ET un 800 pages, un ! Engouffré goinfré en quelques jours : ce livre est le prototype de ce qu'on aime dans les séries : on rentre dedans, on se familiarise avec les personnages, et on en veut tant et plus jusqu'à la page finale... en attendant la saison 2. Qui ne viendra jamais mais on fait semblant d'y croire parce qu'on en reprendrait bien encore 800 pages...
Et une visite approfondie de Miami en sus. Je ne l'ai pas adorée, cette ville, ya des rythmes comme ça, on reste à côté. Là,
Tom Wolfe nous fait une belle étude de moeurs, la cité latina, la cité cubaine, et ses minorités qui peinent à faire copines : les Americanos/Anglos à jamais blonds/blondes, oui, une minorité. Les Blackos, à ne pas confondre avec les Haïtiens, con mala reputacion. Et tiens, les Russes, mafia aux goûts de luxe ringards. Et une petite incursion dans le monde hype de l'Aaaart pas piquée des hannetons. La lutte des classes, les incompréhensions, tous ces rythmes différents. Les Cubains sont partout, dominent la ville, et ne sont arrivés que depuis une cinquantaine d'années, ce qui en fait la plus récente émigration de poids aux USA. On apprend comment les Cubains qui fuient leur île peuvent devenir citoyens américains - ou pas : si tu es "pied sec" (dry foot), c'est que tu as posé le pied sur le sol américain, et voilà, tu le deviens, c'est tout. Si tu es "pied mouillé" (wet foot) c'est que tu es resté dans l'eau, ou sur un bateau quand on t'a arrêté ; dans ce cas tu te retrouves enfermé sur un bateau spécial et on te renvoie au pays. Si un flic débutant t'emprisonnait au sol, alors tu ferais ta peine de prison mais tu aurais le droit de rester ensuite. Simple, cette loi, non ? Ca ne marche que pour les Cubains, en convention.
Tom Wolfe est un écrivain-bruiteur, mêlant les bruits de la ville à son écriture, ça embrouille un peu mais j'aime bien l'idée. C'est aussi-surtout un inquisiteur d'esprit, dévoilant ce que ressentent les personnages en leur for intérieur - et c'est toujours une histoire de complexe d'infériorité et de pouvoir. Les personnages principaux appartiennent à chacune des communautés sus-citées, et chacune se bat pour avoir son mot à dire, son droit d'exister dans la dignité, son envie d'échapper à la fatalité de son groupe mais aussi, la possibilité d'en être fier, après tout...
le bûcher des vanités, oui ! Même s'il y a de la tendresse, au fond, pour chacun ou presque.
Je n'en dis pas plus, au lecteur de les découvrir, nos camarades agités.
Deux citations, deux discussions.
L'une, de mamies délires qui parlent de leur mystérieux voisin slave.
L'autre, de snobs du Marché de l'Art lors d'une expo (le livre date de 2014, tiens tiens, hello senor Poutine).
- "je ne sais même pas comment il s'appelle.
- Nicolaï. Son nom de famille commence par un K mais c'est plein de V de K de Z de W, quand on l'entend, on dirait que toutes les lettres sont entrées en collision à un carrefour".
- "Tu es déjà allé à Bâle ? Je ne connais pas d'endroit plus épouvantable, à part Helsinki peut-être. Pas un resto correct ! le poisson ? Infect ! On dirait qu'il a voyagé à l'arrière d'une Honda - Et les prix ! Et les hôtels prétendument historiques de Bâle ! Je vais te dire ce qu'ils ont d'historique : les sanitaires. Aaaargh, tu pourrais les récurer jour et nuit pendant une semaine, ils seraient encore gris comme une vielle grabataire qui pue de la gueule.
-.../... et qu'est-ce que tu vas faire ? Demander à Poutine de glisser du polonium dans mon cappucino ?"