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sur 1760 notes
L'oeuvre est à la fois un ratage pathétique et merveilleux- et une tentative désespérée d'atteindre ce qui ne peut se dire ni s‘écrire : l'essence de l'Art.

Claude Lantier, le fils de Gervaise, est peintre.

Avec ce personnage, Zola pousse ses investigations dans le monde de l'art qu'il connaît bien: ses amis Monet, Manet, Courbet et surtout Cézanne, l'Ami aixois, lui ouvrent familièrement les portes de leurs ateliers. C'est pour lui un univers bien moins étranger que les mines, les halles ou les grands magasins. Et n'est-il pas lui-même un créateur? Aux côtés de Claude, il crée, dans l'Oeuvre, le personnage de l'écrivain Sandoz, dont même le nom n'est pas sans rappeler, par quelques lettres et sonorités, le sien.

Beau sujet, qui a déjà tenté Balzac, dans une nouvelle philosophique, le Chef d'oeuvre inconnu.

Et pourtant, que d'échecs dans ce roman-là.

D'abord celui de l'amitié: après la parution de L'Oeuvre, Cézanne ne vient plus voir Zola, ils sont brouillés.

Puis celui de la méthode.
Le grand écrivain naturaliste n'a curieusement pas évoqué ni décrit une peinture de son époque, observable comme un puits de mine ou un étal de charcuterie :ni l'école réaliste, ni l'école impressionniste. Il en a imaginé une, le mouvement « pleinairiste » ( à cause d'un tableau de Claude, « Plein air », comme les Impressionnistes avaient pris leur nom d'un tableau de Monet « Impressions , soleil levant »). Mais ce mouvement n'est en rien comparable à l'impressionnisme : il est fait de bric et de broc, a des traits de Manet-les scènes de plein air justement - des traits de Courbet - rudesse et violence- des traits de Monet-le rôle changeant de la lumière, et bien sûr des traits de Cézanne… encore que ce dernier modèle, le plus proche, le plus intime, soit le moins identifiable dans la peinture de Claude : il aurait fallu laisser la couleur prendre le pas sur l'idée, ce que Zola ne fait pas.

On ne se représente pas la peinture de Claude parce qu'elle n'existe pas.

Troisième échec: l'histoire même de cette peinture, sa gestuelle, sa quête, ses tâtonnements, ses trouvailles.

Zola peine à évoquer l'acte de création qui met l'artiste au corps à corps avec sa toile. Il y bute, il s'y englue, n'accepte pas son "infinitude" -quand sait-on qu'un tableau est fini? l'est-il jamais? –

Au point de condamner l'ébauche.

Au moment de la mort de l'enterrement de Claude, Zola fait dire à son ami : « Je ne connais que lui que des ébauches, des croquis, des notes jetées , tout ce bagage de l'artiste qui ne peut aller au public » .. Mais c'est dans l'ébauche précisément, que Claude est totalement Cézanne, c'est à travers elle que Zola attaque Cézanne- qui s'est effectivement senti tellement visé par ce Claude qui ne lui ressemble pas, qu'il a cessé son amitié avec Zola-
« La modernité de Cézanne, c'est très exactement la découverte que le tableau ne peut pas être fini, aussi bien au sens académique qu'au sens fort, absolu. » comme dit si bien Pierre Daix,

Quatrième échec : celui du personnage lui-même.
Échec amoureux, échec artistique. Échec de vie. Christine, rencontrée un soir d'orage, dans les premières pages du roman -un début prometteur et ..fulgurant !-après avoir été une compagne passionnément aimée, un modèle inspirant , finit par le quitter, leur fils, hydrocéphale, meurt - Claude fait le portrait de l'enfant mort comme Monet fera celui de sa jeune femme morte, un terrible tableau qui objective la perte et le chagrin de façon magistrale- , et Claude se lance dans l'élaboration d'un ultime tableau qui sera le couronnement de son oeuvre mais qu'il charge d'une telle puissance de démonstration qu'il le surcharge, le rend illisible et en meurt, pendu dans son atelier..

Faire de Claude un « suicidé de la société » était dans la logique familiale et génétique des Rougon-Macquart : on n'est pas sans risque le fils de Gervaise, que son penchant pour l'alcool a livrée sans défense à la « fêlure héréditaire » des Macquart.

Mais faire de Claude - dont on « voit » si mal la recherche, les idéaux artistiques, les tableaux,- un « peintre maudit » demandait une fidélité absolue à la méthode naturaliste ou une désobéissance tout aussi absolue.

Soit il fallait plus de précision historique et artistique : quelle était la peinture « incomprise » en 1885 ? Pas les impressionnistes, qui, justement, prenaient enfin leur place. Pas la peinture réaliste qui avait encore un très large public. Alors, la peinture symboliste, en train d'émerger ?

Soit il fallait oublier les Rougon, et Zola aurait pu se laisser aller à sa propre imagination, comme dans certaines de ses nouvelles ou de ses contes, inventer et caractériser vraiment une peinture nouvelle, surprenante, dérangeante pour l'époque. Sans en faire un manteau d'Arlequin de toutes les écoles connues…

Claude, la peinture, l'art y auraient gagné, dans les deux cas, en vérité, en pertinence.

Il n'en reste pas moins que L'oeuvre bouleverse, car malgré –ou à cause ?- de ses défauts, on y découvre un thème terrible, qui tenaille tout artiste, peintre, sculpteur ou …écrivain : celui des limites de son art, celui de l'échec, celui de l'incompréhension.

L'Oeuvre est un chef d'oeuvre sur l'échec autant que l'échec d'un chef d'oeuvre.
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Titre consacré à Claude Lantier, fils de Gervaise, déjà rencontré enfant dans l'Assommoir et adulte dans le ventre de Paris. L'histoire commence l'année précédent la création du Salon des Refusés en 1863 et finit avec la mort du héros en 1876.
Il s'inscrit parfaitement dans la première partie de son projet : décrire une famille du point de vue de l'hérédité, tandis que la deuxième la société sous le Second Empire est assez négligée. Ici l'hérédité a toute sa place. Descendant de Macquart l'alcoolique et d'Adélaïde Fouquet la folle, Claude l'est tout à fait. Ses nerfs sont exacerbés, il va de l'enthousiasme au désespoir, ne sait maitriser ses pulsions, il reste des journées prisonnier de sa vision du tableau qu'il peint.
Comme souvent (toujours ?) chez Zola, il y a plusieurs livres dans un seul.
C'est bien évidemment un roman sur l'art, sur le processus de création, l'engagement total qu'il demande, sur le choix entre la vie et l'oeuvre à créer. (Sandoz l'écrivain qui a réussi se plaint que l'écriture de son oeuvre, l'histoire d'une famille sous le second empire, tiens ! lui ait tout pris). Mais aussi sur le marché de l'art. Avec les portraits de Malgras, vrai amateur d'art et celui de Naudet pour lequel il n'est qu'une marchandise comme une autre. Sur l'importance de la publicité par la presse. Et c'est un reportage sur les Salons.
Roman sur l'amitié aussi. Sandoz, Claude et Dubuche (qui se consacrera à l'architecture) sont amis depuis l'enfance. Ils ont quitté Plassans pour venir à la conquête de Paris. Là, ils ont rencontrés d'autres jeunes artistes ambitieux. Soudés au début, des cassures apparaissent entre eux au fil des réussites et des échecs. Les soirées de Sandoz sont les témoins de cette évolution. Jusqu'au retournement contre Claude, coupable aux yeux de plusieurs de leur échec à tous, parce qu'il est infréquentable. Sandoz est le double presque parfait de Zola. Parfait dans les deux sens, il ressemble beaucoup à Zola et il est l'ami, celui qui rassemble (les jeudis de Sandoz), celui qui soutient. Et puis parmi ceux partis de Plassans il est le seul à réussir sans compromissions.
Roman d'amour enfin. Claude s'est tenu éloigné des femmes qui lui font peur. La rencontre fortuite avec Christine, jeune orpheline placée comme liseuse chez une dame, réveille son désir de relation avec une femme. C'est d'ailleurs longtemps une amitié. Puis arrive une période de bonheur, mais le besoin de peindre, et la difficulté à transcrire sur la toile ce qu'il ressent taraude Claude. Christine tâche de s'habituer à cette exigence, passe des heures à poser. Mais la rivalité est non pas avec une autre femme de chair, mais une peinture de femme, contre laquelle elle ne peut lutter.
Ce livre est sensé avoir provoqué la rupture entre Zola Cézanne. Les avis semblent diverger à cet égard. Plusieurs peintres ont certainement prêté leurs traits à Claude.

Challenge pavés 2014-2015
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Déjà aperçu dans le ventre de Paris, Claude Lantier sera le héros de L'Oeuvre. Héros n'est probablement pas le mot juste. A Paris, Claude et sa bande d'amis rêvent de révolutionner le monde de l'art, car L'Oeuvre est aussi le récit d'un tournant dans l'histoire de la peinture. L'ère du romantisme expire, tandis que le réalisme tâche de s'imposer. Claude en tête, les amis tentent de se faire une place, avec leur nouveau style, face à l'Ecole.
Christine tombe au milieu de tout cela. Un soir de grande pluie, Claude la trouve s'abritant devant sa porte. Il l'héberge pour la nuit et, le lendemain matin, dessine la jeune fille endormie. de là naitra un personnage de tableau. Et une histoire d'amour.
Mais n'oublions pas que nous sommes dans un roman de Zola et que rien ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Claude est un génie, mais un génie incomplet. Si ses études sont superbes, jamais il ne parviendra à terminer un tableau. le monde de la peinture changera sans lui. Obsédé par une vue des quais de la Seine, tuant sa femme de séances de pose, tous ses efforts resteront stériles. le peintre raté, crevant de misère, finira par se suicider.

Waou ! quel tome ! Cela faisait longtemps qu'un roman ne m'avait pas émue à ce point ! Nous souffrirons avec les personnages du début à la fin de livre. Christine se désespère de n'être plus qu'un modèle pour celui qui l'aima si ardemment. Claude mourra de n'avoir pas su coucher sur la toile l'oeuvre, le tableau qui aurait tout changé, ce paysage parisien qui l'avait tant charmé.
Ici, ce sont la torture de l'amour délaissé, la torture de l'artiste, la torture de la misère. Terrible ! Superbe !

Challenge ABC 2014/2015
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Ahhh Zola ! Que c'est bien écrit ! Que c'est profond ! Que c'est documenté ! Que c'est passionnant ! heu bon pour l'instant je suis un peu à court d'adjectifs et pourtant il ne devrait pas en manquer pour qualifier un tel auteur !

Pourquoi j'aime Zola

En réalité, je suis tombée sous le charme de Zola l'année dernière ... Pleine d'a priori et de préjugés sur cet auteur, je me suis lancée "courageusement" dans la série des Rougon-Macquart, bien décidée à perséverer dans ma lecture. Et à ma grande surprise, cela a été très simple ! Dès La Fortune des Rougon, je n'ai jamais pu lâcher un Zola avant de l'avoir dévoré, et j'en ressort continuellement sous le choc d'une telle qualité littéraire, d'une telle force.

Certes je n'adhère pas aveuglément à tous ses ouvrages, j'ai par exemple moins apprécié le Ventre de Paris parce que 20 pages de description des légumes des Halles, c'est un peu long ... (même si c'est un vrai tour de force de pouvoir le faire, je préfère quand même quand il décrit la magie de Paris, sa lumière, dans L'Oeuvre)

Bref tout cela pour vous dire que lorsque j'ai vu que L'Oeuvre était au programme du Club des Lectrices, je ne me suis pas fait prier pour attaquer la lecture !

Inutile de revenir sur la biographie de l'auteur, quoique ce serait intéressant car c'est peut-être le roman le plus autobiographique de Zola : si l'on prend en compte qu'il a fait ses études à Aix-en-Provence (heu Plassans désolée), qu'il s'est lié là-bas avec Cézanne et d'autres peintres. Qu'ils se sont ensuite retrouvés à Paris, etc. Bien sûr Sandoz n'est pas Zola, tout comme Claude n'est pas Monet ni Cézanne, en tout cas pas entiérement !

Ce qui m'a plu :

- La modernité de l'écriture

- le sujet : quoi de plus essentiel et de plus passionnant que la question de la création artistique ? car l'on assiste ici à l'art en train de se faire, à ce qui fait de l'homme un artiste, ...

- Une peinture de la société : car si il traite de la question universelle de la création artistique, il s'inscrit surtout profondément dans une époque - ce XIXe siècle que j'aime tant - ce XIXe siècle bourgeois qui méprisait les artistes tout en admirant leurs oeuvres (tant qu'elles ne sortent pas des chemins battus.)

- Les types dépeints : le peintre tourmenté, avec qui l'on souffre; la femme passionnée et trompée; l'artiste arriviste; l'écrivain montant; etc.

Ce roman est donc extrémement riche, on vit passionnément avec les personnages pendant 400 pages. Cependant, pour ma part; j'ai ressenti une rupture dans mon coeur au moment de la mort de Jacques, qui intervient dans la presque indifférence de ses parents : à ce moment-là, je n'ai ressenti que mépris pour Claude qui a tout sacrifié pour rien au final, et qui pour moi, est passé à côté de la vie ... A la fin, j'ai finalement vécu sa disparition comme un soulagement ...

Pour conclure ce long billet, ce qui m'a frappé à la moitié du livre environ, c'est la diversité des sujets que Zola nous propose d'un livre à l'autre : sur la dizaine que j'ai déjà lu, pas un personnage ne se ressemble, pas une histoire ne part dans la même direction. Certes on peut remarquer une certaine tendance à des fins tragiques, mais elles sont à l'image des types dépeints qui ne peuvent faire autrement, pour vivre leurs passions jusqu'au bout, que de disparaître brutalement, se perdre dans la folie. Comme si l'homme ne pouvait supporter les sentiments qu'il porte en lui. (Evidemment c'est une analyse personnelle, ce que je ressent en lisant ces oeuvres et en aucun cas une analyse littéraire professionnelle, dont je serai par ailleurs bien incapable ... )

Il va passer dans ma bibliothèque idéale (ou Pile A Relire ...) très prochainement ! :)
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« J'ai fait un rêve, l'autre jour. J'avais écrit un beau livre, un livre sublime que tu avais illustré de belles, de sublimes gravures. Nos deux noms en lettres d'or brillaient, unis sur le premier feuillet, et, dans cette fraternité de génie, passaient inséparable à la postérité. » - Lettre d'Émile Zola à son ami d'enfance Paul Cézanne le 25 mars 1860.

Peut-être faudra-t-il un jour modifier les livres de l'histoire de l'art concluant qu'une brouille définitive entre Paul Cézanne et Émile Zola survint en 1886, à la suite du roman « L'oeuvre » de Zola, ce qui semble aujourd'hui fortement remis en question, et qui va être l'objet essentiel de ma critique.

Je résume le roman de l'écrivain en reprenant l'édition des dossiers préparatoires du livre par Zola publiée dans « La Fabrique des Rougon-Macquart » par Colette Becker en 2013 : « Avec Claude Lantier, je veux peindre la lutte de l'artiste contre la nature, l'effort de la création dans l'oeuvre d'art, effort de sang et de larmes pour donner sa chair, faire de la vie ; toujours en bataille contre le vrai, et toujours vaincu, la lutte contre l'ange. En un mot, j'y raconterai ma vie intime de production, ce perpétuel accouchement si douloureux, mais je grandirai le sujet par le drame, par Claude qui ne se contente jamais, qui s'exaspère de ne pouvoir accoucher de son génie, et qui se tue à la fin devant son oeuvre irréalisée. »
Mon émotion est forte. le lecteur amateur d'art que je suis ne pouvait rester insensible devant l'image du peintre Claude Lantier entrainant avec lui, dans son délire artistique, une jeune femme, Christine, rencontrée en bord de Seine à Paris. J'ai frissonné dans les derniers chapitres décrivant la lente et terrible déchéance du peintre confronté aux affres de la création que Christine, devenue sa femme, découvrira pendu dans son atelier devant son oeuvre.

Les extraits des lettres de jeunesse de Zola et Cézanne montrent clairement la grande affection, admiration, estime, que les deux amis avaient l'un pour l'autre. Un roman de Zola sur un peintre raté pouvait-il interrompre cette amitié ayant commencé en 1852 au collège Bourbon à Aix, 34 années auparavant ?
Dans une chronique du Salon de 1866 parlant de Cézanne, Zola écrit : « Il y a dix ans que nous parlons arts et littérature. Tu es toute ma jeunesse ; je te retrouve mêlé à chacune de mes joies, à chacune de mes souffrances. […] Nous affirmions que les maîtres, les génies, sont des créateurs qui, chacun, ont créé un monde de toutes pièces, et nous refusions les disciples, les impuissants, ceux dont le métier est de voler çà et là quelques bribes d'originalité. Sais-tu que nous étions des révolutionnaires sans le savoir ? ».

Connaissant les liens qui unissaient les deux hommes, je me demande bien pourquoi une lettre écrite le 4 avril 1886 par Cézanne à Zola, peu après la parution du roman que l'écrivain lui avait envoyé, a pu faire croire à une lettre de rupture entre les deux amis. Il semble évident qu'il s'agissait d'une simple lettre de remerciement. Je montre cette fameuse lettre, objet de polémique : « Mon cher Émile, /Je viens de recevoir l'Oeuvre que tu as bien voulu m'adresser. / Je remercie l'auteur des Rougon-Macquart de ce bon témoignage de souvenir, et je lui demande de me permettre de lui serrer la main en songeant aux anciennes années. Tout à toi sous l'impression des temps écoulés. »

Où est la brouille dans ce courrier ? Il est certain que Cézanne connaissait depuis longtemps le projet de Zola d'écrire un roman sur les milieux artistiques. Écrivain lui-même, il ne pouvait se méprendre sur la logique narrative d'une oeuvre de fiction et ne pouvait penser que Zola décrivait la déchéance de Claude Lantier dans son livre en songeant à son ami d'enfance. Zola s'inspirait des nombreux peintres qu'il connaissait. D'ailleurs, Cézanne, picturalement, ne ressemblait en rien au peintre Claude Lantier. Seul Claude Monet, dans une lettre à Zola, regrette qu'il aurait pu, avec Manet et les peintres impressionnistes, être rapproché du personnage du roman.

Une lettre de Cézanne à Zola retrouvée récemment, datée du 28 novembre 1887, confirme que Zola ne cessa pas toute correspondance avec son ami et continua à envoyer ses oeuvres au peintre : « Mon cher Émile/ Je viens de recevoir, de retour d'Aix, le volume La Terre, que tu as bien voulu m'adresser. / Je te remercie pour l'envoi de ce nouveau rameau poussé sur l'arbre généalogique des Rougon-Macquart. /Je te remercie d'accepter mes remerciements et mes plus sincères salutations. Quand tu seras de retour, j'irai te voir pour te serrer la main. »

Il est incontestable que ce roman des arts, de la difficile condition de l'artiste novateur face aux institutions, est aussi et d'abord un roman autobiographique, qui fait revivre la jeunesse de son auteur à Aix-en-Provence, sa venue à Paris en 1858, le milieu des jeunes peintres dans lequel il a vécu, les Cézanne, Pissarro, Guillaumet, Manet, Monet, Renoir, Sisley... ceux qu'il défendit avec enthousiasme dans ses critiques des Salons dans le journal « L'Évènement ».

L'amitié entre les deux amis n'avait donc pas été rompue après la publication de « L'oeuvre » de Zola en 1886. L'émotion de Cézanne, juste avant sa mort en 1906, pour l'inauguration d'un buste de l'écrivain décédé, démontre l'admiration et l'amitié qui les unissaient, car il sanglotait sur leurs souvenirs sachant que sa propre vie se terminait.

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Cette fois-ci, le père Zola nous entraine dans la racine même de l'œuvre artistique, la torture Zola est ici bien plus cruelle parce qu'elle est intérieure à l'homme, elle met l'homme en conflit avec lui-même car c'est la terrible affaire d'inspiration qui tue silencieusement comme un cancer...

Pour ce quatorzième tome, on retrouve une fois de plus le souvenir de l'Assommoir avec Claude le fils de Gervaise, le frère de Etienne Lantier qu'on vient de sillonner dans le treizième tome Germinal, l'aventure des Rougon-Macquart avec Claude Lantier nous glisse sur un terrain plus doux, plus fin et plus perspicace car c'est un voyage de l'esprit, ici on ne se préoccupe pas de courir derrière l'argent, ni d'affronter la misère mais ici il s'agit d'allumer le feu qui brule au fond de soi, de faire jaillir la lumière qui sommeille dans ses entrailles, comme c'est avec Zola, encore plus avec la filière des Rougon et des Macquart, le chemin s'avère vraiment sinueux... O cruelle inspiration! Qu'est ce qu'on se laisse gagner par ce trouble psychologique qui perd l'artiste lorsqu'il se trouve dans l'incapacité de créer, lorsque l'œuvre tarde à voir le jour...


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Zola ne s'était pas encore véritablement intéressé au monde de l'Art dans ses Rougon-Macquart, c'est chose faite avec cette Oeuvre, celle de Claude Lantier, l'aîné des fils de Gervaise retourné à Plassans avant le drame vécu par celle-ci, et raconté dans L'Assommoir. Claude, dont les premiers talents artistiques avaient plu à un homme du pays, a en effet eu l'insigne honneur de pouvoir y retourner pour faire ses premières armes en peinture. Nous le retrouvons à Paris, alors qu'il a déjà fait ses premiers pas, difficiles, à travers la scène artistique de la capitale. Pas difficiles en effet car Claude a un regard bien particulier sur le monde qui l'entoure, et cela se ressent intensément dans sa peinture, faite de couleurs surprenantes, qui interpellent les spectateurs, et lui font malheureusement accéder au Salon des Refusés, symboliste avant l'heure qui ne parviendra jamais à terminer sa grande oeuvre, éternelle toile qu'il modifiera, encore et encore, dans l'incapacité de transformer son génie inné en une oeuvre magistrale qui le reflèterait.

A travers la vie de Claude, ses amis, ses amours, ayant bien du mal à trouver leur place au milieu de son véritable grand Amour, la peinture – bien que Christine, sa femme, ait réussi, un temps, à devenir le centre de son existence –, c'est aussi, et bien sûr le milieu de l'Art, en pleine mutation, que ce soit en termes de style qu'en termes de considération mercantile, qui va être dépeint, toujours avec le plus de véracité possible, toujours aussi avec le plus de mordant possible, aussi, par le romancier : le capitalisme, et les spéculations qui en découlent, trouvent eux aussi leur place dans un domaine qui devrait pourtant en être son plus grand antagoniste, et il devient de plus en plus difficile de faire preuve d'oeuvre d'art originale pour vivre de ses toiles – l'uniformisation qui prendra son essor au XXème, et plus encore au XXIème, est en marche.

Et puis que dire de Sandoz, ami d'enfance de Claude, qui viendra avec lui à la capitale pour faire ses armes littéraires, double de Zola qui donne à ce tome une saveur plus intimiste, plus douce, malgré la noirceur de son terrible dénouement ? L'on retrouve à mon sens, pour la première fois de manière aussi flagrante, le Zola peintre du monde qui l'entoure, et le Zola qui se peint à travers ses personnages, dans un même roman, ce qui n'a pas été pour me déplaire.

Un grand roman, qui a pris immédiatement sa place dans mes tomes préférés des Rougon-Macquart : j'ai, indéniablement, un certain penchant pour Gervaise et ses enfants, et il me tarde de relire le dernier, celui qui met en scène le cadet des fils, Jacques, dans La bête humaine.
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Loin des scintillements et des lustres à facette de "La curée" que je venais de lire, L'oeuvre est un roman très sombre et intimiste, puisqu'on y découvre un autoportrait de Zola, sous les traits de l'écrivain Sandoz et un portrait en partie inspiré par le peintre Cézanne, ami d'école de Zola à Aix-en-Provence, devenu Claude Lantier dans le roman. Sous la plume de Zola, Claude devient obnubilé par le chef d'oeuvre qu'il veut peindre, au péril de la vie de sa femme, de son fils, et au péril de sa santé mentale. Il est parfois difficile de lire ces pages où le fils du peintre est traité comme quantité négligeable non seulement par son père mais aussi par sa mère qui abandonne sa progéniture pour tenter de satisfaire les exigences de plus en plus déraisonnables de son mari. Tableau réaliste, sans complaisance, de la vie d'artiste en marge de la bonne société. Et tableau saisissant de la folie qu'entraine la recherche de l'absolu.
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Claude Lantier, surpris par un violent orage, a la surprise de découvrir Christine, tentant de s'abriter devant la porte de son atelier de peintre.
Elle se laisse convaincre de venir dormir chez lui. Au réveil, Claude la voit abandonnée, gracieuse et, ébloui, la dessine.
Christine est attendue pour un travail de dame de compagnie et quitte Claude, malgré son invitation à déjeuner avec lui.
Claude a un cercle d'amis, parmi lequel se trouve Pierre Sandoz, un écrivain. Émile Zola s'est représenté lui-même dans ce personnage, ses projets littéraires et ses idées sur l'impressionnisme et la peinture.
Christine revient de plus en plus souvent rendre visite à Claude. Il lui fait visiter Paris avec émerveillement.
Alors que la toile de Claude est raillée au salon des Refusés à son grand désespoir, Christine l'attend chez lui.
Tous deux partent à Bennecourt et vivent un grand amour.
Quatre ans plus tard, à la suite d'une visite de Pierre Sandoz, Christine se rend compte que Paris et la peinture manquent à Claude.
Ils reviennent avec leur petit garçon, Jacques.
Le seul vrai amour de Christine est Claude, et l'enfant est cruellement délaissé par ses parents.
Claude se donne tout entier à la peinture, avec un perfectionnisme obsessionnel qui avoisine la folie...
Émile Zola nous offre un roman poétique dans ses descriptions de Paris et cruel et désenchanté sur le devenir d'un homme qui n'est pas reconnu, entraînant dans sa chute son fils et sa femme...
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Quel roman !!! Instructif, très intense et très bouleversant. A chaque fois que je termine un livre de la série Les Rougon-Macquart de Zola je me dis que c'est mon préféré jusqu'à en lire un autre. En fait ils sont tous stupéfiants.
« L'oeuvre » est un roman sur le milieu artistique du 19è siècle et sa révolution et principalement celui de la peinture. Conformément à son habitude, on imagine bien que Zola s'est beaucoup documenté et s'est bien renseigné non seulement sur l'art de la peinture mais également celui de la sculpture et de l'architecture et Il est bien connu que de nombreux personnages de cette oeuvre ont été tirés d'artistes réels.
L'oeuvre est peuplé d'artistes, jeunes, passionnés, ambitieux et fébriles avec leurs idées et leurs idéaux. Ils sont plongés dans le monde de la littérature et de l'art, ils y contribuent, Ils ont soif de gloire et se tuent par le travail, s'efforçant de s'élever au-dessus de la médiocrité.
Enfin, c'est une histoire qui met en évidence la fine ligne entre le génie et la folie et sur la façon dont une création détruit son créateur.
A lire absolument !!!
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