des trucs dans sa tête !” Tu parles, en général, que ce soit la maîtresse ou les parents, ça se termine toujours par : “Arrête de rêvasser !” (p. 132-133)
_ C'est de son âge, ma puce, on est un peu bête à cet âge, tu sais...
_ Justement ! C'est là que je vais, maman. Ca me fait trop peur. C'est moche, l'adolescence. Et je n'ai pas envie d'y aller.
Le journal c'est la vie de maintenant, l'école c'est que des vieux machins de pépé qu'on apprend, des histoires de gens morts ou de guerres enterrées et racontées avec des mots qu'on utilise plus jamais. Ca pue le cimetière, l'école, je vous jure!
1) "Pas envie d'être une préadolescente."
2) "C'est de son âge ma puce, on est un peu bête à cet âge, tu sais...
Justement c'est là que je vais maman, ça me fait trop peur. C'est moche,
l'adolescence et je n'ai pas envie d'y aller."
3) "ça te fait une tête de mouche, ces lunettes vintages."
4) "Parfois c'est long l'enfance. A la fin, on finit par s'ennuyer."
5) "Entre platanes, effluves de lavande, de fromage de chèvre, de vin, mon nez découvre ces parfums étrangers."
6) "Notre nouvelle destination sent les fleurs jaunes sucrée, la terre sèche, le miel et l'herbe que maman met dans le pot-au-feu."
7) "Il est beau, j'en oublie complètement la Marianne et mes idéaux révolutionnaires. Mes yeux sont rivés sur lui, impossible de décrocher."
8) "En pensée, je pris le petit jésus (que je ne connais pas, mais qui me rend pas mal de services quand je ne sais pas à qui m'adresser pour obtenir quelque chose)."
Justine
C'est lui. Le garçon au tambour. Je ne l'ai pas vu arriver. Il est encore plus beau vu de près. Et puisque je ne lui réponds pas, il s'assoit avec moi sur le muret.