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Histoire d'un village de pêcheurs au fin fond du Japon, où la vie est dure, la faim souvent présente, et où les habitants sont obligés de devenir naufrageurs pour survivre. La mer apporte alors aussi bien la prospérité que la désolation.
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Hasen
Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle

ISBN : 9782742746514


Considérablement plus court que "La Guerre des Jours Lointains", "Naufrage" confirme à nos yeux le grand talent de Yoshimura Akira. Style simple et poétique, sans les lourdeurs chirurgicales du roman sur la Défaite japonaise, personnages simples eux aussi mais confrontés à des problèmes hélas ! qu'ils ne sauraient maîtriser, intrigue en apparence très simple mais qui soulève avec habileté l'éternelle question du destin des hommes, de la fatalité et même du libre-arbitre. Simplicité, comme on le voit, est ici le mot-clef.

Dans un minuscule village côtier, les habitants, tous pêcheurs, se battent au quotidien pour assurer la survie de leur famille. Quand les temps deviennent trop durs, certains, hommes et femmes, adolescents et jeunes filles, vont au village voisin se "vendre" pour un certain nombre d'années à un employeur, lequel leur accorde en contrepartie une somme d'argent qui, dans bien des cas, sauve leur famille de la famine. C'est ainsi que s'en va, pour trois ans, loin des siens, le père de notre jeune héros, Isaku.

Yoshimura nous conte ce qui se déroule durant ces trois années : la solitude qui accable la Mère, toujours amoureuse de son mari ; les mille et une tâches au-dessus de son âge que doit prendre à sa charge Isaku, neuf ans, l'aîné de la fratrie ; la hantise de la Faim qui plane sur tous ; les naufrages provoqués par les villageois ainsi que le faisaient déjà leurs ancêtres ; le pillage des épaves, organisé avec la plus stricte rigueur ; la distribution égale des vivres ainsi obtenues ; la ronde des saisons, scandée par les marées ; et la dérive, un jour, d'un bateau abandonné, n'ayant à son bord que des cadavres vêtus de somptueux kimonos de soie rouge ... le texte est à la troisième personne mais le point de vue adopté est toujours celui d'Isaku.

Avec un minimum de moyens et sans jamais chercher à se poser en juge ou en moraliste, l'auteur fait revivre l'existence abrupte, difficile et parfois quasi animale qui était celle des humbles - ce sont ici de simples pêcheurs mais cela aurait pu être des agriculteurs - dans un Japon féodal que le lecteur perçoit plus proche du XVème ou du XVIème siècle que de l'Ere Meiji. Ses personnages sont durs ou plutôt se forcent à l'être parce qu'ils ont compris, et leurs pères avant eux, qu'il vaut mieux être parmi ceux qui mangent qu'au nombre de ceux qui sont mangés. S'il existe sans doute parmi eux un ou deux psychopathes en puissance, fort satisfaits de massacrer des marins survivants au lieu de leur venir en aide, Yoshimura ne le souligne pas. Les grands feux que les pêcheurs allument l'hiver sur le sable de la plage, afin, dans le langage officiel, de "récolter le sel", ces grands feux susceptibles de faire croire aux marins naufragés qu'ils trouveront là de l'aide alors que c'est la Mort seule qui les attend, ne sont pas l'oeuvre de démons sans âme mais celle de pauvres malheureux à qui le Destin ne laisse pas d'autre choix : c'est tuer ou être tué.

Jusqu'au bout d'ailleurs, le Destin s'acharne sur les pêcheurs, comme s'il voulait les punir de ce qu'il les contraint à accomplir. Soulagés pour une fois de n'avoir eu à achever aucun marin en détresse, voilà nos villageois tout heureux à l'idée que, faute de mieux, on va leur distribuer les fameux kimonos en soie écarlate. Retaillés, ils constitueront de splendides vêtements de fête, pour leurs femmes comme pour leurs enfants qui n'auraient jamais songé en posséder un jour d'aussi beaux.

Mais la soie si belle est infectée par la petite vérole et l'épidémie se déclare très vite, éradiquant les plus faibles, défigurant ceux qu'elle accepte de laisser vivre après les avoir ravagés et aussi, avec une étrange magnanimité, en épargnant tout simplement certains, dont Isaku. Les morts enterrés selon les rites, les survivants désormais porteurs de la maladie sont bannis dans les forêts voisines, où il ne survivront que très peu de temps. Quant à ceux que la maladie n'a pas touchés, ils se retrouvent seuls, tel Isaku qui, après avoir perdu sa petite soeur, a vu sa mère et son frère s'éloigner dans le cortège des bannis. Les trois ans fatidiques se sont écoulés, son père est de retour mais leur monde ne s'est-il pas écroulé ? ...

Un roman d'une grande puissance dramatique, qu'on peut qualifier, dans sa simplicité et son impartialité absolue, de sublime, ce sublime dont certains grands auteurs japonais ont le secret et qui n'est pas sans évoquer la pureté des tragédies grecques : sobre et vibrant, universel et serein. Un livre à ne pas manquer. ;o)
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livre cruellement beau. On y suit -à travers les yeux d'un petit garçon- la vie d'un village, rythmée par les saisons et ce qu'elles apportent , de bon ou de mauvais. Les villageois, vivant sur une île, qui comprend aussi d'autres villages plus prospères, survivent plus qu'autre chose, en se fiant aux divers petits signes de la nature et à leurs significations. Leurs récoltes sont quasi inexistantes, leurs pêches capricieuses, et lorsque la famine pointe le bout de son nez, certains membres se "vendent" à d'autres villages, parfois pour dix ans, en espérant aider un peu ceux qui restent, et en souhaitant survivre au bout de leurs périodes de "location". Entre temps, ceux qui restent, vaquent à leurs occupations,cultes et prières, entèrent beaucoup de morts, des enfants surtout, et à chaque hiver, s'adonnent à un drôle de rituel; provoquer le naufrage de navires par mauvais temps, afin de profiter de leurs cargaisons. Ils en arrivent même, une fois que le naufrage a eu lieu, à tuer les marins survivants.Le plus étonnant, c'est la façon dont ils évoquent ses naufrages, ils parlent "des bateaux qui leurs rendent visite", comme si c'était des dieux ou des esprits. Aussi, après l'euphorie d'un naufrage qu'ils attendent depuis des années, survient l'angoisse. Parceque parmi ces bateaux, certains appartiennent au gouvernement, ou alors leurs propriétaires pourraient découvrir la véritable raison du naufrage, et c'est la mort qui les attends. C'est le second livre d'Akira Yoshimura que je lis, après le Convoi de L'Eau, et ça confirme ma première impression: son écriture est simple, le ton est parfois glacial, net, sans fioriture, mais ça reste chaleureux ( oui je sais je me contredis   ), tant il ne juge jamais, et se borne simplement à décrire l'instant de survie des humains.
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Dans un Japon primitif, dans un endroit reculé entre mer et montagnes, se trouve un village où la vie s'apparente à une lutte quotidienne pour la survie : on tient essentiellement grâce à une pêche très aléatoire et de quelques maigres récoltes en légumes et céréales. Afin de subvenir aux besoins de leur proche, chaque famille voit certains de leurs membres se vendre pendant quelques années contre quelques sacs de céréales qui permettront à ceux qui restent de pouvoir passer les terribles hivers. Parfois le destin semble miséricordieux : un navire fait naufrage et le village peut tenir quelque temps en s'octroyant la cargaison. Est-ce-que ces naufrages sont seulement dus au heureux hasard de dame Fortune ?
Roman magnifique dans un style simple donnant toute sa force au récit. Yoshimura excelle dans les descriptions de paysage, des situations de la vie quotidienne comme les morts et naissances, la pêche … Il m'a semblé dans certains passages que j'assistais à une transcription quasi magique en mots des estampes de Hiroshige. J'ai vraiment été emporté par Naufrages et pense poursuivre prochainement dans l'oeuvre de cet auteur, peut-être avec Convoi de l'eau…
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Un récit beau et difficile, porté par une écriture à la fois lancinante et poétique.

On y suit la vie quotidienne d'un garçon de neuf ans, au rythme des saisons, dans un village isolé d'un Japon sans âge mais quasi-médiéval. Cet enfant n'a pas d'enfance, trop occupé à arracher à la mer et à la terre la maigre subsistance d'une famille dont il s'est vu confier trop tôt la responsabilité. Comme l'indique le titre, la seule lueur d'espoir, le seul rêve permis sont représentés par le malheur d'autres, les rares naufrages de bateaux dans la baie qui jouxte le village, et la promesse des marchandises qu'ils transportent.

C'est très sombre mais il ressort de cette noirceur quelques rares moments lumineux, et cette écriture à la fois sèche et belle vous emporte au long des pages et des saisons.
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C'est en écoutant un CD de Toru Takemitsu que je rédige cette critique. (November Steps : un petit chef d'oeuvre de musique contemporaine. Takemitsu sait composer un savant mélange de musique occcidentale et de musique traditionnelle japonaise.) Avec cette musique, cependant je suis plus proche d'un auteur comme Kawabata ou en remontant dans le temps, comme Basho ou Buson que de Yoshimura. Mais bon. Ça m'inspire quand même. Je me souviens d'avoir fait lire ce livre à mon fils au collège pour rédiger un exposé. Mon petit bonhomme était très surpris de la quasi absence de signes temporaires et géographiques. Il ne parvenait donc pas à situer ce roman dans le temps et l'espace. Et il me semble que c'est la clé de lecture principale du livre. Ce que Yoshimura veut montrer, c'est que ce village, cette misère ambiante peut se retrouver partout et à n'importe qu'elle époque. Et l'obligation pour s'en sortir de recourir à des actes préjudiciables aux autres. Cela, répété à l'envi. C'est cela la vrai misère. Mon fils, à cette époque, avait été particulièrement touché par cette intrigue. Toujours cette misère humaine ! Je ne me souviens plus vraiment de la forme. Sûrement très simple, écriture adaptée à l'intrigue, comme toujours chez ce grand écrivain.
En revanche je me souviens très bien du film « Goyokin, la terreur des Sabai » de Hideo Gosha. Il s'agit un peu de la même intrigue mais orchestré, cette fois par le chef du clan. Il faisait s'échouer des navires ramenant de l'or de l'île voisine et destiné au Shogun, tuant au passage les villageois pour qu'ils ne puissent témoigner.
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C'est un livre qui m'aura mis sur un petit nuage. Isaku, jeune garçon habite dans un petit village de pécheur isolé le long de la côte japonaise. Lorsque débute ce roman après des années peu fructueuses la pauvreté est installé au village la famine menace pour sauver sa famille son père part se louer pour trois ans dans un bourg lointain. Isaku devient alors le seul soutien de sa famille, c'est à lui que revient désormais la lourde tache de pêcher, il sera aussi chargé par le chef du village d' une tache importante pour la survie de tous, prendre un tour de garde pour entretenir les feux qui vont servir par les nuits de tempête à sécher le sel mais également à faire venir près s'échouer près du village des navires en difficulté chargé de lourdes cargaisons.

C'est un roman intemporel, rythmé par les saisons de pêches, les bonnes années, les mauvaises, l' apprentissage, les pêches fructueuses, « les années à bateau »...
Une très belle histoire porté par une écriture épurée, on est bercé par les mots d' Akira Yoshimura.
Elle parvient peu à peu à faire monter la tension jusqu' aux drames, on ne peut certes pas dire que tout est bien qui fini bien mais c'est un conte dont je vais garder un très bon souvenir.
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Conseillé par un autre lecteur de Babelio, amateur de littérature japonaise, je suis allé les yeux fermés vers ce NAUFRAGES. le quatrième de couverture ne m'inspirait pas plus que cela mais le petit format du livre lui a permis de se glisser plus haut dans ma pile de livres en attente. Bien m'en a pris. Quelle écriture. Précise, imagée, travaillant le temps et les ellipses avec maestria. On ne voit pas le temps passer dans cette histoire dont l'un des points forts est justement cette capacité à capturer le temps qui passe.
L'action se passe dans un village de pêcheur à l'écart du Japon. La pauvreté et la rudesse de la vie sont énormes. la question de la survie est liée à des actes du quotidien simples, répétitifs, et aux rituels. Ces gens sont devenus des naufrageurs pour survivre. Mais tout acte à un prix, même au nom de la survie.
J'ai vraiment été impressionné par la manière dont l'auteur traite le temps qui passe et nous fait sentir le rythme de la nature, plus grande que nous, sans jamais pourtant être ennuyeux. Sa capacité aussi à faire défiler des mois d'un paragraphe à un autre de manière fluide. Et je n'arrivais pas à lâcher ce livre avant de savoir si le jeune protagoniste allait pouvoir s'en sortir. Une merveilleuse surprise.
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Elle n'est vraiment pas facile la vie d'Isaku ! Membre d'une petite communauté côtière très isolée et très pauvre dans le Japon médiéval , il se retrouve à neuf ans en charge de famille . Les ressources alimentaires tirées de la pêche et d'une agriculture de subsistance sont si aléatoires et réduites que les adolescents et les adultes doivent parfois se louer pour de longues périodes en des contrées lointaines,et c'est le cas de son père. Il doit donc prendre sa place et se plier aux rituels du village qui comportent , entre autres , des pratiques de naufrageurs . Les navires attirés par les feux sur la plage sont pillés et leurs équipages tués. C'est une chronique très sombre de la vie en ces temps reculés que l'auteur rythme par la description minutieuse des cycles saisonniers et des pratiques coutumières. Une vie vouée au travail et constamment menacée d'anéantissement.
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Le méchant petit conte cruel que voilà!

Si le livre est assez court (188 pages), il n'en est pas moins émotionnellement dense, ni dénué d'une certaine angoisse, pour ne pas dire d'une angoisse certaine...

Akira Yoshimura emploi volontairement un rythme narratif lent afin que le lecteur ressente - à l'instar des habitants de cette baie isolée du Japon, l'attente du naufrage éventuel d'un navire.

La Nature, la mer et les saisons qui passent sont extrêmement présentes au fils des pages.
Elles donnent ainsi des repères temporels à Isaku, petit garçon de 9 ans au début du récit, à travers des yeux duquel nous vivons ce récit dramatique. Sa vie est en effet rythmée par la couleur que prennent les feuilles des arbres de la montagne, ou encore la saison des sardines, celle des encornets, celle des maquereaux..., chacune d'elle correspondant à une tranche de vie de l'année avec les activités qui s'y rattachent.
Les années s'écoulent de cette façon les unes après les autres dans une double attente, celle du retour de son père, et celle de voir un bateau briser ses flancs sur les rochers de l'île, attiré par ses lueurs.

Le silence est également très présent. Il s'accompagne forcement des questions qu'Isaku se posent avant d'en comprendre les terribles réponses, et c'est en cela que j'y ai perçu un récit d'apprentissage de la vie.

Un récit raconté comme un conte. Oui, mais un conte cruel, car le temps passe menant inexorablement le village à son terrible destin, comme une punition en réponse aux prières des naufrages.

Un vrai plaisir de lecture, que je vous conseille vivement.
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