Mémoires d'Hadrien

César avait raison de préférer la première place dans un village à la seconde à Rome. Non par ambition, ou par vaine de gloire, mais parce que l'homme placé en second n'a le choix qu'entre les dangers de l'obéissance, ceux de la révolte, et ceux, plus grave, du compromis.

; l'empereur mourant se couvrirait de gloire, et nous, qui avions à vivre, serions chargés de résoudre tous les problèmes et de remédier à tous les maux.

Je jouais avec cette idée... Être seul, sans bien, sans prestiges, sans aucun des bénéfices d'une culture, s'exposer au milieu d'hommes neufs et parmis des hasards vierges...Il va de soi que ce n'était qu'un rêve, et le plus bref de tous. Cette liberté que j'inventais n'existait qu'à distance ; je me serais bien vite recréé tout ce à quoi j'aurais renoncé.

Il faut l’avouer, je ne crois plus
aux lois. Trop dures, on les enfreint, et avec raison. Trop compliquées, l’ingéniosité humaine trouve facilement à se glisser entre les mailles de cette nasse traînante et fragile. (Ed. Folio p. 127)

Un pas de plus, et j’aurais accepté la fiction qui consiste à prétendre qu’on séduit, quand on sait qu’on s’impose. (Ed.folio p.24)

Je commençais à avoir ma légende, ce reflet miroitant, bizarre, fait à demi de nos actions, à demi de ce que le vulgaire pense d'elles.

Chaque homme a éternellement à choisir, au cours de sa vie brève, entre l'espoir infatigable et la sage absence d'espérance, entre les délices du chaos et celles de la stabilité, entre le Titan et l'Olympien. À choisir entre eux, ou à réussir à les accorder un jour l'un à l'autre.

Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage : on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pores que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libre alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux, à l’exclusion des loisirs et plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion pour la guerre chez les races barbares. A cette servitude de l’esprit, ou de l’imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait.

« cette part de génie qu’il faut toujours pour s’élever si vite et si haut dans les affaires humaines; on ne s’impose pas sans posséder au moins quelque habileté grossière »

« je devinais sous cette innocence renfermée et fade la féroce intransigeance du sectaire en présence de formes de vie et de pensée qui ne sont pas les siennes… » sur la secte chrétienne, à propos d’un certain prophète dénommé Jésus

« Injonction qui consiste à aimer autrui comme soi-même: elle est trop contraire à la nature humaine pour être sincèrement obéie par le vulgaire, qui n’aimera jamais que soi, et ne convient pas au sage, qui ne s’aime pas particulièrement soi-même. »