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Citations de Agota Kristof (236)


"Elle lit au lieu de..."
Au lieu de quoi ?
Encore maintenant, le matin, quand la maison se vide et que tous mes voisins partent au travail, j'ai un peu mauvaise conscience de m'installer à la table de la cuisine pour lire les journaux pendant des heures, au lieu de... de faire le ménage, ou de laver la vaisselle d'hier soir, d'aller faire les courses, de laver et de repasser le linge, de faire de la confiture ou des gâteaux...
Et, surtout, surtout ! Au lieu d'écrire."
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Mais il y a les mots anciens.
Notre Mère nous disait :
-Mes chéris ! Mes amours ! Mon bonheur ! Mes petits bébés adorés !
Quand nous nous rappelons ces mots, nos yeux se remplissent de larmes.
Ces mots, nous devons les oublier, parce que, à présent, personne ne nous dit des mots semblables et parce que le souvenir que nous en avons est une charge trop lourde à porter. (p.27)
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“Je suis un grand écrivain. Personne ne le sait, car je n’ai encore rien écrit (…) l’ennui c’est que je ne sais pas quel sera le sujet de mon roman. On a déjà tellement écrit sur tout et sur n’importe quoi.”
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Agota Kristof
La fenêtre était ouverte
la fenêtre de la nuit remplie d'obscurité et de vent
pourtant l'été flottait au-dessus des routes
et j'ai pensé que demain tu ne serais plus là

Je ne pleurais pas j'avais juste peur de m'évanouir
dans le vide que tu laisses derrière toi
je n'ai rien pour m'y accrocher
ta main ne sera plus là demain

(" Clous: poèmes hongrois et français ")
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Pour décider si c'est «Bien» ou «Pas bien», nous avons une règle très simple: la composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons.
Par exemple, il est interdit d'écrire: «Grand-Mère ressemble à une sorcière»; mais il est permis d'écrire: «Les gens appellent Grand-Mère la Sorcière.»
Il est interdit d'écrire: «La Petite Ville est belle», car la Petite Ville peut être belle pour nous et laide pour quelqu'un d'autre.
De même, si nous écrivons: «L'ordonnance est gentil», cela n'est pas une vérité, parce que l'ordonnance est peut-être capable de méchancetés que nous ignorons. Nous écrirons simplement «L'ordonnance nous donne des couvertures».
Nous écrivons: «Nous mangeons beaucoup de noix», et non pas: «Nous aimons les noix», car le mot «aimer» n'est pas un mot sûr, il manque de précision et d'objectivité. «Aimer les noix» et «aimer notre Mère», cela ne peut pas vouloir dire la même chose. La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un sentiment.
Les mots qui définissent les sentiments sont très vagues; il vaut mieux éviter leur emploi et s'en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c'est-à-dire la description fidèle des faits.
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“Si je suis triste, c’est plutôt à cause de ma trop grande sécurité présente, et parce qu’il n’y a rien d’autre à faire, ni à penser que le travail, l’usine, les courses, les lessives, les repas et qu’il n’y a rien d’autre à attendre que les dimanches pour dormir et rêver un peu plus longtemps”
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Nous demandons :
- Vous désirez vraiment mourir ?
- Qu'est-ce que je pourrais désirer d'autre ? Si vous voulez faire quelque chose pour moi, mettez donc le feu à la maison. Je ne veux pas qu'on nous trouve comme ça.
Nous disons :
- Mais vous allez atrocement souffrir.
- Ne vous occupez pas de ça. Mettez le feu, c'est tout, si vous en êtes capables.
- Oui, madame, nous en sommes capables. Vous pouvez compter sur nous.
Nous lui tranchons la gorge d'un coup de rasoir, puis nous allons pomper l'essence d'un véhicule de l'armée. Nous arrosons d'essence les deux corps et les murs de la masure.. Nous y mettons le feu et nous rentrons.
Le matin, Grand-Mère nous dit :
- La maison de la voisine a brûlé. Elles y sont restées, sa fille et elle. La fille a dû oublier quelque chose sur le feu, folle qu'elle est.
Nous y retournons pour prendre les poules et les lapins, mais d'autres voisins les ont déjà pris pendant la nuit. (P145)
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Je me couche et avant de m'endormir je parle dans ma tête à Lucas, comme je le fais depuis de nombreuses années. Ce que je lui dis, c'est à peu près la même chose que d'habitude. Je lui dis que, s'il est mort, il a de la chance et que j'aimerais bien être à sa place. Je lui dis qu'il a eu la meilleure part, c'est moi qui dois porter la charge la plus lourde. Je lui dis que la vie est d'une inutilté totale, elle est non-sens, aberration, souffrance infinie, l'invention d'un Non-Dieu dont la méchanceté dépasse l'entendement. (Ed. du Seuil, 1991, p.179)
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Le 30 octobre, je fête mon anniversaire dans l'un des bistrots les plus populaires de la ville avec mes compagnons de beuverie. Tous, ils me paient à boire. Des couples dansent au son de mon harmonica. Des femmes m'embrassent. Je suis ivre. Je commence à parler de mon frère, comme chaque fois que j'ai trop bu. Tout le monde dans la ville connaît mon histoire : je suis à la recherche de mon frère avec qui j'ai vécu ici, dans cette ville, jusqu'à l'âge de quinze ans. C'est ici que je dois le retrouver, je l'attends, je sais qu'il viendra quand il saura que je suis revenu de l'étranger.
Tout cela n'est qu'un mensonge. Je sais très bien que dans cette ville, chez Grand-Mère, j'étais déjà seul, que même à cette époque j'imaginais seulement que nous étions deux, mon frère et moi, pour supporter l'insupportable solitude.
La salle du bistrot se calme un peu vers minuit. Je ne joue plus, je bois seulement.
Un homme vieux, loqueteux, s'assied en face de moi. Il boit dans mon verre. Il dit :
- Je me souviens très bien de vous deux. De ton frère et de toi.
(P76-77)
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Nous l'appelons Grand-Mère.
Les gens l'appellent la Sorcière.
Elle nous appelle "fils de chienne".
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Je lis. C'est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main, sous les yeux : journaux, livres d'école, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recettes de cuisine, livres d'enfant. Tout ce qui est imprimé.
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Lucas prend l'enfant enveloppé du linge dans ses bras, regarde le petit visage chiffonné :
- Il ne faut plus parler de ça, Yasmine.
Elle dit :
- Il sera malheureux.
- Toi aussi tu es malheureuse, pourtant tu n'es pas infirme. Il ne sera peut-être pas plus malheureux que toi, ou que n'importe qui d'autre.
Yasmine reprend l'enfant, ses yeux sont remplis de larmes :
- Tu es gentil, Lucas.
- Tu sais mon nom ?
- Tout le monde te connaît dans la ville. On dit que tu es fou, mais je ne le crois pas.
Lucas sort, il revient avec des planches :
- Je vais lui fabriquer un berceau.
Yasmine fait la lessive, prépare le repas. Quand le berceau est prêt, ils couchent l'enfant dedans, ils le bercent.
Lucas demande :
- Comment s'appelle-t-il ? Tu lui as déjà donné un nom ?
- Oui, à l'hôpital, on le demande pour le déclarer à la mairie. Je l'ai appelé Mathias. C'est le nom de mon père. Aucun autre nom ne m'est venu à l'esprit.
- Tu l'aimais donc tant ?
- Je n'avais que lui.

(P 36-37)
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Je me souviens...
Et je ris en observant mes convives qui se penchent, voraces, sur le civet de lièvre tiré par moi-même dans les champs étriqués de leur pays natal.
Qui n'est, en réalité, que leur chat domestique favori.
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-Tu vois, rien n'a changé. J'ai tout gardé. Même cette nappe affreuse. Demain, tu peux aller habiter la maison.
je dis:
-je n'en ai pas envie. Je jouerai plutôt avec tes enfants.
Mon frère dit:
-Mes enfants ne jouent pas.
-Que font-ils ?
-Ils se préparent à traverser la vie
Je dis:
-J'ai traversé la vie et je n'ai rien trouvé.
( Ed. du Seuil, 1991, p.66)
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Nous arrivons de la Grande Ville. Nous avons voyagé toute la nuit. Notre Mère a les yeux rouges. Elle porte un grand carton et nous deux chacun une petite valise avec des vêtements, plus le grand dictionnaire de notre Père que nous nous passons quand nous avons les bras fatigués.
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Notre mère répond:
-Les jumeaux posent toujours des problèmes. Ce n'est pas un drame. Tout s'arrangera.
Notre Père dit:
- Oui, tout peut s'arranger si on les sépare. Chaque individu doit avoir sa propre vie.
Quelques jours plus tard, nous commençons l'école. Chacun dans une classe différente. Nous nous asseyons au premier rang.
Nous sommes séparés l'un de l'autre par toute la longueur du bâtiment. Cette distance entre nous nous semble monstrueuse, la douleur que nous en éprouvons est insupportable. C'est comme si on nous avait enlevé la moitié de notre corps. Nous n'avons plus d'équilibre , nous sommes pris de vertige, nous tombons, nous perdons connaissance. (p.29)
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Ce que j'aime le plus, c'est de raconter des histoires à mon petit frère Tila. C'est le préféré de notre mère. Il a trois ans de moins que moi, alors il croit tout ce que je lui dis. Par exemple, je l'attire dans un coin du jardin et je lui demande :
-Veux-tu que je te révèle un secret ?
-Quel secret ?
-Le secret de ta naissance.
-Il n'y a aucun secret à ma naissance.
-Si. Mais je te le dis seulement si tu jures de n'en parler à personne.
-Je le jure.
-Alors voilà : tu es un enfant trouvé. Tu n'es pas de notre famille. On t'a trouvé dans un champ, abandonné, tout nu.
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Quand Peter sort, l'enfant se tourne vers Lucas :
- Il est arrivé un malheur à Peter ?
- Non, pas à Peter, mais à l'un de ses amis, je le crains.
L'enfant dit :
- C'est la même chose, c'est peut-être même pire.
Lucas serre Mathias contre lui :
- Tu as raison. Parfois c'est pire.
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– Dangereux ? Ces petits connards ? Je vais me les faire, moi. Vous allez voir !
Il vient vers nous, veut cracher dans le sceau, mais l’un de nous lui fait un croche-pied, l’autre le frappe à la tête avec un sac de sable. Le garçon tombe. Il reste à terre, assommé. Les deux autres nous regardent. L’un d’eux fait un pas vers nous. L’autre dit :
– Fais gaffe ! Ces petits salopards sont capables de tout. Une fois, ils m’ont fendu la tempe avec une pierre. Ils ont aussi un rasoir et ils n’hésitent pas à s’en servir. Ils t’égorgeraient sans scrupules. Ils sont complètement fous.
Les garçons s’en vont.
Nous tendons le seau rempli à Bec-de-Lièvre. Elle nous demande :
– Pourquoi ne m’avez-vous pas aidée tout de suite ?
– On voulait voir comment tu te défendais.
– Qu’est-ce que j’aurais pu faire contre trois grands ?
– Leur jeter ton seau à la tête, leur griffer le visage, leur donner des coups de pied dans les couilles, crier, hurler. Ou bien t’enfuir et revenir plus tard.
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On a tout le travail, tout le souci: les enfants à nourrir, les blessés à soigner. Vous, une fois la guerre finie, vous êtes tous des héros. Mort: héros. Survivant: héros. Mutilé: héros. C'est pour ça que vous avez inventé la guerre, vous, les hommes. C'est votre guerre. (p. 105)
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