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Critiques de Amos Oz (395)
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Soudain dans la forêt profonde

J'ai tout d'abord été séduite par l'écriture, la magie du conte, l'atmosphère particulière. Les habitants de ce village déserté par les animaux m'ont bien plus, ainsi que le silence des adultes et le mystère autour de cette malédiction.

Mais j'en suis restée là. L'intrigue et la narration m'ont plutôt ennuyée, passée la découverte du style de l'auteur. De plus, le dénouement est plutôt banal selon moi. Je me suis même demandé si j'avais bien compris. J'ai du passé à côté d'un sens caché, d'une métaphore.

Je reconnais que c'est joli, charmant, naïf. La forêt, profonde, est superbement décrite.

Mais ça ne me laissera vraiment pas un grand souvenir. Je ne suis pas bon public pour les contes. L'aspect narratif ne me passionne pas, je suis plus du côté de la psychologie, des ressentis. Et j'ai l'impression qu'on me fait la leçon, qu'on me traite avec condescendance...

J'ai conscience de m'en prendre à un grand auteur, dont je n'ai lus aucun autre livre. J'ai beaucoup apprécié le style, riche. Peut-être essayerais-je de lire un autre ouvrage de Amos Oz ?
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Mon Michaël

"Mon Michael" m'a rappelé certains films de Bergman : une écriture simple et une précision exceptionnelle dans la description des sentiments, des troubles de l'âme, d'une folie ordinaire, d'une forme d'aliénation. Un couple où chacun voudrait faire le bien mais où tout est choc, maladresse, déconvenue. A chaque page, on se dit qu'il est impossible d'aller plus avant, plus profond dans la psychologie des personnages, on se dit qu'Amos Oz va s'essouffler, perdre de la fraîcheur, de la nouveauté, de la surprise et pourtant, chaque page est une découverte. Superbe tout simplement.
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Jusqu’à la mort

Neuf siècles séparent deux hommes aussi différents que semblables.

L’un, Guillaume de Touron, petit seigneur médiéval, décide, à l’appel d’Urbain II en 1096, de partir en Terre Sainte à la tête d’une petite troupe de coquins, miséreux et ribaudes.

Libérer Jérusalem, la ville Lumière, du joug maure, et accessoirement, sur le chemin, massacrer tout juif de passage. Car les signes ont parlé. Des feux s’éteignent sans aucune pluie, la maladie frappe hommes et chevaux, des chats s’invitent la nuit dans le campement pour des sabbats impies. Il faut expurger le malin, clouer le damné au pilori et brûler le mécréant.

La troupe n’ira pas au-delà de l’hiver transalpin, gangrenée par le froid et la faim ; minée de paranoïa et de haines intestines.

Ne resteront que les écrits de Claude le Bossu, rejeton dégénéré du seigneur, qui consigne au jour le jour ses propres turpitudes comme les exactions hallucinées de ces croisés misérables.



De l’autre Chraga Unger, conférencier vieillissant, malade et obèse, qui jour après jour, de kibboutz en kibboutz, déroule son antienne quant au péril bolchevique décidé à anéantir le jeune état hébreu et les juifs du monde entier.

Le mot « crépusculaire » revient souvent dans les commentaires de cette œuvre. Et il est ô combien juste.

Guillaume de Touron est un homme blessé, meurtri par les deuils successifs de ses deux jeunes épouses, par l’absence d’héritier, par l’amour perdu de sa jeunesse, par la faillite de son domaine et les dettes accumulées. Reclus en folie, il condense le peu de vie qu’il lui reste en une haine abjecte du Juif, figure de tous les arbitraires, de toutes les responsabilités, coupable avant même que d’être.



A l’autre bout, Chraga Unger est lui aussi un éclopé de la vie, rongé de solitude, gras d’un passé que l’on devine hanté et lourd. Une jeunesse russe a enfanté une insidieuse folie qui grignote son quotidien, le contraignant, encore et encore, à prédire le pogrom planétaire fomenté par les rouges de l’est.

Amos Oz tisse dans ces deux nouvelles les fils névrotiques de la folie individuelle et ceux des démences collectives.

En virtuose de la psyché et d’une prose étincelante, l’auteur explore le syndrome de la judaïté, ce mal ancestral et incurable qui oblige à tuer ou à survivre.

En ce sens, les deux textes se répondent et se confondent pour livrer une réflexion abyssale à l’humanité exacerbée.

A l’image de Jérusalem, mythique et inaccessible, la judaïté ouvre l’appétit à toutes les névroses et malmène jusqu’aux extrêmes.

(Un grand merci à @Dandine, qui, par son récent billet, m’a fait découvrir ce texte d’un auteur qui n’aura cesser au fil de chaque page de m’éblouir.)
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Une panthère dans la cave

Pendant l’été précédant la fin du protectorat anglais en Israël, Profi, un gamin rêve de vengeance et de gloire guerrière pour son pays. « Quand le libre état hébreu verrait enfin le jour, nul criminel au monde n’oserait plus jamais tuer ou humilier les Juifs. Dans le cas contraire, il se repentirait de ses actes car, un jour, nous aurions le bras très long. » (p. 37 & 38) Avec ses amis, il élabore des plans pour chasser l’occupant anglais et repousser l’assaillant arabe. Quand il rencontre le sergent anglais Dunlop, ses certitudes sont ébranlées. Se pourrait-il que l’ennemi soit bienveillant ? « Je suis un Anglais qui donnerait tous les biens de sa maison pour la langue des prophètes et dont le cœur est l’esclave du peuple élu. » (p. 62) Le gamin enseigne l’hébreu à l’anglais qui, en échange, l’aide à se perfectionner dans la langue de Shakespeare. Mais fréquenter le sergent, est-ce une trahison envers le peuple hébreu et la Résistance ?



Ce récit est-il autobiographique ? Beaucoup de choses le laissent entendre, mais je préfère en rester au niveau fictionnel. Le narrateur raconte un été de son enfance, 45 ans après les faits. Avec tendresse et indulgence envers le gamin qu’il a été, il jette un regard vif sur les grands idéaux qu’il professait et explore certaines hontes jamais oubliées, comme sa passion juvénile pour la grande sœur d’un de ses copains. Il se rappelle la peur qui avait étreint sa maison quand son père avait caché un énigmatique paquet dans la bibliothèque, pour le compte de la Résistance. Enfin, il souligne le tragique destin du peuple juif, brûlé par Hitler et longtemps empêché d’avoir une terre. « Tel est notre destin : les prétextes changent, mais la haine subsiste. Quelle est la conclusion ? » (p. 39)

J’ai récemment découvert Amos Oz avec Scènes de vie villageoise et je me suis promis de lire toute son œuvre.



Avec ce texte court, tendre et émouvant, je me réjouis de cette promesse qui me fait rencontrer un auteur majeur et sensible.

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La boîte noire

Roman épistolaire, trio amoureux, un fils d'un premier lit quelque peu chahuteur, un second mari religieux ultra. Mais surtout tant de haine, de ressentiment, de rapports sadiques ou, à tout le moins, toxiques. L'auteur est israélien et situe son histoire à Jérusalem entre religiosité, haine ou défense des Palestiniens, qui, sans nom, sont simplement des Arabes ou moins. Les goys ne valent pas beaucoup mieux. Cependant, tout aurait pu se passer ailleurs, cela ne serait pas différent. Je n'ai pas aimé ce venin distillé tout au long du livre entre les protagonistes. On a l'impression non pas de sortir du livre sali, mais, en tout cas pas, on n'en sort pas grandi. Loin de là. Je ne conseille pas.



Premier livre de cet auteur souvent présenté comme 'nobelisable'. Sans doute y a-t-il mieux dans son oeuvre.
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Une histoire d'amour et de ténèbres

Autre grande figure de la littérature israélienne avec Appelfeld, j'ai découvert Amos Oz par son autobiographie, imposant livre de presque 600 pages.





Sortant de plusieurs livres d'Appelfeld, j'ai d'abord été déstabilisée par le style, beaucoup moins lyrique et beaucoup plus "bavard" si je puis dire.

Mais très vite on est emporté par la puissance de cette évocation qui nous mène de la vie de ses grand-parents au 19è siècle en Europe de l'Est jusqu'à la création d'Israël et même jusqu'à quelques incursions de nos jours.





Les parents de l'auteur ont tous les deux été élevés dans des familles juives non pratiquantes et ont de solides racines intellectuelles et littéraires.

Le père parle une quinzaine de langue et ce n'est qu'à cause d'un concours de circonstances qu'il n'a pas été nommé professeur à l'Université mais est resté bibliothécaire à la Bibliothèque nationale de Jérusalem.

Sa mère a une culture très russe et française et donne des cours particuliers.

Elevés en Europe de l'Est , ils rejoignent Israël en 1919 pour l'un et dans les années 30 pour l'autre.

Leur minuscule appartement en sous-sol, à Jérusalem, est tapissé de livres et chez eux littérature et tolérance vont ensemble.

Bien sûr une telle "saga" ne va pas sans des portraits étonnants, des anecdotes émouvantes et des circonstances tragiques.

On est littéralement emporté par l'itinéraire de cet auteur dont la vie personnelle se mêle à l'histoire mondiale.





Pourtant, au milieu du livre, une brèche apparaît : il nous annonce que sa mère s'est suicidée à 38 ans alors qu'il avait onze ans (il est né en 1939).

Et soudain ce livre nous apparait comme une quête désespérée de comprendre.

Pourquoi ce suicide, pourquoi cet abandon, pourquoi son père ne lui en parle-t-il jamais, même quand Amos Oz partira à quinze ans dans un kibboutz (il y restera quarante ans) ?

Le livre, sous un aspect très agréable à lire et dans un style très enlevé, est un témoignage inoubliable sur cette période mais aussi une tentative de mieux connaître cette mère, son histoire et son entourage, et peut-être les raisons de sa mort !

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Soudain dans la forêt profonde

Dans un village isolé, encerclé de forêts denses et hostiles, tous les animaux ont disparu il y a fort longtemps et le village est considéré comme maudit. Les habitants craignent la venue la nuit d'un démon Nehi. Mais surtout, personne ne veut en parler, surtout pas aux enfants. La plupart des adultes feignent même que les animaux n'ont jamais existé et malheur à celui qui prétend le contraire : il sera rejeté de la communauté. Matti et Maya, deux jeunes enfants curieux croient pourtant leur institutrice qui leur parle des animaux qui étaient là avant et décident de percer le mystère en s'aventurant dans la forêt interdite.



Avec un art consommé de la narration et un usage délicieux du suspens, Amos Oz réussit dans ce petit livre à retenir le lecteur en haleine et lui donne envie de vite arriver à la fin de l'ouvrage pour découvrir la vérité, le secret qui explique pourquoi et comment les animaux ont disparu du village (et non, je ne vous le dirai pas, évidemment). C'est aussi probablement parce qu'il prend le parti de mêler dans une écriture entraînante les codes de différentes cultures, du conte et de la parabole, avec lesquels nous avons tous grandi d'une manière ou d'une autre. On reconnaît bien sûr l'influence biblique, celle du folklore européen mais au-delà, Amos Oz offre ici un conte philosophique à portée universelle, pour toutes les générations pour éveiller nos consciences.



Il est aisément facile de tomber dans le piège de trop en dire ici et je préfère laisser le mystère planer pour vous laisser à votre tour vous plonger dans ce récit dont on ne ressort pas indifférent, bercé par l'atmosphère tour à tour merveilleuse, inquiétante, déroutante qui se déploie.



Parabole sur la tolérance autant que plaidoyer sur la beauté et le merveilleux du Vivant dans son ensemble, Amos Oz nous invite à nous interroger également sur notre rapport aux êtres humains et animaux, dont nous abusons parfois, que nous rejetons, méprisons car ils ne rentrent pas dans le cadre de nos visions normées. Dans un style s'émancipant d'une moralisation inutile cependant, il s'inscrit comme un veilleur, un donneur d'alerte pour nous inciter à chérir la beauté de la diversité et à nous ouvrir aux autres.



Une belle lecture qui initie un discours aisément prolongeable sur les liens essentiels de l'Humanité avec les animaux, sur l'acceptation de la différence, de l'autre, qui s'il n'est pas et ne pense pas comme nous ne mérite pas moins notre intérêt ou du moins notre respect.
Lien : http://wp.me/p12Kl4-zk
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Entre amis

« Entre amis » est un recueil de huit nouvelles qui ont toutes pour décor le kibboutz Yikhat, au nord d’Israël, fin des années 50, et pour personnages divers habitants du Kibboutz, qui se croisent dans chaque nouvelle.



Je retrouve avec Amos Oz dont j’ai déjà lu quelques ouvrages qui m’ont beaucoup plu une caractéristique qui fait que j’apprécie tant la littérature israélienne : un style en apparence simple, des descriptions très concrètes, ancrées dans le quotidien le plus sommaire, d’où émerge peu à peu, au fil des mots et des phrases, une puissance d’évocation poétique inouïe. Je pense que ce trait commun prend racine entre autres dans la langue originale, cet hébreu ex-langue morte ressuscitée où se côtoient mots très anciens et vocabulaire ultra-moderne, mais aussi dans la mentalité même des habitants d’Israël, les pionniers comme les sabras, qui ont pu à la fois rêver, fantasmer le pays et se confrontent chaque jour à une réalité des plus pragmatique.



Il me semble que le rythme de la prose d’Amos Oz épouse le rythme de sa parole (cf la vidéo de La Grande Librairie postée sur la page de l’auteur) : fluide et posé, clair, dénué de tout effet dramatique.

En apparence, la vie s’écoule plutôt paisiblement au Kibboutz Yikhat. Chacun se consacre à la tâche précise qui lui a été dévolue selon son aptitude et éventuellement ses goûts, l’organisation de la communauté « égalitaire » est soumise à un règlement non moins précis, et démocratique, dans l’esprit des pionniers fondateurs : les enfants dans le bâtiment des enfants, les couples dans des logements de même superficie, femmes et hommes soumis à une parité d’avant-garde…



Seulement, dans ce beau mécanisme rigoureux paré à tout gérer, de la tondeuse à gazon en panne au financement des études des futurs étudiants en passant par les tours de garde nocturnes, les hommes et les femmes sont soumis aux lois plus nébuleuses du désir, de l’amour, de l’épanouissement personnel ou de la maladie…



C’est cela qu’Amos Oz nous raconte tout en nous brossant un tableau très réaliste de la vie des Kibboutzim, vie qu’il a lui-même connue pendant plus de vingt-cinq ans.



Avec une ironie tout à fait délectable, il se moque de l’organisation où « Marx a remplacé le Talmud », tolérant l’amour libre mais puritain de bien d’autres façons, où les femmes, bien qu’égales sont systématiquement assignées à la cuisine, la puériculture, la couture, la buanderie… J’ai particulièrement goûté les portraits de certaines d’entre elles, fières, déterminées, fortes et plus solidaires entre elles que les hommes qui les prennent et les quittent ou les aiment en silence. L’une d’elles prophétise ainsi que le kibboutz finira par évoluer, que les femmes y auront plus de pouvoir, mais que la patience est de mise… car les hommes sont lents.

Certains portraits masculins sont aussi très savoureux : le professeur quinquagénaire séducteur impénitent qui emménage avec la fille de 17 ans de son meilleur ami, le jardinier qui passe son temps à relater les catastrophes de l’actualité mondiale, l’humoriste du groupe soumis et malmené par sa femme, et le vieux malade dont le rêve est d’enseigner l’esperanto afin que l’humanité un jour soit en paix…



Tout le monde est ami, chacun œuvre pour le bien commun, et surtout, tout le monde épie tout le monde. Comme pour tout groupe humain quel qu’il soit, ça cancane à tout va, ça commente, on jalouse ici, on se moque là, et les histoires d’amour et de sexe font battre le cœur du kibboutz bien plus que toute théorie marxiste.



Certaines nouvelles, comme « Deux femmes », sont parfois cocasses et m’ont fait rire. La plupart, bien que jamais franchement dramatiques, oscillent entre une certaine légèreté et une douce mélancolie. Enfin, deux particulièrement ont des relents tragiques à peine esquissés mais poignants.



Ainsi, « La nuit » se déroule lors d’un tour de garde nocturne. Un homme et une femme se croisent alors que tout le monde dort, il fait froid, ils se connaissent depuis toujours, s’accompagnent quelques instants : rien ou presque n’est dit, tel geste est esquissé, tel autre est retenu, les chacals hurlent au loin, le danger rôde sans que l’on puisse précisément l’identifier… l’aube arrive, rien n’a changé et tout a changé.



« Papa » a pour personnage principal un jeune adolescent placé au kibboutz comme en famille d’accueil à cause de difficultés familiales. Il n’a pas choisi d’y vivre, et refuse en partie de s’y intégrer, de suivre les règles. Il demande l’autorisation d’aller voir son père une journée, et nous l’accompagnons dans son périple interminable en bus sur des routes poussiéreuses et défoncées, tandis que ses pensées errent entre le passé et l’avenir, sa famille mal en point et le kibboutz prêt à le prendre en charge, lui donner un avenir, qu’il n’aurait peut-être pas choisi… Sobriété, épure, certains passages rappellent Dino Buzzati, ou même Camus, teintés d’absurde et de non-dit.



Un moment fort de lecture, envoûtant sous bien des aspects, et la plume « à deux voix » (cf. encore la vidéo de La Grande Librairie) d’Amos Oz inscrit une œuvre singulière et de toute beauté.












Lien : http://parures-de-petitebijo..
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Judas

Un chef d’œuvre qui a une résonance particulière aujourd'hui. Les trois personnages principaux discutent longuement de la notion de traître de Judas jusqu'à l'époque où se déroule le livre (fin des années 1950), de l'histoire du peuple juif, des relations entre les différentes religions... La pensée du personnage d'Abravanel, très critique de la manière a été créé l'Etat d'Israël, donne des éléments sur la situation actuelle,contraire aux principes des fondateurs de l’État d'Israël.
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Judas

« Vous avez quelque chose de désarmant : l’apparence d’un homme des cavernes et l’âme nue d’une montre dont on aurait ôté le verre. » (p. 99) Quitté par sa petite amie, ses finances en berne, son projet de maîtrise à l’arrêt, Schmuel Asch répond à une annonce pour devenir l’homme de compagnie du vieux Gershom Wald. Cet étudiant hypersensible a besoin de se retirer du monde, mais ce n’est pas dans la maison d’Atalia Abravanel, qui héberge le vieil homme, qu’il va trouver la sérénité. Atalia est une femme mûre d’une grande beauté, secrète et insaisissable. Bien que mis en garde par Gershom, Schmuel ne peut contenir sa fascination pour elle et pour son père, Shealtiel Abravanel, ancien proche de Ben Gourion mis à l’index et accusé de traîtrise pour avoir porté l’idée d’un état judéo-arabe. « Il soutenait dur comme fer que le sionisme ne pourrait pas se réaliser dans un conflit avec les Arabes, alors que moi, j’avais compris à la fin des années 1940 qu’on ne pourrait faire autrement pour atteindre notre but. » (p. 201)



Schmuel tente de progresser dans son travail qui traite de la place de Jésus dans la tradition juive. À mesure qu’il réfléchit, il lui semble que Judas mérite bien peu son statut son traître, lui qui est le premier chrétien. La naissance du christianisme se fonde sur un rejet des Juifs et de leur félonie à l’égard du Sauveur. Première d’une longue méprise et premier crime à l’égard du peuple dont Jésus n’a jamais voulu réformer la Loi. « Pour assassiner une divinité, il faut être plus puissant qu’elle, infiniment féroce et cruel. Jésus de Nazareth était une créature divine plein de bienveillance et d’amour. Son meurtrier devait être plus fort, plus rusé et répugnant. Ces misérables déicides n’étaient en mesure d’exécuter leurs actes que s’ils disposaient des monstrueuses ressources du pouvoir et du mal. Voilà comment le Juif est perçu dans l’imaginaire de ses ennemis. Nous sommes tous des Judas. Même après quatre-vingts générations. » (p. 45)



Dans la maison de la rue Harav Elbaz, loin de trouver des réponses à ses questionnements ou d’apaiser son cœur meurtri, Schmuel fait l’expérience du désir fou et de l’interrogation permanente. Pourquoi le père d’Atalia n’a-t-il rien écrit après son exclusion du parti sioniste ? Qui de Jésus ou de Judas est le fondateur de la religion chrétienne ? La figure du Juif traître est-elle indéboulonnable dans l’imaginaire chrétien ? Alors qu’il découvre le terrible lien qui unit Atalia et Gershom, Schmuel passe un hiver de réclusion dans une maison qui abrite bien des fantômes : celui de Shealtiel Abravanel, celui du fils de Gershom et celui avorté de l’état judéo-arabe.



J’ai moins apprécié ce roman que Une panthère dans la cave et Scènes de vie villageoise. En fait, je me suis un peu ennuyée. J’espérais pouvoir m’attacher à Schmuel et éprouver une vive empathie pour lui, mais son retrait permanent face à ses propres désirs me l’a rendu lisse et terne. Atalia, bien que fascinante, est un personnage vénéneux et classique de femme fatale. En revanche, j’aurais voulu en entendre plus de la part de Gershom, intellectuel isolé obligé de payer pour avoir de la compagnie et quelqu’un avec qui discuter. Bien que ce roman apporte un éclairage précieux et profond sur la constitution de l’État d’Israël et le mouvement sioniste, il m’a manqué la poésie que j’avais tant appréciée dans mes précédentes lectures d’Amos Oz. Mais je ne m’en tiendrai pas là avec cet auteur : je sais qu’il a encore de nombreuses merveilles à m’offrir.
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Chanter et autres nouvelles

Une femme attend son neveu dans le froid de l'hiver. Le maire de Tel-Ilan cherche son épouse dans tout le village. Un adolescent est fou amoureux de la bibliothécaire. Une chorale amateure se réunit dans une maison endeuillée.



« Tel-Ilan se préparait à vivre un vendredi soir hivernal. Les hauts cyprès étaient enveloppés de brume sous une pluie légère. » (p. 100) Le décor se fait fantomatique, presque irréel. Le paysage se dessine au gré des cheminements des personnages, en quête d'un autre ou d'eux-mêmes. Au fil des quatre courts textes de l'auteur israélien, on assiste à des rencontres manquées ou à des interactions ratées, menées au mauvais moment, au mauvais endroit ou entre les mauvaises personnes. « Quelle chance un gamin de dix-sept ans avait-il de se faire aimer d'une trentenaire ? Dans le meilleur des cas, il ne réussirait qu'à éveiller sa sympathie. Et la sympathie était aussi éloignée de l'amour que la flaque de la lune. » (p. 71) Mais il reste un espoir fou de retrouvailles possibles et chaleureuses, un horizon peut-être atteignable de partage et communion.



Il y a dans ces nouvelles tout le talent d'Amos Oz, son amour pour ses protagonistes et sa manière si particulière de parler des autres, entre tendresse et léger désespoir. Du même auteur, je vous recommande Une panthère dans la cave, Scènes de la vie villageoise, Seule la mer ou encore Judas.
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Judas

Découvrir Amos Oz est un plaisir immense.

Trois personnages vivants, deux morts dont on ne saura pas grand chose. Il ne se passe rien ou presque et pourtant la magie de l'écriture agit. Les trois personnages vivants existent vraiment (Shmuel Ash, Gershom Wald et Atalia Abravanel) et vivent devant nous. Et puis, ils parlent de ce qu'aurait pu être une autre histoire d'Israël...si le projet n'était pas devenu un état, si la guerre d'indépendance n'avait pas eu lieu.

Un livre magnifique qui se lit comme un conte d'hiver à Jérusalem en 1960.

Plus récent roman d'Amos Oz, il donnerait presque de l'espoir sur Israël où il reste encore quelques personnes sensées et courageuses. Merci à la littérature de permettre encore cette expression.
Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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Entre amis

8 nouvelles qui se passent à la fondation du Kibboutz et où on retrouve les mêmes personnages. Huis clos d’une société israélienne où les personnages sont attachants, surtout ceux ayant trait à l’enfance. Une lecture très agréable de vacances qui m'a fait découvrir un milieu que je connais très peu.
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Entre amis

"Entre Amis" est un recueil de huit nouvelles qui racontent le destin individuel et croisé des membres du kibboutz Yikhat, non loin de Tel-Aviv.

Amos Oz nous offre une réflexion douce-amère sur l'étiolement de l'idéal collectiviste fondateur des kibboutz en Israël au profit d'un individualisme qui ne dit pas encore son nom.

L'auteur n'oppose pas frontalement ces deux notions mais en révèle tour à tour l'importance et les limites. Peut-on dans notre société contemporaine, partager un idéal collectif sans renoncer tout à fait ses aspirations personnelles ?



Dans un registre tantôt grave tantôt léger, Amos Oz nous fait aller à la rencontre de ses personnages (femmes, hommes et enfants tous membres du Kibboutz Yikhat) sans préjugés, avec bienveillance, avec respect.

Un très bon moment de lecture.
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Judas

Amos Oz est dans ma galerie. J'étais donc emballé par le choix de Babelio, commenter Judas, le dernier roman de l'écrivain israélien. Pas déçu. Trois personnages à Jérusalem, 1959. Shmuel Asch, 23 ans, est embauché pour tenir compagnie et faire la lecture et la conversation à Gershom Wald, septuagénaire invalide, fantasque, un intellectuel jadis engagé dans le sionisme. Dans la même maison vit Atalia Abranavel, 45 ans, veuve et bru de Wald. Shmuel a abandonné ses études prometteuses, ses parents ruinés. Il va ainsi entrer dans l'intimité des deux autres. Sur fond d'histoire si spéciale d'Israel, état qui en 59 n'a encore que douze ans d'âge, dirigé par David Ben Gourion, figure légendaire du sionisme.



Un peu comme assigné à résidence, Shmuel écoute longuement Gershom parler, et parler encore, du passé, de la Palsetine, des Anglais, de l'état hébreu. Ce n'est même plus pérorer, c'est aussi tourner en rond, et le jeune homme ne tarde pas à faire la même chose, membre du défunt Cercle du Renouveau Socialiste, six personnes dans l'arrière-salle d'un café de Jérusalem. Leurs points de vue sont certes assez dissemblables mais un point leur est commun, le dialogue sur l'essence même d'Israel. On peut perdre un peu pied si on ne maîtrise pas bien les différents éléments historiques ayant abouti à la création du pays. Alors Amos Oz, habilement, nous emporte bien plus loin dans le temps, et évoque la figure si mal connue de Judas Iscariote devenu le symbole même de la trahison. La vérité serait autrement complexe. Et Judas apparait presque comme le plus proche du Christ, le plus lettré, qui n'avait nul besoin de trente deniers et qui devait permettre par son baiser l'accomplissement.



Judas est un livre qui m'a passionné bien que truffé parfois de références qui m'ont échappé. Mais j'aime beaucoup la littérature de ce pays si différent et Amos Oz en est l'un des fleurons. Ainsi je me suis attaché à ce trio complexe de trois générations, chacune ayant sur le pays sa propre conception, toujours douloureuse. Shmuel, Gershom et Atalia, trois figures d'Israel, pays qui parmi tant de soubresauts, entre sécurité et paranoia, nous propose une littérature souvent d'une grande profondeur. Merci à Babelio, ce fut pour moi un grand cru.



Déjà chroniqué ici, d'Amos Oz, Scènes de vie villageoise, Entre amis, L'histoire commence, Une panthère dans la cave.

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Judas

Jérusalem, années 1950, Shmuel, un étudiant en pleine période de remise en question décide de devenir homme de compagnie d'un vieillard érudit. Les conversations entre les deux hommes vont nous faire découvrir un personnage, M Abravanel, lequel s'était opposé dans les années 40 à la création unilatérale d'un état juif au détriment du peuple palestinien. Abravanel sera mis au ban de la société israélienne et sera traité de traître .

L'auteur fait un parallèle entre Abravanel et le mémoire consacré à Judas en cours de rédaction par l'étudiant ...

On peut percevoir, à travers ce roman, les interrogations d'Amos Oz sur la genèse de la création de l’État d'Israël, l'auteur étant lui-même régulièrement traité de traître ...
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Seule la mer

Seule la mer.



Albert pleure sa femme Nadia morte d’un cancer et regrette l’éloignement de son fils Rico en périple au Tibet.

Bettine, la vieille amie d’Albert veille sur lui.

Dita, la petite amie de Rico vient s’installer chez le vieil homme en apportant le trouble dans son cœur et dans sa vie.



Chacun de ces personnages prend tour à tour la parole dans de courts chapitres où il est question de vie, d’amour, de désir, de peur et de mort.



Outre la très belle écriture d’Amos Oz, l’originalité de ce livre tient au style.



Est-ce un roman qui se lit comme un poème où un poème à lire comme un roman ?



A lire si vous avez envie de faire une belle et originale découverte littéraire.

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La boîte noire

La "boite noire", ce sont les paroles qui demeurent après la catastrophe, pour rendre compte des vies qui ne sont plus, et pour expliquer le drame.

La confusion de la société israélienne contemporaine se lit ici dans le déchirement d'une femme entre ses deux maris, chacun tyrannique à sa manière. La guerre, l'argent, la peur de l'avenir, l'impossibilité de faire coïncider la morale biblique avec le non-sens de la modernité, et cependant la permanence de la nature et des pulsions fondementales : tout cela brassé avec art et cllairvoyance. Remarquable.
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Une histoire d'amour et de ténèbres

Une histoire d'amour et d'ombre est, de l'aveu de son auteur et à l'image de l'ensemble de son oeuvre, un récit autobiographique, de grande envergure. Dans cette fresque familiale, Amos Oz retrace son enfance à Jérusalem, dans un milieu multiculturel modeste mais érudit, cultivant un profond dévouement pour le verbe et les livres, au sein d'une famille de sionistes fervents, ayant des relations suivis avec le monde politique et l'intelligentsia hiérosolymitaine. C'est à travers son regard juvénile que nous nous familiarisons avec les figures attachantes et hautes en couleur de sa famille, à commencer par ce père particulièrement cultivé, vibrant des poèmes épiques qu'il déclame, adepte des plaisanteries et des calembours propre à combler les silences qu'il redoute par dessus tout. Impossible d'oublier le portrait de sa mère, mélancolique et insomniaque, inconsolable et regrettant à jamais sa jeunesse ukrainienne, et partie trop tôt. Mais la liste des personnages, proches, voisins, amis est étendue, il serait vain de tous les évoquer ici tant le roman foisonne de figures d'une belle et riche humanité. L'auteur en excellent conteur convoque ses personnages dans le théâtre de sa mémoire et les mêle à l'évocation de figures littéraires et politiques juives de premier plan qu'il a eu l'honneur insigne de côtoyer. La chronique familiale est le reflet de l'évolution d'une société israélienne composite et complexe en pleine mutation et le récit s'inscrit également dans des événement historiques de plus grande envergure. Le présent roman propose aussi de belles et sensibles pages du temps de la diaspora lorsque ses parents vivaient encore en Lituanie et en Ukraine. L'auteur partage aussi ses réflexions sur la lecture, l'écriture, sa production littéraire, évoque les grand auteurs russes, les écrivains d'expression hébraïques et yiddish.



Une histoire d'amour et d'ombre est une chronique douce amère, parcouru par l'humour tendre et indulgent de celui qui conte ses espiègleries et ses naïvetés d'enfance et inclinant ensuite vers une note plus douloureuse à l'évocation des chers disparus. Un vaste panorama de la société israélienne moderne, une belle découverte.
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Une histoire d'amour et de ténèbres

J’ai beau être une lectrice passionnée, je dois avouer être toujours assez peu enthousiaste face aux bibliographies obligatoires de mes professeurs de littérature : de mauvais souvenirs datant du collège m’ont rendues plutôt réticente aux lectures scolaires. C’est donc assez peu motivée que je me suis lancée dans ce roman, le seul de la liste qui me semblait un minimum intéressant. Et finalement, je suis véritablement ravie d’avoir dépassé mon appréhension première : ce fut une très belle lecture, même si ce n’est pas du tout le genre de livre que je lis d’ordinaire ! Pas évident à chroniquer car j’ai toutes les grilles de lecture données par ma prof en tête, mais je vais essayer de faire abstraction de ces considérations littéraires pour vous expliquer simplement ce qui m’a plu dans ce roman autobiographique.



Nous suivons donc l’enfance du petit Amos, qui vit avec ses parents dans un quartier modeste de Jérusalem. Chapitre après chapitre, pièce après pièce, il reconstitue le puzzle de son enfance, qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Pour cela, il nous conte l’histoire complexe de sa famille, il remonte toujours plus loin dans le passé pour mieux saisir le fabuleux hasard qui lui a donné naissance. Pour cela, il nous conte l’histoire tumultueuse de son pays, il explique avec son regard et ses mots d’enfants les événements qui ont précédés et suivis la reconnaissance de l’Etat d’Israël par l’ONU. Et ces deux histoires s’entremêlent pour n’en former plus qu’une, celle du petit Amos qui grandit au milieu de tous ces événements nationaux et familiaux …



A mes yeux, la force de ce récit, c’est sa narration : elle mêle avec brio l’innocence de l’enfance et la pleine conscience de l’âge adulte. Tout tourne sans cesse entre ces deux perceptions, ces deux visions du monde, qui n’en forment finalement qu’une puisqu’il s’agit simplement de la même personne à deux moments différents de sa vie. Il y a des choses que l’enfant ne comprend pas encore, ou pas parfaitement, et qui restent donc floues jusqu’à ce que l’adulte narrateur intervienne pour clarifier tel ou tel événement. Le lecteur se retrouve donc au cœur de cette rencontre, au milieu de cette confrontation entre les souvenirs d’enfance et la compréhension à posteriori de cette mémoire. Et finalement, il est aussi question de la construction d’une identité : comment les événements extérieurs, les rencontres, la vision que les autres ont sur nous, permettent-ils de faire qu’un enfant devienne un adulte unique et différent de tout autre ? Quelle est la force du passé sur le présent ? Tout ceci, cette histoire le montre bien.



Je dois avouer ne pas vraiment savoir quoi ajouter : comme précise au début, ce n’est pas du tout mon genre de prédilection, aussi ne sais-je pas trop comment approfondir cette chronique. Je me contente donc de dire que ce fut une belle lecture, une histoire qui nous fait voir l’histoire plus concrètement, un récit de vie qui se lit très facilement. Il y a finalement plusieurs histoires dans cette histoire : celle d’Amos, celle de l’état d’Israël, mais aussi celle de la maman d’Amos, celle de sa maitresse, celle de son grand-père ... et j’en passe ! Bien loin de me décourager ou de me perdre, cette multiplication d’histoires m’a passionnée : finalement, ne serions-nous pas aussi les héritiers inconscients du vécu de nos parents, de nos grands-parents, et ainsi de suite ? Ne serions-nous pas la somme de toutes ces rencontres, de tous ces événements qui conduisirent à notre naissance ? Je conseille donc ce livre aux passionnés d’histoire ainsi qu’à ceux qui aiment les autobiographies.


Lien : https://lesmotsetaientlivres..
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