... Jusqu'à ce que finalement l'empereur Joseph se rende en personne à Paris pour persuader son peu courageux beau-frère de la nécessité de l'opération ( 1 ). Alors seulement ce triste César de l'amour réussit heureusement à franchir le Rubicon. Mais le domaine psychique qu'il conquiert enfin est déjà dévasté par ces sept années de luttes ridicules, par toutes ces nuits pendant lesquelles Marie-Antoinette a enduré, comme femme et comme épouse, la suprême mortification de son sexe.
Elle constate à son tour un fait éternel : dès que les politiciens sentent tourner le vent, ils deviennent lâches.
(à propos de l'affaire du Collier)
Molière n'a pas écrit une pièce où il soit possible de trouver assemblage plus pittoresque de filous, d'escrocs, de dupes, de bouffons et de gens délicieusement bernés, que dans cet hilarant pot-pourri, où une pie voleuse, un rusé renard rompu à toutes les charlataneries, un ours pataud et crédule composent la plus extravagante des bouffonneries.
Car l'idée même la plus pure devient basse et petite dès qu'elle donne à des hommes mesquins le pouvoir d'être inhumains en son nom.
(chap XXXVII)
Goethe dit quelque part, au sujet des dernières paroles exprimées avant la mort, ce mot magnifique :
À la fin de la vie des pensées jusqu'alors informes surgissent clairement dans l'esprit, elles sont comme d'heureux et brillants génies qui se posent sur les cîmes du passé.
Ne vivre que par les sens, sans réfléchir : morale de toute une époque, de ce dix-huitième dont le destin, symboliquement, l'a faite reine, visiblement afin qu'elle vive et meure avec lui.
Elle sent naître en elle quelque chose de grand et de nouveau, qui n eut pas été concevable sans cette épreuve. "C est dans le malheur qu' on sent davantage ce qu' on est", ces mots fiers et émus jaillissent soudain de sa bouche et étonnent.
Avec Fersen disparaît le dernier de ceux qui gardaient dans leur cœur le souvenir de Marie-Antoinette.Et comme tout humain ne continue réellement à vivre après sa mort qu'aussi longtemps qu'il se trouve sur terre quelqu'un pour l'aimer,Fersen disparu,c'est le silence complet.
Marie-Antoinette a mordu dans la pomme amère de la connaissance et elle a perdu son assurance de somnambule, car seul est sans crainte celui qui ignore le danger. Elle commence à se rendre compte de l’énorme responsabilité qui pèse sur les détenteurs de toute situation privilégiée ; pour la première fois elle sent le poids de la couronne qui jusqu'ici lui avait paru aussi légère qu'un chapeau de Mlle Bertin.
On n'est frappé que par le destin que l'on n'a pas su maîtriser ; dans toute défaite, il y a un sens et une faute. En ce qui concerne Louis XVI et Marie-Antoinette Goethe a exprimé ce jugement d'une haute sagesse :
" Pourquoi donc, d'un coup de balai,
Un tel roi se laisse-t-il chasser ?
S'ils avaient été de vrais souverains
Tous seraient encore en vie."