Ayant envie de lire un roman de capes et d'épées, ce que je n'avais quasi jamais fait, j'ai jeté mon dévolu sur celui-ci à cause de vieux et vagues souvenirs d'avoir vu l'adaptation cinématographique de André Hunebelle, étant enfant, avec
Jean Marais et Bourvil.
J'avoue que le début m'a fait très peur, par sa grandiloquence et son nombre de points d'exclamation à la page, ainsi que par le nombre de références à la mythologie grecque, comme s'il voulait se la jouer
Victor Hugo dans
Les Contemplations (oeuvre que je "sirote" en parallèle et avec laquelle j'ai un peu de mal, je l'avoue).
Et puis, au bout d'un moment, notamment avec l'arrivée du personnage comique de Cogolin, ça devient plus léger et on prend plaisir à suivre les trépidations de ce matamore de capitan. du moins, pendant un moment.
Car rapidement, on se rend compte que c'est toujours le même schéma qui revient. Un personnage important (Concini, puis Richelieu) est amoureux d'une femme qui le lui rend bien mal vu qu'elle en aime un autre, et souhaite l'y forcer, utilisant pour cela tous les moyens, quitte même à renoncer au pouvoir de façon fort peu plausible.
Qui arrive à la rescousse ?
le Capitan, bien sûr. D'ailleurs, il sauve tout le monde, parfois 2 ou 3 fois, bien souvent grâce à des deus ex machina grossiers (il passait justement par là...), mais toujours il refuse de cueillir les fruits de la gloire et met un point d'honneur à dilapider l'argent, lui venu à
Paris pour faire fortune. Il préfère se jeter à corps perdu dans les batailles à un contre 10, 15 ou 20, s'en sortant souvent sans une égratignure, ou avec quelques estafilades bénignes.
Les ficelles sont vraiment trop grosses. À ce stade, ce sont des haubans pour pont suspendu. Dès lors, il devient difficile de faire abstraction des agacements consécutifs à une littérature datée, faite d'un lyrisme romantique confinant bien souvent au grotesque. Les personnages ne cessent de "rugir en eux-mêmes", de penser à voix haute, de s'évanouir d'amour, de terreur ou d'autres émotions. Bref, ils en font des caisses et on a envie de les tarter. L'auteur prend "le lecteur" à témoin, et j'ai horreur qu'on parle de moi à la 3è personne.
Le problème, c'est que ce cinéma va durer très longtemps, car cette oeuvre est parue en feuilleton et son auteur était payé à la ligne. Autant dire que ça se voit. Pour la petite histoire, Zévaco était d'ailleurs le 2è auteur de feuilletons le mieux payé de l'époque, après
Gaston Leroux. Étrange destin, pour un ancien agitateur anarchiste ayant fait de la prison. Comme quoi, il n'y a que les sots qui ne changent pas d'avis.
Bref, c'est sympathique par endroits, mais c'est surtout long, fatigant, répétitif et invraisemblable. Même la partie action, chère aux films de capes et d'épées, est bien mal troussée, voire totalement idiote, comme à la fin quand un spadassin se jette à plat ventre pour tenter une botte sur
le Capitan. Essayez de vous figurer la scène, moi j'y arrive pas.
Enfin, on peut s'interroger sur l'utilité des anachronismes dans une histoire qui tente par ailleurs de respecter assez strictement la chronologie. Ainsi, toute l'histoire se déroule en 1616, avant l'assassinat de Concini et l'exécution de Léonora Galigaï. La vraie
Marion de Lorme avait alors trois ans, et le Marquis de Saint-Mars n'était même pas encore né. Pourtant, ces deux personnages sont bien présents, adultes, dans toute l'intrigue, y jouent un rôle primordial, et ceci sans le moindre avertissement de l'auteur. Il aurait été si facile d'inventer une courtisane imaginaire à la place de Marion, par exemple, et de choisir le comte de Chalais, autre intrigant et conspirateur qui a fini à peu près de la même manière que Saint-Mars, mais qui était né 20 ans avant lui.