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Critiques de Amos Oz (395)
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Une histoire d'amour et de ténèbres

Un homme passionnant, un auteur majeur de la littérature israélienne nous livre l'histoire de sa vie et celle de sa famille. Une histoire familiale pas banale qui se mêle avec la grande Histoire de l'État d'Israël, et avec celle de la Littérature.

Trois histoires intimement imbriquées

Histoire tout d'abord de familles, paternelles et maternelles qui quittèrent l'Europe centrale et la Russie dès le début du XXème siècle pour certains et, pour d'autres, afin de fuir les menaces staliniennes et nazies. Deux régimes qu'Amos Oz met dans le même sac. Certains cousins, moins chanceux perdirent leur vie dans cette Shoah par balles. Quant à lui, il naquit en Israël en 1939...Une histoire familiale rattrapée et bousculée par la Grande histoire. Amos Oz nous fait partager les grands et petits moments de ses familles paternelles et maternelles, avant leur arrivée en Israël ainsi que son histoire, enfant puis celle de l'adolescent, dont le père ne partageait pas les idées. Il voulait vivre dans un Kibboutz, son père lui avait prévu un autre destin, plus digne de ses capacités. Des conditions de vie familiale spartiates, un petit appartement sombre, une cour toujours à l'ombre au sol dur et stérile où même les radis refusaient de pousser. Un père intellectuel et une mère au foyer mélancolique et dépressive qui disparaitra bien trop tôt. Deux êtres simples et aimant qui ont transmis à Amos Oz sa simplicité humaine et un amour certain des autres

Histoire politique d'un pays ensuite, qui nous permet d'assister aux premiers pas de l'État d'Israël, de côtoyer aussi bien bien les leaders sionistes que les combattants de 1947, Ben Gourion et Begin, que son père rencontrait et avec lesquels Amos eut également le plaisir d'échanger des idées. Il eu même l'honneur, alors qu'il effectuait son service militaire, d'être reçu en tête à tête par Ben Gourion. L'histoire d'un pays qui créa son propre modèle social et socialiste, les kibboutz. Les informations sont nombreuses, Cette histoire est aussi une partie de celle de la Pologne, de la Russie, de l'Angleterre, des pays Arabes. Cette Histoire est aussi celle de ces milliers de réfugiés, homme et femmes d'origines géographiques et de langues diverses. Des réfugiés qui fondaient de grands espoirs parfois déçus, mais qui très vite devinrent un peuple uni qui se battra pour son autonomie et pour créer un pays.

Histoire de la littérature, de la culture enfin. "Papa lisait seize ou dix-sept langues et en parlait onze (avec l'accent russe). Maman en parlait quatre ou cinq et en lisait sept ou huit. Ils discutaient en russe et en polonais quand ils ne voulaient pas que je comprenne (ce qui était presque toujours le cas). [....] Pour la culture, ils lisaient surtout en allemand et en anglais, et rêvaient probablement en yiddish. Mais à moi, ils n'enseignaient que l'hébreu : peut-être craignaient-ils que je succombe à mon tour au charme de la belle et fatale Europe si j'en connaissais les langues." (P. 11). Son grand-oncle paternel Yosef Klausner était professeur d'université et fut l'un des leaders sioniste. Cette proximité avec eux détermina en partie la vocation littéraire du jeune Amos. Très tôt il aima et dévora les livres. Parmi les relations de son père et sont grand-oncle paternel figurait Shmuel Yosef Agnon, connu sous l'acronyme Shai Agnon. Écrivain israélien, il fut le premier écrivain de langue hébraïque à remporter le Prix Nobel de littérature. C'était en 1966. Il fut aussi l'un des premiers à lire les textes du jeune auteur Amos OZ et à lui donner son avis.

Trois histoires qui se mêlent et s'imbriquent étroitement, trois histoires qui m'ont passionné.

Un livre dense, pas toujours facile à lire et à suivre, l'auteur jonglant avec les périodes, les retours en arrières..près de 870 pages riches qu'on ne lira pas d'un trait et dans lesquelles on se perd parfois. Des pages d'un destin pas banal et d'amour d'un homme pour sa mère trop tôt perdue par son état dépressif, d'amour d'un israélien pour son pays, sa culture, son peuple et d'amour d'un auteur pour les livres et la Littérature.

Des pages d'émotions, de détails, de réflexions. Une belle leçon de vie et d'Histoire


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Seule la mer

Poésie et sensualité

Tristesse et désir

Deuil et nostalgie

Il y a tout cela dans "seule la mer", récit d'un genre inclassable, empreint d'une profonde mélancolie qui rend l'auteur si attachant.
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Les deux morts de ma grand-mère et autres ess..

Conscient de l’enjeu de sa parole en tant que romancier et écrivain en Israël, « un pays où le Premier ministre invite souvent un poète ou un écrivain pour un tête-à-tête privé, tard dans la nuit, afin de discuter d’un grave problème de conscience », Amos Oz traite les mots comme des grenades.





Le chapitre qui donne son titre à ce regroupement d’essais est représentatif de la tension qui existe entre le mot et la réalité : combien de réalités auraient pu être évitées si elles n’avaient pas été suscitées par l’invention, qui prend forme à cause du Verbe ? Amos Oz parle de ce qu’il connaît : l’antisémitisme, c’est la peur véhiculée dans les mots, c’est la matérialisation de la peur choisie d’abord par hasard, ou par similitude, puis renforcée par l’habitude dans un cercle vicieux à l’enroulement de plus en plus frénétique. C’est pourquoi Amos Oz ne délie pas la littérature (en hébreu, le mot « fiction » n’existe pas mais il existe le mot savant « bidayon » dérivé de « bidaya » qui signifie « fausseté ») de la politique, car c’est en imprégnant la conscience de nouvelles conceptions que les précédentes pourront être dépassées. Amos Oz sait qu’il tient une position ambivalente : comment ne pas croire qu’il joue à son tour le rôle du prêcheur s’entourant des plus beaux atours alors qu’il cherche peut-être, comme ses précédents, à permettre la réalisation de ses seuls et uniques desseins ? Pour s’en prévenir du mieux que possible, il bascule souvent d’une position à l’autre, se glissant dans les cerveaux de tous les partisans possibles, jugeant nulles les unes et les autres des idées arrêtées pour mieux glorifier un scepticisme faisant honneur au bon sens. Cette petite histoire résume sa position critique :





« Dans une ancienne légende hassidique, un rabbin est chargé de juger deux plaideurs qui réclament la même chèvre. Il décrète que les deux requérants ont raison. Plus tard, de retour chez lui, il entend sa femme déclarer que c’est impossible : comment peuvent-ils être tous les deux dans leur droit s’ils réclament la même chèvre. Le rabbin réfléchit un moment et dit : « Tu sais, chère épouse, toi aussi tu as raison. » »





Et c’est aussi l’esprit du kibboutz qui l’a enveloppé et qui fait l’objet de nombreux passages de son essai. L’idéologie communautaire permettrait une justice fraternelle et à visage humain –en parlant de ces petites cellules de vie quotidienne, Amos Oz nous parle également de l’avenir possible de l’humanité entière. Son expérience semble si riche et instructive qu’on aimerait pouvoir connaître également le kibboutz, tout en craignant le caractère d’absolutisme qu’Amos Oz ne cesse jamais de décrire.





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Une explication du titre retenu pour dénomination du livre avec cette accroche :



Citation :

« Ma grand-mère est morte de propreté. Arrivée de Pologne à Jérusalem, par une éclatante journée de l’été 1933, elle lança un regard terrifié aux marchés, aux allées, aux habitants, et décréta : « L’Orient est plein de microbes ». »



En fait, le problème semble plutôt être celui de la concordance entre vérité et fait, métaphore et image. Une image peut être aussi réelle qu’un fait. L’imagination peut sinon tuer, au moins transformer la réalité. Un exemple ? Israël aurait suscité les attentes les plus utopiques à cause d’un poème de Bialik (Ode à un oiseau) : « Le pays du printemps éternel » :



Citation :

« Des phrases comme « la Terre promise » ou « le pays où coulent le lait et le miel » ont poussé beaucoup de gens à changer de vie. »





Amos Oz insiste donc particulièrement sur la continuité qui existe entre parole et acte, littérature et réalité :



Citation :

« Tout est réel. Le conteur et l’érudit ne diffèrent pas par leur manière d’aborder les faits, la réalité, la vérité, la certitude, mais, précisément, par leur rapport aux mots.





Ces réflexions vont de pair avec des considérations religieuses et sociétales modernes :



Citation :

« Un enfant qui a grandi en Israël, où l’on veut tout le temps tuer son père ou son grand-père, se posera cette morbide question juive : « Qu’est-ce qui ne va pas chez moi, pourquoi tout le monde me hait ? » Et il en arrivera à l’une de ces deux réponses morbides –ou bien il dira : « On veut me tuer parce que je suis le meilleur, je suis sain et je suis pur », ou bien « On veut me tuer parce que je suis de la merde, alors mieux vaut que je change d’identité. » C’étaient les deux réponses des Juifs au XIXe siècle. Le sionisme a apporté une troisième réponse complexe. Oui, les salauds qui veulent vous assassiner sont de vrais salauds, mais en même temps il faut vous transformer. »



Et si Israël était un accomplissement vivant de la littérature ? Amos Oz en parle d'une façon qui n'exclut pas cette possibilité...



Citation :

« Nous désirons deux choses simples. La paix et l’excitation. Seulement nous ne pouvons les acquérir ensemble. La littérature est le seul lieu où elles se rencontrent. »


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La boîte noire

Publié en 1986, lauréat du prix Médicis étranger en 1988, c'est le septième roman d'Amos Os. Il s'agit d'un roman épistolaire.



La première lettre émane d'une femme, Ilana. Elle écrit à son premier mari, Alec, avec qui elle a perdu contact après un divorce orageux. Elle fait appel à lui pour venir en aide à leur fils, Boaz. L'adolescent renvoyé de l'école où il était scolarisé a des problèmes avec la justice et risque de finir dans un établissement pour délinquants. Un échange s'établit entre les deux ex-époux, la voix du nouvel mari de Ilana, Michel se mêle très vite à ce duo. Plus épisodiquement, Boaz intervient, ainsi que Manfred, l'avoué d'Alec. Nous découvrons progressivement les différents protagonistes, leurs histoires, ce qui s'est joué entre eux. Mais aussi leurs attitudes devant l'existence, leurs choix ontologique pourrait-on dire, ce sur quoi ils fondent et justifient leur existence. Alec est un intellectuel, critique vis-à-vis de la religion et mettant en cause la politique menée en Israël, en particulier vis-à-vis des Arabes. Michel est un juif pieux et pratiquant, militant dans un parti d'extrême droite. Ilana étant sans doute plus dans la sensation et la sensibilité. Elle est une sorte de pont improbable, en même temps qu'un sujet de conflit entre les deux hommes.



Mais en révélant par bribes les existences de ses personnages, Amos Oz suggère que ces choix, aussi rationnels et tranchés qu'ils puissent paraître, sont aussi des postures, des façons de se défendre, de rendre la vie supportable. Et que les personnes ne se résument pas à cela, Que les contradictions habitent chacun, et qu'un dialogue, aussi impossible qu'il le paraisse, n'est jamais exclu. Qu'il y a une sorte de communication à un niveau plus profond qui peut exister, en dehors des mots, des idées exprimées.



C'est un roman brillant, maîtrisé de bout en bout. La forme du roman épistolaire permet de dévoiler les personnages et ce qui les habitent progressivement, avec des nombreux non dits, naturels dans des lettres écrites à des personnes qui connaissent une histoire que le lecteur découvre petit à petit. Et il y a aussi la possibilité de contradictions, de mensonges, de jeux, puisqu'on parle à un autre, que l'on veut persuader, manipuler, séduire, vaincre. En même temps une forme de sincérité naît progressivement, se confronter à l'autre peut devenir aussi se confronter à soi-même. Le roman qui peut apparaître à certains moments comme une question de manipulation, avec une part de cynisme, même si ce n'est pas toujours le même personnage qui apparaît comme le manipulateur, finit par dépasser ce registre et terminer par une vraie émotion.



Un très grand livre.
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Vie et mort en quatre rimes

Lorsque tu veux découvrir pour la première fois un écrivain, il est souhaitable de s'attaquer à son chef-d'oeuvre. Or cette règle n'est pas toujours sacrée; surtout lorsqu'il s'agit d'un grand écrivain comme Amos Oz. Car, il met tout son art dans chaque production. Ainsi dans ce court roman qui apparaît comme un exercice de détente dans la carrière d'Oz (le magicien des lettres) est en vérité un roman très profond, une fête de la littérature et de la fiction. Dès la première page, on est charmé par la bonne humeur du narrateur (auteur de renommée), puis par la fluidité du récit .
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Soudain dans la forêt profonde

Amos Oz propose un joli conte philosophique sur la tolérance et le respect des autres avec "Soudain dans la forêt profonde" dont la forme brève ne prive pas d'une certaine grandeur des propos du cofondateur du mouvement La paix maintenant.



Il était une fois un village dans lequel il n'y a plus d'animaux. Qu'ils soient sauvages comme les oiseaux ou les poissons, domestiques comme les chiens ou les chèvres, ils font partis d'un passé lointain dont seule la maîtresse d'école parle aux enfants. Car tous les habitants sont terrorisés par la forêt proche, forteresse du démon Nehi qui a entraîné les animaux dans son antre. D'ailleurs, personne ne s'aventure dehors à la nuit tombée.

La petite Maya curieuse de comprendre pourquoi les hommes et les animaux ne peuvent plus vivre ensemble, va entraîner le jeune Matti à braver l'interdit en allant dans la forêt quand le village est endormi.

Ils vont vite se rendre compte que la forêt est un refuge pour les victimes de mauvais traitements ou de moqueries avant de rencontrer le démon Nehi qui fait si peur... mais pourquoi avoir peur de ceux qui sont différents ?

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Scènes de vie villageoise

Étrange recueil de nouvelles qui mêlent le réalisme d’un village de l’espace rural israélien et le fantastique. Les nouvelles s’égrènent comme les perles d’un collier, reliées entre elles par les personnages qui, de protagonistes d’une nouvelle , passent à personnages de soutien dans la suivante. L’ensemble brosse un portrait intéressant de la vie quotidienne du village de Tel-Ilan dont l’environnement invite a priori à un bonheur paisible. Cependant, on sent aussi qu’il s’agit d’un état précaire, menacé par des intrusions —réelles ou imaginaires, on ne sait — par la force de l’habitude peut-être et sûrement l’usure du temps.

J’ai aimé l’écriture et le dépaysement; mais j’ai aussi été frustrée par les fins en « queue de poisson » peu après que je me sois attachée aux protagonistes.

Tout ça pour justifier la note moyenne de trois étoiles que j’ai attribué à ma lecture.
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Judas

Une maison à Jérusalem isolée du monde, où vit reclus un vieillard, entouré de sa belle fille veuve et d'un étudiant payé pour lui faire la conversation, chacun isolé dans son propre monde. Il ne se passe rien. L'étudiant travaille sur la vision qu'ont les juifs de Jésus et de Judas ; la belle fille et le vieillard ont des conceptions radicalement différentes du sionisme et de la place des arabes palestiniens, mais ne se parlent pas ; et pour meubler un peu l'histoire, l'étudiant s'éprend de la belle fille. La réflexion sur le sionisme, sur la place des arabes, et sur Judas n'est pas inintéressante, mais l'intrigue manque du souffle qui donne plaisir à lire. Quelques pages par ci par là, pas vraiment désagréables, mais qui donnent vite envie d'aller se coucher. La date de retour à la médiathèque approche et je n'ai pas beaucoup dépassé la moitié du livre. Je pressens que la deuxième moitié ne sera pas plus animée. Tant pis, c'est certainement dommage mais je ne vais pas renouveler.
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Scènes de vie villageoise

Huit nouvelles majoritairement légères, parfois étonnantes et irrégulières... Irrégularité dans le contenu qui parfois, laisse plutôt insensible. Très enthousiaste au départ, je me suis lassée, petit à petit... Une préférence pour Les proches, puis pour Les étrangers. La dernière nouvelle, Ailleurs, dans un autre temps, bouscule radicalement le lecteur... Noire, terrible, déstabilisante... Très loin de l'atmosphère des sept autres, ce point final désappointe et apparaît non comme la fin du livre mais comme un commencement. Le début d'une autre histoire, radicalement sombre et mystérieuse.



" - A quoi riment ces palabres ? bougonna le vieux fossoyeur. Le soleil est déjà haut dans le ciel, l'homme blanc que nous avons vu, ou cru voir, a disparu derrière les marais. Parler ne sert à rien. Il va faire encore très chaud aujourd'hui. Il faut aller travailler. Que ceux qui le peuvent peinent en silence. Ceux qui n'en sont plus capables n'ont plus qu'à mourir. C'est fini."
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Une histoire d'amour et de ténèbres

Ce récit autobiographie d'Amos Oz se concentre ici principalement sur son enfance à Jérusalem. Fils unique de parents originaires d'Europe de l'Est, il vit entouré de livres dans une famille marquée par un grand oncle intellectuel reconnu membre du courant "du sionisme révisionniste" c'est-à-dire un sionisme libéral de droite opposé au socialisme de Ben Gourion. Son père a tenté de suivre les traces de celui-ci mais il n'a pu que devenir bibliothécaire. Sa mère vient d'une famille beaucoup plus modeste et très vite le jeune Amos ressent les différences entre ses deux familles bien que l'une comme l'autre ont été profondément marquées par la Shoah. S'adapter à un nouveau pays loin de l'Europe et de ses traditions est également un défi. Un défi que ne relèvera jamais la mère d'Amos, qui ne saura jamais s'intégrer à Jérusalem alors que toute sa famille vit à Tel-Aviv. Les infidélités de son mari ne l'aideront pas et après une profonde dépression elle choisira de mettre fin à ses jours. Pour Amos, cette décision est incompréhensible. Sa famille maternelle rendra son père responsable de cette perte. Amos choisira de quitter son père (qui est en train de se reconstruire une nouvelle famille) et ce tiraillement en s'installant dans un Kibboutz. Un récit dense marqué par de nombreuses références historiques, littéraires et philosophiques.
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Judas

"Le jour où les religions et les révolutions disparaîtront - toutes sans exception - il y aura moins de guerres sur la planète, croyez-moi. L'homme est par nature constitué comme un bois tordu, a dit Emmanuel Kant. Inutile de le redresser au risque de se noyer dans le sang."

Que serait notre monde sans les traitres, les traitres qui siècle après siècle ont fait l'Histoire, la grande histoire du Christianisme, du communisme, de la Résistance...de la politique de tous pays et de ces retournements de veste dont se délectent les médias.

Shmuel Asch, étudiant de la fin des années 50, doit arrêter ses études, ses parents ne peuvent plus l'aider et financer ses études. Ils ont fait faillite. Et de plus son amie l'a quitté pour épouser un hydrologue "consciencieux et taciturne"

Alors il oublie son mémoire d'études consacré à "Jésus dans la tradition juive" et se présente, pour trouver un peu d'argent, le gite et le couvert, à Gershom Wald, un homme de soixante-dix ans,  invalide et "très cultivé" qui avait fait passer une annonce pour que quelqu'un lui donne un peu de présence, cinq heures tous les soirs.

Très rapidement ces conversation tourneront autour de la question arabe, du sionisme...de la compatibilité des deux...des religions......de la nécessité de parler à ses ennemis...bref, des questions qui hantent l'esprit et l'humanisme d'Amos OZ.

Alors tous les jours le jeune homme rencontrera le vieil homme : des rencontres passionnée au cours desquelles tout les oppose, ils parlent en effet de la politique israélienne, de cette présence arabe, du judaïsme et du christianisme, des combats qui dans ces années 60 ont laissé de profonds stigmates dans les murs, de la politique de Ben Gourion....

Les entretiens entre Schmuel Asch et Gershom Wald portent souvent sur les contradictions dans les Évangiles, sur Jésus ce "bâtard issu d'une femme adultère", ces religions qui censées nous apporter le bonheur, souvent éternel nous apportent sang et violence...... jusqu'au jour où le jeune homme doit quitter les lieux...

Et puis il y a Atalia Abravanel, belle-fille du vieil homme, une femme dont la beauté trouble l'esprit du jeune homme. Elle a perdu son mari, Shealtiel Abravanel, lors de combats... lui Shealtiel s'opposait par ses idées à celles de Ben Gourion....belle occasion pour évoquer les idéaux du sionisme, et ses évolutions, ses contradictions.

Bref, une ballade pas toujours aisée, ça l'est rarement avec Amos Oz, dans la vie israélienne, dans les religions, leurs idéaux, dans l'âme humaine, dans Jérusalem, ville partagée entre deux idéaux politiques, deux visions différentes...ballade également dans les idéaux de paix, et de rapprochement des hommes d'Amos Oz.

Bref un livre dense, à déguster lentement. A relire sans doute
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Scènes de vie villageoise

Tel-llan, en Israël. « C’était un village somnolent, vieux d’un siècle au moins. » (p. 50) Les habitants n’y sont pas très nombreux et tous se connaissent. Arieh Zelnik profite de sa retraite et s’occupe de sa vieille mère. Gili Steiner, le médecin, attend son neveu Gideon. « Qui n’est pas là le soir, viendra le lendemain matin, ou alors à midi. Tout le monde finit par arriver un jour ou l’autre. » (p. 28) Pessah Kedem, ancien député, est convaincu que quelqu’un creuse la nuit sous sa maison. Sa fille, Rachel Franco, regarde s’écouler les années entre le lycée où elle enseigne et son père dont elle s’occupe. Yossi Sassan, l’agent immobilier, visite l’étrange maison de l’écrivain Eldad Rubin. Béni Anni, le maire, cherche sa femme. Le jeune Kobi Ezra ne sait pas comment avouer son amour brûlant pour Ada Devash, la bibliothécaire. Dahlia et Abraham Levine réunissent la chorale tous les mois.



Ces tableaux isolés composent une histoire commune qui pourrait être celle de n’importe quel village dans n’importe quel pays. Sauf que plane le funeste fantôme de la Shoah dans toutes les mémoires, et l’actualité, bien qu’éloignée, ne peut être ignorée. « Si l’on prend un peu de recul, il est évident que nous méritons la haine et le mépris. Peut-être même la compassion. Sauf que les Arabes ne peuvent pas avoir pitié de nous, vu qu’ils excitent celle du monde entier. » (p. 68) Le village est comme suspendu, presque arrêté en plein temps. À la fois immuable et pétrifié. Témoin figé du temps qui passe et stèle posée sur l’histoire. « Tel-Ilan était un village séculaire environné de champs et de vergers. » (p. 124) Mais cette immobilité n’est pas le calme ou la sérénité. Il va se passer quelque chose. Certains désirs contrariés et autres légers malaises prendront tout leur sens au terme du recueil. Des gens arrivent que l’on n’attendait pas et ceux qu’on espérait manquent à l’appel. Des incidents qui semblent mineurs sont en réalité de tristes augures qui annoncent l’avenir apocalyptique du village. « J’aurais juré sentir une présence rampant dans les ténèbres opaques, derrière mon dos. D’où venait-elle, où se dirigeait-elle ? Mystère. » (p. 191)



Pour une première lecture de cet auteur, je suis époustouflée. Je suis très difficile avec les nouvelles et celles d’Amos Oz sont riches des qualités que j’affectionne. Courtes et concises, éloquentes mais non bavardes, avec des chutes qui n’auraient pas pu être différentes. Je pressentais qu’Amos Oz était un auteur que je pouvais apprécier. C’est bien le cas et j’en suis ravie. Il ne me reste qu’à découvrir le reste de son œuvre.

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Judas

Amos Oz nous présente ici une idée qui ne court pas les rues : et si Judas Iscariote n’avait pas été le traître qu’on nous présente depuis deux millénaires mais le premier, le seul et le dernier vrai chrétien ? On dit qu’il a envoyé Jésus tout droit sur la Croix ; oui, mais seulement parce qu’il pensait réellement que ce serait l’occasion pour le Messie de montrer au monde entier qu’il était le Sauveur ; la croix ne pouvait pas l’abattre, Jésus commettrait le nouveau miracle de survivre et les sceptiques seraient foudroyés dans leur incroyance. En fait, ça ne marcha pas comme ça et comme nous le savons tous, Jésus mourut. Judas n’y survécut pas.





« Avant l’aube, [Pierre] renia Jésus par trois fois. Judas ne le renia point. Quelle ironie […] que le premier et dernier Chrétien, le seul Chrétien qui ne quitta pas Jésus d’une semelle ni ne le trahit, le seul Chrétien à avoir cru en la nature divine de Jésus jusqu’à son dernier souffle sur la croix, le seul Chrétien persuadé jusqu’à la fin que Jésus descendrait de la croix au vu et au su de tous à Jérusalem et dans le monde entier, le seul Chrétien qui ne lui survécut pas, le seul qui fut anéanti par sa mort, ait été considéré […] pendant des milliers d’années comme l’archétype du Juif, le plus haïssable, le plus méprisable de tous. L’incarnation de la traîtrise, l’incarnation du judaïsme, l’incarnation du lien entre ces deux concepts. »





Amos Oz s’arrête à cette considération, peut-être pour ne froisser aucune part de son lectorat œcuménique. Il ne tranche pas sur l’humanité ou non de Jésus et, même s’il laisse à penser que celui-ci était finalement plus humain que divin, on peut aussi imaginer que rien n’avait été laissé au hasard pour que le destin de Jésus se déroule ainsi qu’il devait l’être.





Dans la réalité du roman, Judas tient très peu de place puisqu’il n’est que le sujet de recherche du doctorant Shmuel. Quelques chapitres y sont consacrés mais la plus grande partie du texte raconte l’histoire de ce jeune homme foireux qui décide un jour de travailler comme garde-vieux. Tous les soirs, il s’occupera ainsi d’un vieillard un peu caustique et désabusé, et il croise dans les couloirs de la maison une femme plus âgée que lui. Shmuel se pose des questions : qui sont-ils ? comment en sont-ils arrivés là ? quelle est leur histoire ? Faut dire que le mystère règne dans la baraque et on parle plus souvent d’histoire juive que d’histoire personnelle.





Amos Oz sait bien doser le suspens. Normal, on devrait se douter qu’il arrive à percevoir le cerveau de son lecteur aussi finement qu’il construit la psychologie de ses personnages. Malgré quelques écueils pathétiques classiques dans la résolution de l’histoire d’amour, ça faisait longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir à lire un roman. En ce qui concerne le rapport entre Judas et l’histoire du personnage, faudra m’expliquer parce que je ne l’ai pas perçu. Mais c’est pas bien grave.

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Vie et mort en quatre rimes

Un auteur invité à une rencontre littéraire qui ne l'intéresse guère imagine la vie possible des personnes rencontrées tout au long de cette journée et esquisse une intrigue possible entre ces personnes réelles devenues ces personnages. La lecture faite par une jeune femme d'un de ses romans le trouble et il cherche à poursuivre la conversation avec elle tout en entretenant le trouble entre la conversation réelle et celle imaginée. Un beau et court roman qui met en valeur le pouvoir de l'imagination.
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Judas

Ultime roman d'Amos Oz, Judas concentre toutes les interrogations qui auront hanté l'oeuvre de cet immense écrivain. Lire ce livre est comme boire un café au Moyen-Orient, on est sûr d'y trouver l'amertume comme le sacré.

Huis-clos de cinq personnages, il se déroule le temps d'un hiver, derrière les persiennes souvent closes d'une maison en bout d'impasse.

Deux des cinq sont des pervers narcissiques, les trois autres des rescapés.

Les deux premiers, Israël et Jérusalem, omniprésents, sublimes et monstrueux, minuscules et arrogants, composent comme à leur habitude chez l'auteur, un décor aussi aimé qu'honni pour ses boursouflures nationalistes, guerrières et colonialistes.

Le récit se déroule vers la fin des années 50. Jérusalem est alors schizophrène, pour partie juive et de l'autre syrienne. La guerre d'indépendance menée sous la férule d'un Ben Gourion messianique est à peine achevée que l'on sait que d'autres suivront...

Et de messie, il est beaucoup question dans ces pages. L'auteur y explore une fois encore les fils indénouables mêlant christianisme et judaïsme. Étrange, d'ailleurs, ce terme "judaïsme " commençant par Judas, le traître honni et peut-être le seul vrai héraut (c'est voulu) de la foi chrétienne. En questionnant cette notion de traîtrise, Amos Os réinterroge l'histoire. Sont des traîtres ceux qui s'opposent à la voix du plus fort. Ainsi les conjurés qui ont tenté d'assassiner Hitler, ainsi les dissidents aux valeurs toutes puissantes du stalinisme, ainsi les gamins ayant voulu fuir les tranchées de Verdun... Un traître ne l'est que par la grâce ou la vindicte d'un regard.

Superbement écrit, ce roman est une quintessence des joutes oratoires chères aux rabbis. Il est aussi le très beau récit de l'avènement d'un jeune homme. On le rencontre au stade des émois narcissiques, et, le temps d'un hiver, d'initiations érotiques en déboires amoureux, il nous quitte en homme libre et accompli.
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Chanter et autres nouvelles



Je découvre Amoz Oz, jamais lu jusqu'alors, avec ce livre, courtes nouvelles extraites du recueil "Scènes de vie villageoise", il s'agit en effet de tranches de vie dans le petit village israélien de Tel-Ilan.

*

Le narrateur est un personnage différent à chaque nouvelle, récit d'un quotidien.

Il est dans l'attente... parfois inquiet ou résigné, triste ou plus apaisé.

Solitude, non-dits, mélancolie...

Une analyse des sentiments pleine de finesse et d'humanité.

*

"Chanter" est une invitation au partage fraternel.

Chanter, pour un temps mettre de côté sa peine ou sublimer son émotion, s'exprimer avec son cœur.

*

"Le salon retentissait des cantiques de la veille du shabbat :" Le soleil décline derrière la cime des arbres", "Le shabbat descend vers la vallée de Ginosar", "Soyez les bienvenus, anges de la paix".

Je fis chorus, tandis qu'une onde de chaleur me traversait le corps, tel du vin coulant dans mes veines. "

*
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Judas

Amos Oz trouve un angle improbable et des personnages décalés pour nous parler de la création de l'Etat d'Israël mais aussi des choix que l'on a à faire à certains carrefours de sa vie. Le jeune Shmuel, réfractaire indolent, m'a fait penser à l'inoubliable Ignatius Reilly de la Conjuration des Imbéciles.
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Vie et mort en quatre rimes

Tout écrivain doit nécessairement avoir une imagination foisonnante mais dans cet écrit, le personnage principal, "l'auteur" en est doté semble-t-il plus que de nécessaire. En début de lecture la chose est attrayante et pousse à sourire mais peu à peu cette imagination débordante devient étouffante et se métamorphose en une sorte de vampire, de démon ne laissant aucune possibilité à sa proie de se ressaisir. L'auteur ne semble présent désormais que par ses automatismes et la bête ne le lâche plus. Aucune réponse ne serra donnée à ses questions concernant le pourquoi de l'écriture car la possibilité de se concentrer désormais lui échappe. On voudrait presque répondre pour lui, sentant que c'est justement dans les moments d'écriture, quand l'auteur accouche la bête, que le répit se fait, double délivrance où l'auteur se réapproprie sa vie. Son "pourquoi de l'écriture" relèverait-il de la survie ? de la conservation de sa santé mentale ? et que reste-t'il de sa vie intime dont sa vie publique se nourrit jusqu'à s'emparer de ses souvenirs d'enfance
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Chanter et autres nouvelles

Pour mon challenge "Le tour du monde en 8 ans", j'ai, cette fois, pris la route pour Israel. Amos Oz est un auteur qui m'était totalement inconnu. "Chanter et autres nouvelles" est un recueil de quatre nouvelles issu de "Scènes de vie villageoise". C'est une très belle entrée en matière pour découvrir l'auteur et j'ai hâte de lire d'autres de ces écrits.





Je vous parle plus haut d'un recueil de nouvelles, il est en fait très difficile de définir le livre puisqu'il y a un fil conducteur qui est Tel-Ilan, un village israélien. Chaque nouvelle / chapitre met en lumière le quotidien d'un habitant.



La première nouvelle, Les proches, nous présente une femme qui attends son neveu qui n'arrivent pas. On se rends très vite compte de la solitude de cette femme et de la relation très fusionnelle qui l'a lit a ce jeune homme.



Vient ensuite Attendre, qui est asse similaire a la première finalement. Un homme reçoit un petit mot de sa femme qui lui dit "Ne t’inquiète pas pour moi". C'est alors l'occasion pour lui de faire le point sur sa vie et sa relation avec sa femme.



Les étrangers est une nouvelle assez dérangeante, qui met un peu mal a l'aise. On y fait la connaissance d'un jeune adolescent qui est amoureux de la bibliothécaire. C'est une nouvelle avec beaucoup de tension et l'on découvre vite que la jeune femme sous ses airs de fille facile cache en réalité une grande souffrance.



Enfin Chanter qui donne son nom au recueil réunis plusieurs personnages découvert auparavant pour un club de chorale. C'est l'occasion pour tous d'échanger autour des fait-divers et de la politique mais aussi a propos de ses souffrance.



Vous l'aurez compris, il y a très peu d'action dans ces pages, mais portant on ne s'ennuie pas une seule seconde. Amos Oz a une écriture très belle et poétique et signe ici un texte plein de pudeur et vraiment mélancolique. Il me tarde maintenant de découvrir les quatre autres nouvelles qui constituent le roman initial.




Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Scènes de vie villageoise

Les 8 nouvelles de ce recueil qui se terminent toutes par une fin ouverte se déroulent dans le village de Tel-Ilan fondé il y a un siècle environ par des pionniers du sionisme. Chaque nouvelle peut se lire indépendamment mais on retrouve certains personnages d'une nouvelle à une autre. Amos Oz décrit comme toujours avec précision l'âme humaine dans un village en plein changement où les maisons des descendants des pionniers sont rachetés petit à petit par des habitants fortunés de Tel-Aviv qui transforment la nature de ce village. Phénomène qui n'est pas propre à Israël malheureusement.
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Amos Oz (1939-2018) R.I.P

Mon père parlait 11 langues, mais il a fait mon éducation en Hébreu, j'étais alors un « petit chauvin déguisé en pacifiste». Un «nationaliste hypocrite et doucereux », un « fanatique », qui jouait à la guerre et s’enflammait contre les Anglais et les Arabes, j'étais, j'étais, comme une panthère dans la .....?......

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