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Citations de Annie Dillard (94)


Une semaine plus tard, je reçus une visite si instructive que, lorsqu’elle fut terminée et que j’en eus entièrement assimilé la leçon, j’envisageai de ne plus jamais ouvrir ma porte à personne. C’était une visite d’enfants.

Pendant la semaine qui suivit la visite du marin, je me demandai quand ma vie avait mal tourné. Je vivais trop retirée du monde. Mon travail était trop obscur, trop symbolique, trop intellectuel. Je ne m’adressais pas aux gens. J’avais récemment publié un essai narratif complexe sur une phalène qui volait dans la flamme d’une bougie, que personne n’avait compris sinon un critique de Yale, mais lui l’avait compris parfaitement. J’avais moi-même une formation de critique. J’étais donc une critique écrivant pour d’autres critiques : était-ce là ce que j’avais désiré?

Un jour que je remuais toutes ces pensées, j’essayais vainement de travailler. Après huit heures d’observation impuissante de mes gribouillis absurdes et maniéristes qui envahissaient les marges et remplissaient les pages que j’étais supposée écrire, je renonçai. Je décidai de me haïr, de faire du pop-corn et de lire. Je venais de m’enfoncer dans le canapé, le bol de pop-corn posé à côté de moi, quand j’entendis des pas au-dehors. C’étaient deux petits garçons du voisinage, Brad et Brian, âgés de sept et six ans.

« Ça sent bon ici », dit Brian.

Nous avons vidé le bol de pop-corn en bavardant, allongés par terre. Ils ont joué de l’harmonica; ils ont joué de la flûte ; ils ont joué du ukulélé.

Puis Brian s’est levé et s’est approché de mon bureau, sur lequel il y avait un dessin au crayon d’une bougie allumée.

« Est-ce la bougie dans laquelle la phalène a volé? » a demandé Brian.

Je l’ai regardé : Quoi?

Il a dit, et je le cite exactement :

« Est-ce la bougie dans laquelle la phalène a volé, son abdomen s’est retrouvé collé, et sa tête a pris feu? »

Quoi? fis-je. Quoi? Ces petits gamins en blue-jean étaient en cours préparatoire. Ils ne m’arrivaient même pas à la taille. Brad, allongé par terre, a pris la parole :

« J’ai bien aimé cette histoire. »

Pourquoi, si j’étais vraiment sincère, m’a-t-il paru réconfortant de me répéter : « Bah, c’est le plus âgé des deux »?

Ensuite, avant de partir, Brian s’assura que j’avais bien compris que, si jamais je croyais partager la moindre communauté de langage avec un quelconque interlocuteur, je me trompais. Brian dit (sur un ton que je crus admiratif) :

« Tu as vraiment écrit cette histoire? » Comme je voulais répondre, il poursuivit : « Ou alors tu l’as tapée à la machine? »
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Annie Dillard
Selon mon expérience, la société ne déteste ni ne craint l'écrivain, et elle ne l'adule pas davantage. Mon expérience, absolument banale, m'apprend que la société place l'écrivain si loin hors de son giron qu'elle ne le considère tout bonnement pas.
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Une vie consacrée aux sensations est une vie de gourmandise; elle exige toujours plus.
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Les gens qui collectionnaient les pierres se donnaient le nom de "fanas de rocs". Dans le pire des cas, ils appelaient leurs enfants "graines de galets". Les fanas de rocs m'avaient l'air obsessionnels et délirants (mon type de personnes), ils tournaient le dos au remue-ménage du monde pour se consacrer à leur folie.
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Avant de vouloir lire, je voulais marcher. Le texte que je lisais, c'était la ville ; le livre que j'imaginais c'était une carte. D'abord, j'avais traversé notre jardin pour aller jusqu'au chemin noir où était enterrée la pièce. A présent, j'allais à pied à ma leçon de piano, quatre longs pâtés de maisons au nord de l'école, et trois pâtés en zigzag à l'intérieur du quartier irlandais près de Thomas Boulevard.
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Une petite fille regarde ses mains et les sent bouger. Petit à petit, elle comprend que ses limites sont celles, complexes, courbes, de l'enveloppe de sa peau. Plus tard, elle pose ses paumes l'une contre l'autre et tente par jeu de distinguer dans chaque main la différence de sensation entre toucher et être touché. Qu'est-ce qu'une maison sinon une peau plus grande, et la carte du quartier sinon la peau du monde qui s'étend vers l'infini ?
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Nuages. Nous autres humains possédons des traces semblables à des stèles de nuages précis avec la date à laquelle ils sont apparus.
En 1824, John Constable emmena à Brighton, au bord de la mer, son épouse bien-aimée, Maria, qui était atteinte de tuberculose. Ils espéraient que l'air marin la soignerait. Le 12 juin, il brossa à l'huile une esquisse de nuages de pluie au-dessus de la plage de Brighton. Les nuages gris descendaient sur l'eau dans le jour qui déclinait. Ils tournoyaient autour d'une vrille noire.
En 1828, alors que Maria agonisait à Putney, John Constable alla à Brighton chercher certains de leurs enfants. Le 22 mai, il consigna un nuage oblique bleuté qui s'effilochait haut dans le ciel devant un soleil blême. Plus bas, l'horizon était barré de deux fines traînes de nuages rouges. Sous les nuages, il peignit une vaste côté dénudée constellée de gens isolés éparpillés ça et là.
Maria Constable mourut en ce mois de novembre. Nous possédons encore ces nuages datés.
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Après son arrestation, le tueur en série Ted Bundy ne comprenait pas qu'on en fasse tout un plat. Pourquoi tant d'histoires ? Dans Among the Lowest of the Dead, David von Drehle cite un Bundy exaspéré : "Franchement, il y a tellement de monde."
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Le Mahâbhârata dit : "De toutes les merveilles du monde, quelle est la plus merveilleuse ?
"Qu'aucun homme, bien qu'il voie les autres mourir tout autour de lui, ne croit qu'il va mourir lui-même".
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Qui qualifierait de bonne une journée passée à lire ? Mais une vie passée à lire. Voilà une bonne vie (p47)
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Les bonnes journées ne manquent pas. Ce sont les bonnes vies qui sont rares (p46)
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Le début de la sagesse consiste à se trouver un toit (p39) 
Proverbe africain
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Annie Dillard
On remplit ses journées comme on remplit sa vie.
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Un emploi du temps protège du chaos et du caprice. C'est un filet pour attraper les jours. (...) Un emploi du temps est un simulacre d'ordre et de raison – une imposture réfléchie puis concrétisée; c'est un hâvre de paix dans le naufrage du temps; c'est un bateau de sauvetage à bord duquel tu te retrouves, des dizaines d'années plus tard, toujours en vie. Chaque journée est identique à la précédente, si bien que tu te rappelles ensuite leur succession comme une forme floue et puissante.
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