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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
[CS] Quel fascinant sujet ! Un Maître de la littérature écrivant un ouvrage sur le fondateur d'une discipline aussi controversée aujourd'hui que la psychanalyse ! Et le faisant, en prime, au sujet d'un homme qu'il connaissait bien et admirait beaucoup (Zweig prononça rien moins que l'éloge funèbre de Freud en 1939). Quelle chance que de disposer du témoignage d'un des plus grands esprits de son temps sur un autre homme d'exception, qui indubitablement marqua durablement nos représentations du monde !

Quelle chance mais aussi quels risques ! N'allons-nous pas trouver un panégyrique dithyrambique nous semblant bien éloigné du réel ? le propos ne se limitera-t-il pas à une explication pauvre des grands principes de la psychanalyse ? Ne risquons-nous pas, près de un siècle plus tard, de trouver cet écrit daté ?

Ma réponse est claire et nette : en aucun cas ! Ce serait méconnaître le génie mais aussi la lucidité de Zweig et ce livre, aujourd'hui plus que jamais, me semble incontournable pour qui s'intéresse à la révolution psychanalytique, avec un esprit ouvert et critique. Il est non moins essentiel pour qui veut tenter de comprendre un peu mieux l'homme qu'était Freud.
*
Je ne vais naturellement pas tenter, dans cette critique synthétique, de résumer qui était Freud, pas plus insister de nouveau sur la plume admirable de Zweig ni revenir sur le fait que cet écrivain, connu du plus grand nombre avant tout pour quelques nouvelles, est un romancier tout aussi admirable (« La pitié dangereuse ») et, possiblement, un écrivain-historien encore plus fascinant lorsqu'il rédige des biographies. Là son génie littéraire mais aussi sa rigueur intellectuelle comme sa curiosité omnivore donnent toute leur mesure.

Non, je vais me borner à insister sur quelques points qui, selon moi, donnent toute la qualité de ce petit livre :
- Zweig commence par replacer les découvertes de Freux dans leur contexte historique, et c'est précieux, plus encore au XXI siècle qu'à son époque. En effet il nous est facile d'oublier que Freud a débuté ses recherches à une époque où la médecine peinait encore à imposer une approche à la fois globale et pleinement scientifique, à un moment aussi où le poids des non-dits comme de la religion étaient considérables. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle il nous est facile d'oublier les pesanteurs morales, le fait que l'Angleterre Victorienne impose un refoulement de la sexualité, une chape d'interdits et de non-dits, si loin des discours ambiants et des pratiques de notre siècle. Sans ce contexte comment percevoir pleinement la démarche à proprement parler révolutionnaire de ce jeune médecin, qui fut au départ en butte à des critiques et à des rejets pratiquement unanimes ? Zweig nous décrit entre autre un siècle de « retenue et d'hypocrisie obstinées », une époque où « l'ignorance engendre la dureté », « une génération de pédagogues sans pitié, parce que sans savoir, faisant un mal irréparable aux âmes de la jeunesse, en prescrivant à celle –ci de « se maîtriser » et d'être « morale » ».
- Zweig, tout en nous proposant un portrait magnifique de Freud, immense travailleur et esprit intransigeant, chercheur épris de la vérité ne cherche pas à nous masquer la radicalité de cet homme, son intransigeance (sa « dureté biblique »), « l'oeil presque menaçant du vieux lutteur ». Plus important sans doute encore il n'hésite pas à mettre en doute certaines des affirmations du maître de la psychanalyse, en particulier sur quelques insistances concernant la sexualité qu'il juge trop dogmatiques et non nécessaires.
- Zweig n'hésite pas, et est-il facile de lui donner tort, à exprimer les plus grands doute quant à la pratique généralisée de la psychanalyse : «Un psychanalyste vraiment réalisateur… qualités qui ne peuvent s'apprendre et ne se trouvent réunies chez le même homme que par la grâce. La rareté de ces vrais maîtres de l'âme me paraît être la raison pour laquelle la psychanalyse restera toujours une vocation à la portée de quelques-uns et ne pourra jamais être considérée comme un métier et une affaire- contrairement à ce qui arrive trop souvent, hélas, aujourd'hui. »
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En somme ce court ouvrage a l'immense mérite de nous proposer un regard précis et précieux sur Freud comme sur la psychanalyse. Il présente les principaux éléments de cette théorie mais, surtout, recontextualise l'ensemble, bien loin des débats stériles et de la courte vue qu'adoptent souvent les passionnés comme les détracteurs de cette approche médicale. Zweig ne cache pas son admiration pour Freud, sans pour autant masquer les aspects plus problématiques de l'homme ou les limitations théoriques et pratiques qu'il perçoit quant à l'usage généralisé de la psychanalyse.

Au final comment ne pas adhérer largement la conclusion de l'ouvrage, plus encore en comparant les approches éducatives en 1900 et aujourd'hui ? « le commencement obligatoire de toute science et de toute médecine psychique est pour lui le respect de la personnalité, ce « mystère révélé », selon le sens goethéen ; ce respect, Freud, comme personne d'autre, a enseigné à le révérer en tant que commandement moral. Par lui seul des milliers et des centaines de milliers d'êtres ont compris pour la première fois la fragilité de l'âme, en particulier de l'âme infantile ; à la vue des blessures dévoilées par lui, ils ont commencé à se rendre compte que tout geste grossier, toute intervention brutale (il suffit parfois d'un seul mot) dans cette matière super délicate, douée d'une force mystérieuse de ressouvenance, peut détruire un destin ; que, par conséquent, toute menace, interdiction, punition ou correction irréfléchie charge son auteur d'une responsabilité inconnue jusqu'ici. »

Freud transcende en réalité largement la psychanalyse et ce n'est pas la moindre des vertus de ce livre que de nous le rappeler.
*
Je ne saurais conseiller la lecture de cet ouvrage à un détracteur fanatique de la psychanalyse ou à qui cherche des explications détaillées sur cette dernière car ce n‘était pas ce qui motivait Zweig. Pour tout esprit curieux et ouvert je suis convaincu que cet ouvrage peut être à la fois un agréable moment de lecture et la source d'apprentissages féconds.

(Critique écrite en pensant avec émotion aux nombreuses victimes, directes et collatérales, de l' «affaire Olivier Duhamel ». La parole des enfants de cette famille donne une résonnance particulière aux travaux de Freud, nous rappelant combien son apport reste d'actualité)
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Superbe ! On sort des sentiers battus au sujet de Freud. Les grandes lignes de sa prodigieuse découverte et le bouleversement qu'elle déclenche alors dans la société sont énoncés avec une simplicité remarquable et une écriture délicieuse. Un peu trop court, j'aurais aimé davantage !
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Très bon livre pour découvrir le travail de Sigmund Freud. Une introduction pour des lectures plus complexes.
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