Une histoire banale, me direz-vous. Avons-nous lu le même roman ?, vous répondrais-je.
La face cachée de Ruth Malone attendait dans ma Pile à
Lire depuis sa sortie, et je m'y suis lancée sans savoir où j'allais, car je ne lis pas les résumés. Grand bien m'en prit, parce que la surprise a été encore plus authentique ! Je ne m'attendais pas à tomber sur un polar situé en 1965, et si j'avais lu le résumé, sans doute aurais-je été plus réticente à tenter l'aventure. Grossière erreur.
Emma Flint nous pousse dans les bras et les pensées d'une inconnue dont on devine qu'elle va être notre guide, mais aussi le centre d'une tragédie macabre qui commence avec la disparition de ses enfants. le récit a l'air en effet banal aux premiers abords ; encore une histoire d'enlèvement, se dit-on, encore toute la faute rejetée sur la femme, encore, toujours, et les longueurs, me direz-vous. Mais la façade disparaît assez vite.
Ce n'est pas l'histoire d'une enquête haletante, c'est la chute lente et inéluctable de Ruth Malone, une mère de famille hors de son temps, fidèle à elle-même, avec son propre caractère, et surtout, c'est une femme traitée avec profondeur par
Emma Flint, qui ne nous livre pas d'action, mais de la tension, une fois passé l'introduction et la première moitié du roman. le tout pour un final auquel on ne peut pas rester indifférent ; que de révolte, le sang qui bouillonne tandis qu'on prend conscience de la tragédie, et de la nature destructrice dont l'Humain peut faire preuve. Vifs et tranchants, les derniers chapitres resteront en tête pour un petit moment !
Alors,
La face cachée de Ruth Malone, pas si banal que ça ? La première partie ressemble à tant d'autres romans, tant d'autres histoires vraies, mais la deuxième partie va en effet nous emmener ailleurs, et pas sûr qu'on sache rester calme alors qu'on assiste à la chute de Ruth… Une fois de plus, plongée grinçante dans l'univers injuste et fourbe de… la presse, oui ! La police, encore plus ! N'oublions pas, nous sommes en 1965, et pourtant, les choses ne changent pas tellement entre cette période et aujourd'hui. L'auteure nous plonge la tête dans une culture étatsunienne puritaine et hypocrite, où toute sortie de la norme est considérée comme un crime. Et c'est Ruth qui en est la victime, ou la coupable, selon le point de vue des personnages. Habilement mis en scène par la plume, par ailleurs.
Antipathique, c'est le mot parfait pour décrire la bande de flics que l'on voit passer au long des pages, Devlin en premier. Des êtres acharnés, qui ne cherchent que le coupable idéal, mais est-ce le véritable coupable ? Pete, le petit journaliste qui m'irritait au début, et que je finis par voir sous un autre jour, en même temps qu'il évolue. À vrai dire, il y a peu de personnages dans ce roman, et il faut le dire clairement : la seule personne qui suscite à la fois intérêt et empathie est bien Ruth Malone elle-même, pour les réactions qu'elle a, en public comme en privé, et l'image que les autres ont d'elle. C'est sur elle que l'on se concentre, tantôt attristé de ce qui lui arrive, tantôt pris de doute sur ce qu'elle peut raconter.
Il y a là la critique juste et profonde d'un système révoltant modelé sur les apparences et les jugements, où chaque pas qui sort du chemin défini est considéré comme un signe de dysfonctionnement, quelque chose de louche.
La face cachée de Ruth Malone est inspiré de faits réels, que je vous laisse fouiller de vous-même si vous en avez la curiosité. Tout ce calvaire qui dure a existé en partie, et
Emma Flint, bien qu'elle tricote une histoire romancée autour du vrai, sait rendre l'atmosphère pesante, comme s'il n'y avait pas de sortie. Pas de sortie de secours dans ce monde que l'on vomit. Nous comme Ruth sommes obligés de marcher dans cette époque qui ne laisse aucune chance, le tout porté par les mots de la plume.
On commence sur les bases d'une histoire réelle qui est aussi, hélas, banale si l'on jette un coup d'oeil à la rubrique faits divers des journaux, et que l'on voit une disparition d'enfants, mais ces bases vues et revues évoluent vers quelque chose que l'on attendait pas, ce qui fait son charme. D'abord thriller psychologique avec Ruth, puis enquête policière avec Devlin, mais aussi avec des airs de polar journalistique avec Pete,
La face cachée de Ruth Malone ne conte pas que la disparition de deux enfants ; elle raconte aussi la descente aux enfers d'une femme hors de son temps, désespérément seule et profondément humaine. Jusqu'où la solitude peut mener ? Médée aux temps modernes !
Pas un coup de coeur, il y avait quand même des longueurs que j'ai eu du mal à digérer dans la première partie, cependant, une très bonne lecture avec une fin qui reste en travers de la gorge, et qui laisse un goût amer ! À
lire au plus vite, si vous ne l'avez pas déjà fait !
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