Citations de Akli Tadjer (329)
Tout était à refaire.Nous avions essayé de rempiler le lendemain soir, mais sans le whisky et sans les mots qu’il faut pour s’aimer nos corps avaient refusé de s’aimanter. Il était sage de ne plus poursuivre.Le garçon dépose le verre devant moi. Je bois une gorgée puis tout le reste d’un trait. Passé minuit, le whisky n’a rien d’euphorisant ni d’anesthésiant, il fait mal à la nuque et vous renvoie au point de départ. Nelly.Hier, elle n’était qu’une ombre perdue aux confins de nos sentiments inachevés. Il a suffi d’un regard pour que tout s’embrase à nouveau.« Un autre, monsieur ? »J’ai les tempes qui battent, la bouche pâteuse, je renonce. Je suis dans mon lit, mon ordinateur calé sur mon oreiller. Les yeux brûlés de fatigue, je poursuis inlassablement mes recherches. Il faut que je la retrouve sinon elle va alimenter mes insomnies pour des mois. Facebook. Je réveille mon compte que j’avais désactivé car, avec quinze amis – des commerçants du passage –, ma solitude m’apparaissait d’autant plus cruelle.
Whisky. »Il obtempère.Ça fait une éternité que je n’en ai pas bu. La dernière fois, c’était une nuit mouillée comme celle-ci. J’étais avec Juliette dans sa boutique de luminaires. Elle m’avait invité à prendre un verre parce qu’elle avait le gros bourdon. Son homme avec qui elle n’entretenait plus qu’une relation à temps partiel avait décidé de rompre sans préavis. Nous avions bu, beaucoup, dit des bêtises, beaucoup. Possible qu’une fois que l’alcool nous eût grisés, on ait dit qu’on ferait un bout de chemin ensemble et qu’avec un peu de chance nous pourrions pousser l’aventure, voire finir par nous aimer. Puis je l’avais entraînée dans mon atelier, nous avions basculé sur le divan qu’un psychanalyste m’avait abandonné après avoir pris la poudre d’escampette avec une de ses patientes, et ç’avait été de furieuses chevauchées jusqu’à épuisement de nos corps.
Elle m’avait appelé dix fois, je n’avais pas décroché. Elle avait toqué dix fois à ma porte, je n’avais pas ouvert. Elle m’avait écrit des petits mots de tendresse, de chagrin et d’amour pour toujours, auxquels je n’avais pas répondu. J’étais déglingué, bousillé, foutu. Alors, elle s’était lassée de mes silences et elle s’était effacée.
Malgré ses dix-huit ans, ses traits fins et réguliers, sa bouche charnue et des tresses nouées en couronne sur sa tête, je ne la trouve pas belle.Je ne l’ai jamais trouvée belle.Je l’ai trouvée belle bien plus tard, sur la fin de ses jours, lorsque ses forces l’ont abandonnée et que ses souvenirs se sont dissous dans le grand trou noir.
Il suffit d’avoir voyagé pour se rendre compte que le racisme est la connerie la mieux partagée au monde
Je n'ai jamais aimé l'idée de racines. Elle me renvoie à l'arbre figé dans sa terre, qui ne voit pas plus loin que le bout de ses branches. Moi, j'aime le mouvement, j'aime, comme Geppetto, transformer le bois pour lui donner une âme et créer des objets qui voyageront à travers le monde et me survivront. J'aime être d'ici et de France. J'aime ma double identité. j'aime ma schizophrénie normale.
Sur le coup des cinq heures, Leïla m'a envoyé un texto pour me dire que l'on gagnerait du temps à se retrouver directement devant la station de métro Père-Lachaise à dix-neuf heures plutôt qu'à ma pompe. J'ai répondu : pas de souci. J'y serai. Puis, je me suis enfermée dans mon bureau pour faire mes comptes.
Une belle journée.
Rien qu'aujourd'hui j'ai eu cinq clients. Une retraitée, ancienne directrice d'école privée, m'a pris le cercueil Chenonceau en chêne clair aux poignées de levage en cuivre finement ouvragées, un monument funéraire en granit rose, une plaque mortuaire du même granit dédiée à son cher disparu. Pour les funérailles, elle a désiré le grand jeu avec chorale, enfants de chœur, prières récitées par un prêtre orthodoxe et rapatriement de la dépouille dans le caveau de famille à Milhac dans le Lot - une virée au cœur de la France qui a considérablement lesté sa facture.La petite gerbe de fleurs ceinte du ruban violet sur lequel est écrit en lettres floquées argentées «A mon époux dans mon cœur à jamais tu demeures» , je lui en ai fait cadeau.
Les autres clients, des bobos mécréants qui habitent les nouveaux immeubles de grand standing autour des Buttes-Chaumont, sont partis sur de la crémation.Très en vogue, ces dernières années, la crémation dans le quartier.
Pour qui ne connaît pas l'endroit, on ne peut soupçonner qu'au bout du passage du Grand-Cerf - une petite voie d'une centaine de mètres, au cœur de Paris -, il y a le Maquereau Nostalgique. [....]. Pourtant , dès qu'on pousse la porte, c'est un monde venu d'Amérique du Sud qui vous accueille Mon monde.
Elle se savait aussi belle de face que de fesses.
Nous serons beaux comme l'amour, il sera mieux qu'un guide, il sera mon phare.
Joli roman d'initiation d'un jeune préadolescent parisien, qui, à l'occasion d'un problème de santé de sa mère, va être envoyé dans sa famille du Nord. C'est une séparation subie, d'autant plus que Mohamed va se confronter à d'autres obstacles culturels et raciaux.
L'action se situe en 1964, durant les 30 glorieuses mais aussi 2 ans après la fin de la Guerre d'Algérie.
C'est un livre émouvant, attachant, cruel mais aussi drôle car il est porté par le langage de ce "petit jeune homme"
Les Polonais, ils étaient mieux vus que les Mohamed, mais ils restaient des étrangers. Elle avait rien contre eux mais ses copines l’avaient mise en garde… Pour la bagatelle, ça valait le coup de se faire plaisir, mais pour le mariage fallait réfléchir mûrement. Rapport aux noms de famille. Elles s’appelaient Lefèvre, Breuil, Mauroy, Duchnoque, elles devenaient Antonowieski, Tartakovski, Lowski, Wiennoski… que des ski. Fallait vraiment être mordu pour passer devant monsieur le maire.
D’homme à homme. On avait pas l’habitude des bisous et des câlins à la maison. Pour dire bonjour et au revoir, on se serrait la main.
On n’a qu’un seul grand amour dans sa vie. Tous ceux qui précèdent sont des amours de rodage, tous ceux qui suivent des amours de rattrapage.
Martial Duvernoy trancha : je ferais mon papier à la condition de prouver que l’homme issu des nations maghrébines et subsahariennes puisse servir sa nation d’adoption autant qu’un Français de souche. Quelques exemples de réussite économique de ces gagneurs colorés pour étayer mon propos seraient les bienvenus, m’avait-il conseillé.
Elle s'installe face à moi, elle est superbe comme toujours, contrariée comme rarement. Elle me regarde avec consternation comme si j’étais son désespoir, sa croix et sa bannière. Mais je me fiche de son jugement, de tous les jugements (...)
une jolie histoire d'amour qui nous permet de passer un bon moment.
On est loin du chef d'oeuvre, mais on se laisse tout de même prendre au jeu, si bien que lorsqu'on le commence on le finit très rapidement. Les professions évoquées sont originales et sous ses aspects "légers", l'auteur aborde des thèmes forts: le célibat, la cécité, le regard des autres...
Je suis sans volonté, sans énergie, molle. Voilà, je ne suis qu'une chiffe molle. J'ai la certitude que c'est le nouveau traitement pour faire baisser ma tension qui m'engourdit le corps et m'endort la mémoire. Le corps , ça m'est égal, je n'attends plus rien de lui mais ma mémoire c'est mon unique trésor. C'est à elle que je me raccroche pour me souvenir que je n'ai pas toujours été un paquet de chair exsangue sur un lit d'hôpital mais que j'ai souffert, que j'ai haï, que j'ai aimé, que j'ai ri, que j'ai chanté, dansé, que j'ai été vivante.
Ma bouche cherchait sa bouche qui minaudait que je lui tenais chaud aux miches et qu'elle aimait ça. Je n'ai pas résité à l'appel des ses lèvres humides. Je l'ai étreinte violemment et je l'ai embrassée à la brutale. C'était bon, c'était chaud, c'était épicé. RAS, c'était une pro du palot.
Au pied de l'immeuble, il m'a accroché le bras et il a dit en shootant dans une boîte en fer :
- Maintenant que [masquer] que papa est mort [/masquer], est-ce qu'il y aura une place pour moi dans ton cœur?
J'ai répondu qu'il y avait toujours eu une place pour lui dans mon cœur.
- Une place, une vraie, maman. Pas un strapontin.