L'aube entre ombre et lumière retient dans son instant éphémère un temps parallèle.
C'est à ce moment particulier de la lueur du jour que se croisent pour la première fois, dans l'anonymat d'un hôtel lugubre, un homme et une femme. La femme aux yeux gris de louve veut séduire Malcolm Webster, un homme sur la défensive et aux aguêts. Il doit partir, elle l'en empêche. Il est d'abord en colère, puis se détend et étrangement finit par se confier.Tous les deux avouent un passé encombré de culpabilité, d'abandon et de défaite. Ils auraient pu suivre ensemble un chemin plus doux si le destin en avait décidé autrement.
Pourtant, ces deux personnages se retrouvent à rebours deux fois encore mais à des âges opposés et sans se reconnaître. Des rencontres fugitives où ils peuvent s'offrir mutuellement dans un échange librement consenti de la douceur et de la compassion à ce qui est déjà écrit.
J'ai beaucoup aimé ce court roman très théâtral par ses dialogues et sa mise en scène comme j'avais adoré Novecento. J'ai été séduite par son univers teinté d'alchimie où les aiguilles du temps peuvent s'inverser mais reviennent inévitablement au même endroit.
C'est un très beau coup de coeur !
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Trois récits très touchants qui ont indiscutablement triplé notre plaisir de lecture.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Il existe des courtes sonates plus subtiles que de grandes symphonies. Alessandro Baricco le démontre avec "Trois fois dès l’aube".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Ça pourrait être du théâtre. Trois actes légers et graves à la fois, apparemment réalistes, en fait totalement fous, mais semblant respecter une certaine unité de temps : les premières lueurs de l'aube.
Lire la critique sur le site : Telerama
Ce court roman est un délicieux concentré de Baricco.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Au-delà de la virtuosité de ce « présent-passé-futur » recomposé, on est saisi par l’humanité à vif des personnages, par la lumineuse poésie des descriptions, par le récit de ces deux vies qui se jouent en trois coups, entre chien et loup...
Lire la critique sur le site : LesEchos
Ces pages racontent une histoire vraisemblable qui, toutefois, ne pourrait jamais se produire dans la réalité. Elles décrivent en effet deux personnages qui se rencontrent à trois reprises, mais chaque rencontre est à la fois l'unique, la première et la dernière. Ils peuvent le faire parce qu'ils vivent dans un Temps anormal qu'il serait vain de chercher dans l'expérience quotidienne. Un temps qui existe parfois dans les récits, et c'est là un de leurs privilèges.
( ouverture)
L'homme réfléchit un peu. Puis il dit qu'il faut faire attention quand on est jeune parce que la lumière dans laquelle on vit, jeune, est la lumière qui nous suivra toujours, et ce pour une raison qu'il n'avait jamais comprise. Mais il savait que c'était comme ça. Il dit que beaucoup de gens sont mélancoliques, dans leur jeunesse, et qu'en fin de compte ils le restent toujours. Ou alors, qu'ils ont grandi dans la pénombre, et que la pénombre les poursuit toute leur vie. Ainsi il fallait se méfier de la méchanceté qui semble être un luxe qu'on peut se permettre, quand on est jeune, car la vérité est tout autre ; la méchanceté est une lumière froide dans laquelle les choses perdent leurs couleurs, et ce définitivement. Il ajouta que lui, par exemple, avait grandi dans la violence et la tragédie, et que par une série de circonstances il devait admettre qu'il n'avait plus jamais réussi à sortir de cette lumière, même si d'une manière générale il pouvait affirmer avoir bien agi tout au long de sa vie, avec la seule intention de remettre les choses en ordre, et en parvenant à le faire au fond, mais indiscutablement dans une lumière qui n'avait été que tragique et violente, avec de rares moments de beauté, qu'il n'oublierait jamais du reste.
C’était un hôtel, d'un charme un peu suranné qui avait su probablement, par le passé, tenir certaines promesses de luxe et de raffinement. Par exemple, il avait une belle porte a tambour en bois, un détail toujours propice aux fantasmes.
C'est par la qu'une femme entra, a cette heure étrange de la nuit, apparemment perdue dans ses pensées, a peine descendue d'un taxi. Elle portait juste une robe du soir jaune, plutôt décolletée, sans l'ombre d'un châle sur les épaules : cela lui donnait l'air intriguant de ceux a qui il est arrivé quelque chose. Il y avait une élégance dans ces mouvements, mais on aurait dit aussi une comédienne regagnant les coulisses, libérée de la contrainte du jeu et renouant avec une partie d'elle même, plus sincère. Ainsi elle avait une manière précise de poser ses pas, un peu fatiguée, et de tenir son minuscule sac a main, prête a le lâcher. Elle n’était plus très jeune, mais ça lui allait bien, c'est le cas parfois des femmes qui n'ont jamais douté de leur beauté.
Ces pages racontent une histoire vraisemblable qui, toutefois, ne pourrait jamais se produire dans la réalité. Elles décrivent en effet deux personnages qui se rencontrent à trois reprises, mais chaque rencontre est à la fois l'unique, la première et la dernière. Ils peuvent le faire parce qu'ils vivent dans un Temps anormal qu'il serait vain de chercher dans l'expérience quotidienne. Un temps qui existe parfois dans les récits, et c'est là un de leurs privilèges.
Ce qu'elle avait compris, avec une certitude absolue, était que vivre sans lui serait, à jamais, sa tâche fondamentale, et que dès lors les choses se couvriraient systématiquement d'une ombre, pour elle, une ombre supplémentaire, même dans le noir. Elle se demanda si cela pouvait convenir pour expliquer ce que signifie être fou de quelqu'un, mais en levant le regard vers l'homme debout face à la fenêtre, sa petite valise à la main, elle le vit si élémentaire et déterminé qu'il lui sembla totalement insensé de se lancer dans cette explication.
Les voies de la narration. Apprendre l'art de raconter des histoires dans le monde contemporain
Avec David Foenkinos, romancier, dramaturge et scénariste, Fanny Sidney, réalisatrice, scénariste, comédienne et Pauline Baer, écrivaine et animatrice d'ateliers d'écriture
Au cours des deux dernières décennies, les histoires, les récits, les narratifs sont sortis du champ strictement littéraire et culturel pour investir d'autres espaces – politique, économique, informationnel. Portée par l'essor des industries créatives et par la multiplication des canaux et des formats, la « fabrique » à histoires s'est développée en réponse à des besoins variés : assouvir une quête de sens, se réapproprier une histoire familiale, fédérer autour d'un projet collectif, incarner une ambition entrepreneuriale, donner du souffle à un projet politique, redonner de la cohérence aux événements du monde, ou tout simplement répondre à notre envie d'être transporté et tenu en haleine… du récit intime qui bouscule au récit politique qui veut marquer son temps, de l'histoire qui captive au narratif d'entreprise qui conjugue stratégie et raison d'être, chacun cherche l'histoire qui fait vibrer, donne du sens, motive, divertit ou répond aux questions du siècle.
Si le besoin de récit est partout, il faut (ré)apprendre à raconter des histoires de manière adaptée aux usages contemporains, sans perdre de vue la vocation humaniste de toute narration et les ponts qu'elle peut jeter entre générations et entre communautés. Une nouvelle génération d'auteurs, ainsi que la demande des industries culturelles interrogent l'idée – très française, et à l'opposé de la mission de la Scuola Holden de Turin fondée à Turin par Alessandro Baricco en 1994 – que l'art du récit ne s'apprend pas, à moins de le faire comme un outil pour accéder à un métier et à un média. Et s'il fallait une « école Holden à la française » pour décloisonner les industries culturelles et les générations ?
Table ronde proposée par Claudia Ferrazzi, fondatrice de VIARTE.
À lire –
David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2014.
Pauline Baer, La collection disparue, Folio Gallimard, 2020.
Alessandro Baricco, The game, Folio Gallimard, 2019.
Alessandro Baricco, Les barbares. Essai sur la mutation, Gallimard, 2014.
Yves Lavandier, La dramaturgie : les mécanismes du récit, Les impressions nouvelles, 1994.
Maureen Murdock, The heroine's journey, Shambhala Publications Inc, 1990.
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