Lettre d'un lecteur déçu.
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Mon enthousiasme, n'est plus ce soir, alors que je referme ce livre.
Pourtant tout avait bien commencé, je vous avais déjà lu avec «
le joueur d'échecs » et je connaissais votre talent.
Pourtant j'avais apprécié les beaux commentaires qui parlaient de votre roman avec entrain et engouement.
Pourtant il y eu cette belle préface écrite par Elsa Zylberstein, qui me mettait en confiance.
Aux premières lignes du roman, j'ai su tout de suite que quelque chose « clochait », qu'un petit malaise s'était installé en moi. Sûrement dû à cette jeune fille solitaire que je découvrais et qui m'a paru bien irréelle, bien transparente, bien timorée. Et d'une infinie tristesse derrière le trou de la serrure ou l'encadrement de la fenêtre où vous l'aviez, monsieur
L Auteur, froidement « cantonnée » pour votre histoire.
Elle commençait alors par une longue lettre, à raconter son histoire un peu mièvre et bien tristounette.
Moi, j'aime les belles et somptueuses histoires d'Amour, les grands romans pleins d'éclatants et nobles sentiments. Les histoires romancées d'amours impossibles. Des amoureuses superbes et lumineuses, parce qu'elles sont vraies, parce qu'elles veulent être vivantes et qui nous le crient, et qui nous hurlent de les regarder, de les admirer. Qui nous griffent, qui nous insultent parce qu'elles veulent elles aussi exister à travers nos yeux, notre tendresse et nos caresses.
Mais qui savent qu'elles ne se donneront jamais à nous, à notre première demande de les amener dans notre lit. Parce qu'elles restent encore lucides dans leur immense chagrin, que nous les jetterions après, comme des vulgaires serpillères ou des catins. Les hommes étant incorrigibles.
Comme le souvenir de cette jeune fille pleine d'espoirs et pleine d'attente de promesses, qui semblait perdue dans cette cour de collège. Qui se pendait à mon cou, tremblante et sanglotante, qui me serrait si fort dans ses bras, le visage mouillé par ses milliers de larmes salées. Qui dans un long soupir, entre deux hoquets, me priait de rester avec elle, de ne pas la quitter, de l'aimer un peu, un tout tout petit peu et qui m'assurait qu'elle s'en contenterait. Qui cherchait les yeux embués, ma bouche, mes lèvres, qui quêtait que je lui donne un peu d'amour, me couvrant de baisers.
Mais cette
lettre d'une inconnue et son histoire m'a laissé de glace, m'a laissé de marbre.
Parce que je n'ai pas cru un seul instant à ce coup de foudre qui me paraissait invraisemblable.
Parce que Je n'ai pas cru à cette histoire improbable, de cette petite fille de treize ans qui tombe amoureuse d'un romancier dandy de vingt-six ans.
Cette bluette m'a paru superficielle et pathétique.
Et puis je suis arrivé à la page 33 de ce petit roman, je vous cite :
« (..) C'est depuis cette seconde que je t'ai aimé. Je sais que les femmes t'ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant chéri. Mais, crois-moi, personne ne t'a aimé aussi fort – comme une esclave, comme un chien (..) »
Comment monsieur
L Auteur, pouvez-vous prêter ces mots « d'esclave » et « chien » à une jeune fille de treize ans ?
Une jeune fille qui à cet âge, porte encore en elle toute son innocence. Qui a encore son corps et toutes ses voluptés à découvrir.
J'ai trouvé vos mots très laids. J'ai ressenti votre phrase laide, presque malsaine et la suite m'est devenue plus laide.
Plus laide encore lorsque vous faites courir cette inconnue à ramasser le reste des cigares de son bien-aimé encore humidifié de sa salive, comme une mendiante.
Seule la jeune fille inconnue m'a fait seulement pitié, car je n'ai plus du tout vu où était cette belle histoire d'amour. Mes yeux se sont voilés !
Il m'a semblé lire ce texte sans aucun romantisme, comme étant un de vos fantasmes, monsieur
L Auteur, où vous vous étiez donné un bon et confortable rôle.
Un auteur qui fantasmait d'être aimé par une jeune fille, par une jeune adolescente de treize ans, et qui le racontait à travers un roman.
Un auteur qui rêvait cyniquement d'être aimé sans jamais rien donner en échange.