« Parce que c'était lui, parce que c'était moi. » (
Montaigne)
Au moment de recevoir l'hommage de ses pairs pour sa brillante carrière, un vieux professeur de littérature se souvient de l'homme qui lui donna le goût ce cette matière. Il se remémore avec émotion ce passage de sa vie d'étudiant, inconnu de tous, mais qui le marqua à tout jamais.
Arraché par son père à la vie de patachon qu'il comptait mener à la Faculté de Berlin, Roland est envoyé en internat dans une petite université de province. Et là, contre toute attente, lui qui n'était pas attiré par les études se prend de passion pour la littérature anglaise, en la personne du maître qui l'enseigne. Comme il arrive parfois dans la vie d'un élève, l'homme et la matière se confondent dans une sorte de perfection du génie humain. Bientôt, Roland ne peut plus se passer du maître et décide de devenir son assistant dans la rédaction de son livre. Il est même convié par le professeur et sa femme à venir habiter chez eux. S'instaure alors une relation trouble : Roland se rend compte qu'il est attiré par la femme de son maître, tout en étant désorienté par les absences et les brusques sautes d'humeur de ce dernier… Jusqu'à ce que la lumière se fasse enfin et sorte Roland de son aveuglement.
Avec sa précision coutumière,
Stefan Zweig décrit dans
La confusion des sentiments la fascination que peut éprouver un jeune étudiant pour son professeur, et réciproquement, avec la fougue qui n'existe qu'à 20 ans. En filigrane, il évoque aussi le tabou de l'homosexualité masculine et le scandale que cela suscite dans l'Allemagne du début du XXᵉ siècle. Cette relation à trois presque traitée comme un huis clos entre Roland, le professeur et sa femme, est captivante par le mystère que dégage ce couple si mal assorti. La tension psychologique monte progressivement jusqu'à l'explication finale, véritable mise à nu éblouissante de justesse. « Morceau par morceau, un homme arrachait sa vie de sa poitrine, et en cette heure-là, moi qui étais encore si jeune, j'aperçus pour la première fois d'un oeil hagard, les profondeurs inconcevables du sentiment humain. » (p. 114)
Un roman magistral à tous les sens du terme.