Gabacho évoque les mésaventures de Liborio, jeune immigré clandestin qui a fui le Mexique pour un avenir meilleur aux Etats-Unis. Il travaille dans une librairie où il est homme à tout faire et traité avec mépris par son patron qui l'a embauché parce qu'il était « le seul mec à pas avoir l'air de vouloir un jour lui voler un bouquin ». Liborio en profite pour se cultiver en cachette, bien que son amour pour la littérature ne soit pas évident. « J'ai le cerveau qui pique, comme quand j'ai commencé à lire ces putains de romans pédoques, menteurs, vomitifs. Avec leurs simagrées de lettres de grande envergure mais sans nerfs. Tous déconnectés du monde et de la vie ».
Liborio manie le langage comme il laisse tomber ses poings sur ses adversaires lors des matchs de boxe, avec une grande violence, avec hargne. Il semble en vouloir à la terre entière, il perçoit le monde de façon noire, mais non dénué d'un certain sens de l'auto dérision. Il s'exprime dans un langage bien à lui, truffé de mots argotiques et de néologismes, donnant parfois dans la surenchère.
Au début, j'avais du mal à apprécier les personnages du roman comme le libraire, la journaliste, et Liborio. Je les trouvais tous hyper cyniques, désabusés, vulgaires, durs, sexistes. Je pensais le personnage de Liborio capable d'aller vers tous les expédients, sans même une once d'empathie. Cependant, mes sentiments à son égard ont changé à mesure que se dévoilaient des pans de son enfance difficile au Mexique et les épreuves qu'il a endurées pour traverser la frontière. Enfant des rues, pris en charge un moment par une tante maltraitante, il a lui même dû développer une forme de dureté pour survivre dans un environnement où règne la loi du plus fort, un univers sordide où il faut choisir ses alliés avec précaution pour ne pas sombrer.
J'ai finalement eu plus de sympathie pour le personnage, jusqu'à l'apprécier plutôt à la fin. Sous ses airs de dur, Liborio peut montrer aussi un certain sentimentalisme quand il fait la cours à Aireen, jeune fille pour lequel il a eu un véritable coup de foudre. Courageux, combatif, il prend les choses à coeur, il ne baisse pas les bras, il veut s'en sortir. Il trouve la rédemption dans la boxe qui lui permet de sublimer son agressivité, et le roman, sous son ton cynique et désabusé, laisse tout de même entrevoir des lueurs d'espoir sur la nature humaine. D'ailleurs, au cours du roman, le narrateur semble évoluer ; je l'ai trouvé plus apaisé à mesure qu'il trouve un sens à donner à sa vie et cela se perçoit aussi dans son langage.