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Marguerite Yourcenar, un nom qui restera à jamais marqué dans ma mémoire, à cause de l'après-midi de 1980 de sa réception à l'Académie Française. Je m'en souviens encore : l'institutrice nous avait emmenées assister à la cérémonie dans la classe où trônait le poste de télévision. Je mets un féminin pluriel car les filles de l'école étaient rassemblées pour le cours de couture (tricot de layettes et de chaussons, confection de draps, …) tandis que les garçons fabriquaient des montgolfières ou des marionnettes en papier mâché, les veinards. Comme je regrettais à l'époque d'être une fille !

Bon Yourcenar donc … je découvrais une dame qui me semblait incroyablement vieille, avec mes yeux de petite fille, et j'étais loin d'imaginer que cette grand-mère (née la même année qu'un de mes grands-pères) était en fait une véritable globe-trotter qui ferait encore quelques longs voyages après cet après-midi à l'Académie, et que je dévorerais le récit de ses voyages quelque quarante ans plus tard.

Et contre toute attente, j'y ai trouvé des propos résolument modernes, sur San Francisco la gaie, sur le SIDA avec une Yourcenar qui dénonce la stigmatisation des homosexuels et met en garde contre les chasses aux sorcières qui rappellent les périodes sombres du Moyen-Age. Elle nous donne aussi une vision sans concession du Japon des années 80, tiraillé entre traditions (très bel hommage au théâtre nô et kabuki, à la poésie, à la peinture et aux jardins japonais) et modernité polluante et destructrice de la belle Edo. le tout se termine par sa conférence à l'Institut Français de Tokyo, où elle pressent les dangers du tourisme de masse.

Une lecture passionnante pour les personnes intéressées par cette grande dame ou par le Japon.
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Peu de choses à ajouter aux critiques déjà écrites et à la présentation, à part le profond amour du Japon qui fait de ce livre un des plus beaux que je connaisse sur ce pays, grâce à la faculté merveilleuse de l'auteur de s'effacer devant son sujet, de le laisser parler en lui imposant le moins de filtres apparents possible (au contraire de certaines proses de Claudel - pas toutes-, mais dans la lignée de Segalen en Chine ou à Tahiti). C'est la plus belle preuve de puissance d'une personnalité créatrice que de laisser l'autre s'exprimer à travers elle, et c'est ce que Marguerite Yourcenar a toujours tenté de faire dans ses romans aussi bien que dans ses essais.
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Publié après sa mort, ce recueil de notes de voyages a pourtant bien été préparé par Marguerite Yourcenar qui avait confié son intenation de publier ces textes et en avait même choisi le titre, tiré de son roman l'Oeuvre au Noir : "Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait le tour de sa prison ?"

Il s'agit de 14 textes évoquant ses rencontres, ses sentiments, ses émerveillements lors de sa traversée des Etats-Unis notamment, mais surtout lors de ses voyages au Japon. le volume se termine par une conférence faite à l'Institut français de Tokyo, en 1982, conférence intitulée : "Voyages dans l'espace et voyages dans le temps".

Comment ne pas penser aux merveilleuses pages de Nicolas Bouvier sur le Japon ? Et pourtant, j'avoue que je reste décidément imperméable à la culture nipponne, même si ces deux auteurs me donnent tort.

Aussi, c'est vraiment le texte de la conférence que je retiendrai, dont voici un extrait :


"Zénon, le second grand voyageur de mon oeuvre, est à la fois motivé par les nécessités du gagne-pain (...), mais motivé aussi par la persécution d'ordre religieux, moral et politique, qui l'oblige à fuir d'un pays à l'autre, jusqu'au moment où il prend refuge dans la mort. Toutefois, son but essentiel est de nouveau ce bris des préjugés et des coutumes, qui est pour un homme d'intelligence l'un des plus clairs profits du voyage, et la recherche passionnée de tous les modes de la connaissance - pour lui surtout métaphysique et alchimique - que les siècles ont accumulée sur certains points du monde plus qu'ailleurs. "

Lien : http://meslecturesintantanee..
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Parfois, de la lecture d'essais naît l'impression d'un dialogue. C'est particulièrement vrai pour Montaigne... Mais lire Marguerite Yourcenar permet le même "commerce", cet "art de conférer" dont on sort grandi. Les quatorze textes réunis dans le Tour de la prison présentent un voyage dans "le labyrinthe du monde" structuré autour de l'évocation du Japon. Récits et descriptions s'articulent autour d'une réflexion sur le temps et sur l'homme.

Difficile de rendre compte d'une oeuvre à la fois si parcellaire et si dense.
Tout commence avec "Bashô sur la route", texte qui, à travers la redécouverte des haïkus, propose une célébration de "l'éternité de l'instant". L'évocation de Bashô se mêle à celle de sa poésie, voire de toute poésie, avec un vrai sens de la formule : "Cet homme en marche sur la terre qui tourne [...] est aussi comme nous tous en marche au-dedans de lui-même."

Il y a un aspect philosophique dans ce recueil de deux cents pages, à la fois art de vivre et art de mourir. Au crépuscule de sa vie, l'écrivain inscrit en dédicace une formule extraite de L'oeuvre au Noir : "Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait le tour de sa prison ?" Elle cherche ensuite comme l'alchimiste Zénon l'or du monde sous le plomb de la modernité : "produits déjà abâtardis", "le tourisme écrème le monde". Il faut "marcher sur le monde comme sur un livre ouvert." La forme du livre fait corps avec son fond, "voyages dans l'espace et dans le temps" qui trouvent leur couronnement dans une évocation de Baudelaire, poète mystique par excellence, contempteur du voyage mais célébrant le "final départ".

Si la mort et les voyages sont les deux thèmes-clefs de l'oeuvre, s'enchevêtrant l'un l'autre, la découverte du Japon en forme le troisième point d'ancrage.

Quatre textes s'en éloignent toutefois. C'est le cas pour l'évocation de San Francisco, dans "Bleue, blanche, rose, gaie", qui s'achève sur la métaphore du "séisme" "toujours à craindre". "L'eau et l'air éternel" décrit les croisières pour aboutir à la description de ce qu'on appelle en Chine la "pierre de rêve". Enfin, "D'un océan à l'autre" et "L'Italienne à Alger" sont deux relations vers l'Alaska et le Canada : Vancouver, les élans, les âpres Rocheuses, les chiens de prairie. Mais outre cet exotisme, je retiens les anecdotes qui parsèment ces relations de voyage, à l'image de cette femme anonyme emportée par une lame de fond selon un article de Life et sur laquelle Marguerite Yourcenar conclut : "J'y pense encore. À l'heure qu'il est, je suis peut-être la seule personne sur la terre à me souvenir qu'elle a été." On retrouve ce même souci du destin anonyme et oublié quand l'auteur mentionne Morita qui a suivi Mishima dans la mort sans que L Histoire retienne son nom. Mais après tout : "les vivants sont souvent aussi évanescents que des morts."

Par rapport au Japon, j'ai eu envie de me plonger dans les livres de Tanizaki et j'en ai commandé quelques-uns. L'évocation des tatouages à même la peau, avec de la dentelle, m'a un peu rappelé "Ad Vitam aeternam" de Jonquet, autre roman sur la souffrance, le masochisme et la mort, mais la vision de Marguerite Yourcenar, tout imprégnée de sa volonté de plénitude et de sa connaissance intime de l'Orient, est bien différente, parvenant à éclipser le sadisme sous l'esthétisme.

Le livre refermé, on ressent finalement le désir de s'ouvrir au monde à travers les voyages, la lecture ou l'Art.
Lien : http://lectiole.canalblog.co..
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Un livre tout simplement incroyable, qui a réussi à me montrer des aspects du Japon que j'ignorais, dont j'ignorais la beauté. Des textes à la fois captivants, magnifiques, intéressants, bref, en un mot : passionnants. À lire absolument.
Lien : https://comaujapon.wordpress..
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Ce titre m a rendue claustrophobe, car la prison pourrait etre le monde ou notre corps evolue, mais la lecture m a liberee de ce sentiment. Moi qui suis si sensible a l enfermement, comment me sentir longtemps enfermee dans la profondeur de Mme Yourcenar ? Une fois de plus son talent me ravit : ouverture d esprit, justesse du mot et du phrase, regard infini qui me transporte au dela des frontieres du mental, Mme Yourcenar sait impliquer son lecteur avec grace, serenite et sagesse dans la lecture de ses ecrits. Meme les longues descriptions d un art qui ne m interessera jamais, me semble t il, le Kabuki, (theatre japonais) elaborees par ses mains me sont un plaisir a lire ! le tendre respect avec lequel elle s adresse a l acteur, sa curiosite qui fait d elle la seule spectatrice d une boite a danseurs dans un centre ville japonais ( je ne sais plus lequel), son art a nous partager ses decouvertes secretes, tel un micro jardin perdu dans le bitume citadin, font grandir l admiration que j ai pour cette splendide ecrivaine.
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Marguerite Yourcenar a beaucoup voyagé pour découvrir sa prison, le monde.

Dans ce livre, elle y décrit queques moments importants de ses voyages. Elle s'attarde particulièrement sur la culture japonnaise, mais nous mène aussi au Canada et aux Etats-Unis.

J'avoue que j'ai trouvé sa manière d'écrire assez lourde et n'ai pas totalement accroché.
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