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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avant même d'y entrer le doute n'est pas permis pour ce roman, on est bien aux Etats-Unis. Une couv' au portrait pas très éloigné de la nuit américaine surplombe un bandeau de blurb, dans la collection « Terres d'Amérique ». Bienvenue à Barnesville, dans l'Ohio. le sol de ce roman est une terre d'Amérique qui tremble, sous les « injections à très haute pression, grondements profonds dans les ténèbres souterraines ». Demont infiltre les sols de produits chimiques pour dépouiller le schiste, Demont séduit la famille d'Amy Wirkner en achetant les droits miniers de leur terrain, pour neuf cents dollars par mois. Mais surtout, Demont semble pourrir l'environnement, tout autant que les individus.
Est-ce à cause d'eux que Stonewall est né difforme, sujet à des crises d'épilepsie ? Sa soeur Amy le croit, tout comme elle croit ferme en son avenir à l'université mais surtout en dehors de Barnesville, où son surnom de Lady Chevy parce qu'elle a « le derrière très large, comme une Chevrolet », en dit déjà long sur l'ambiance et l'esprit des lieux. Règnent surtout par ici le chacun pour soi, la loi du talion et du plus fort dans une communauté empreinte d'individualisme voire de solipsisme, s'ensuit une galerie d'individus funestes comme des tueurs potentiels en suspens. L'humanité y semble dégénérée, abâtardie, déliquescente. Même Amy, pourtant souffre-douleur, apprend relativement tôt qu'à « sa façon, la violence résout bien des problèmes », et succombe un peu plus encore avec son ami Paul dans une croisade écoterroriste au dérapage incontrôlé. Un personnage principal équivoque, souffre-douleur sans être pour autant une victime fragile avec qui l'empathie serait automatique. Mais plutôt un personnage principal à l'« âme dévoyée, souillure prédestinée qui s'épanouit en une fleur ténébreuse. ».
À sa décharge, Amy a de qui tenir. Dans l'album de famille il y a cette photo de sa mère et sa tante enfants en robes blanches, avec en arrière-plan, « dans l'ombre projetée par le feu, un corps noir et sans visage qui pend à un arbre ». le grand-père à l'idéal aryen était membre du KKK. L'oncle Tom quant à lui projette son idéal aryen dans la culture nazie, avec un intellectualisme sophistiqué, déviant et nauséabond, en apprenant à Amy les subtilités du maniement des armes.
Le roman évolue ainsi sur la construction d'Amy, son présent et son enfance où « on prenait des battes de base-ball pour frapper des lucioles », dans un ping-pong narratif avec le suivi au quotidien d'Hastings, officier de police convaincu que seuls les plus forts de l'espèce Sapiens méritent considération et survie. L'on fait connaissance de son rire sans humour et de son hobby favori, la cruauté ordinaire, en compagnie d'un homme la tête plongée dans un sac poubelle. Avant le coup de feu retentissant et son « craquement assourdissant, une gerbe de lumière, le son humide de la tête qui se fend dans le sac, puis le corps flaccide qui bascule, frotte contre les parois de terre et disparaît dans l'obscurité. »
Avec de tels personnages aux traits noirs forcés, c'est à un festival de petites ou grandes horreurs auquel le lecteur assistera quasiment de bout en bout. Quand dans la plupart des romans on recherche la figure du Mal, ici on est en peine à trouver le Bien. Les frontières entre les deux sont inexistantes, la violence se justifie dans les règlements de compte, la protection ou l'ambition individuelle, l'écoterrorisme ou la simple bêtise, dans une ambiance trouble à la noirceur indélébile. Une ambiance dérangeante aussi, perdu que l'on sera dans ce monde où le mal finit toujours par étouffer les velléités du bien, où il réussit même parfois à projeter des ombres acceptables. Néanmoins, l'écriture efficace et âpre, ainsi que l'intrigue accrocheuse, laissent entendre une voix prometteuse. Elle creuse ses sillons dans le cerveau du lecteur comme les artères sombres d'une mine, et il lui sera bien difficile de lâcher l'affaire.

« Un jour, tout cela n'aura plus la moindre importance. Cet univers se définit par une succession perpétuelle de création et de destruction, cosmos indifférent de matière bouillonnante dans la noirceur de l'espace infini. C'est de la science, des faits. C'est la seule vérité qui compte. Ce qui est visible sous le soleil n'est que l'illusion de la vie. Et la nuit le voile tombe, juste ce qu'il faut.
Le jour viendra où seules les ténèbres bougeront. »
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À Barnesville dans l'Ohio, la vallée fut autrefois prospère quand l'industrie s'y développait. Mais ça, c'était avant… Car aujourd'hui les usines sont à l'abandon et les descendants des pionniers d'hier, désoeuvrés, délaissés et désabusés.

La fabrication de l'acier ou du verre a en effet laissé la place à l'industrie du craquage des sols et de la fracturation hydraulique pour extraire pétrole et gaz. À Barnesville, tout le monde trouve ça ignoble. Mais il faut bien vivre et peu crachent sur les dollars mensuels reçus en contrepartie de la location de leur terre.

Amy ne supporte pas que sa propre famille s'y soit résignée : un père qui a abandonné la vie ; une mère qui court ouvertement les hommes pour l'argent autant que pour son propre équilibre ; et Stonewall, un jeune frère né épileptique sans que l'on puisse s'empêcher d'y voir un rapport avec les pollutions nouvelles.

Des dollars qui achètent la réduction de l'espérance de vie ? « Que devons-nous faire ? Que pouvons-nous faire ? À part être en colère ». En colère, Amy l'est, et depuis longtemps. Rejetée par la plupart des jeunes de son âge en raison de son obésité et de son fessier comparé à l'arrière d'une Chevrolet, Amy/Chevy va réagir et suivre son ami Paul dans l'entrée en lutte par l'action éco terroriste.

Mais l'affaire tourne mal quand un simple incendie d'installation vire au meurtre. Amy, qui rêve de s'extraire de sa condition pour quitter le mobil home familial et entrer à l'université, est à un tournant : renoncer à ses rêves ou s'enfoncer encore un peu plus dans l'horreur pour les conserver.

Lady Chevy de John Woods – traduit par Diniz Galhos – est un roman noir et sociétal réussi, qui en dit long sur la désespérance de l'Amérique contemporaine. Parallèlement à sa trame romanesque, Woods livre un regard sans concession sur les questionnements identitaires de ses compatriotes, en déshérence totale au fur et à mesure que leurs repères traditionnels disparaissent.

Religion, repli sur soi, racisme, armement, individualisme, retour à l'opposition binaire du bien et du mal légitimée par le détournement opportun de textes philosophiques, autodéfense… N'en jetez plus ! Woods décrit les maux de l'Amérique comme d'autres travaillent leurs gammes. Avec méthode et application.

« J'ai reçu les résultats de mon test génétique. Je suis allemand et nord-irlandais comme tout le monde dans la région (…) Je suis à 0% d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient. Mes ancêtres ont su préserver la pureté de la lignée. Mais cette culture voudrait me faire croire que tout le monde est mon frère, que nous sommes tous pareils, que nous faisons tous partie de la race humaine. La science n'est pas de cet avis ».

L'Amérique de Woods fait froid dans le dos par son réalisme souvent glaçant. La fête est finie chez l'Oncle Sam. Mais heureusement, comme chez David Joy avec qui les parallèles sont fréquents, Woods fait le choix de terminer son livre par une lueur d'espoir et de confiance en l'avenir : faisant fi de son passif immoral, Lady Chevy sort, vit et affronte enfin le monde. le vrai.
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Non, ce n'est pas un nouveau prénom à accrocher au tableau de toutes ces jeunes filles qui nous ont fait chavirer le coeur.
Quoique ...
Miss Chevy, c'est Amy Wirkner. une jeune femme de 18 ans, en surpoids et l'objet de moqueries de ses camarades , dont son surnom .

Mais c'est une fille volontaire et intelligente , loin d'avoir un tempérament primesautier et qui ne se laisse pas abattre par ces mesquineries. Son but est d'entrer à l'université pour devenir vétérinaire et pour cela , de décrocher une bourse pour ses études.

Sa famille habite une petite ville de l'Ohio et son père a loué ses terres à une société d'extraction du gaz de schiste , attiré par l'argent promis et le chèque qui tombe tous les mois . Mais depuis que le processus de fracturation hydraulique a débuté , bien des nuisances sont apparues et en particulier le rejet d'eaux toxiques . Les malformations de Stone, le petit frère d'Amy sont imputées par la famille à cette contamination.

Amy est amie avec Paul dont elle est amoureuse et lorsque ce dernier lui demande de le seconder dans une action contre l'usine, elle accepte .
Rien ne se passant comme prévu, sa vie va prendre une autre tournure , bien moins réjouissante.

Le roman alterne entre le récit à la première personne de Chevy et à la fin de chaque chapitre par une partie intitulée H concernant le policier Hastings, vétéran de la guerre d'Irak . Un homme qui après des études de philosophie décide de devenir policier et dont le modèle de pensée préférée est Nietzsche.

Cette histoire met mal à l'aise , les personnages qui y sont rencontrés ont tous quelque chose à se reprocher .
Amy évoque souvent les ténèbres dans lesquels elle évolue en s'y sentant bien .
Dans ce monde exclusivement blanc, les choses tournent de travers, il n'y a plus de frontière entre le Bien et le Mal ; le grand père d'Amy était un chef actif du KKK , son oncle vétéran est un néonazi qui s'est construit un bunker , sa mère découche régulièrement, son père boit ...
Difficile de se sentir bien parmi tous ces individus .

Il n'est pas évident de prévoir l'évolution des événements et surtout le devenir de la jeune fille prise dans un engrenage qu'elle n'a ni déclenché ni décidé, on s'attache à elle, redoutant le pire et la fin de ses rêves , elle est une des rares personnes à avoir essayé de s'élever au-dessus de la passivité des autres.

Par delà toute cette noirceur, l'amour d'Amy pour son petit frère handicapé apparait comme une île dans un océan déchainé .

On peut , ou pas, être en phase avec l'épilogue , il aurait pu tout aussi bien être autre , chaque lecteur jugera avec sa sensibilité . On ne peut , en tout cas rester indifférent à cette histoire .

Lu en Septembre 2022
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La fracturation hydraulique, dans le but d'extraire du gaz de schiste, c'est un truc super giga polluant. Ceux qui ont des doutes, je leur conseille de lire "Fracture" de Eliza Griswold.

Une fois de plus, je me suis retrouvée dans l'Amérique d'en bas, des laissés-pour-compte, des petites gens, des redneks, des suprémacistes et racistes.

Non pas que j'aime les théories raciales (que du contraire), juste que j'apprécie les romans noirs et que ce genre de personnes gravitent souvent dans l'Amérique profonde, celle qui a peur de perdre sa place, de se faire remplacer, de perdre sa puissance.

Amy Wirkner, lycéenne de 18 ans, est surnommée "Chevy"… Joli petit surnom, pour une fille, que l'on se dit tout de suite. Sauf que c'est l'abréviation de Chevrolet et que c'est parce qu'Amy est grosse. La grossophobie est de sortie et en raison de son surpoids, la voilà toute désignée pour être victime des élèves de son bahut.

Dans son patelin, les mecs de la fracturation hydraulique sont passés, ont entubé tout le monde (sans vaseline), ont fait miroiter des revenus importants et lorsque les gens n'étaient pas intéressés, ils leur ont dit que de toute façon, ils n'y couperaient pas puisque tout le monde signait. Depuis, l'eau n'est plus potable et on peut même y mettre le feu lorsqu'elle sort du robinet.

Amy Wirkner est un personnage qui marque, un personnage important, une fille qui ne se laisse pas faire, qui essaie d'y arriver, alors que son entourage n'est pas le meilleur. Une mère qui s'en va avec d'autres hommes, un père qui manque de couilles, un grand-père qui a appartenu au Triple K (ce n'est pas le nom d'un ranch) et un oncle suprémaciste, raciste, possédant un bunker pour survivaliste et un drapeau nazi.

L'ère d'Obama ne plaisait pas à ces gens… L'auteur a poussé loin les curseurs pour monter son petit théâtre, pour nous plonger dans cette Amérique profonde, dans cette Amérique qui portera, plus tard, le Trump aux nues et au pouvoir. Un président qui se vantera d'attraper les femmes par la chatte… Tout ce que certains aiment.

N'ayant pas relu le résumé avant ma lecture, je ne savais pas du tout où le récit allait m'entraîner, jusqu'à ce que le drame se produise.

J'étais à fond dans l'histoire, me demandant comment tout cela allait finir, quand, en lisant un passage, ma tasse de café s'est figée dans les airs. Non, pas possible, j'avais dû mal lire. On reprend… Purée, non, j'avais tout à fait bien lu. Bizarrement, cet acte m'a secoué, m'a troué le cul et pourtant, c'était la seule solution et j'y avais moi-même pensé… Il est temps que je me fasse soigner.

Les personnages, même secondaires, sont bien travaillés, réalistes au possible et tous auront un rôle à jouer. le pire étant H, le policier. Un méchant comme on aime en croiser dans la littérature (ou au ciné), un homme froid, dangereux, manipulateur et que l'on ne voudrait pas croiser dans la vraie vie. Une réussite !

Malgré tous les ingrédients glauques, sombres, violents, pollués comme les eaux de la ville, malgré les assassinats, les racistes, les héritages lourds à porter, la grossophobie, ce roman n'est pas le genre à plomber l'ambiance à la fin de sa lecture, ni à terminer les pieds dans le tapis ou dans les caricatures lourdes.

C'est un roman noir sombre, ô combien troublant, puisque l'on ne sait jamais comment tout cela va se terminer. le suspense est entier, jusqu'au bout et le duel entre Amy et H sera le point d'orgue de ce récit.

Dans ces pages, personne n'est ni tout à fait noir, ni tout à fait blanc, tout le monde se trouvant dans ces zones de gris, même l'oncle qui se lamente que les Américains se soient trompés d'ennemis durant la Seconde Guerre. Lorsqu'il dit que l'Amérique s'est construite sur un génocide et sur l'asservissement des autres, il a tout à fait raison. Un trait de lucidité avant qu'il ne reprenne ses discours de haine.

L'Amérique doit sa place dans l'Histoire à sa conquête génocidaire, à l'asservissement d'autres races, et à une quinzaine de centimètres de terre riche et saine en surface. Nous n'étions au départ qu'une poignée de colonies sur la côte Est, et nous avons relié le Pacifique au gré des massacres, bâtissant ainsi notre empire continental.

Bref, un roman noir magistral, parfaitement maitrisé et qui nous plonge dans une Amérique qui a mal, qui a peur, qui aimerait se retrouver entre Blancs, une Amérique pieuse, qui va à l'église, mais qui ne sait pas ce qu'est le Bien ou le Mal, ou alors, qui a sa propre définition qui ne correspond pas vraiment au "Aimez-vous les uns et les autres" et "respectez votre prochain"…

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« Je m'appelle Chevy parce que j'ai le derrière très large, comme une Chevrolet. »
Amy Wirkner, dix-huit ans, prépare son dossier d'inscription à la Ohio State University. Un déménagement à Columbus salutaire pour celle dont le parcours scolaire et social s'est constamment heurté à son obésité morbide. Un héritage maternel lourd à porter tout comme son existence à Barnesville, petite communauté éloignée des grands centres urbains. L'extraction du gaz de schiste est venue pallier aux pertes d'emplois et de revenus liés à la fermeture des mines, ce que bon nombre de citoyens regrettent amèrement compte tenu des effets négatifs à long terme sur la qualité de l'eau potable. C'est dans ce contexte, que John Woods pose les jalons de son récit, sombre à souhait. Une histoire de gens paumés minés par le chômage, les tensions raciales, les gestes d'intimidation, les théories complotistes, les séquelles du syndrome post-traumatique, l'alcoolisme et la hargne, omniprésente et lancinante. Chevy est la narratrice, épaulée par un officier de police, justicier tout-puissant dont l'ombre inquiétante plane sur ses concitoyens. « J'ai appris à rire avec eux, à me cacher derrière de la timidité et une résolution acharnée. Et à l'intérieur, tout au fond de moi, j'ai une boule de colère rouge sombre qui me tient chaud. »
Un roman glauque et pesant sur lequel pèse un malaise croissant dû essentiellement à la banalisation des armes à feu dans la vie quotidienne des Américains. Les courants de désinformation et d'ignorance et la méfiance envers toute forme d'intellectualité parachèvent le tout pour offrir un portrait très dur de la société américaine actuelle. Mon mari a laissé tombé sa lecture un peu avant la moitié du roman, découragé de la tournure que prenait le récit. Pour ma part, Lady Chevy mérite sa place dans ma liste Grande Noirceur.
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Premier roman de John Woods, auteur à suivre.
Amy Wirkner, 18 ans, vit dans la pauvreté d'une petite ville d'Ohio. Elle est surnommée lady Chevy en raison de son surpoids, malmenée par ses camarades pour ce motif.
Sur les terres familiales, l'exploitation du gaz de schiste pollue tout et est peut-être la cause des malformations de son frère.
Elle est bonne élève et s'apprête à tenter une entrée en université pour quitter cette région détestée et espérer une vie meilleure.
Pourtant une nuit, une action écoterroriste et son destin bascule.
Le roman est prenant et très bien écrit. Ayant déjà lu de nombreux romans en Ohio, nous apprenons pourtant de nouvelles problématiques liées à cette région non-évoquées jusqu'à présent dans les romans du même genre (par exemple l'exploitation minière ou encore les réseaux suprémacistes).
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Après avoir lu plusieurs romans français et aussi des romans de fantasy plutôt orientés jeunesse, j'avais très envie de me plonger dans un roman américain, plus précisément un roman où j'allais trouver une atmosphère. Je me suis donc naturellement tourné vers ce roman, acheté à sa sortie, édité dans la collection « Terres d'Amérique » chez Albin Michel. Et je peux dire que pour un roman noir, il est noir, l'un des premiers chapitres m'a fait l'effet d'un uppercut en plein estomac.

En fait dès les premières pages, j'ai su que ce roman allait me plaire, le prologue donnant le ton. En prime, c'était exactement le roman que je souhaitais lire à ce moment-là.
Amy, surnommée Lady Chevy pour la ressemblance de son postérieur avec une Chevrolet, est une adolescente grandissant dans un coin paumé de l'Ohio, où (très très) pauvres côtoient des (très très) riches. Amy fait plutôt partie de la première catégorie même si sa famille est un peu particulière dans la mesure où son grand-père est un ancien leader du Ku Klux Klan, ce qui lui donne aussi une certaine aura, empreinte de dégoût, de crainte ou de fascination.
Pour son plus grand malheur, Amy est une jeune fille intelligente, brillante. Elle ne peut se contenter d'une petite vie misérable, dans ce coin perdu de l'Ohio, état dont on entend généralement parler que tous les quatre ans à l'occasion des élections américaines puisqu'il est l'un des fameux Swing States, comprenez par là qu'il tangue tantôt démocrate, tantôt républicain, et que seule une infime poignée de présidents ont été élus sans avoir réussi à attraper l'Ohio dans leur escarcelle.
Non, Amy ne peut se contenter d'une vie minable, dans un mobile-home minable, dans un coin dont on ne peut même pas boire l'eau du robinet, sur une terre qui rend ses habitants malades et les nourrissons malformés, son petit frère en tête. Amy veut devenir vétérinaire, partir de là et emmener avec elle son frère qu'elle aime tant. Elle a 18 ans, il ne lui reste qu'une année de lycée à faire, une année à tenir puis elle sera libre. Mais cette année pourrait peut-être tout bousculer.

J'ai beaucoup aimé ce roman, j'y ai retrouvé l'atmosphère que je recherchais, dans cette Amérique rurale, de bouseux, on peut le dire, raciste aussi malheureusement, dans laquelle la perspective d'avenir ne va pas plus loin que la fête du samedi soir, le pelotage en règle de la reine du lycée et la partie de billard dans le bar du coin. L'Amérique des laissés pour compte, qui n'y trouvent pour la plupart en prime rien à redire.
La plume de l'auteur fut agréable. Je craignais, et ne me demandez pas pourquoi, d'avoir du mal à rentrer dans ce récit, peut-être parce que j'imaginais que l'auteur allait utiliser un style un peu rude, ou pompeux, pour écrire son histoire. Ce ne fut pas du tout le cas, et j'ai aussi beaucoup apprécié sa narration, alternant les points de vue à la première personne (Amy) et à la troisième (le policier).
Et que dire des personnages ? Personnellement, ce qui compte le plus pour moi dans un roman est de pouvoir ressentir de l'émotion, qu'elle soit positive ou négative, et généralement cela passe par les personnages, leur caractère, la densité que l'auteur ou l'autrice aura réussi à leur donner. Clairement, ici, ce fut une franche réussite pour moi, et c'est clairement bien joué de la part de John Woods car Amy est une sorte d'anti-héroïne, pas franchement sympathique, pas totalement antipathique non plus, mais avec laquelle j'ai réussi à rester tout au long de ma lecture, espérant plus que tout qu'elle parvienne à s'en sortir, malgré ses actes.

En bref, un excellent premier roman, qui me laisse tout de même un chouia sur ma faim, mais qui restera gravé dans ma mémoire. Un auteur à suivre
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Je résiste rarement à un roman de la belle collection « Terres d'Amérique », Lady Chevy (2022) n'a pas fait exception. Quel premier roman!

A travers le cheminement d'une jeune femme prête à tout pour quitter sa ville natale, un trou perdu de l'Ohio ravagé par une crise économique et écologique de grande ampleur, John Woods dresse le portrait très sombre et désespéré d'une région marginalisée peuplée de nombreux laissés-pour-compte.

Barnesville, « un lieu perdu et oublié, à deux heures de route de tout », est une petite localité de moins de cinq mille habitants nichée dans les Appalaches, une région sinistrée bien que magnifique, appauvrie par la délocalisation des aciéries en Chine, ravagée par les mines à ciel ouvert et les nombreux sites de fracturation hydraulique qui empoisonnent la faune et la flore et tuent à petit feu les êtres humains.

C'est dans cette région oubliée et gangrenée par la misère, la violence et la pollution qu'a grandi Amy Wirkner, une lycéenne de dix-huit ans surnommée Chevy en raison de son surpoids. Elle y vivote dans une caravane entre des parents démissionnaires et un petit frère, presque un bébé encore, né avec d'importantes malformations sans doute liées à la pollution environnementale.

En colère contre le lycée où elle est harcelée, en colère contre ses parents qui comme la plupart des habitants pauvres de la région n'ont pas eu d'autre choix que de vendre leurs terres à des entreprises sans scrupules, en colère contre l'industrie du gaz de schiste qui empoisonne et détruit tout sur son passage, Amy n'espère qu'une seule chose: quitter au plus vite et à tout jamais Barnesville qu'elle déteste par dessus tout. Très bonne élève, elle espère décrocher une bourse qui lui permettra de s'inscrire à l'université et réaliser son rêve de devenir vétérinaire. Mais lorsque l'un de ses deux amis déterminé à commettre un acte éco-terroriste la persuade de lui servir de chauffeur, elle prend la mauvaise décision. Quelques secondes à peine suffisent pour faire voler en éclats ses rêves et sa vie toute entière. Et c'est le début d'une longue descente aux enfers.

John Woods frappe fort. Très fort. Lady Chevy est un premier roman d'une noirceur infinie dans lequel il montre comment la rage du désespoir face à l'absence de perspectives d'avenir ainsi qu'un profond sentiment d'injustice et d'exclusion deviennent des éléments de rébellion extrêmement puissants poussant certaines personnes toujours plus loin dans le vice, l'immoralité et la violence. En faisant par ailleurs graviter autour d'Amy un certain nombre de personnages secondaires plus que douteux, John Woods évoque également le suprémacisme blanc et la haine raciale, l'endoctrinement, le survivalisme, le culte des armes ou encore la corruption policière.

Un portrait glaçant et sans concession d'une Amérique à la dérive.


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Amy, 18 ans, est une lycéenne solitaire qui a passé son enfance à Barnesville, un bled perdu de l'Ohio. Surnommée Chevy à cause de son obésité, la vie n'a jamais été tendre pour la jeune fille et elle mise sur une bourse pour s'offrir un avenir meilleur ailleurs.

Car les terres de Barnesville ont été empoisonnées par la fracturation hydraulique. L'eau, l'air sont devenus toxiques et les sols sont contaminés par les produits chimiques qui servent à extraire le gaz de schiste. Quant à l'état de santé du petit frère d'Amy, né avec des malformations, il n'est probablement pas sans lien avec toute cette industrie qui ravage la région de l'Ohio.

Mais, lorsque son meilleur ami Paul lui demande de l'aide, tout dérape et les plans d'avenir d'Amy vont voler en éclats lorsqu'elle se retrouve mêlée à un acte d'écoterrorisme ainsi qu'à une affaire de meurtre. 

Dès les premières lignes du roman, l'atmosphère est sombre, glaçante et troublante. le malaise s'installe durablement face à des personnages complexes et dérangeants. Il y a notamment le grand-père d'Amy, ancien membre du Ku Klux Klan, son oncle néo-nazi qui lui apprend à se servir d'armes à feu ou encore un flic qui a sa propre idée de la justice. 

Et c'est sans oublier notre héroïne marquante, guidée par la volonté féroce de tout laisser derrière elle en faisant fi de toute moralité.

Petit à petit, on s'enfonce de plus en plus dans cette noirceur. L'intrigue efficace prend une tournure inattendue et le suspense nous pousse à tourner les pages. 

John Woods dépeint avec un réalisme saisissant les maux de cette Amérique rurale d'aujourd'hui, entre pauvreté et racisme, haine et violence.  Un récit brutal dans lequel la frontière entre le Bien et le Mal se brouille. 

Pour un premier roman, le romancier américain frappe fort. Une lecture qui choque, remue et déstabilise.
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John Woods, écrivain nouvellement arrivé dans le paysage littéraire, je n'ai pas trouvé grand-chose de sa biographie si ce n'est qu'il a grandi dans les Appalaches de l'Ohio et que son premier roman, Lady Chevy vient de paraître. Un premier roman que je n'hésite pas à qualifier d'énorme !
Barnesville, une petite ville de l'Ohio, durant la mandature de Barack Obama. Amy, surnommée Lady Chevy (« On m'appelle Chevy parce que j'ai le derrière très large comme une Chevrolet ») en raison de son surpoids, vit avec ses parents et son petit frère dans un mobil-home sur leur terrain familial. Sa mère est volage pour tromper son ennui, son père est un personnage falot (« Je sais que je n'ai pas été le meilleur des pères. Que je n'aie pas subvenu aux besoins de ma famille comme j'aurais dû. ») et son petit frère est né avec une malformation, imputée à la pollution liée à l'exploitation des gaz de schiste qui empoisonne la région, rendant l'eau non potable.
Amy déteste cette ville et fait tout pour s'en tirer, se consacrant à ses études afin d'entrer à l'université pour devenir vétérinaire. Solitaire, elle n'a que deux amis, Sadie qui vit dans un milieu plus huppé que le sien et Paul, un garçon assez quelconque dont elle est amoureuse depuis l'enfance. Quand celui-ci la supplie de l'aider à commettre un acte d'écoterrorisme, Amy bien que convaincue que le plan est merdique et vain, accepte par fidélité à son ami. Un terrible engrenage se met en branle compromettant peut-être son avenir… ?
Des romans américains de ce type, j'en ai lu des paquets, des pas terribles et d'excellents, alors là, si je vous dis que c'est un machin qui sort de l'ordinaire, un truc énorme et dérangeant, croyez-moi et courrez-y voir.
Un livre d'une noirceur peu banale et même malsaine. Tous les acteurs du roman, sans exception, trimballent des idées sur l'ordre du monde plutôt répugnantes et quand ce n'est pas le cas, ils se livrent à des actes plus que répréhensibles. La famille maternelle d'Amy par exemple, le grand-père est un ponte du Ku Klux Klan et l'oncle Thomas, ex-militaire ayant servi en Irak, a construit un bunker souterrain de survie pour les siens avec une bibliothèque d'écrits nazis ou assimilés, la mère d'Amy traine son ennui de bars en bras d'hommes divers et Amy elle-même - au caractère bien trempé - outre sa haine de la société locale va accomplir des actes que je ne peux vous dévoiler mais qui entachent salement son CV… Hastings, l'adjoint du shérif, est un intello aux idées plus que suspectes, n'hésitant pas à faire justice de ses propres mains… Etc.
L'écriture est détaillée mais ne s'attarde pas d'où un rythme bien soutenu. Un roman d'une noirceur terrible, très dur, pas tant par des violences physiques (ok, il y a une scène d'anthologie avec des chevaux) que par les idées/idéologies sous-tendant le récit, celle de l'extrême droite américaine, celle d'une partie de ceux qui prendront d'assaut le Capitole. Tout le texte est une plongée – en apnée pour moi – dans cette part de l'Amérique qui effraie. le plus troublant reste encore l'épilogue, ambigu, une absolution pour le mal (euphémisme) causé… ?
Je sors de ce bouquin envahi par un gros malaise : je ne sais rien de John Woods malgré quelques recherches, je sais par contre qu'il ne faut pas prendre les fictions pour ce que pense un écrivain, donc j'attends avec impatience d'en apprendre un peu plus sur lui avec son prochain livre. En l'état, je maintiens que c'est un bouquin énorme mais à lire avec le recul qui s'impose.
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