Ceci n'est pas un roman, et cela fait mal au coeur.
A travers les portraits de treize
Chinoises (le quatorzième chapitre étant consacré à une communauté reculée),
Xinran prend le pouls de la Chine des années 90. Une Chine en pleine suffocation, à peine remise du traumatisme du Grand Bond en avant. Lancé dans les années 60, ce programme politique n'aura duré que quelques années – mais quels dégâts aura-t-il fait ! La collectivisation des terres agricoles a donné lieu à une immense famine, au déchirement de nombreuses familles, à des mariages forcés, à des désillusions et à tant de souffrances…
Tout en brossant le Parti dans le sens du poil, cette jeune journaliste tente de découvrir la vérité : à quoi ressemble la vie des
Chinoises ? Que veulent-elles ? Qu'est-ce que le bonheur pour elles ?
Les traditions de la société pèsent de tout leur poids sur les femmes : celles-ci se doivent d'être belles et bêtes (nombreux sont les dictons les louant lorsqu'elles sont incultes ou désoeuvrées), de servir leur mari et de mettre au monde des fils. La moindre des choses, évidemment, est d'être vierge le jour de leur mariage : les filles-mères sont conspuées. Peu importe qu'elles aient été consentantes ou non.
Et contrairement à ce que j'avais cru, les choses ne s'arrangent pas avec la révolution culturelle.
Xinran reçoit des témoignages bouleversants de femmes maintenues dans l'ignorance de la sexualité, terrifiées à l'idée de tomber enceinte pour avoir osé tenir la main d'un garçon, de jeunes filles issues de familles bourgeoises envoyées dans la campagne pour y être « rééduquées » et servir d'outil sexuel aux hommes en mal de douceur.
Car le problème est là : la vie est dure pour tout le monde. La pauvreté et l'indigence touchent aussi bien les hommes que les femmes. La seule différence entre eux, c'est que les premiers peuvent se soulager sur les dernières quand le fardeau devient trop lourd à porter. Que ce soit le sexe ou la violence, les
Chinoises deviennent trop rapidement un exutoire.
J'ai été happée par ces terribles histoires qui montrent une société bancale, trop fragile pour pouvoir se permettre d'être humaine. Des vies brisées par la politique, par la délation, par la monstruosité des forces de l'ordre (elles aussi soumises à de fortes pressions). Dans les années 60, en Chine, on ne pouvait plus faire confiance à personne.
Un livre jamais cru, jamais vulgaire, à mettre entre toutes les mains : il éduque et renseigne, il donne à réfléchir et il fait aussi voyager.