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Citations sur Le tour de la prison (21)

Le voyage est aussi goût et passion personnels, et ce qui est le cas, même de nos jours, de tout voyage intelligemment accomplis, une école d'endurance, d'étonnement, presque une ascèse, un moyen de perdre ses propres préjugés en les frottant à ceux de l'étranger.
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Mais l'alcool est comme l'amour ou la vieillesse : on y trouve ce qu'on y apporte. Il semble que les passagers de ce navire n'y apportent rien.

Une Anglaise qui fut charmante et l'est toujours y met le deuil de son mari, acteur célèbre, qu'elle n'a pas cessé de regretter. Elle a une fille, plusieurs demeures, des amis, mais choisit de vivre surtout à bord. (...) Cette femme est royale, comme tout être qui ne nuit à personne et fait ce qui lui plaît.

pp. 64-65
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Certes, les peintres japonais ont tracé d'exquis oiseaux s'ébattant sur un arbre en fleur ou prenant frileusement refuge sous un pin couvert de neige : notre amour de la chose ailée s'y accorde d'emblée. Il semble, d'autre part, qu'avec les poissons, ces "muets des eaux", solitaires jusque dans l'accouplement, l'homo japonicus ait établi des rapports plus intenses et plus profonds que les nôtres. Leur détachement, leur indifférence plaît ici : rien de cet émoi qui s'empare de nous quand un bouvreuil ou une mésange vient se poser sur nos doigts comme du fond d'un autre monde, mais une sorte de goût de l'existence et de la différence pures.

p. 87
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Dans le malheur, pour autant qu'on le peut, le courage tient lieu de soleil.
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Vision ? J ai toujours taché de distinguer le plus exactement possible la Vision de l'esprit [...} de celle à laquelle jusqu'à un certain point les yeux participent, et de séparer de l'une et de l'autre la vision totale, sorte de ravissement plutot, bien qu au lieu de se sentir ravi on se sente intégré, en qui les cinq sens et l'esprit s unissent. Mais pourquoi vision totale et non pas extase ou délire ? C'est que justement aucune vision ne délire (ou alors, on ouvrirait un autre chapitre, celui de l Halluciné). Aucune vue qui ne prend pas possession de tout l esprit n est vision; aucune pensée si valable qu elle soit, n est autre chose qu un fruit ou un sous produit passager, dénué de ce sens d éternité dans l instant, d'étendue à l intérieur d un point pas même fixe, qu'à de très longs intervalles la vision de l esprit parfois confère, et qu il est quelquefois possible de ressuciter par le souvenir.
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Le lendemain, je dis à J. : "Que l'éclat d'un grand nom nous aveugle pour tout le reste !" Nous avons pensé hier à Mishima : c'était bien raison. Mais je me demande si dans toute cette ville il y a eu une pensée pour Morita, ce garçon de vingt-quatre ans qui mourut avec lui, et souffrit peut-être moralement davantage, l'ayant vu mourir sans avoir pu, comme convenu, lu porter le coup de grâce - il ne parvint de ses mains tremblantes qu'à lui hacher l'épaule -, et qui, n'ayant pas davantage réussi à s'éventrer, fut décapité, comme le veut le compatissant usage, par un des deux autres acolytes. Plus jeune de vingt ans que son maître, il donna davantage de sa vie, et peut-être sans autre motivation que son loyalisme. Nul le mentionne : on sait seulement qu'il était originaire d'une province du Nord, où l'on a, paraît-il, renvoyé ses cendres.
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Les bars et les boîtes ont pris la place des maisons de thé repliées sur Kyôto ; bar où la fille aux doigts furtifs satisfait le client à travers un mouchoir ; bars où des travestis exhibent au laser, dans l'assourdissant vacarme qui passe pour psychédélique, des seins gonflés par des piqûres d'hormones ; bars où des belles se rejoignent comme naguère aux heures désœuvrées dans les maisons de thé. Près des somptueux restaurants où fleurit la nouvelle cuisine, nous tombons sur la petite taverne où l'on se régale de soupe aux haricots et de nouilles sucées à même le bol, assis par terre dans le désordre bon enfant des chaussures rejetées autour de soi d'un coup de talon, et où les habitués nous feront sentir qu'ils se passeraient bien de nous. Tokyo a résorbé Edo.
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Le maître de maison adhère à coup sûr aux principes du bouddhisme, mais son expérience peut-être plus intellectuelle que mystique n'atténue pas le pli amer au coin des lèvres. Il est malade, et il est seul. Comme tout solitaire, il lui arrive de se référer de temps en temps à de grands noms d'amis maintenant éloignés ou disparus d'un monde qui n'est plus le sien. Il ne nie pas non plus son goût du fait politique ; il a peut-être noué ou desserré certains nœuds Il a été l'un des amis préférés de Sihanouk ; on le sent encore en partie dans ce Vietnam ou ce Cambodge qu'il a quitté. Est-il allé aussi plus loin dans d'autres domaines ? A-t-il touché non seulement en ethnologue, mais en expérimentateur, aux rites des magies bienfaisantes ou non que la secte shingon, entre autres, a importées du lointain Tibet ? Vaines hypothèses, mais certaines connaissances de l'esprit marquent u visage aussi bien que certains secrets de la chair. Cet hôte courtois, cet homme que la maladie use sans le désarmer n'est pas entièrement avec nous ; notre départ le rendra à sa riche et peut-être effrayante solitude dont il n'est jamais tout-à fait sorti. Il a l'air d'une antenne qui vibre à des bruits venus d'ailleurs.
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« Il faut de tout pour faire un monde » : pas de dicton plus populaire, mais aucun non plus contre lequel viennent battre davantage les animosités et les préjugés.
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A Nikkô, le baroque délirant des temples, témoignage du faste des shôgun, importe moins que la majesté des bois. A Omiwa, près de Nara, l'autel dressé au fond d'une vaste salle de culte ne se silhouette pas, comme on s'y attendait, sur un saint des saints aux objets façonnés de main d'homme, mais directement sur la montagne-dieu. A Miyajima, sur la Mer Intérieure, non loin du fatal Hiroshima, le portail sacré du grand sanctuaire shintô, à demi-immergé, ouvre sur la mer.

p. 163-164
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