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Citations de Annie Dillard (94)


Tous les vivants marchaient de front dans la crête du présent. Tous les hommes et les femmes et les enfants formaient une longue ligne et brandissaient un ruban ou une bannière, ils couraient dans un champ aussi vaste que la terre, frayant le temps comme un chemin herbeux, et il était emporté avec eux.
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Maintenant, sur cette plage, ses traces se dévidaient derrière lui telle une épluchure : le temps était un couteau qui l'épluchait comme une pomme et il allait continuer de l’entailler Jusqu'à la fin . Ses traces, les traces de sa vie se termineraient abruptement elles aussi, mais à ce moment-là, il ne s’envolerait pas comme un oiseau dans le ciel, il descendrait sous terre. P.403
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Moi, j'ai lu quelque part que tout ce qui vit le doit à une force généreuse, et danse au rythme d'une impérieuse mélodie ; j'ai lu ailleurs que tout est semé au hasard, et précipité dans le vide, que chaque arabesque suivie d'un grand jeté que chacun de nous exécute n'est que folle variation sur une commune chute libre.
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Je vis près d'une rivière qui s'appelle Tinker Creek, dans une vallée des Montagnes Bleues, en Virginie. On nomme parfois l'ermitage d'un anachorète un ancrage ; certains de ces ancrages étaient de simples abris amarré au flanc d'une église comme une balance à son rocher. Cette maison, ma maison, cramponnée sur la rive de Tinker Creek, me fait penser à l'un de ces ancrages. Oui, c'est bien ancrée au fond rocheux de la rivière qu'elle me retient, c'est ainsi qu'elle me tient, stable dans le courant, à l'ancre pour ainsi dire, face au torrent de lumière qui se déverse. Il fait bon vivre, sans cette maison ; on y pense à des tas de choses. Les rivières - la Tinker et la Carvin - c'est un mystère actif, à chaque instant renouvelé. C'est le mystère de la création permanente, et de tout ce que providence implique : incertitude de toute vision, horreur du définitif, dissolution du présent, ce caractère complexe de la beauté, la force irrépressible de la fécondité, cette présence insaisissable de tout ce qui est libre, et le défaut, enfin, de toute perfection. Du côté des montagnes, le Mont Tinker et le Mont Brushy, la Butte de Mc Afee et la Montagne de l'Homme Mort, c'est le mystère passif, le plus ancien de tous. Il s'agit là du seul et unique mystère, du simple mystère de la création à partir de rien, mystère de la matière proprement dite, mystère de toute chose, mystère de l'évidence. Les montagnes sont gigantesques, paisibles, elles vous absorbent. Il arrive que l'esprit s'exalte et s'installe au coeur d'une montagne, et la montagne le retient lové dans ses plis, sans le rejeter comme le font certaines rivières. Les rivières, voilà le monde dans ce qu'il a d'excitant, le monde dans toute sa beauté ; moi, c'est là que je vis. Mais les montagnes c'est là que j'habite.
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Il n'y a pas d'anciens temps héroïques, il n'y a pas d'anciennes générations pures. Il n'y a que nous autres ici, pauvres poltrons, et il en a toujours été ainsi: un peuple affairé et puissant, bien informé, ambivalent, important, effrayant et conscient de lui-même; un peuple qui manoeuvre, influence, trompe, conquiert; qui prie pour ceux qui lui sont chers et rêve de fuir le malheur et d'échapper à la mort. C'est une vision édulcorée et démoralisante que d'imaginer un peuple rustique qui aurait eu jadis la chance de connaître Dieu personnellement - ou ne serait-ce que l'altruisme, le courage ou encore la littérature - alors que pour nous, il serait trop tard. En réalité, l'absolu est à la portée de tous et en tout temps. Jamais époque ne fut plus bénite que la nôtre, et jamais époque ne le fut moins.
La sainteté n'est pas moins répandue aujourd'hui - à l'heure où vous lisez ces lignes - qu'elle ne l'était au temps où les eaux de la mer Rouge se divisèrent, ou encore en ce jour de la trentième année, du quatrième mois, du cinquième jour du mois, où Ezéchiel qui se trouvait alors retenu en captivité sur les rives du fleuve Kebar vit les cieux s'ouvrir et contempla des visions divines. L'arbre de votre rue est tout aussi propice à l'éveil spirituel que le figuier pippal de Bouddha. Les forces du ciel et de la terre tout aussi puissantes que le jour où Jésus dit " Fille, lève-toi" à la fille du centurion, le jour où Pierre marcha sur les eaux, ou encore cette nuit où Mahomet s'enfuit à cheval au paradis. A tout instant, le sacré peut vous effleurer du doigt. A tout instant, le buisson peut s'enflammer, vos pieds se soulever, vos yeux découvrir une colonie d'âmes dans un arbre. A tout instant, vous pouvez user du pouvoir d'aimer vos ennemis, d'accepter l'échec, la calomnie ou la douleur de la perte, ou encore d'endurer la torture.
La pureté appartient toujours au présent.
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Le temps est pourtant bien la seule chose qui nous ait été donnée, ce temps auquel, de surcroît, nous avons nous-mêmes été livrés. Il nous embarque pour un tour de manège, le temps. Nous n'arrêtons pas de nous réveiller d'un rêve dont nous ne parvenons pas à nous souvenir ; tout surpris, nous jetons un regard circulaire, et nous voilà replongés dans le sommeil, et cela pendant des années de suite. Tout ce que je veux, c'est rester éveillée, garder la tête bien droite, maintenir mes yeux bien ouverts avec des allumettes, avec des cure-dents, avec des arbres.
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A eux deux, ils lisaient trois cents livres par an. Lui, lisait pour apprendre des choses ; elle, pour éprouver des émotions.
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Chaque année le photographe en herbe soumettait une pile de ses meilleurs tirages à un vieux photographe célèbre dont il attendait ensuite le verdict. Chaque année le vieillard examinait ces tirages, puis les classait conscienceusement en deux piles, les bons et les mauvais. Chaque année le vieillard classait certaines photos de paysage dans la pile des mauvais tirages. Il finit par se retourner vers le jeune-homme pour lui dire:

- Vous me soumettez ce paysage chaque année, et chaque année je le pose sur la pile des mauvaises photos. Pourquoi l'aimez-vous tant ?

Le jeune photographe répondit:

- Parce que, pour prendre cette photo, il m'a fallu gravir une montagne.

(....)

Combine de livres lisons-nous, dont l'auteur n'a pas eu le courage de couper le cordon ombilical ? Combien de cadeaux ouvrons-nous où l'écrivain a négligé de retirer l'étiquette du prix ? Est-il nécessaire, est-il courtois que nous apprenions ce que cela a coûté personnellement à l'auteur ?
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Dieu est l'esprit, l'esprit tel qu'il s'exprime infiniment dans l'univers et, ne donne pas comme le monde donne. Sa demeure est l'absence et c'est là qu'il nous trouve. Dans les replis de l'absence nous le rencontrons en nous mettant en quête de lui. Dieu élève nos âmes jusqu'à leur racine dans son silence. Les matières naturelles entrent en collision et se répliquent, façonnant nos destins. Nous perdons ceux que nous aimons, nous perdons notre vigueur, et nous perdons notre vie. Peut-être, et au mieux, Dieu ne sait-il rien de ces accidents temporels et ne connaît-il que les âmes. Ce Dieu-là ne dirige pas l'univers, il le sous-tend. Ou il s'y "prolonge", selon la formule de Teilhard. Ou encore, selon ce cher doux-dingue de Joël Goldsmith, Dieu est la conscience de l'univers. La conscience de la divinité est la divinité elle-même. Plus nous nous éveillons à la sainteté, plus nous lui donnons naissance, plus nous l'introduisons, plus nous la répandons, plus nous la multiplions sur terre, plus Dieu est "sur le terrain".
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Une autre fois, j'ai vu la mer phosphorescente pendant une tempête d'hiver devant la cabane; dans la nuit noire, les vagues noires déferlaient en lignes sauvages jusqu'à l'horizon et vomissaient une écume verte qui luisait à chaque bourrasque et, debout sur le rivage, je pleurais de peur.
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Où que nous allions, il n'y a apparemment qu'une chose à faire, trouver un compromis viable entre la sublimité de nos idées et l'absurdité que représente le fait même de nos existences.
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D'une manière ou d'une autre, il est difficile d'apercevoir les poissons. J'ai beau passer le plus clair de l'été à traquer les rats musqués, je crois que ce sont surtout les poissons qui cristallisent la qualité de ma vie près de la rivière, et cela à cause de leur mystère même, cette facilité avec laquelle ils se dissimulent. Des poissons qui fraient en troupes serrées, un banc de poissons, cela fait trop, c'est horrible ; en revanche, je me détournerai de mon trajet si j'espère apercevoir trois ouïes-bleues immobiles, ensorcelées au fond d'un trou, ou montant vers des bulles ou des pétales flottés.
Il suffit de décider qu'on va essayer de voir des poissons pour que cela devienne quasiment impossible.
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Cette créature, disais-je donc, je l'ai payée vingt-cinq cents. Je n'avais jamais acheté d'animal auparavant. Ca s'est passé très simplement ; je suis allée dans une boutique de Ronaoke qui s'appelle "Au Chouchou Aqueux" ; j'ai tendu ma pièce au monsieur, et lui, m'a tendu un sac en plastique fermé par un noeud, tout gonflé d'eau, dans lequel flottait une plante verte, et nageait le poisson rouge. Ce poisson, qui ne vaut pas quatre sous, possède un intestin avec ses anses, une épine dorsale d'où rayonnent de fines arêtes, et un cerveau. Juste avant de saupoudrer ses flocons dans son bocal, je donne trois petits coups secs sur le rebord du col; maintenant, il s'est conditionné, et il monte à la surface quand il m'entend frapper. Il est de plus nanti d'un coeur.
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Un jour, Jane Cairo découvrit que Lou Maytree n'était plus vivante du tout, mais prostrée sur son lit, le bas du corps bleui sur la partie ventrale, comme un bateau dont on vient de repeindre la coque. Au-dessus de la ligne de flottaison, elle était blanche. A part ça, elle ressemblait tout à fait à Ingrid Bergman, comme disaient les gens, du temps de leur jeunesse, à Ingrid Bergman et à elle.
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Certes, il avait pensé qu’il aimerait Lou et resterait avec elle pour toujours. Une vie entière, s’était-il imaginé, ne serait pas assez longue. (Pourquoi se donnait-il tant de mal et pour entraîner sa mémoire si elle ne devait que le tarabuster?) Mais, bien sûr, durant presque toute l’histoire de l’espère humaine, l’espérance de vie avait tourné autour de dix-huit ans. Les quatorze années où il avait honoré son mariage avec Lou auraient naguère probablement constitué un record du monde d’endurance. Il avait déjà passé avec une seule et unique personne l’équivalent de plusieurs vies monogames d’autrefois. Il avait quarante-quatre ans. Il n’avait jamais vraiment aimé Lou, il s’en apercevait maintenant. Il s’était seulement aimé lui-même à travers ses yeux. Son silence était du papier blanc sur lequel il écrivait. Elle aimait plus que tout le rendre heureux. Dans ces conditions, s’appartenait-il lui-même, ou non?
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Aujourd'hui encore, certains scientifiques réputés ne sont pas parfaitement convaincus que le chant des oiseaux correspond strictement à une revendication territoriale et rien d'autre. La question est d'importance. Nous sommes sur terre depuis tant d'années, et nous ne savons toujours pas au juste pourquoi les oiseaux chantent.
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C'est aujourd'hui le 1er février, et tout le monde parle des étourneaux. Les étourneaux sont arrivés dans ce pays à bord d'un paquebot en provenance de l'Europe. Une centaine de ces oiseaux furent volontairement lâchés dans Central Park, et de cette centaine-là proviennent les innombrables millions d'étourneaux que compte à ce jour notre pays. S'il faut encore croire Edwin Way Teale, "leur arrivée fut le résultat de la fantaisie d'un seul homme. Cet homme s'appelait Eugene Schieffelin, un prospère fabricant de produits pharmaceutiques de New York. Son curieux violon d'Ingres consistait à introduire en Amérique tous les oiseaux mentionnés dans l'oeuvre de William Shakespeare. Les oiseaux se sont magnifiquement adaptés à leur nouveau pays."
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La vie des Maytree, tout comme celle des Indiens Nausets d'antant, se déroulait sur fond d'étoiles fixes. La manière dont tournait le monde pouvait faire mal, parfois - mais, sans jamais de perversité, du moins entre les gens. Les ciels, dans leur lenteur, marquaient les heures. Les Maytree vivaient souvent dehors. Chacune de leurs respirations venait d'une bouffée d'air marin en train de faire, à cet instant, la traversée d'un bras de mer à l'autre. Leur langue de sable n'était qu'une grève dénudée entre deux immensités, l'une comme l'autre adonnées aux effets spéciaux.
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Aucun enfant n'est jamais voué à une vie ordinaire, on le voit bien en eux et d'ailleurs ils le savent, mais l'époque se met alors à les travailler, ils perdent leur intelligence à force d'apprendre ce que les gens attendent d'eux, ils dépensent toute leur énergie à essayer de s'élever au-dessus de leurs semblables.
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Les brèches, voilà l'important. Oui, ces brèches sont bien les seules demeures de l'esprit (...) Ces brèches sont sont les fentes des rochers où l'on s'accroupit pour voir le dos de Dieu (...) Hisse-toi jusqu'à ces brèches et glisse-toi dedans. Si tu arrives à les trouver, car elles aussi sont mouvantes et fugaces. Traque-les ces brèches. Rentre ta clé grinçante dans une fissure du sol, tourne-la, et tu découvriras - plus encore qu'un érable - un univers tout entier.
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