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Citations de Alfred Döblin (93)


Lucie : "Je ne suis pas américaine. Il me semble qu'on est moins fou là-bas qu'ici. C'est une bonne chose que je parte. Tu m'as rencontrée à la dernière seconde sur ce continent en délire, je ne pourrais pas vivre dans la folie européenne. Ici, tantôt vous idolâtrez un homme, tantôt vous adulez l'État, et à présent c'est le tour des masses. En quoi les masses sont-elles meilleures que les milliers de gens qui les composent? Là-bas, nous avons une vie plus concrète, plus froide, mais nous jouons moins les Don Quichotte. Votre Europe n'a plus de véritable religion, et d'après moi ça ne lui réussit pas. Alors ils les essayent toutes, comme un amoureux délaissé qui se jette au cou d'une putain. Chez nous on doit travailler dur, la concurrence est rude, plus rude qu'ici, mais on connaît ses intérêts, et on les défend en liaison avec d'autres. On a ses amis. On vit dans la réalité, et généralement plus que nécessaire. C'est pourquoi on désire échapper à cette réalité pour accéder à quelque chose d'intellectuel. Je crois qu'en Amérique il ne viendrait à l'esprit de personne d'élaborer en plus une théorie matérialiste. Ce serait porter de l'eau à la rivière.
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Où trouver de l'aide? Où? Les livres sont muets. Les grands esprits montrent l'abîme, mais qui nous aide à le franchir? Ce malaise, ce trouble, cette peur physique. Ce remous au fond de moi, comme si ma poitrine était un chaudron d'eau bouillante léché par les flammes. Vers qui me tourner? Mon cerveau est une masse inerte. Je n'ai pas de cerveau. J'ai une pierre dans le crâne. Ce n'est pas humain. Ce doit être mon démon qui s'est emparé de moi. Mais je ne peux pas vivre avec lui. S'il me veut, qu'il me prenne tout entier.
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Silence de mort dans cette maison. Au loin, les trompes de la place Bülow…. Crépitement, remue-ménage au fond de la cour ; ça et là une traînée filante de lumière.. Chut, en voilà un qui descend à la cave, lanterne sourde au poing.
Totenstill das Haus, vom Bülowplatz her Autotuten. Hinten über den Hof knackte und remorte es, gelegentlich blitze eine Taschenlampe auf, husch ging einer mit einer Blendlaterne in den Keller.
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Comment un homme peut-il prospérer s’il ne visite pas la Mort? La vraie mort, la mort véritable. Tu t’es préservé toute ta vie. Préserver, préserver, tel est le désir craintif des hommes, et ainsi on fait du surplace, et ainsi on n’avance pas.
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"[...] Il y a des choses, Maus, que l'on apprend à grand-peine. Moi, par exemple, j'apprends difficilement à être chrétien. Je retombe toujours dans l'erreur de croire que je possède le christianisme et que je peux pour ainsi dire me promener avec comme avec un livre coincé sous le bras. Mais il n'en est rien. Mon christianisme est semblable à une pluie tropicale : le sol sèche peu de temps après."
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"Je pense, donc je suis", disait Descartes. "Je pèche, donc je suis", raisonnait Anny. Sans le scintillement d'une aventure, les murmures de la séduction, la journée était perdue, noire, morne.
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Décrire exactement le bouclier d'Achille, énumérer les armes et les ornements qu'il portait pour aller au combat, je ne le pourrais guère ; tout ce dont je me souviens vaguement, ce sont les brassards et les cuissards.
Mais ce que je veux décrire, c'est l'aspect de Franz retournant au combat. Il porte ses vieux vêtements poussiéreux et crottés, une casquette de marin ornée d'une ancre cabossée ; jaquette et pantalon sont en méchant tissu marron bien usé.
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"Je vous envie d'avoir l'école. De pouvoir enseigner, de rencontrer de jeunes êtres, de leur parler. [...] Quel métier que l'enseignement - malgré les choses que vous racontez! Il existe d'autres choses dont on peut parler, des vérités.
- Auxquelles pensez-vous, Becker?
- Il y a la vie, l'existence, la mort qui y met un terme et la hante. Et la peur, la joie, l'amour, l'honneur, la dignité, la fierté."
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Ceux qui meublent l'intérieur des tramways et autobus sont assis en poses diverses et augmentent ainsi le poids inscrit au-dehors des voitures. Ce qui se passe dans leur âme, qui l'éluciderait? Un chapitre énorme. Et puis, si on le faisait, à qui cela profiterait-il? De nouveaux livres? Les anciens déjà ne marchent pas et en 1927 la vente des livres a baissé de tant pour cent sur la vente de 1926. Que l'on considère donc simplement les gens comme personnes privées qui ont tous payé vingt pfennigs, exception faite pour les abonnés et les titulaires des cartes scolaires qui n'en payent que dix.
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Les lettres étaient apparemment un moyen de s'entraider, de comploter contre les hommes, mais bientôt elles devinrent aussi et surtout l'instrument d'une auto-exaltation. Les deux femmes s'aiguillonnaient, se calmaient, jouaient au plus fin. Les lettres étaient un grand pas vers d'autres complicités. (p. 29)
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Lorsque Jules César en son temps partit pour l'Égypte avec ses bateaux et ses soldats et qu'il mit le pays à sac, on parla d'exploit. Aucun tribunal n'aurait songer à lui intenter un procès pour cela. C'était une performance de tout premier ordre dont nous profitons encore aujourd'hui après que Shakespeare en ait tiré un tram dont même le plus inculte des hommes connaît la phrase : "Car Brutus est un homme honorable." Mais imaginez qu'au lieu de deux cents bateaux César n'en ait eu que trois, avec un équipage d'hommes mal armés, qu'ils aient débarqué en Égypte et se soient mis à piller : vous n'auriez là qu'un simple acte de gangstérisme qui mérite la corde. Or où est la différence? Pourquoi l'une de ces actions peut-elle enrichir l'histoire, tandis que l'autre mène au gibet? Parce que l'être humain abhorre les demi-mesures. C'est affaire de quantité. De petites entreprises doivent s'en tenir à l'ordre civil. Pour les grandes, il n'y a pas de règles. Il faut donc toujours choisir le parti des grandes entreprises car, bien qu'elles soient dangereuses, l'impunité est garantie.
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Guerre ou paix, victoire ou défaite, jamais l'esprit humain ne chôme. Nous gisons au fond des ténèbres, mais telle une luciole dans la nuit, notre esprit se lève et observe.
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Il faut s'habituer à écouter les autres, car ce que les autres disent, ça me regarde aussi. Alors je vois qui je suis et ce que je peux projeter de faire.
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Des champs plats passent furtivement, de petites forêts.
Au bord d'un cours d'eau, sous un pont de bois, une paysanne va pieds nus, foulard blanc sur la tête. Qu'est-ce que cela ? Troupeaux de boeufs. De nouveau des terres cultivées. Beaucoup d'oies blanches.

C'est la Pologne.
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Je suis assis sur un banc derrière l'église.
Dans quelques temps, je quitterai le camp et j'errerai dans cette ville, seul. Qu'arrivera-t-il ? Dois-je m'assoir dans un coin et écrire, comme j'en ai depuis longtemps maintenant l'habitude - écrire en allemand, pour qui ?
Ecrire a eu son temps et son sens qui, un jour, disparaît. Il importe peu de s'appuyer sur tel ou tel groupe dans le pays.
La nature, dans laquelle j'ai aussi une place, répand ses séductions avec une force et une vérité irrésistibles, qui me pénètrent. Elle sème des bienfaits comme un arbre en fleur saupoudre le sol alentour de pollen jaune. Ce bienfait de l'air, du vent, du ciel... je le ressens là, assis sur mon banc.
Et, me promenant ensuite le long de la rivière : l'eau qui coule plus bas, l'élément souple et élastique qui constitue cette rivière, mais aussi les flots puissants de l'Amazone, les océans, les cataractes, les icebergs, la grêle, la pluie et le brouillard... l'eau, quel miracle ! Et la nature dans son ensemble - comme le moi-, oeuvre et manifestation en acte de l'éternelle puissance originelle.
Et quelle puissance originelle ! Ô combien spirituelle ! L'eau, et avec ses métamorphoses, sa richesse et la beauté de ses cristaux, me l'a fait voir depuis bien longtemps déjà. Et ce qui pose et ordonne tout cela, ce qui porte un tel costume, devrait être un billot de bois, une chose dépourvue de sens ? La terrible, l'effrayante nature n'est pas seulement terreur et effroi. La terreur et l'effroi ne sont pas là pour eux-mêmes.
Nous vivons au milieu de choses nombreuses et bonnes. Et quoi qu'il puisse en être... quelle chose solide, bien faite et raisonnable que l'homme, avec toutes ses folies et ses infamies ! Nous sommes des êtres compliqués, très composites et, à ce qu'il me paraît souvent, pas tout à fait achevés. Nous sommes encore "en chemin".
D'ailleurs, on est aussi chez soi dans de trop nombreux mondes, dans un plus grand nombre de mondes encore que l'eau.
Je suis donc, malgré tout, un enfant de ce monde, et qui l'aime. Pourquoi pas ? me demandé-je. Puisque ce monde, ainsi que la verte nature, me parlent, témoignent de la présence agissante de la main divine. Pourquoi boucher ses oreilles à la musique des sphères ?

le télégramme

Mon nom est inscrit au tableau noir quand je rentre au camp, avant le repas, plus assuré et plus calme que d'habitude.
On me dit qu'un télégramme pour moi est arrivé, mais que le porteur, ne m'ayant pas trouvé, l'a emporté.
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L'histoire naturelle et l'histoire des peuples s'occupent de vastes systèmes faits d'êtres et de formations tels que les étoiles, les pays, les États. De lois, et un sens secret qu'on ne peut s'empêcher de chercher, les ordonnent.
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Nous partons en enfer avec tambours et trompettes, nous n'avons rien pour ce monde-là, qu'il aille donc au diable avec tout ce qu'il porte, dessus, dessous et au-delà. Avec tous ses gens, avec ses hommes, avec ses femmes, avec toute cette engeance infernale, on ne peut faire fond sur personne. Si j'étais un petit oiseau, je prendrais un peu de merde, la chasserais des deux pattes derrière moi et m'envolerais tout aussitôt. Si j'étais un cheval, un chien, un chat, ma foi, qu'a-t-on de mieux à faire que de lâcher sa fiente sur la terre et disparaître sans demander son reste.
Il n'y a rien de palpitant en ce monde, j'ai pas envie d'me remettre à picoler, ça j'pourrais bien, notez, picoler, picoler et encore picoler, et alors toute cette saloperie infernale recommencerait du début. Le bon Dieu a fait la terre, j'aimeras qu'un curé m'explique pourquoi. Mais il l'a faite tout de même meilleure que les curés ne la connaissent, il nous a permis de compisser cette saloperie, et il nous a donné deux mains et puis une corde aussi, et ainsi fini la comédie, ça nous le pouvons, alors toute cette merde infernale s'efface, bien du plaisir, jouissances et fêtes, nous partons en enfer avec tambours et trompettes.
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Le monde est fait de sucre et d'immondices...
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C'est un type qui revient de la pêche, il voit une fille, il lui fait : "J'm'en reviens de la pêche aux moules et j'suis moulu." Alors elle, : "ma foi, tant qu'c'est pas de la pêche aux coques."
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Alfred Döblin
Comment obtiendrons-nous la paix si les cyniques qui nous considèrent comme leur propriété, leur bien héréditaire, se retrouvent en haut ? Te taire, c'est te rendre complice.
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