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De Beijing à  Paris en passant par les Etats-Unis, des camps de rééducation aux récitals de piano, du culte voué au Grand Timonier à Jean-Sébastien Bach, La rivière et son secret retrace l'admirable parcours d'une artiste virtuose prise dans la tourmente de la Révolution Culturelle. 

Petite fille prodige venue au monde en 1949 - date marquant l'avènement du régime communiste - son témoignage rend compte de l'effroyable endoctrinement dont elle a été victime durant l'enfance et l'adolescence. Totalement asservie à l'idéologie maoïste, l'amour de la musique sera sa seule planche de salut. 

*

Native de Shanghai, Xiao-Mei grandit bercée entre culture asiatique et occidentale dans une famille d'intellectuels bourgeois. Se passionnant dès son plus jeune âge pour la musique, elle fait ses premières gammes sur le piano familial aux côtés de sa mère puis intègre le prestigieux Conservatoire de Pékin en 1960. Un avenir prometteur s'ouvre à elle…

Mais c'est sans compter sur L Histoire qui est en marche, prête à briser des millions de vies. La machine à broyer les consciences s'active de façon pernicieuse : humiliations, injures, séances quotidiennes de dénonciation et d'auto-critique, lynchage public, exécutions arbitraires… Il s'agit d'annihiler toute velléité de résistance, de réprimer tout comportement jugé anti révolutionnaire tels que l'individualisme ou l'embourgeoisement. Chacun doit faire preuve d'un soutien inconditionnel au dirigeant du Parti.

Ces longues années de formatage produisent les résultats escomptés. Consciente de "sa mauvaise origine", Xiao-Mei espère se réhabiliter en devenant une "bonne révolutionnaire". Aussi quand arrive son tour d'être envoyée en "camps de rééducation par le travail" aux frontières de la Mongolie, elle y voit une occasion de réaliser son dessein. 

S'ensuivent cinq ans de privations, d'abrutissement et de déshumanisation  auxquels elle survivra non sans de profonds traumatismes psychologiques. À son retour (fin 1974), que faire de la liberté retrouvée ? Comment se pardonner, reconstruire, avancer?

"La Révolution Culturelle m'a salie, elle a fait de moi une coupable. À un moment donné, elle a même tué en moi le sens moral. J'ai critiqué mes semblables, je les ai méprisés, accusés de fautes graves, j'ai enquêté sur leur passé, pris part activement à un processus de destruction collective."

Penser l'avenir et réapprendre à vivre passera par un douloureux travail sur soi. Afin de mettre des mots sur l'innommable, de comprendre l'incompréhensible, d'accepter l'inacceptable…

*

Dense, sensible, lucide, ce témoignage nous offre une vibrante leçon d'humilité, de courage et de détermination. Ayant tout perdu jusqu'à sa dignité, Xiao-Mei doit sa résilience à la musique. Cet art tout comme la littérature a le pouvoir de transformer les êtres, il l'aura aidé à recouvrer son humanité.

Passionnant et bouleversant d'émotions! Parce-que nous ne pouvons oublier, une lecture ô combien nécessaire...

***

"La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée." (Platon)
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Ce livre de la maison d'Édition Robert Laffont DOCUMENTO est une belle réalisation. La rivière et son secret est la biographie de Zhu Xiao-Mei, une femme d'exception. Enfant, elle a vécu la révolution maoïste et cinq ans d'internement en camp de rééducation car née de mauvaise origine, ses parents étant des bourgeois cultivés.
À l'âge de trois ans, elle est émerveillée par le piano de sa maman, très vite elle apprend à jouer et dès l'âge requis entre au Conservatoire. Pendant la révolution culturelle, il n'y a plus de cours, les partitions et les livres sont brûlés. Ensuite, elle est internée dans plusieurs camps de rééducation ... Sa liberté recouvrée, elle s'expatrie aux Etats-Unis puis en France et sera reconnue en tant que pianiste virtuose.
Petite anecdote, juste avant ce livre j'ai lu Jonathan Livingstone, le goéland, lecture dont parle Zhu Xiao-Mei avec enthousiasme.
La rivière et son secret - Des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach : le destin d'une femme d'exception est une lecture autant passionnante qu'enrichissante. À lire par les amateurs de piano et par les lecteurs désireux de connaître certains faits engendrés par la révolution culturelle de Mao.
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Jeune espoir pianiste, Xiao-Mei aura la chance de passer au travers du 'Grand bond en avant' mais son origine 'Petit bourgeois' la poursuivra pendant la 'Révolution culturelle' et malgré son exaltation de jeune ado envers Mao et son petit livre rouge elle subira cinq années l'abrutissement des camps.
Exil aux USA puis à Paris, de belles rencontres qui la feront grandir et se reconstruire grâce à la musique, à Lao Tseu et à ce Lao Tseu chrétien qu'est Bach!

Des moments fabuleux comme le piano qu'elle a fait venir en cachette au camp et qu'elle déballe sur un terrain vague, comme la lettre d'un père pourtant violent et absent qu'elle reçoit aux USA, comme son émotion en déchiffrant les Variations Goldberg, comme sa générosité lorsqu'elle donne un concert.

Avec simplicité et humour, elle nous transmet sa grandeur d'âme, son courage, son travail, son cheminement philosophique.
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Parmi les brimades qu'elle a endurées à cause de la Révolution chinoise, Xhu Xiao-Mei regrette particulièrement d'avoir été amenée à ne pas respecter sciemment une promesse faite à sa grand-mère : celle de partager un dernier repas avec elle. Il était considéré comme petit bourgeois de prendre soin de sa famille.
Brisée par des séances d'auto-critique dès l'adolescence, elle s'est raccrochée à son piano pour avancer. Sa force fut d'oser demander. Elle parcourut ainsi les continents, grappillant les opportunités. Et elle travailla avec acharnement en ouvrant son coeur.

L'humilité de Zhu Xiao-mei nous permet de comprendre comment les Chinois ont pu adhérer au communisme délirant de Mao, car elle ne se cherche pas d'excuse et expose ses velléités honteuses avec simplicité. Nous la suivons ensuite dans ses succès que nous sentons bien mérités.
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Encore un terrible témoignage sur les atrocités commises en Chine communiste sous le règne de Mao et de ses successeurs !
Il s'agit là du destin d'une pianiste broyée par les camps de rééducation et qui parviendra cependant à survivre grâce à la musique et à devenir une concertiste renommée.
On a souvent du mal à imaginer le délire tragique que fut la révolution culturelle : ce récit sans fioritures permet d'appréhender ce monstrueux massacre des consciences.
Environ la moitié de l'ouvrage est consacrée au ré-apprentissage de la vie et du piano par Xiao-Mei en Occident, ce qui s'est bien entendu avéré extrêmement difficile.
A lire également dans la même veine l'excellent livre de Jung Chang, Les cygnes sauvages !
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Zhu Xia-Mei est pianiste. Toute petite elle a manifesté des dons exceptionnels qui l'ont fait admettre au prestigieux conservatoire de Pékin. Passionnée, elle est certaine de pouvoir y assouvir sa soif de musique : "J'ai l'impression d'entrer au paradis, lorsque, ce mois de septembre, je découvre le Conservatoire".
Hélas, la fête sera de courte durée, car c'est à ce moment-là que Mao lance son "grand bond en avant".
Dès lors, fini la musique, du moins la musique occidentale : adieu Bach, Chopin, Mozart et autres, interdits par le régime ; seules quelques oeuvres ridicules mais bien-pensantes sont autorisées.
Les élèves et les professeurs du conservatoire sont dans le collimateur du pouvoir. Rien ne leur est épargné : interminables séances d'autocritique, brimades diverses, et pour finir, les camps de rééducation.
Après de nombreuses péripéties, Zhu Xia-Mei parviendra à fuir aux États-Unis, puis gagnera finalement la France.
Son parcours ne peut évidemment pas laisser indifférent, et sa volonté de s'en sortir force l'admiration. Car après sa fuite hors de Chine, la vie n'est pas facile. Matériellement démunie, elle est obligée d'effectuer divers petits boulots pour vivre (serveuse dans un bar peu reluisant, domestique, etc.), ce qui paradoxalement l'éloignera du piano, d'où une frustration terrible.
Mais sa ténacité sans limite finit par payer : à quarante ans, Zhu Xia-Mei a triomphé de tous les obstacles et peut enfin être une artiste à part entière.
"Quand on veut, on peut" : ce livre en est une illustration parfaite, et c'est une belle leçon de vie que nous donne son auteur.

Voici un lien si vous voulez écouter son interprétation sublime de l'aria des Variations Goldberg de Bach.
http://www.youtube.com/watch?v=caJRng6da1U
Comment Zhu Xia-Mei peut-elle dégager une telle sérénité ? L'être humain est décidément plein de ressources.
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Zhu Xiao-Mei (Xiao-Mei, c'est son prénom), née en Chine en 1949, pianiste géniale, aux mains petites mais véloces.

La CHINE, Mao, l'horreur de la « révolution culturelle ».
Zhu Xiao-Mei évoque Bach et Lao Tseu, l'objet presque animé qu'est son piano, sa grand-mère, d'origine bourgeoise (terrible infamie), à qui ses parents ont refusé de bander les pieds (« une des premières chinoises à marcher librement »), ses 4 soeurs (donc 5 filles !), ses parents, l'entrée au Conservatoire, les musiciens qu'elle étudie, les auteurs qu'elle lit (Tolstoï, Tchekhov, Dostoïevski, Balzac, Flaubert, Zola… )
Et pour un mauvais mot « Si je sautais », c'est « la chute » : l'auto-critique, imposée (chapitre 4 à l'épigraphe saisissant : « Sacrifieriez vous l'enfant qui est devant vous pour mettre en pratique un dessein révolutionnaire » ? Dostoïevski les frères Karamazov).
Suit l'avertissement de Maître Pan « Tu ne peux pas bien jouer du piano si au fond de toi tu es hostile au régime ».
Et l'étau qui se resserre : le conservatoire, scindé en deux, d'un côté la musique chinoise, de l'autre la musique occidentale, puis privé de musique classique occidentale - « Il faut faire table rase de Bach, Mozart et Beethoven » - « Il faut jouer de la musique authentiquement prolétarienne » - 1966 : les disques, les partitions sont brûlées… le conservatoire devient un conservatoire sans musique. Les professeurs, à genoux. « Vous êtes des intellectuels bourgeois. A cause de vous, professeurs, le conservatoire trahit la révolution. A cause de vous, ce lieu est devenu un temple de l'élitisme. A cause de vous, une élève a tenté de se suicider »….
5 ans en camp. Fin 1968. 17 millions de Chinois exilés dans des camps de rééducation par le travail.
Les 7 membres de la famille dispersés
L'étude du petit livre rouge puis l'impossibilité de cultiver le riz dans des terres stériles.
Zhu Xiao-Mei dénoncera une de ses camarades, sera hostile à ses parents, persuadée qu'ils sont de « mauvaise origine ». La culpabilité la suit, d' « impossibilité de racheter le passé ».
Elle obtient miraculeusement l'autorisation de passer le concours d'entrée des classes supérieures.
L'étau se desserre un peu.
La visite de Nixon,
Love story,
Jonathan Linvingstone le goéland


HONG KONG où elle s'enfuit


Puis LOS ANGELES
Le 1er jean de sa vie
Dans l'avion, sa voisine, une Américaine prof d'université, lui parle de Lao-Tseu. Jamais Zhu Xiao-Mei n'a entendu son nom.
« La bonté suprême est comme l'eau, qui favorise tout et ne rivalise avec rien. En occupant la position dédaignée de tout humain, elle est toute proche du Tao ».
Stupéfaction. « Pour moi la vie est faite de luttes »


Femme de ménage, organiste, serveuse, baby sitter…. Un mariage blanc pour rester aux Etat Unis. le prêtre, dans la confidence. « Ce que vous faites tous les deux est un acte en faveur de la liberté. En cela c'est le meilleur mariage de ma vie que je vais célébrer ».


PARIS. 1984
Marian Rybicki
La France terre d'accueil
La 1ère tournée, en POLOGNE.
Le succès.
L'émotion, à l'église St Thomas de Leipzig où Bach a officié de 1723 à sa mort

Bernard Pivot, qui l'invite à l'émission « double je »
« Si Dieu existe, me demande -t – il , qu'aimeriez vous qu'il vous dise ?
- Tu as été assez courageuse. Viens, je vais te présenter Bach ».

Hannah Arendt
La lettre de Victor Hugo au capitaine Butler

La musique, qui « réunit les gens »
« Quand on joue de la musique, on se donne sans condition »

Un témoignage bouleversant.
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Un coup de coeur.
J'ignorais presque tout de la Chine des années Mao Tsé-Tung et son "Grand Bond en avant ", je n'ai aucune culture musicale classique et je viens de faire un grand pas en avant, un vrai celui là, grâce à la lecture de ce livre .
L'itinéraire de Xia-Mei Zhu ,une pianiste aujourd'hui célèbre (que je ne connaissais pas ) est relaté avec une écriture pleine de pudeur, d'honnêteté et de passion..
Le destin de cette artiste a en effet été gravement entravé dans les années 60 par la violence du régime totalitaire de Mao Tse-Tung qui a transformé ses études musicales en un très long calvaire culturel de 20 ans passant entre autre par 5 années de camps de travaux forcés et des sévices psychologiques insupportables et qu'il faut connaitre !
La révolution culturelle prônée par Mao ne fut en réalité qu'une contre-évolution, un moyen de pression au service d'un régime totalitaire, un enfermement culturel qui a lapidé des milliers de futurs artistes parmi lesquels elle fut une rescapée.
Quel a donc été son secret : la rivière?
Bach signifie cours d'eau, ruisseau, rivière .....en allemand ?
Au sortir de ce livre j'ai très envie de m'initier à la musique classique , celle de Beethoven, de Chopin et surtout de J.S Bach (et ses fameuses variations Goldberg), l'artiste fétiche de Xia-Mei.
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Le témoignage de Xiao MeiZhu va au-delà du témoignage auto-biographique car il touche à l'essence même de l'humanité.
De la machine à broyer maoïste jusqu'aux tentatives de reconstruction, la lecture de cette histoire pudiquement racontée nous (re)plonge dans l'Histoire de triste mémoire.
L'enfance qui bascule dans une adolescence où la dénonciation et l'auto-critique sont force quotidienne aboutit à un fanatisme révolutionnaire où de victime l'on peut aussi devenir bourreau.
Point de sentiments, plus d'élévation culturelle (surtout occidentale) et la jeune pianiste s'écarte de l'instrument ami pour devenir une suiveuse maoïste comme tant d'autres. Certains (dont des professeurs et l'admirable « Zeng ») se suicideront.
Mais c'est sans compter sur son origine dite mauvaise puisque bourgeoise qui la rendra à jamais suspecte. Suivront cinq années en camp de rééducation. Devant nos yeux défilent toutes les horreurs d'un régime dictatorial et l'éclatement de toute pensée critique sous le joug de l'oppresseur et des délateurs.
Parallèlement à ce monde féroce, il y a toute la relation de Xiao Mei Zhu avec la musique dès l'âge de trois ans.
Initiée par sa mère, l'enfant précoce accapare le monde des sons et les touches de son instrument : le piano. Entrée au Conservatoire de Pékin, elle croise le chemin du professeur Pan dont la pédagogie début des années soixante fait preuve d'un esprit d'ouverture exceptionnel.
Puis il y a l'oubli, le rejet de la musique occidentale, l'envie d'être une bonne révolutionnaire.
Mais la musique et particulièrement celle de Bach restera tapie au fond de l'inconscient de la jeune pianiste, n'attendant que l'opportunité pour resurgir. La réalité des conditions de vie, des ignominies, de l'incongruité d'une telle société verra jour de plus en plus. La musique aidera, fortifiera, libérera.
Colonne vertébrale qui maintient en vie, les Variations Goldberg de Bach exprimeront tout ce que l'homme contient en lui. L'inhumanité vécue contiendra aussi tous les germes qui nourriront la musicienne que Xiao Mei Zhu parviendra à devenir avec le temps (un long périple, beaucoup de patience, énormément de travail, une remise en question de la technique pianistique).
La découverte de la philosophie chinoise (tao) sera l'ouverture vers une sérénité pour l'auteure pleine de doutes, de peurs venant du tréfonds de l'expérience destructrice vécue.
En fin de livre, on la sent toujours fragile, en recherche d'une vérité intérieure, sereine et constructive. Peut-on jamais être comme tout un chacun après avoir connu la pire des déchéances de l'homme par l'homme ?
La Musique et encore la Musique.
Aria, trente variations, Aria, tel est le livre, histoire bouclée et histoire sans fin...
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La rivière et son secret /Zhu Xiao Mei
C'est bouleversé, muet et comme anéanti que je sors de cette lecture du magnifique livre de la célèbre pianiste Zhu Xiao Mei. Un témoignage émouvant, déchirant et inoubliable comme le furent ses jours de douleur durant l'enfermement en camp de rééducation, broyée par la Révolution culturelle chinoise sous le règne de Mao. Mais sauvée in fine par la musique ! Quelle délicatesse pour nous faire partager l'histoire de ce destin incroyable ! Naturalisée française depuis 2001, elle a écrit son livre, publié en 2013, en français, notre langue qu'elle a commencé d'apprendre à l'âge de 35 ans. Admirable personne, une vie hors du commun, une femme d'exception ! Et que dire de la belle série de photos touchantes de Zhu Xiao Mei, de sa famille et de ses amis qui clôt ce récit de près de 400 pages !
Personnellement, j'ai découvert l'existence de Zhu Xiao Mei lorsque je me suis intéressé aux différentes interprétations des Variations Goldberg de J. S. Bach, que je collectionne, cette oeuvre étant pour moi comme pour beaucoup le chef d'oeuvre absolu pour clavier. Après l'avoir écoutée puis vue, j'ai été absolument séduit par son jeu, toucher et art des nuances.
Son livre à présent.
D'entrée, Zhu Xiao Mei écrit : « J'ai longtemps pensé que je n'avais pas de raisons particulières d'écrire – n'est - ce pas avec la musique que je m'exprime. » Et puis : « …Et j'ai eu envie d'écrire ! Pour pouvoir raconter ce qu'est la chance d'avoir vécu en Chine et en Occident, dans trois pays différent (Chine, USA, France) et mélanger les cultures, les faire dialoguer. »
le livre comporte 30 chapitres, autant que de variations Goldberg, avec une aria en ouverture et en clôture.
Xiao Mei est née en 1949 à Shangaï. En 1950, la famille déménage vers Pékin, la mère de Xiao Mei étant nommée professeur de musique dans une école primaire. À l'âge de trois ans, Xiao Mei découvre un piano dans la maison de 50 mètres carrés pour 7 personnes (car elle a 4 soeurs), mais ne sait ce que c'est. Elle a pourtant le sentiment qu'il est là pour elle. le premier morceau que Xiao Mei entend joué par sa mère, et elle ne l'oubliera jamais, c'est la célèbre Rêverie de Schumann. À partir de ce jour, la mère comprend ce que sa fille a en tête et Xiao Mei n'a plus qu'un rêve, jouer de cet ami qui fait partie de la famille, un instrument qui a été le cadeau de mariage offert par les parents de sa mère. Sa mère la met donc au piano, et très vite l'enfant joue remarquablement ses gammes et les exercices de Czerny malgré ses petites mains.
Xiao Mei regarde le piano comme si c'était une personne et quand la musique s'élève sous ses doigts, il lui semble qu'il chante, qu'il lui dit quelque chose ; quand elle le touche, il lui répond.
En grandissant, elle se dit qu'elle est une Chinoise étrange, émue par la musique occidentale de Schumann alors qu'elle s'endort à l'opéra de Pékin ! Elle a six ans et elle passe son premier examen d'entrée à l'École de musique pour enfants, antichambre du Conservatoire. La discipline y est terrible et veille à ce que tout individualisme recule et que l'esprit du communisme entre bien dans les petites têtes. Séances d'autocritique et de dénonciations se succèdent tous les samedis. Sa famille est dans le collimateur des autorités car ses parents ne ressemblent pas aux bons révolutionnaires des livres net des affiches officielles. Ils passent pour des bourgeois.
En 1957, la petite Xiao Mei est déjà sollicitée pour donner des concerts, à la radio puis à la télévision, avant d'accéder au Palais impérial de Pékin. Trois ans plus tard, c‘est l'entrée en interne au Conservatoire de Pékin., où le rythme de travail est épuisant.
1960 et années suivantes : les années de l'horreur : vingt millions de chinois meurent de faim victimes de la folie de Mao.
Xiao Mei découvre Bach et Mozart avec des professeurs remarquables. Elle a bientôt 14 ans et donne ses premiers récitals avec au programme Beethoven, Mozart et Chopin.
Mais arrive les méfaits de la Révolution culturelle et tous les jeunes instruits sont envoyés à la campagne pour changer en profondeur leur mentalité. Une cure de rééducation ! Il est proclamé que la Chine nouvelle ne peut se bâtir que si les enfants de mauvaise origine (dont Xiao Mei) renient leurs parents. 1964 : la musique classique est déclarée bourgeoise, elle n'a pas été écrite pour le peuple. Chaque jeune doit devenir un soldat révolutionnaire et au Conservatoire on ne jouera plus de musique classique occidentale. C'est la période des Gardes Rouges, qui sont partout.
40 ans plus tard, Xiao Mei se revoit telle qu'elle était devenue : une créature sans cerveau conçue pour un seul but, être comme les autres.
1967 : à la campagne ce sont les travaux forcés et cela va durer cinq ans, cinq longues années de camp avant que naissent le doute et la lucidité et qu'un sentiment de révolte se profile pour fuir les séances d'autocritique et de dénonciation. La liberté et des désirs d'évasion deviennent une obsession.
Hiver 1974 : cela fait cinq ans que Xiao Mei est internée. Ce n'est qu'au cours de 1975, libérée, qu'elle reçoit une affectation à l'école du ballet de Pékin. Elle apprend discrètement l'anglais car elle a des projets en tête.
En 1977, le Conservatoire de Pékin rouvre ses portes mais Xiao Mei veut fuir, partir pour toujours. Elle obtient un visa pour les USA en 1980. C'est l'arrivée à Los Angeles. Elle a 31 ans et la Révolution culturelle lui a pris sa jeunesse.
Elle découvre Lao Tseu et se fait à l'idée que le renoncement aux vanités est la voie de la sagesse. Ses journées désormais sont rythmées par deux grands moment de bonheur, le premier est sa méditation quotidienne avec le tao en tonalité, le second est sa méditation au piano.
Puis elle rêve de Paris, ne parvenant pas à se faire à la vie américaine. Elle débarque en France en décembre 1984. Et c'est là qu'elle va faire la rencontre musicale de sa vie : les Variations Goldberg de J. S. Bach.
Extrait : « Mais ce que je sais , c'est que j'ai fait la rencontre musicale de ma vie . Les Variations Goldberg remplissent désormais toute mon existence . Il y a tout , dans cette musique , elle suffit à vivre . La première variation me donne du courage . Je souris dans la dixième , humoristique , chante dans la treizième dont la ligne musicale m'apaise comme aucune musique avant , danse dans la vingt - quatrième avec son rythme de polonaise , je médite dans les quinzième et vingt - cinquième , deux des trois variations en mineur , qui m'émeuvent aux larmes . »
Pour Xiao Mei, Bach est universel et les lignes musicales entremêlées du contrepoint de Bach la renvoient à l'art de la calligraphie , un art typiquement chinois qui est avant tout un art de la respiration et de la méditation .
Extrait : « Les Goldberg ont cela de particulier qu'elles convoquent toutes les émotions , tous les sentiments de la vie humaine : c'est en cela qu'elles constituent un des plus grands chefs - d'oeuvre de l'humanité et qu'elles parlent tant au public . Dans cette oeuvre , c'est la vie même , dans ses composantes infinies , que Bach a mise en musique . »
Xiao Mei s'installe dans un petit et modeste appartement quai Conti à l'automne 1988 : elle est chez elle, c'est la première fois de sa vie que cela lui arrive ! 1989 : elle connait son premier succès public lors d'un concert à 40 ans en l'église Saint Julien le Pauvre. Elle enregistre en 1990 les Goldberg pour son premier disque.
1994 : l'heure va sonner de ses vrais débuts parisiens. Puis il y aura le voyage à Leipzig, ville natale de Bach, l'enregistrement des Variations Goldberg dans l'église Saint Thomas où se trouve la sépulture du compositeur mort en 1750.
Dans les derniers chapitres, Zhu Xiao Mei revient sur les pires moment de son existence : « La Révolution culturelle m'a salie , elle a fait de moi une coupable . À un moment donné , elle a même tué en moi le sens moral . J'ai critiqué mes semblables , je les ai méprisés , accusés de fautes graves , j'ai enquêté sur leur passé , pris part activement à un processus de destruction collective . Comment effacer cette tache ? »
Et plus loin sur sa philosophie de la vie : « La religion chrétienne , qui me touche tant par ailleurs , a ce défaut de vouloir convertir , étendre son influence . L'idée même est étrangère aux Chinois . Bouddhistes , taoïstes et confucéens , ceux - ci pratiquent des religions qui sont plutôt des philosophies ; ils n'ont pas connu l'équivalent des guerres de religion et la pensée qu'une religion à elle seule pourrait détenir la vérité leur est incompréhensible . »
En 2006, Xiao Mei reverra Pékin et sa famille après 26 années d'absence…
Et sa belle conclusion : « Je doute , j'ai peur des autres , de moi , et je ressens avec violence mon impuissance , mon incapacité à atteindre la perfection . Mais le matin , je sais qu'il est là , dans la pièce à côté , il m'attend . Il est une promesse de bonheur toujours tenue . Mon piano . »
Aujourd'hui, Xiao-Mei est célébrée dans le monde entier comme une pianiste virtuose et une immense artiste.









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