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Critiques de Alexandre Pouchkine (441)
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La Dame de pique - Récits de feu Ivan Pétrovitc..

Lorsque j'étais petite, j'avais une arrière-grand-mère enragée des jeux de cartes. Dans mon souvenir, elle avait passé les quatre-vingt-cinq ans et patientait péniblement lors des repas de famille, où elle ne mangeait presque rien, se maintenant l'œil aux aguets, n'espérant que l'instant où elle pourrait débaucher des partenaires et taper le carton de sa main tremblante et de son œil confondant les cœurs et les carreaux toujours à son avantage, jusqu'à l'épuisement des trois autres...

Encore très faiblement lectrice, je me rappelle avoir été fascinée par les beaux dessins des figures sur les cartes et je tâchais de déchiffrer tant bien que mal les petits noms de ces rois et reines accompagnés de leurs serviteurs.

Sur la dame de pique, on pouvais lire " Pallas ", et c'est vrai qu'elle n'était jamais lasse mon arrière-grand-mère. Je crois même que si elle n'était pas morte depuis le temps, elle continuerait à tenir dans ses doigts tors défigurés par l'arthrose l'effigie du roi de trèfle, celui qu'on nomme Alexandre.

Alexandre, le grand Alexandre, le seul, l'unique Alexandre qui compte, Alexandre Pouchkine, le magicien des mots, l'âme de la Russie.

Oui, Pouchkine, avec le meilleur de la verve russe du XIXème siècle, nous concocte une petite nouvelle parfaite, avec tous les ingrédients qui deviendront propres tant au genre qu'est la nouvelle, qu'à la veine russe dont il est le premier éminent représentant.

Ces diables de Russes arrivent toujours à relever admirablement leurs recettes d'une minuscule pointe de surnaturel qui vient juste rehausser la saveur de l'ensemble sans jamais en gâcher les arômes de base.



Au cours d'une soirée entre officiers, tous joueurs acharnés et buveurs de noble constitution, Tomsky raconte une anecdote sur sa grand-mère et l'étrange pacte qu'elle fit en France dans sa jeunesse avec le comte de Saint Germain. Celui-ci, pour sauver la grand-mère de Tomsky qui venait de perdre une fortune aux cartes, lui enseigna une mystérieuse et infaillible technique pour gagner. Cependant, il lui fit promettre de ne point utiliser cette formule à mauvais escient, sitôt la dette remboursée. de sa vie, la grand-mère à toujours tenu parole et est restée muette comme une tombe, même à l'égard de ses enfants ou petits-enfants. Une seule fois, au cours de sa longue vie, elle a dévoilé à un officier ruiné, dont la situation devenait très compromise, les trois cartes salvatrices qui lui permettraient de recouvrer sa fortune et son honneur perdu sur une table de jeu.

Essayez d'imaginer à quoi peut bien être prêt un officier froid et calculateur pour faire parler une vieille grand-mère de quatre-vingt-sept ans détentrice d'un tel pouvoir ? Je ne vous en dis pas plus quant au scénario, mais sachez que je place sans complexe La Dame De Pique au niveau de la meilleure nouvelle de Gogol selon moi, Le Manteau.

En ce qui concerne le style, c'est tonique, c'est rythmé, c'est lyrique, c'est légèrement roublard, c'est le format idéal pour une nouvelle, c'est un vrai délice, mais tout ceci, n'est bien sûr que l'inconséquent avis d'une non-joueuse de cartes, c'est-à-dire pas beaucoup plus qu'un 2 de carreau...



P. S. : l'histoire de mon arrière-grand-mère est véridique.
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Eugène Onéguine

Il est bien dommage qu'en français " sublime " ne rime avec Pouchkine car ç'eût été justice, pour un flamboyant tel, qu'un mot tel que " sublime " rimât avec son patronyme. Le français est mal fait et c'est une méchante langue, car l'on perd en le parlant les trésors uniques et la mélodie douce du Russe-Chantant.

Le Russe-Chantant est un très timide enfant, qui ne se montre que fort rarement. Si vous regardez clair, si vous écoutez bien, au creux du calamus noirci d'encre de spleen la plume qui servit jadis à Pouchkine pour brosser son Onéguine, vous croiserez son petit regard espiègle, sa musique et sa voix. N'allez surtout point quêter ailleurs — Malheureux ! — vous seriez horriblement déçus.

Quel drôle de truc, franchement, que cet Eugène Onéguine ! Un roman, oui, mais un roman en vers, ce qui est déjà plus rare, et qui plus est rythmé uniformément de strophes de 14 vers, comme autant de poèmes soudés les uns aux autres (pas tout à fait exact puisque certaines strophes se poursuivent sur la suivante, mais dans l'ensemble, c'est à peu près cela).

Chaque strophe onéguienne est composée de trois quatrains (le premier en rimes croisées, le second en rimes plates et le troisième en rimes embrassées), lesquels 12 vers sont flanqués de deux derniers vers en rimes plates qui viennent clôturer la strophe.

Il y a donc une rythmique et une musique forte et incomparable dans cet étonnant roman et je tiens à signaler dès à présent la gageure (pour ne pas dire l'hérésie folle et vaine) que d'essayer de le traduire comme tel en français.

Personnellement, avant de me lancer dans cette lecture, j'ai comparé la traduction rimée d'André Markowicz chez Babel et la traduction non rimée de Jean-Louis Backès pour Folio. Ma préférence est allée, et de loin, à cette dernière, car il a compris qu'il n'arriverait jamais à tout retranscrire de l'écriture de Pouchkine et a donc fait un choix, que je juge judicieux.

Il a laissé tomber les rimes et les nombres de pieds, par contre, il a choisi de conserver le rythme et la fluidité du verbe. Le résultat est vraiment remarquable, car à plein de moments, j'avais l'impression de lire de la poésie, de la belle et vraie poésie, sans la moindre rime ni le plus petit respect de la quantité syllabique.

Chapeau bas, donc, pour Jean-Louis Backès avec cette belle traduction très osée.

Vous dire que l'ensemble de l'œuvre me laisse rêveuse serait mentir, j'ai surtout goûté l'esprit espiègle de l'auteur et sa flamboyance stylistique, son romantisme pur jus première pression à froid, directement inspirée de Byron.

Eugène Onéguine, c'est l'histoire d'une rencontre. C'est l'histoire d'un avortement amoureux. C'est l'histoire d'une erreur de timing qui rend chacun malheureux.

Eugène est un dandy russe, viveur mais déjà blasé, des choses comme des gens, des amours également. Fuyant l'univers mondain, il se réfugie à la campagne, tâcher de redonner quelque sens à sa vie.

Tatiana, elle, est jeune, intacte, non encore abîmée dans ses rêves et dans sa vie, prête à croire et à s'enflammer.

Onéguine est celui qu'elle attend, au creux de ses rêves. Mais elle, est-elle celle qu'Onéguine espère ?

Olga, la sœur de Tatiana en pince pour Lenski, l'ami d'Onéguine.

Deux amours, un orgueil offensé, en faut-il davantage pour convoquer un duel ? Le reste, je vous le laisse à découvrir.

C'est surprenant de savoir, après coup, combien le duel dépeint dans Eugène Onéguine annonce la fin réelle d'Alexandre Pouchkine, mort lui aussi dans un duel, par un froid hiver...

Adieu Pouchkine, adieu l'ami...

Onéguine

Tatiana

Tatiana

Onéguine

À défaut du reste, au moins les rimes se seront-elles embrassées... dans ce bel ouvrage en vers, qui vaut plus, probablement, pour sa facture que pour son intrigue, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Tempête de Neige

Voici une petite nouvelle gentillette d'Alexandre Pouchkine. C'est une nouvelle fois très romantique ; il y est une nouvelle fois question d'amour ; c'est une nouvelle fois excellemment conté mais je trouve la nouvelle en elle-même un peu tirée par les troïkas. Jugez plutôt :



Une adorable jeune fille de bonne famille se consume d'amour pour un jeune, beau et valeureux soldat, qui lui aussi brûle comme une chandelle romaine mais qui, malheureusement, est sans le sou. Or un sou est un sou et dans la famille de la demoiselle, on semble désireux de contracter un beau mariage pour la belle.



Mais elle, Maria Gavrilovna, ne songe qu'à son Vladimir, nuit et jour, jour et nuit et un peu au-delà s'il est permis de s'exprimer de la sorte. Si bien que de lettres enflammées en rendez-vous galants, les deux jeunes tourtereaux échafaudent de s'échapper du nid, d'alpaguer le premier pope venu et de convoler en justes noces dans la première église au bord d'un chemin.



Vladimir a tout réglé au millimètre ; Macha, elle, a un petit pincement au cœur car elle aime ses parents et eux l'ont toujours choyée, donc, c'est pas joli, joli de leur faire un coup comme ça, mais que voulez-vous, ils ne comprennent rien aux affaires de cœur et n'entendent que les battement du porte-monnaie…



Le grand soir, c'est pour ce soir… Maria Gavrilovna a mis sa femme de chambre dans la confidence, le brave Teriochka l'attend dans la troïka et n'a même pas bu un coup de trop contrairement à ses habitudes de serviteur. Pourtant, un brin d'antigel n'aurait pas été de refus car on se les caille sévère ce soir, c'est une vraie bourrasque, que dis-je, pas une bourrasque, une tempête de neige, autant dire un blizzard, oui. À y perdre sa route…



Mais peu importe, Vladimir a convoqué le prêtre et les témoins ; l'église sera ouverte, il ne lui reste plus qu'à aller au-devant de sa belle et l'affaire sera jouée. Oui mais… il fait nuit… il neige… il neige même très fort… les vingt minutes à cheval se transforment en une demi-heure… la route a disparu sous la neige… tout se ressemble… mais où est-il se fichu patelin ?… ah ! un bois, je me reconnais… euh, non, en fait, c'est pas celui-là… mais bon sang où suis-je ?…



Vous voyez, je me suis perdue et je ne suis pas fichue de retrouver le chemin de cette nouvelle. Ce sera donc à vous de faire l'autre moitié du parcours si vous en avez le courage par le froid qu'il fait. Peut-être cela en vaudra-t-il la peine ? Peut-être pas ? Mais cela, quoi qu'il arrive, ce sera toujours à vous de le décider, car je n'ai qu'un avis de flocon, et vous savez ce que c'est, ça fond dans la main dès qu'on s'en saisit. Il ne reste alors plus qu'une mince goutte d'eau, autant dire, pas grand-chose.
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La Dame de pique - Récits de feu Ivan Pétrovitc..

Hermann, un officier d'origine allemande, bien que passionné par le jeu, a toujours refusé d'y perdre de l'argent. Il ne joue donc jamais et se contente de regarder ses amis se livrer à leur passion des cartes. Mais pendant une longue nuit d'hiver en leur compagnie, après qu'ils ont joué et dîné fort tard, l'un d'eux, Tomski, en rapportant une anecdote sur sa grand-mère, Anna Fedotovna, change la perspective du jeune officier.



En effet le petit-fils raconte que la comtesse, grande joueuse devant l'éternel, ne joue plus, quoique détenant un moyen infaillible de gagner. Elle connait une martingale qui lui a permis de se refaire, alors qu'elle était en France et avait perdu beaucoup d'argent. Une combinaison gagnante qu'elle a obtenue du comte de Saint Germain, un vieil original, quand son mari refusait obstinément de couvrir ses dettes de jeu. Seulement, elle ne veut la communiquer à personne, pas même à ses descendants, tenant une promesse faite au comte.



Pour Hermann, c'est une révélation. Il ne lui en faut pas plus pour réfléchir et mettre en oeuvre les moyens de soutirer à la vieille dame son secret. Mais la comtesse est coriace et sa vengeance, au-delà de la mort, va conduire le vénal ambitieux sur le chemin de la folie, à moins que ce soit sa conscience.



Quelques lignes suffisent pour être plongé dans cette nouvelle qui, entre rêve et réalité, vaut un long roman par sa puissance évocatrice, la densité de ses personnages et l'analyse poussée et ironique des faiblesses humaines. Pouchkine nous y tend un miroir pour nous faire nous interroger sur nous-mêmes, nos ambitions et nos passions, c'est là son immense talent et son vrai génie.

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Le coup de pistolet

Je suis toujours fascinée de lire combien Alexandre Pouchkine avait un rapport de quasi fascination pour cette pratique ancestrale et chevaleresque, pour cette institution d'un autre âge mais encore bien vivace au XIXème siècle et qu'est le duel d'honneur. D'autant plus fascinant, quand on connaît les circonstances de la mort de Pouchkine, qu'on croirait dur comme fer qu'il a organisé lui même sa fin tragique pour entrer comme il l'entendait dans la légende.



Il est donc question ici de duel au pistolet, un peu comme dans Eugène Onéguine ; il y est question de panache à la Cyrano et d'un esprit qui confine également à la mythologie et au lyrisme du western. Il y a dans ce Coup De Pistolet quelque chose qui m'évoque le Charles Bronson d'Il Était Une Fois Dans L'Ouest ou le célèbre « Tout est perdu, fors l'honneur. » de François Ier.



Pouchkine sait nous rendre en quelques pages l'ambiance des garnisons telles que nous les décrit de façon éblouissante Tolstoï dans La Guerre Et La Paix. Pour l'aristocratie russe masculine d'alors, on allait à l'armée dans sa jeunesse, comme on participe à un programme Erasmus de nos jours ou faire quelque stage professionnel à l'étranger et l'on rentre chez soi anobli d'une patine et d'une expérience qui feront des histoires à raconter dans les soirées et qui transforment l'intéressé en parti avantageux pour les demoiselles à marier.



Ainsi, Silvio — nom étranger mais âme russe comme le décrit Pouchkine — vit dans une modeste bourgade. C'est un ancien hussard mais contrairement à l'ordinaire, il n'a pas cherché à se caser après ces années dans l'armée. Les jeunes officiers qui s'invitent régulièrement chez lui ont un respect sans borne pour cet homme d'expérience et qui excelle au maniement du pistolet. Personne n'aimerait avoir affaire à lui avec un pistolet à la main.



Pourtant, lorsqu'un jeune officier fraîchement arrivé provoque Silvio, chacun se doute déjà du sort qui l'attend, mais…

… stupeur ! Silvio ne dit rien et ne réclame pas de duel pour laver l'affront que vient de lui faire subir le godelureau. Beaucoup s'en étonnent car la virilité de Silvio n'est pas en cause. Qu'est-ce qui peut bien réfréner ainsi l'ardeur duelliste de cet homme ?



C'est ce que je vous laisse, bien entendu, le soin de découvrir par vous-même si le cœur vous en dit. Du bon Pouchkine, flamboyant et romantique à souhait. Toutefois, et selon mes seules affinités personnelles, pas le tout meilleur Pouchkine. Mais ce n'est bien évidemment qu'un avis à un coup, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La dame de pique

"Ensuite, cette histoire elle-même, y a t-il quelque moyen d'y croire ?"

(p. 18)



Les histoires de Pouchkine se marient à merveille avec le temps sombre et hivernal. Il suffit de fermer les yeux à moitié, et la lumière de votre lampe se transforme en celle des chandeliers en bronze qui éclairent le salon de Naroumof et la table ovale couverte de feutrine verte. On joue au "pharaon". Les flammes se reflètent dans les grands miroirs de la pièce, tout comme les visages fantomatiques des joueurs de cartes. L'atmosphère est un brin fantastique, mais c'est exactement ce qu'il faut...

Le livre de Rutherfurd sur la Russie m'a donné envie de relire quelque chose - n'importe quoi - d'Alexandre Sergueïevitch. Et "La Dame de pique" me faisait un clin d'oeil, ce fameux clin d'oeil qui ne laisse personne indifférent.



Même le grand barde Pouchkine en personne ne pouvait pas imaginer quelle sensation va provoquer l'histoire que lui a raconté un jour son ami, le jeune prince Golitsyne. Car ce joueur invétéré s'est acquitté avec brio de ses dettes en pariant, à l'étonnement de tous, sur une combinaison de trois cartes conseillée par sa grand-mère, la demoiselle d'honneur de Catherine II, Natalia Golitsyne. Natalia, surnommée "la Vénus moscovite" dans sa jeunesse, (et "princesse Moustache" dans sa vieillesse) a beaucoup voyagé, et a rencontré, paraît-il, le comte de Saint-Germain à Paris. Ca vous dit quelque chose ?

En tout cas, la combinaison magique a apporté la vie éternelle sur papier à Natalia sous les traits d'Anna, et a suscité beaucoup d'admiration parmi les auteurs étrangers, notamment chez André Gide et Prosper Mérimée. La petite nouvelle de 1834 a réussi mieux que tous les ouvrages précédents. On commence à s'intéresser à la Russie et à traduire sa littérature. La noblesse russe parie en masse sur les trois cartes de Natalia Golitsyne/Anna Fedotovna... on ne sait jamais ! Et Pouchkine, content, peut noter dans son journal : "Ma Dame de pique a du succès !".



"La Dame de pique" a le parfum du classicisme. Elle est calme et élégante; même la tentative désespérée d'Hermann de faire peur à la vieille comtesse est décrite avec une neutralité déconcertante. Elle est économe, et se suffit à elle-même, joliment vêtue de sa simplicité. Aucun détour vers des événements sans importance, ni vers les personnages secondaires qui traversent rapidement un paragraphe pour disparaître aussitôt. Le fil de l'histoire est parfaitement droit.

Hermann n'est pas un joueur, et il peut paraître raisonnable, mais c'est un calculateur et la vision du gain facile grâce à la combinaison d'Anna Fedotovna le change en homme prêt à tout. Quitte à trahir la jeune Lisabeta et de se moquer des avertissements.

C'est peut-être une nouvelle qui ouvre la série des classiques russes sur le thème du crime et du châtiment. Même si le Saint-Pétersbourg noble et élégant de Pouchkine est tellement loin du Piter miteux de Gogol et Dostoïevski. A cause d'une vision de richesse, les héros de ces histoires vont s'aventurer sur un terrain glissant, faire l'inévitable pas de côté et commettre un crime. Mais le destin va leur arracher l'argent gagné, et la santé mentale avec.

Trois, sept, as. Trois, sept, dame... et le clin d'oeil fatal.

Le Destin est cruel envers ces Rastignacs russes... est-ce mérité ? Quoi qu'il en soit, la prose de Pouchkine est aussi belle que sa poésie.



Quelle heure est-il ? Sept de carreau moins le quart... ce qui me donne quelque chose comme cinq étoiles.
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La Demoiselle paysanne - Bilingue français/ru..

Une nouvelle de Pouchkine, qui plus est une nouvelle d'amour, ça ne se refuse pas. Il n'y a rien d'exceptionnel, peut-être dans celle-ci, mais, si vous m'avez bien compris, c'est Alexandre Pouchkine qui en est l'auteur. Attendez, je le dis plus fort : POUCHKINE !



Eh oui, vous voyez, maintenant que c'est dit, ça change tout. Il y a des gens comme ça qui ont un don pour la narration et assurément, Pouchkine l'avait. C'est un peu comme pour raconter des blagues. Il y a des gens très bons, d'autres moins. Coluche, par exemple, vous lui donniez une blague pas drôle, eh bien le simple fait que ce soit lui qui la raconte, instantanément elle devenait drôle, car tout en lui était drôle. Vous lui auriez donné à lire la liste des ingrédients entrant dans la composition d'une boîte de saucisses aux lentilles, il aurait trouvé le moyen de vous faire rire.



Voilà, Alexandre Pouchkine est à la plume ce que Coluche était au micro. Ce faisant, il nous propose de nous transporter dans la campagne russe d'avant la libération des serfs, dans les propriétés contiguës de deux barines voisins, c'est-à-dire des propriétaires terriens appartenant à l'aristocratie d'alors.



Ces deux voisins, Beretsov et Mouromski ne peuvent pas se voir en peinture. Le premier est un bon gestionnaire traditionnel dont la fortune a tendance à l'accroître, le second, un fantaisiste flambeur toujours en quête de nouveauté, dont la fortune suit exactement la pente inverse.



Lorsque le fils de Beretsov revient d'une période de service dans un régiment de hussard, tout le monde — à tout le moins la gent féminine — s'intéresse à son cas car il a la réputation d'être fort charmant bel homme. Tout le monde l'imagine déjà engagé avec unetelle ou unetelle. La fille de Mouromski, elle aussi, aimerait bien avoir le loisir de voir ne serait-ce qu'une fois ce phénomène dont tout le monde parle. Mais, au regard des relations qu'entretiennent leurs pères respectifs, l'opération semble compliquée.



Lisa, tel est son prénom, brûle d'envie de le rencontrer fortuitement. Mais comment faire ? C'est peut-être sa femme de chambre qui va lui donner une idée. On sait qu'Alexeï, c'est le prénom du fils, est assez coureur sur les bords (et même au milieu) et qu'il n'hésite pas à tâter de la paysanne quand l'occasion se présente.



Lisa, demoiselle raffinée et trilingue de l'aristocratie russe, entreprend donc de se travestir en demoiselle paysanne. Pour le meilleur ou pour le pire ? Ça, je vous laisse le découvrir car ne comptez pas sur moi pour vendre la mèche.



En somme, une nouvelle bilingue bien sympa, sans être exceptionnelle. Idéale pour découvrir Pouchkine en un minimum de temps. Bien évidemment, ceci n'est que mon avis de paysanne, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Récits de feu Ivan Pétrovitch Bielkine : Le Cou..

Voici un gentil petit recueil de cinq nouvelles d'Alexandre Pouchkine qui se laisse lire tout seul mais qui ne m'a pas non plus procuré le plaisir qu'il m'est arrivé d'éprouver à la lecture d'autres œuvres de l'auteur. On y trouve, dans l'ordre :



1 - LE COUP DE PISTOLET

Alexandre Pouchkine avait un rapport de quasi fascination pour cette pratique qu'est le duel d'honneur et à laquelle on doit sa mort prématurée. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit question ici de duel au pistolet ; un panache à la Cyrano doublé d'un esprit qui confine au lyrisme propre au western.



Pouchkine nous brosse en quelques pages toute l'ambiance des garnisons. Pour l'aristocratie russe masculine d'alors, on allait à l'armée dans sa jeunesse, comme on participe à un programme Erasmus de nos jours ou faire quelque stage professionnel à l'étranger et l'on rentre chez soi ennobli d'une patine et d'une expérience qui feront des histoires à raconter aux belles d'abord et aux petits-enfants ensuite.



Ainsi, Silvio — nom étranger mais âme russe comme le décrit Pouchkine — vit dans une modeste bourgade. C'est un ancien hussard mais contrairement à l'ordinaire, il n'a pas cherché à se caser après ces années dans l'armée. Les jeunes officiers qui s'invitent régulièrement chez lui ont un respect sans borne pour cet homme d'expérience et qui excelle au maniement du pistolet. Personne n'aimerait avoir affaire à lui avec l'arme à la main.



Pourtant, lorsqu'un jeune officier fraîchement arrivé provoque Silvio, chacun se doute déjà du sort qui l'attend, mais… stupeur ! Silvio ne dit rien et ne réclame pas de duel pour laver l'affront que vient de lui faire subir le godelureau. Beaucoup s'en étonnent car la virilité de Silvio n'est pas en cause. Qu'est-ce qui peut bien réfréner ainsi l'ardeur duelliste de cet homme ? À vous de lire…



2 - LA TEMPÊTE DE NEIGE

De loin pas ma préférée du recueil. On y voit une adorable jeune fille qui se consume d'amour pour un jeune et beau soldat. La réciproque est vraie mais l'homme est sans le sou ce qui disconvient à la famille de la demoiselle.



Tant est si bien que Maria Gavrilovna, ne songeant qu'à son Vladimir et Vladimir qu'à Maria Gavrilovna, les deux jeunes tourtereaux échafaudent de s'échapper du nid comme des malfrats sans l'accord des parents. Vladimir a tout réglé au millimètre pour célébrer la noce en pleine nuit et en catimini mais… c'est une vraie bourrasque dehors, que dis-je, une tempête de neige, que dis-je, un blizzard, oui. C'est à y perdre sa route… il fait nuit… il neige très fort… la route a disparu sous la neige… tout se ressemble… mais où diable suis-je ?…



3 - LE MARCHAND DE CERCUEIL

Ici, ambiance très différente pour ce qui est très certainement ma nouvelle préférée du recueil. Autant La Tempête de Neige peut faire penser à des nouvelles de Tolstoï (Maître et Serviteur, par exemple), autant celle-ci m'évoque immanquablement le grand Gogol des Nouvelles de Pétersbourg et en particulier l'inénarrable saveur du Manteau. On y retrouve tout l'esprit malicieux, drôle, parfois inquiétant et surnaturel qui ressort de la littérature russe des XIXème et XXème siècles (Boulgakov, entre autres).



C'est Adrian Prokhorov qui en fait les frais. Il est dépeint comme un croque-mort pas drôle du tout et qui supporte même assez mal la plaisanterie, surtout si c'est lui qui en fait les frais. Récemment emménagé dans un nouveau quartier, ce dernier accepte l'invitation d'un artisan allemand qui célèbre ses noces d'argent. La soirée est copieusement arrosée, beaucoup de corporations d'artisans sont représentée et on lève un toast à la santé de chacune.



Le hic, vous l'avez deviné, c'est que quand arrive le tour d'Adrian Prokhorov, il peut sembler déplacé de lever un toast à la santé de sa clientèle ; c'est pourtant ce qui se produit, le tout agrémenté d'une salve de gros rires bon enfant. Lui décide de le prendre mal et s'en retourne chez lui vexé, désireux maintenant de ne s'entretenir qu'avec ses clients qu'il trouve moins désagréables…



4 - LE MAÎTRE DE POSTE

On fait la connaissance d'un brave maître de poste, c'est-à-dire l'homme qui occupait jadis la fonction d'aubergiste et de palefrenier dans un relais de poste, Samson Vyrine, qui accueille donc dans son établissement un voyageur qui n'est autre que le narrateur.



La cinquantaine rayonnante, l'homme est veuf mais vit avec sa charmante fille de quatorze ans, Dounia. Le narrateur est agréablement surpris par la bonne humeur qui règne ici et par le teint prometteur de la jeune fille. Quelques années plus tard, alors qu'il est à nouveau de passage sur cette route, le narrateur se réjouit à l'idée de faire étape dans ce relais de poste et d'y rencontrer à nouveau la charmante fille du maître de poste.



Toutefois, c'est un scénario différent qui l'attend : la bonhomme vit désormais seul et a pris un siècle sur les épaules. Dounia, quant à elle, n'est plus là depuis plusieurs années. Qu'est-il arrivé entre temps ?…



5 - LA DEMOISELLE PAYSANNE

Pouchkine déploie encore d'incroyable talents de conteur dans cette nouvelle. Il nous transporte dans la campagne russe d'avant la libération des serfs, dans les propriétés contiguës de deux barines voisins, c'est-à-dire des propriétaires terriens appartenant à l'aristocratie d'alors.



Ces deux voisins, Beretsov et Mouromski ne peuvent pas se voir en peinture. Le premier est un bon gestionnaire traditionnel dont la fortune a tendance à l'accroître, le second, un fantaisiste flambeur toujours en quête de nouveauté, dont la fortune suit exactement la pente inverse.



Lorsque le fils de Beretsov revient d'une période de service dans un régiment de hussard, tout le monde — à tout le moins la gent féminine — s'intéresse à son cas car il a la réputation d'être fort charmant bel homme. Tout le monde l'imagine déjà engagé avec unetelle ou unetelle. La fille de Mouromski, elle aussi, aimerait bien avoir le loisir de voir ne serait-ce qu'une fois ce phénomène dont tout le monde parle. Mais, au regard des relations qu'entretiennent leurs pères respectifs, l'opération semble compliquée.



Lisa, tel est son prénom, brûle d'envie de le rencontrer fortuitement. Mais comment faire ? C'est peut-être sa femme de chambre qui va lui donner une idée. On sait qu'Alexeï, c'est le prénom du fils, est assez coureur sur les bords (et même au milieu) et qu'il n'hésite pas à tâter de la paysanne quand l'occasion se présente.



Lisa, demoiselle raffinée et trilingue de l'aristocratie russe, entreprend donc de se travestir en demoiselle paysanne. Pour le meilleur ou pour le pire ? Ça, je vous laisse le soin de le découvrir par vous-même.



En somme, un recueil agréable mais sans plus, qui peut être intéressant pour découvrir l'univers littéraire d'Alexandre Pouchkine en un minimum de temps tout en gardant à l'esprit que ce n'est probablement pas ce qu'il a fait de mieux. Bien évidemment, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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La Dame de pique – Le Hussard

Quel coup de bluff magistral ! Quel génie ce Pouchkine !

Je ne me savais pas joueuse mais là en m'appâtant avec la comtesse et l'histoire du comte de Saint germain, puis ensuite avec Hermann personnage si raisonnable en apparence. Je n'ai pas couru j'ai sauté à pieds joints dans cette histoire et n'ai pu m'arrêter qu'une fois la partie terminée. Quel homme retors cet Hermann, méfiant, hypocrite, calculateur que la fièvre de l'or poussera à la dernière extrémité et qui n'aura aucun doute sur sa réussite même après ce qu'il a fait.

C'est un texte très court, parfait où je me suis laissée prendre au jeu. Un nouvel auteur va franchir les portes de ma bibliothèque. Une lecture pour tous.



Lu dans le cadre du Challenge Solidaire 2019
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Eugène Onéguine

Que dire sur cet "Eugène Onéguine", œuvre ô combien sublime, portant le nom d'un personnage ô combien à part... J’aimerais rendre grâce à la magnificence de ce chant avec mes simples mots, et je sens d’emblée que cela va s’avérer une tâche ardue… Mais je me lance quand même !



Parlons d'abord intrigue. Eugène Onéguine, c’est une histoire d’amour entre Onéguine et Tatiana, histoire d’amour évidemment impossible – même si ici elle est plutôt rendue impossible et perdue pour toujours à cause de l’aveuglement et du mépris d’Onéguine, personnage blasé et fatigué par tout ce qui constitue la vie, et notamment par les hommes et surtout l’amour. Le tout est ponctué par l’intervention du poète qu’est Pouchkine, qui nous délivre avec délice son trait d’esprit.

A travers ce roman, nous faisons également une rencontre magnifique, celle du touchant et tendre Lenski, jeune poète romantique qui ne répond qu’à la voix du cœur, et suis d'ailleurs cette même voie - celle-là même qui lui fera perdre sa précieuse vie pour l’Amour. Il apparaît ainsi comme un anti-Onéguine dans ses épanchements amoureux et sa foi en la vie, et son sacrifice fait de lui un héros splendide.



Pour ce qui est de la forme - de grâce, ne passez pas à côté de tant de beauté -, j’ai trouvé l’écriture en vers juste divine, et je n'ai pas pu résister à l'envie de lire à voix haute cet extraordinaire chant que nous offre Pouchkine, le Grand Alexandre Pouchkine...



Bref, j’ai adoré ce roman, qui, pour moi, ne constitue rien d'autre qu'un chef d’œuvre de la littérature, aussi bien russe que mondial.

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Le Maître de Poste - Bilingue russe/français

Voici une petite nouvelle sans prétention d'Alexandre Pouchkine, qui fait partie des Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine. On y fait la connaissance d'un brave maître de poste, c'est-à-dire l'homme qui occupait jadis la fonction d'aubergiste et de palefrenier dans un relais de poste, lesquels étaient distants d'une trentaine de kilomètres le long des principaux axes de circulation à l'époque de la locomotion hippomobile.



Samson Vyrine accueille donc dans son établissement un voyageur qui n'est autre que le narrateur. La cinquantaine rayonnante, l'homme est veuf mais vit avec sa charmante fille de quatorze ans, Dounia. Le narrateur est agréablement surpris par la bonne humeur qui règne ici et par le teint prometteur de la jeune fille.



Quelques années plus tard, alors qu'il est à nouveau de passage sur cette route, le narrateur se réjouit à l'idée de faire étape dans ce relais de poste et d'y rencontrer à nouveau la charmante fille du maître de poste. Toutefois, c'est un scénario différent qui l'attend : la bonhomme vit désormais seul et a pris un siècle sur les épaules. Dounia, quant à elle, n'est plus là depuis plusieurs années.



Qu'est-il arrivé entre temps ? C'est ce que je vous laisse le loisir de découvrir par vous-même dans cette édition bilingue qui ravira les russophones et qui, au pire, ne retirera rien aux non russophones. Personnellement, je considère cette nouvelle comme étant de bonne facture mais sans le supplément d'âme auquel Pouchkine nous a parfois habitué. Donc bien mais sans plus. Ceci dit, ce n'est là qu'un avis voyageur qui fait régulièrement des haltes dans les endroits les plus incongrus, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La dame de pique suivi de Doubrovsky

1) La Dame de Pique :

Lorsque j'étais petite, j'avais une arrière-grand-mère enragée des jeux de cartes. Dans mon souvenir, elle avait outrepassé les quatre-vingt-cinq ans et patientait péniblement lors des repas de famille, où elle ne mangeait quasiment rien, se maintenant l'œil aux aguets, n'espérant que l'instant où elle pourrait débaucher des partenaires et taper le carton de sa main tremblante et de son œil confondant les cœurs et les carreaux (toujours à son avantage), jusqu'à l'épuisement des trois autres partenaires...



Encore très faiblement lectrice, je me rappelle avoir été fascinée par les beaux dessins des figures sur les cartes et je tâchais de déchiffrer tant bien que mal les petits noms de ces rois barbus et reines drapées ainsi que de leurs serviteurs.



Sur la dame de pique, on pouvais lire : Pallas ; et c'est vrai qu'elle n'était jamais lasse mon arrière-grand-mère. Je crois même que si elle n'était pas morte depuis lors, elle continuerait à tenir dans ses doigts tors, défigurés par l'arthrose, l'effigie du roi de trèfle, celui qu'on nomme Alexandre.



Alexandre, le grand Alexandre, le seul, l'unique Alexandre qui compte : Alexandre Pouchkine, le magicien des mots, l'âme de la Russie. Oui, Pouchkine, avec le meilleur de la verve russe du XIXème siècle, nous concocte une petite nouvelle parfaite, avec tous les ingrédients qui deviendront propres tant au genre qu'est la nouvelle, qu'à la veine russe dont il est le premier éminent représentant.



Ces diables d'écrivains russes arrivent toujours à relever admirablement leurs recettes d'une minuscule pointe de surnaturel qui vient juste rehausser la saveur de l'ensemble sans jamais en gâcher les arômes de base.



Au cours d'une soirée entre officiers — tous joueurs acharnés et buveurs de noble constitution —, Tomsky raconte une anecdote sur sa grand-mère et l'étrange pacte qu'elle fit en France dans sa jeunesse avec le comte de Saint Germain. Celui-ci, pour sauver la grand-mère de Tomsky qui venait de perdre une fortune aux cartes, lui enseigna une mystérieuse et infaillible technique pour gagner.



Cependant, il lui fit promettre de ne point utiliser cette formule à mauvais escient, sitôt la dette remboursée. De sa vie, la grand-mère a toujours tenu parole et est restée muette comme une tombe, même à l'égard de ses propres enfants ou petits-enfants. Une seule fois, au cours de sa longue vie, elle a dévoilé à un officier ruiné, dont la situation devenait très compromise, les trois cartes salvatrices qui lui permettraient de recouvrer sa fortune et son honneur perdu sur une table de jeu...



Essayez d'imaginer à quoi peut bien être prêt un officier froid et calculateur pour faire parler une vieille grand-mère de quatre-vingt-sept ans détentrice d'un tel pouvoir ? Quel talent de conteur ce Pouchkine ! C’en est presque vexant pour les autres tellement cela paraît facile et fluide sous sa plume. Je ne vous en dis pas plus quant au scénario, mais sachez que je place sans complexe La Dame De Pique au niveau des meilleurs de ses contemporains, Balzac côté français, Gogol côté russe.



2) Doubrovsky.

Voici un bref roman (Certains diront une nouvelle bien que stricto sensu, l’on ne puisse le considérer comme tel puisque la narration présente deux développements distincts articulés entre eux par une simple charnière, mais nouvelle ou bref roman, l'on s’en fiche comme de l’an quarante !) qui nous plonge dans la vie de campagne russe à l’époque du servage (notons au passage que le malheureux Pouchkine, en raison de sa mort prématurée lors d’un duel, n’aura jamais connu autre chose en Russie que l’époque du servage).



Voici donc un gros rustre, en la personne de Kilila Pétrovitch Troiékourov, ancien gradé militaire, mangeur et buveur de robuste constitution, à la tête d’un des plus gros domaines de la région et d’une myriade d’âmes à son service, riche à n’en savoir que faire. Il est craint de partout comme le loup blanc des Carpates car il ne supporte pas d’être contredit et a le bras si long qu’il vaut mieux ne pas s’attirer ses foudres, sachant que les foudres en question sont faciles à susciter vu son caractère excessivement ombrageux.



Un seul de ses voisins, Doubrovsky, ose lui dire son fait sans ambages, et, à la surprise de tous, nulle sanction, nulles représailles et nulle mésentente ne viennent émailler leurs cordiales relations. Cette amitié, cette estime réciproque dure depuis des années lorsque, sur un stupide événement, Doubrovsky, tout aussi susceptible que son redoutable acolyte, prend la mouche et se vexe, au point qu’une vexation en entraînant une autre, Troiékourov déclenche ses farouches hostilités envers son pourtant seul véritable ami.



Le pot de fer ayant la réputation d’être plus costaud que le pot de terre, Doubrovsky ne tarde pas à voir son domaine passer aux mains de son adversaire sans espoir de revirement. Le vieux Doubrovsky s’en trouve tellement amoindri qu’il dépérit rapidement et que sa vieille pipe ne tardera pas à se briser.



Néanmoins, comme les trains à la gare, un Doubrovsky peut en cacher un autre. Le fiston, alerté depuis Pétersbourg, revient au triple galop pour secourir son vieux père. Un bruit court qu’il n’a pas froid aux yeux, ce jeune Doubrovsky. Et s’il arrivait à faire trembler le terrible Troiékourov ?



Et si, par un curieux hasard, notre petit Doubrovsky, aussi séduisant que Jean-Paul Belmondo, se métamorphosait en Louis Dominique Cartouche et devenait bourreau non seulement des bourses des bourgeois mais également des cœurs ? Si un joli cœur de jeune fille digne de celui de Claudia Cardinale palpitait au fond de la maison de Troiékourov ?



J’arrête là mon teasing car il va finir par se transformer en spoiling… Une très bonne narration à laquelle on peut reprocher toutefois une fin un peu bâclée, mais... qui suis-je qui déjà pour m'exprimer ainsi ? Hum ?... sans doute pas grand-chose.



En ce qui concerne le style, c'est tonique, c'est rythmé, c'est lyrique, c'est légèrement roublard, c'est le format idéal pour une nouvelle, c'est un vrai délice, mais tout ceci, n'est bien sûr que mon avis. Il ne me reste plus qu'une chose à ajouter, merci Alexandre Pouchkine.
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La fille du capitaine

Merveilleux récit qui s'inscrit à la perfection dans la grande tradition romanesque russe du 19ème siècle.



1773, Russie des tsars.

Pierre Andreïtch Griniev, jeune officier de 18 ans, est envoyé par son père rejoindre l'armée de l'Impératrice Catherine II avec son domestique pour seul compagnon.



Les hasards de la traversée des steppes de l'Oural par temps de neige les mettent tous deux en présence d'un hère ivre et mal dégrossi envers lequel Pierre Andreïtch se montrera pourtant généreux. Cette rencontre, sous des dehors anodins, scelle l'avenir du jeune barine.



Affecté au fort de Biélogorsk, dans la province d'Orenbourg, notre héros se place sous le commandement du capitaine Mironov et entre dans l'intimité de sa famille. A peine Griniev s'est-il habitué à la vie militaire que l'insurrection armée de l'usurpateur Pougatchev entraîne la garnison et chacun des protagonistes vers un destin funeste. Mais, se pourrait-il que le chef des rebelles et le misérable vagabond rencontré en pleine tempête de neige ne soient qu'une et même personne ?



Sur un rythme très soutenu qui ne laisse aucune place à l'ennui, dans un style sans digressions* contrairement à beaucoup d'autres œuvres russes, les aventures de Pierre Andreïtch se succèdent, belles à la fois de simplicité et de témérité, émouvantes et crédibles, propres enfin à faire de ce court récit un roman exaltant auquel ne manquerait que la musique de Tchaïkovski pour être l'un des ballets les plus brillants du répertoire artistique russe.



J'avais lu "La fille du capitaine" au collège, je n'en gardais pas un souvenir assez précis pour en rédiger la critique. Cette relecture comble cette lacune.



*Mon seul regret est d'avoir eu entre les mains la "nouvelle approche" du Livre de Poche (1992) qui bien qu'étant dotée de nombreux commentaires et d'un dossier, ne présente pas la richesse du texte intégral.
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Le Cavalier de bronze

Petro Primo Catharina Secunda



Voilà l'inscription que l'on trouve sur la statue équestre du plus célèbre tzar russe, Pierre I. Elle domine la place du Sénat de son bien-aimé "Piter", ville qu'il fonda sur les marécages inhospitaliers du delta de la Neva au tout début du 18ème siècle, et que le philosophe italien Francesco Algarotti compara peu après à "la fenêtre par laquelle la Russie regarde en Europe". La statue elle-même fut inaugurée en grande pompe en 1772, après quelques intéressants périples, par la tzarine Catherine II, en hommage à son illustre prédécesseur, et de nos jours elle est surtout connue comme le Cavalier de bronze. Surnom devenu populaire après la vague de succès du poème de Pouchkine.



Le dieu de la poésie russe a écrit son Cavalier en 1833 à Boldino, et ce petit ouvrage, considéré par beaucoup comme son meilleur poème, a dû attendre quelques années avant d'être publié. Il n'a pas passé la censure personnelle de Nicolas I ; ce n'est que quatre ans plus tard, après la mort de Pouchkine, qu'est parue la première édition, suffisamment adaptée pour contenter les censeurs.



Le héros, Eugène, est l'un des milliers d'habitants insignifiants de Saint-Pétersbourg, et on peut dire que rien ne le distingue des autres. Il est amoureux de Parasha, fille d'une veuve, qui vit dans une maison près de la rivière. Au printemps 1824, la Neva en furie est sortie de ses berges en balayant toute une partie de la ville. Eugène erre au milieu de la désolation, en cherchant en vain la maison où vivait Parasha, mais elle a été emportée avec ses deux habitantes. Il ne peut pas accepter cette mort, et il s'emporte violemment contre la statue de Pierre, en l'accusant de la perte de sa bien-aimée. Subitement, le cavalier prend vie, se lance à sa poursuite, et à partir de ce moment, Eugène ne peut pas se débarrasser de l'oppressante sensation d'être suivi à chaque pas. Il perd la raison, et bientôt aussi la vie.

Je vous laisse ici à vos propres interprétations...



Le poème est un flamboyant mélange de genres, qui mêle l'histoire fantastique d'Eugène avec des passages qui glorifient Pierre I et sa ville, odes pleines de pathos et de fierté. Derrière l'histoire d'amour se cache un conflit plus sérieux, entre le monde omnipuissant d'un tzar-empereur et la vie d'un homme ordinaire, synonyme de moins que rien. Si on n'est pas d'humeur à s'occuper de politique, "Le Cavalier de bronze" est une histoire tragique écrite en vers sublimes, mais son sous-ton profond lui ajoute encore en qualité et en valeur. Pouchkine savait comment imprimer des interrogations sérieuses dans ses histoires... et toujours avec autant d'aisance et de panache ; ses vers coulent comme la Neva dans ses bons jours ! Comment faisait-il, ce garnement à rouflaquettes, doté d'une mémoire prodigieuse ? Génial. 5/5 sans hésitation, rien que pour ces descriptions du chaos provoqué par la rivière en crue.



Après l'exaltation, un peu de déception.

Le lecteur français pourra difficilement apprécier le poème de Pouchkine à sa juste valeur, privé de la mélodie des vers qui se chevauchent souvent au milieu de la ligne, et qui le poussent littéralement à poursuivre sa lecture. Certaines chroniques qualifient même "Le Cavalier" de "courte nouvelle", ce qui fait particulièrement mal au coeur, mais en réalité on n'a pas vraiment le choix.

J'ai n'ai trouvé que deux traductions de "Медный всадник" (qu'on devrait, d'ailleurs, plutôt traduire comme Le Cavalier de... cuivre ! ; ceci dit, on peut facilement comprendre la prédilection de nos traducteurs pour la noblesse et la notion d'éternité de cet alliage, ainsi que leur respect de la réalité : la statue, conçue par un sculpteur français, est bien évidemment en bronze !) et aucune ne m'a enchantée.

A. Dumas était pris d'un étrange envol poétique en 1865, en ajoutant au "Cavalier" quelques fioritures romantiques de son cru, et, probablement épuisé par tant d'efforts, il n'a jamais fini la traduction en entier.

La version de J. Chuzeville de 1946 (qu'on trouve très facilement en ligne) est fidèle à l'original, mais elle reste en prose. Quel dommage, pour la culture qui a tant inspiré et influencé les poètes et les prosateurs russes de cette époque, Pouchkine (qui était parfaitement bilingue et féru de littérature française au point qu'on le surnommait ironiquement "le Français") en premier.
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Doubrovski (édition bilingue, français-russe)

Quel talent de conteur ce Pouchkine ! C’en est presque vexant pour les autres tellement cela paraît facile et fluide sous sa plume.



Il nous sert cette fois-ci un bref roman (Certains diront une nouvelle bien que stricto sensu, l’on ne puisse le considérer comme tel puisque la narration présente deux développements distincts articulés entre eux par une simple charnière, mais nouvelle ou bref roman, on s’en fiche comme de l’an quarante !) qui nous plonge dans la vie de campagne russe à l’époque du servage (notons au passage que le malheureux Pouchkine, en raison de sa mort prématurée lors d’un duel, n’aura jamais connu autre chose en Russie que l’époque du servage).



Voici donc un gros rustre, en la personne de Kilila Pétrovitch Troiékourov, ancien gradé militaire, mangeur et buveur de robuste constitution, à la tête d’un des plus gros domaines de la région et d’une myriade d’âmes à son service, riche à n’en savoir que faire. Il est craint de partout comme le loup blanc des Carpates car il ne supporte pas d’être contredit et à le bras si long qu’il vaut mieux ne pas s’attirer ses foudres, sachant que les foudres en question sont faciles à susciter vu son caractère excessivement ombrageux.



Un seul de ses voisins, Doubrovski, ose lui dire son fait sans ambages, et à la surprise de tous, nulle sanction, nulles représailles et nulle mésentente ne viennent émailler leurs cordiales relations. Cette amitié, cette estime réciproque dure depuis des années lorsque, sur un stupide événement, Doubrovski, tout aussi susceptible que son redoutable acolyte, prend la mouche et se vexe, au point qu’une vexation en entraînant une autre, Troiékourov déclenche ses farouches hostilités envers son pourtant seul véritable ami.



Le pot de fer ayant la réputation d’être plus costaud que le pot de terre, Doubrovski ne tarde pas à voir son domaine passer aux mains de son adversaire sans espoir de revirement. Le vieux Doubrovski s’en trouve tellement amoindri qu’il dépérit rapidement et que sa vieille pipe ne tardera pas à se briser.



Néanmoins, comme les trains à la gare, un Doubrovski peut en cacher un autre. Le fiston, alerté depuis Pétersbourg, revient au triple galop pour secourir son vieux père. Un bruit court qu’il n’a pas froid aux yeux ce jeune Doubrovski.

Et s’il arrivait à faire trembler le terrible Troiékourov ? Et, par un curieux hasard, notre petit Doubrovski, aussi séduisant que Jean-Paul Belmondo, se métamorphosait en Louis Dominique Cartouche et bourreau non seulement des bourses des bourgeois mais également des cœurs ? Si un cœur de jeune fille digne de celui de Claudia Cardinale palpitait au fond de la maison de Troiékourov ?



J’arrête là mon teasing car il va finir par se transformer en spoiling…

Une très bonne narration à laquelle on peut reprocher toutefois une fin un peu vite expédiée, un peu bâclée, ce qui est dommage car elle n'est pas de la même trempe que le reste de la narration ; mais qui suis-je déjà pour parler ainsi ?



Bref, vous aurez compris que tout ceci, n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Boris Godounov - Théâtre complet

Tsar Académie.

Pour être roi, personne n’a encore trouvé mieux que le piston pour traverser les époques. Que des fils à papa et le droit du sang bleu. Pour être tsar en Russie, on trouve aussi le droit du sang, mais de préférence, celui des autres.

Pouchkine, pendant un exil peu glorieux de 6 ans, passa son ennui dans l’écriture de ses œuvres majeures. Son ambition, avec Boris Godounov, c’était d’enfiler une chapka sur une tragédie historique Shakespearienne. Il faut dire que côté régicides, usurpations, empoisonnements, trahisons et assassinats, l’histoire de la Russie et de feu son empire en feu, ne manquent pas de références et de têtes d’affiche.

Boris Godounov succéda au 16ème siècle, à Fiodor le pas génial, fils ainé d’Ivan le terrible. Boris le comploteur n’était que le beau-frère, mais le trépas naturel fort opportun… par égorgement du second fils d’Ivan, Dimitri le refroidi, lui dégage une voie royale par un chemin de traverse. Le grand chambellan se fait un peu prier pour accepter le poste et espère acquérir une légitimité populaire. Les tyrans sont de grands timides au fond.

Grégori Otrepiev, un jeune ambitieux, après un bref passage chez les moines, décide de se faire passer pour Dimitri, le petit Tsarevitch que tout le monde croit mort depuis dix ans. Non, mais où va le monde messieurs dames, si un usurpateur ne peut plus se prévaloir de ses propres turpitudes ? C’est l’arroseur arrosé, le comploteur compoté, le dictateur renversé, l’écrivain plagié et le plagiste en janvier.

Plus que la question de l’illégitimité du pouvoir, ce qui m’a passionné dans cette pièce de théâtre c’est le rôle, à minima fataliste, au pire complice, du peuple russe qui se range toujours sagement du côté du camp le plus fort, dupe de rien mais revenu de tout. Les boyards, qui ne sont pas les habitants costumés du Fort, mais les nobles russes de l’époque, courbent également l’échine et retournent leur caftan (Polaires de l’époque) en fonction du sens du vent et de l’histoire.

J’ai trouvé la construction de la pièce trop hachée. Des personnages passionnants ne font que de courtes apparitions et le tsar Boris ne me semble pas assez incarné. Certains Romanov, Lénine, Staline ou Poutine pourraient tenir le rôle sans avoir à trop répéter tant le texte est une allégorie sur le pouvoir en Russie mais je trouve que la pièce ne s’attarde pas assez sur cette docilité populaire.

Autant je suis un inconditionnel d’Eugène Onéguine, ce roman en vers des occasions manquées, autant je pense que Boris Godounov doit une partie de sa gloire à l’opéra de Moussorgski (1869-1872) dont il existe autant de versions que de marques de vodka en raison de la censure.

J’ai d’ailleurs lu cette pièce car je voulais assister à une représentation de cet Opéra sans comprendre le Russe mais comme pour les restaurants étoilés (où il convient désormais de réserver un an avant d’avoir faim), il va bientôt falloir réserver une place de spectacle du vivant des compositeurs pour avoir une chance de ne pas finir sur un strapontin dans le Paradis, cet enfer des myopes qui ont le vertige. Le client n’est pas tsar. Les places sont chères et chères. Tant pis pour moi et je ne peux même pas incriminer le temps de lecture de la pièce qui n’a pas plus duré qu’un long entracte.

Pour la petite histoire de la grande histoire, il semble acquis pour les historiens sobres que Boris Godounov n’a pas tué le jeune Dimitri mais bon, je n’allais pas provoquer en duel Pouchkine pour ce petit détournement de la vérité. Son beau-frère s’en chargea en 1837 pour un motif moins noble : Georges d’Anthès draguouillait un peu trop Madame Pouchkine. Une fin de poète.

Rideau.

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La Dame de pique - Récits de feu Ivan Pétrovitc..

C’est difficile de parler de cette œuvre, très courte mais dense, qui peut s’interpréter à plusieurs niveaux.



Pouchkine raconte très bien l’univers du jeu, la décharge d’adrénaline qui accompagne la prise de risque. Son héros, Hermann, assiste de façon assidue au jeu sans jamais toucher une carte, pour éviter la tentation. On peut gagner certes, mais aussi se retrouver ruiné. « Le jeu m’intéresse, dit Hermann, mais je ne suis pas d’humeur à risquer le nécessaire pour gagner le superflu. »



Apprendre qu’il peut exister une combinaison parfaite, une martingale magique, va modifier la donne et devenir une pensée obsessionnelle : tout mettre en œuvre pour se la procurer à tout prix. Hermann est décrit comme un homme froid, calculateur qui met en place une stratégie de façon méthodique, manipulant Lisabeta sans l’ombre d’un scrupule.



Dans la mesure où il y a une chance de gagner, la manière de penser change, l’obsession monte en puissance, prend toute la place et la prudence du départ, par rapport au jeu, s’efface tant l’esprit est obnubilé par la possibilité du gain. Doit-on vendre son âme au diable pour gagner ?



Pouchkine ne nous le rend jamais sympathique, ce n’est pas le but recherché ; il aborde, via le thème du jeu, différents personnages qui ont leurs forces et leurs faiblesses, ils sont bien construits, en particulier Lisabeta et la comtesse:« La comtesse n’avait plus la moindre prétention à la beauté ; mais elle conservait les habitudes de sa jeunesse, s’habillait à la mode d’il y a cinquante ans, et mettait à sa toilette tout le temps et toute la pompe d’une petite maîtresse du siècle passé. Sa demoiselle de compagnie travaillait à un métier dans l’embrasure de la fenêtre. »



Mais, qui est « la Dame de Pique » en fait ? Un mythe ou une histoire vraie ? Une femme ? Le jeu qui rend fou? La mort ?



La tension monte, comme les joueurs qui retiennent leur souffle autour de la table de jeu. Le rythme de l’écriture est tellement rapide qu’il nous entraîne dans l’aventure, comme la tornade tourne sur elle-même en s’intensifiant. On reconnaît la petite musique du poète dans ce petit chef-d’œuvre (petit par le nombre de pages bien-sûr), l'auteur n'hésitant pas à jouer avec le fantastique, le surnaturel, lors de sa narration.



J’ai lu quelques poèmes de Pouchkine mais je n’avais jamais lu une nouvelle ou un recueil en entier. J’ai appris, en cours de russe, la lettre de Tatiana dans « Eugène Onéguine », il me reste encore quelques uns des quatre-vingt vers en tête. J’ai commencé il y a longtemps « La fille du capitaine », en édition bilingue (une édition ancienne dont on doit découper les pages !) mais je me suis arrêtée en route… donc, j’ai bien envie de continuer l’aventure.



Note : 9,2/10 challenge 19e siècle
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Eugène Onéguine

Quelques années avant le Jocelyn de Lamartine, Pouchkine publie son Eugène Onéguine. Le grand poète a choisi le tétramètre iambique pour composer ce roman en vers. Cela a causé un véritable malaise aux traducteurs qui se voyaient dans la perplexité de choisir entre une traduction en vers ou en prose, garder la forme ou l’essence. Ainsi la traduction que j’ai trouvée dans cette édition « J’ai lu » était en prose ; une œuvre de Michel Bayat. Peut-être moins connue que celle d’André Markowicz, mais si l’on prend la remarque d’un certain O. W. Milosz selon laquelle « une traduction est excellente quand, tout en suivant pas à pas le texte original, elle peut être lue avec plaisir à haute voix », je crois que Bayat a bien réussi son défi.



Revenons maintenant à l’histoire de ce jeune homme qui se nomme Eugène. Il s’agit bien d’une intrigue assez simple qui s’éloigne de la tendance littéraire de cette période du XIXème siècle ou comme dit l’un de ses premiers traducteurs « on n’y trouve ni banqueroute, ni suicide, ni prostituées, ni adultères » (Paul Béesau). Mais ce n’est point là l’intérêt de cette œuvre singulière. Ce qui fait d’elle un livre majeure de la littérature russe, c’est l’omniprésence de Pouchkine dans le roman par ses commentaires et ses digressions pleins de finesse malicieuse et d’ironie espiègle. Il présente ce qu’on nommerait l’âme russe dans toute son étendue.



Le roman nous apprend davantage sur l’art poétique de Pouchkine et sur ses préférences artistiques que sur son personnage blasé qui trouve un refuge dans la campagne, rencontre un poète assez médiocre que l’auteur lui-même s’amuse à mettre en dérision et une fille rêveuse et romantique et qui finalement change de caractère en brûlant de passion, lui le séducteur léger. Ainsi le roman s’avère comme une parodie ingénieuse des œuvres romantiques de ce siècle (et surtout Childe Harold de Byron) mais aussi comme une représentation réaliste de la vie russe.



Ce roman inaugurera peut-être la thématique de l’individu oiseux et ennuyé qui trouvera un écho dans d’autres ouvrages russes. Cet ennui qui conduira Eugène à se jouer de la pauvre amoureuse et de contrarier son ami lors d’un bal, ce qui engendrera des suites funestes. Cet amour de la liberté qu’on retrouve chez Eugène rime avec cette liberté avec laquelle Pouchkine transgresse les formes littéraires connues dans son pays ainsi que les clichés romantiques. Alexandre nous livre aussi des descriptions pittoresques et vivantes des lieux et des personnages.



Sans doute, il s’agit là d’un ouvrage central dans le parcours de Pouchkine mais aussi dans la littérature russe ; Un vol libre qui nous transporte par sa nostalgie, son ironie, sa culture et son humour à travers l’art de ce poète unique au destin tragique et à travers la Russie de Tolstoï, de Dostoïevski et de Tourgueniev.

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La fille du capitaine

Court roman historique au dix-huitième siècle en Russie.

Très vite lu, c'est un ouvrage sans fioriture, sans artifice : droit à l'essentiel pour nous décrire la vie de cette époque dans un endroit reculé de Russie

Le père de Piotr, de famille noble, envoie son fils dans une garnison reculée afin qu'il apprenne la vie à la dure. Egarés lors d’une tempête de neige, ils seront secourus, lui et son précepteur, par un guide qu'il retrouvera plus tard comme chef des rebelles.

C'est le premier livre que je lis de cet auteur et je dois lui reconnaître un indéniable talent de conteur. L'histoire est passionnante même si les traits des principaux personnages sont à peine esquissés.

Un roman d'amour et d'aventures, de passion, un merveilleux dépaysement, un peu trop court à mon gout.

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La Dame de pique - Récits de feu Ivan Pétrovitc..

Pouchkine n'est pas l'écrivain chéri des Russes pour rien !



Son style concis et pourtant puissamment évocateur transporte le lecteur dans le temps et l'espace en seulement quelques pages et l'entraîne à travers les aristocratiques palais de Saint-Petersbourg pour assister aux manigances d'Hermann, un ambitieux faussement sobre et probe que ni le crime moral ni le crime physique ne freineront dans sa quête de fortune.



J'aime la façon dont Pouchkine présente ses personnages pour, au premier rebondissement, les faire paraître tout autre, surprenant ainsi le lecteur et encourageant son imagination à prendre l'initiative du récit.



Il s'exerce en quelque sorte une belle alchimie avec "La dame de pique" : du sentiment, de l'exaltation, du suspens, du fantastique, du hasard et de la morale, ingrédients somme toute assez répandus en littérature, s'extrait une nouvelle en or, brillante et précieuse.





Challenge 19ème siècle 2016

Challenge Petits Plaisirs 2016
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