Citations de Alessandro Baricco (1433)
Les gens d'ici les regardent voler, et dans leur vol lisent le futur. (...) Quand j'étais un jeune garçon, mon père m'emmena dans un endroit comme celui-ci, il me mit son arc entre les mains et m'ordonna de tirer sur un de ces oiseaux. Je tirai, et un grand oiseau, aux ailes bleues, tomba à terre, comme une pierre morte. Lis le vol de ta flèche, si tu veux savoir ton futur, me dit alors mon père.
--. Les bateaux sont les yeux de la mer.
Il en reste pétrifié Bartlebloom.Ça vraiment, il n'y avait jamais pensé
--Mais des bateaux , il y en a des centaines.
--Et elle, elle a des centaines d'yeux. Vous ne voudriez quand même pas qu'elle doive se débrouiller avec deux.
Effectivement avec tout ce qu'elle a à faire et grande comme elle est. Il y a un certain bon sens là-dedans.
--Vous savez quoi? J'aurais cru que les amiraux on les trouvait sur la mer...
-- Et moi , j'aurais cru que les curés on les trouvait dans les églises.
--Oh, c'est à dire , vous savez, Dieu est partout...
--La mer aussi mon père. La mer aussi.
Il partit. Et ne laissa pas de valise derrière lui cette fois.
Elle regardait cette maison devant elle et pensait à la mystérieuse permanence des choses dans le tourbillon incessant de la vie. Elle pensait que chaque fois, en vivant avec elles, on finissait par laisser sur ces choses comme une légère couche de peinture, la couleur de certaines émotions destinées à s’estomper, sous le soleil, en souvenirs.
Il fallait se méfier de la méchanceté qui semble être un luxe qu’on peut se permettre, quand on est jeune, car la vérité est tout autre ; la méchanceté est une lumière froide dans laquelle les choses perdent leurs couleurs, et ce définitivement.
Le père Pluche dit qu'en fait je devais être un papillon de nuit mais il y a eu une erreur et je suis arrivée ici, mais ce n'est pas exactement ici que je devais me poser, et c'est pour ça que maintenant tout est un peu difficile, c'est normal que tout me fasse mal, je dois avoir beaucoup de patience et attendre, c'est assez compliqué, forcément, de transformer un papillon en femme...
Les livres, eux, ils ne me font pas de mal (...) c'est-à-dire qu'il y a des histoires qui sont aussi... émouvantes, vous comprenez ? Avec des gens qui tuent, qui meurent... mais quand ça vient d'un livre, je peux entendre n'importe quoi, c'est bizarre ça, j'arrive même à pleurer et c'est agréable
Il finit donc par comprendre qu’il était dans une situation que partagent beaucoup d’êtres humains, mais pas moins douloureuse pour autant, à savoir : la seule chose qui nous fait sentir vivants est aussi ce qui, lentement, nous tue. Les enfants pour les parents, le succès pour les artistes, les sommets trop élevés pour les alpinistes. Écrire des livres pour Jasper Gwyn.
A chacun d'eux, Baldabiou avait dévoilé, sans difficultés, les secrets du métier. C'était bien plus amusant pour lui que faire de l'argent à la pelle. Enseigner. Et avoir des secrets à raconter. Il était comme ça, cet homme.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est une volière.
- Une volière ?
- Oui.
- Et pour servir à quoi ?
Hervé Joncour gardait les yeux fixés sur ces dessins.
- Tu la remplis d'oiseaux, le plus que tu peux, et le jour où il t'arrive quelque chose d'heureux, tu ouvres la porte en grand et tu les regardes s'envoler.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est une volière.
- Une volière ?
- Oui.
- Et pour servir à quoi ?
Hervé Joncour gardait les yeux fixés sur ces dessins.
- Tu la remplis d'oiseaux, le plus que tu peux, et le jour où il t'arrive quelque chose d'heureux, tu ouvres la porte en grand et tu les regardes s'envoler.
Il y avait une raison à ça, d'ailleurs, mais je l'ai oubliée. On oublie toujours les raison.
- C'est une souffrance étrange.
Doucement.
- Mourir de nostalgie pour quelque chose que tu ne vivras jamais.
- Tu étais mort.
Dit-elle.
- Et il n'y avait plus rien de beau, au monde.
Brusquement, il vit ce qu'il croyait invisible.
La fin du monde.
Elle pleuvait, sa vie, devant ses yeux, spectade tranquille.
Mourir de nostalgie pour quelque chose que tu ne vivras jamais.
Un panneau de papier de riz glissa, et Hervé Joncour entra dans la pièce. Hara Kei était assis sur le sol, les jambes croisées, dans le coin le plus éloigné de la pièce. Il était vêtu d'une tunique sombre, et il ne portait aucun bijou. Seul signe visible de son pouvoir, une femme étendue près de lui, la tête posée sur ses genoux, les yeux fermés, les bras cachés sous un ample vêtement rouge qui se déployait autour d'elle, comme une flamme, sur la natte couleur de cendre. Hara Kei lui passait lentement la main sur les cheveux : on aurait dit qu'il caressait le pelage d'un animal précieux, et endormi.
La terre, c'est un bateau trop grand pour moi. C'est un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas.
Dans les yeux des gens, on voit ce qu'ils verront, pas ce qu'ils ont vu.