La vie était un don des dieux et des bouddhas, et quand venait la mort, l’âme humaine partait aux confins de la mer, pour ensuite revenir dans le ventre d’une femme afin de revivre dans le corps d’un bébé. La mort n’était pour l’âme qu’une période de profond repos précédant son retour, et les villageois croyaient que se lamenter trop longtemps troublait la paix de l’âme du mort.
Il avait encore en mémoire la sévère recommandation de son père qui, avant de partir, leur avait fait promettre, à sa mère et à lui, de ne pas laisser les enfants mourir de faim.
De vieux capuchons de paille flottaient çà et là dans les premières vagues.
Le meilleur moyen de lutter contre la famine était de se vendre. Un marchand de sel servait d’intermédiaire, et versait une certaine somme à la famille qui achetait alors les céréales lui permettant de subsister. D'habitude c’était plutôt les filles qu'on vendait de cette manière. Tatsu l’avait été à quatorze ans pour une durée de dix ans.
Qui sait quand les bateaux reviendront ? Il se peut qu'on ne les revoie plus pendant plusieurs années. Si vous vous habituez au goût du riz ,vous risquez de le payer plus tard .Que les hommes continuent donc à pêcher et les femmes à ramasser des coquillages sur la plage.
Les villageois prirent le deuil. Parmi eux, certains disaient que c'était un bonheur pour cet homme de mourir juste après son retour au village. C'est vrai que beaucoup mourraient au loin, et que l'on pouvait dire que c'était une chance pour lui d'avoir pu à nouveau fouler la terre de son village et retrouver sa famille.
p.133.
- Le plus terrible pour l’homme, c’est le relâchement de l’esprit, murmurait sa mère en ajoutant du bois dans le feu.
Il avait encore en mémoire la sévère recommandation de son père qui, avant de partir, leur avait fait promettre, à sa mère et à lui, de ne pas laisser les enfants mourir de faim.
Il se remémora ensuite l’année de ses trois ans et réalisa enfin que la joie manifestée alors par ses parents et le reste du village venait de ce que les bateaux leur avaient rendu visite cette année-là. L’année suivante, il avait vu et mangé des choses extraordinaires.
Lorsqu’il y avait une fête ou un mort dans le village, sa mère prenait du riz dans une jarre pour préparer une bouillie. Quand il avait de la fièvre, elle apportait un pot avec d’infinies précautions, y plongeait le doigt qu’elle lui glissait ensuite dans la bouche. C’était du sucre blanc, d’une douceur inimaginable, réputé pour être efficace contre toutes les maladies.
- Le travail doit être dur.
- Oui. Puisqu’on nous a achetés, on nous utilise à plein rendement. La seule chose qui soit intéressante, c’est qu’on ne nous laisse pas mourir de faim, de peur de nous perdre...