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Critiques de Arthur Schnitzler (200)
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Gloire tardive

J'ai beaucoup aimé ce court roman (ou cette longue nouvelle comme on préfèrera) qui nous fait réfléchir sur la célébrité et les raisons de la célébrité. Un vieil homme se retrouve au centre d'un club littéraire, encensé pour un livre de poésies publié il y a longtemps. Il mène une vie bien terne et cela va ensoleiller son existence. Il connait une gloire tardive, mais parviendra-t-il si longtemps après à trouver de nouveau de l'inspiration ? Et sur quoi repose véritablement cette admiration ?

Le livre interroge les ressorts de la notoriété selon les codes en vigueur dans le Vienne de la Belle époque. Point d'influenceurs ici mais de la littérature comme vecteur et point de réseaux sociaux, mais bien au contraire les cafés, célèbres de Vienne.

On retrouve ici la cruauté de Schnitzler sans vouloir trop en dire et cette ambiance unique d'une ville si fascinante dans une traduction qui m'a semblé un peu désuète mais charmante et dans une édition de poche très plaisante, avec une intéressante postface.

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Mademoiselle Else

Else, Else, vous avez dit Else ?

Je mets ma main à couper que l'auteur a dû prendre un grand plaisir à écrire cette nouvelle tourbillon dans la tête d'une jeune femme. Vacillant à chaque seconde, hésitant et tutoyant la folie, la jeune Else nous donne en pâture ses doutes, sa fragilité, sa vulnérabilité, ses peurs les plus profondes.

Schnitzler réalise un tour de force avec sa nouvelle percutante, abordant un tas de sujets sensibles en quelques évocations subtiles : le regard des autres, la posture proie/chasseur entre la jeune F et l'homme qui détient l'argent, le viol potentiel...

Cette incursion dans la tête de la jeune Else, m'a rappelé l'excellent livre d'Adam Levin (Les Instructions : beaucoup plus long et développé, mais un procédé somme toute similaire).
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La Nouvelle rêvée

Il sait écrire, le bougre :) Je croyais avoir tout lu de cet auteur et cette nouvelle m'avait échappé, et quelle nouvelle, sa plus érotique et fantastique, d'une belle écriture précise, qui part dans une dérive peu croyable, surtout pour l'époque, sans jamais savoir si on est dans le rêve ou dans une réalité un peu folle. Un petit bonbon viennois.
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Mademoiselle Else (BD)

Club N°51 : BD non sélectionnée mais achetée sur le budget classique

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Magnifique adaptation de la nouvelle de Schnitzler.



Le lettrage et les dessins évoquent l'art de cette époque : la Sécession viennoise.



Wild57

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J'ai bien aimé le dessin à l'ambiance des tableaux de Klint.



L'histoire ne m'a pas laissée indifférente mais l'ensemble ne m'a pas séduite.



Morgane N.

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La forme est réussie mais l'histoire ne m'a pas touchée.



Gwen

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Gloire tardive

Comme le titre l'indique, c'est assez tardif comme gloire. C'était sûrement plus drôle à l'époque où ce livre a été écrit, car on pressent que les portraits des différents protagonistes sont calqués sur des personnalités bien réelles. Mais le texte est trop daté pour avoir bien vieilli.
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La Nouvelle rêvée

À Vienne (Autriche), le docteur Fridolin vit une vie paisible en compagnie de sa femme Albertine et de leur fille.

Au retour d’un bal, Albertine confesse à son mari avoir fantasmé une relation avec un officier danois. Fridolin, de son côté, avoue avoir eu un fantasme similaire avec une jeune femme.

Plus tard dans la nuit, le docteur est confronté à de nombreuses situations qui vont mettre sa fidélité à rude épreuve. La déclaration d’amour de Marianne : fille d’un patient décédé, les avances d’une prostituée… et le point culminant de cette troublante soirée étant la participation de Fridolin à une soirée costumée. Rendez-vous d’une société secrète qui s’adonne à des plaisirs orgiaques. Simultanément, Albertine, succombe en rêve à ses pulsions en se donnant à l’officier danois, sous le regard impuissant de son époux…



Beaucoup auront reconnu la trame du film « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick. L’ultime film du réalisateur étant une adaptation, plutôt fidèle de « La nouvelle rêvée » de l’écrivain et médecin, juif autrichien, Arthur Schnitzler. Évidemment comme toutes les adaptations de Kubrick, il ne faut jamais faire de lecture littérale, les niveaux de lecture étant nombreux, les œuvres qu’il adapte servant davantage de base pour délivrer ses propres fantasmes et interprétations. Aussi, le lieu, l’époque diffèrent sensiblement par rapport à la nouvelle.



La présente édition expose en introduction le contexte d’élaboration de la nouvelle. J’avoue l’avoir plutôt survolé. Mais elle explique l’opposition de Schnitzler par rapport à Freud, au sujet de l’interprétation des rêves. Ce dernier, semble-t-il, considérait les rêves comme la somme de nos pulsions réprimées par notre inconscient. Là où Schnitzler y voit davantage une forme latente d’événements susceptibles de se produire. Le rêve ayant par conséquent une valeur quasi-prophétique. Ce qu’illustre parfaitement une des dernières phrases prononcées par Albertine : « Il n’y a pas de rêve qui soit totalement un rêve »
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Le Sous-Lieutenant Gustel

"tout n'est pas si facile, tout ne tient qu'à un fil..."

................... Suprême NTM...



Datant de 1900, "le sous-lieutenant Gestel" est considéré comme le premier monologue intérieur en langue Allemande.

Cette nouvelle, est une errance nocturne et malsaine dans le Vienne de la belle époque. Une visite guidée orchestrée par Arthur Schnitzler (écrivain/médecin) et son guide désespéré "Herr Gustel". Une balade du théâtre au bistrot ; de places en ponts, en passant par l'opéra et au Prater.

Tout le monde à son billet ?...

Que le Vienne-tour commence !...



Le sous-lieutenant, à qui l'on a fourgué une place pour assister à un Oratorio à l'opéra, s'y ennuie péniblement. Il passera d'ailleurs plus de temps à reluquer les filles dans la salle, que le spectacle sur scène.

Puis à la sortie du concert....le drame. Altercation avec le boulanger du coin...Oh malheur !

Resté sur le coup, sans réaction suite à une insulte, notre militaire, un homme bouffi d'orgueil, ne peut s'empêcher d'imaginer la nouvelle se répandre comme une traînée de poudre. Il en sera fini de sa réputation "d'homme de son grade"...



"Un homme comme moi, qui se fait traiter de crétin.....sans bouger..... demain, tout le monde va le savoir !...

Un homme de son espèce...il va le raconter partout...

A l'heure qu'il est, sa femme le sait déjà !..."



Pris au piège de sa lâcheté débilisante, il va toute la nuit durant, ressasser l'incident et les répercussions qui vont suivre, ainsi que des épisodes de sa vie passée.

Il lui faut trouver un moyen de sauver l'honneur.....



Avec cette petite nouvelle, on ressentira l'antisémitisme notoire qui flottait dans l'air Autrichien à cette époque ; on s'amusera de la petite gloriole militariste ; on mesurera l'importance de l'échelle sociale ; on se désolera de la gougeaterie de notre héro à deux balles envers la gent féminine.



J'adore la lecture de monologue.

Celui-ci n'a pas échappé à la règle.

Rythmé et marqué du sceau de la folie absurde, ce fut un réel plaisir que de le lire à voix haute.

Rajoutons à celà, un looser mysogine et jusqu'au boutiste ; le talent de l'auteur ; autant d'ingrédients pour faire cligner mes étoiles.



Au fait... ça porte combien d'étoiles un sous-lieutenant ?

ZÉRO ???

ah d'accord....



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Mademoiselle Else (BD)

Je suis née pour être insouciante.

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une adaptation d’une nouvelle parue en 1924, du romancier Arthur Schnitzler (1862-1931). Sa première publication date de 2009, et il a bénéficié d’une réédition en 2023. Cette adaptation a été réalisée par Manuele Fiore pour le texte, les dessins et les couleurs. Elle comprend quatre-vingt-trois pages de bande dessinée. L’édition de 2023 se termine avec un texte d’une page de Fiore intitulé Sfumato schnitzlerien, et sept pages d’études graphiques.



Dans la station thermale italienne de San Martino, en vacances, Else, une jeune femme de bonne famille, est en train de jouer au tennis avec son cousin Paul, sous les yeux de Cissy Mohr, une autre jeune femme courtisée par son cousin. Ce dernier court pour ramasser la balle, tout en regrettant que sa cousine ne veuille plus jouer. Elle confirme qu’elle n’en peut plus et lui indique qu’elle le retrouvera tout à l’heure. Puis elle salue Cissy d’un très formel Au revoir chère madame. Celle-ci lui répond gentiment de ne pas toujours l’appeler Madame, mais Cissy tout simplement, alors que Paul se tient contre elle. Taquine, Else reformule sa phrase : au revoir, madame Cissy. Cette dernière continue, lui demandant pourquoi elle part déjà, alors qu’il reste deux bonnes heures avant le dîner. Paul tempère et fait remarquer que Else fait du genre, c’est son jour. À l’attention de sa cousine, il ajoute : un genre d’ailleurs qui lui va à ravir, et son pull rouge encore mieux. Taquine, elle rétorque qu’elle espère qu’il aura plus de succès avec le bleu, couleur du pull de Cissy, et elle s’éloigne, sous le regard agacé de ses deux interlocuteurs.



Dans son for intérieur, Else jurerait qu’ils ont une liaison, cousin Paul et Cissy Mohr. Elle espère seulement qu’ils ne la croient pas jalouse, rien au monde ne lui indiffère davantage. Puis elle joue beaucoup mieux que Cissy, et Paul non plus n’est pas vraiment un matador. Il a une si belle allure pourtant. Si seulement il était moins affecté. Tante Emma n’a rien à craindre. Elle ne pense pas à Paul, pas même en rêve. Elle ne pense à personne. Elle n’est amoureuse de personne. Dommage quand même que le beau brun à la tête de Romain soit déjà reparti. Il a l’air filou, disait Paul. Dieu, elle n’a rien contre les filous au contraire. Elle aimerait assez se marier en Italie, mais pas avec un Italien. Villa sur la Riviera, escalier de marbre plongeant dans la mer. Elle, étendue nue sur le marbre. Elle est née pour une vie insouciante. Ah, pourquoi faut-il retourner à la ville ? Else est arrivée au pied de l’escalier menant à la terrasse de l’hôtel : elle croise monsieur Dorsday, vicomte von Eperies, et son épouse. Ils échangent quelques paroles. Il se montre galant ; elle lui fait une remarque insidieuse et piquante sur son âge. Elle pénètre dans les immenses salons de l’hôtel et son flux de pensées reprend. A-t-elle fait la fière ? Non, elle ne l’est pas. Paul l’appelle Altière. Altière et du genre distant, surtout aujourd’hui. À cause de ses règles évidemment ; ça l’élance dans les reins. Cette nuit, elle reprendra du Véronal. Un groom s’approche d’elle, il a un courrier à son attention. Tout en prenant la lettre, elle remarque que son filou est revenu. Elle regagne sa chambre, dénoue ses cheveux et prend connaissance du courrier de sa mère. Il s’agit de son père, et d’une dette pressante.



L’adaptation d’une œuvre littéraire en bande dessinée constitue un genre en soi, avec le risque du mauvais dosage oscillant entre l’intégration de trop de textes du roman, soit une interprétation trop éloignée qui fait perdre le goût de l’original, voire le trahit. Le lecteur entame ce tome et découvre deux dessins en pleine page avec uniquement un personnage en train de courir pour aller ramasser la balle, de gauche à droite dans la page de gauche sur fond blanc, et inversement au retour dans la page de gauche toujours sur fond blanc. L’artiste indique qu’il va proposer une adaptation aérée, ou au minimum sans gros pavés de texte. De même dans les deux planches suivantes, seuls sont représentés les trois personnages. Puis un dessin en double page les montrent discutant avec l’immense complexe hôtelier à quelque distance, et les montagnes en arrière-plan. Au cours du récit, l’auteur réalise cinq pages dépourvues de texte, laissant les dessins parler d’eux-mêmes, porter toute la narration. Le texte se présente soit sous la forme de dialogues, soit sous la forme du monologue intérieur d’Else, des phrases courtes, assez naturelles, bien éloignées de la simple recopie d’un texte littéraire. Fiore ne fait qu’une seule exception : le texte de la lettre initiale de la mère d’Else qui court sur trois pages, avec des illustrations de la largeur de la page venant s’insérer entre deux paragraphes.



Dans le texte en fin d’ouvrage, l‘auteur indique qu’il a choisi cette œuvre pour répondre à une commande d’adaptation d’un éditeur. Après avoir écarté plusieurs œuvres soit trop difficiles soit déjà mainte fois adaptées, il retient cette nouvelle. Il ajoute : après s’être lancé près de quatre fois, il a compris que l’œuvre graphique de Gustav Klimt (1862-1918) allait être son nord, cette ligne en fil de fer qui est la sienne, qui suit les cuisses des femmes, leur découpe des nez pointus et se courbe selon les formes amples de ses modèles. Il ne réalise pas des tableaux de Klimt, mais il s’inspire de sa façon de représenter les êtres humains. Il utilise des traits de contours très fins, parfois comme tremblés ou mal assurés, ou tracés sous l’inspiration du moment sans avoir été repris pour être consolidés. Cela donne parfois des représentations un peu naïves, un point pour figurer un œil dans un visage ou des yeux écarquillés trop ronds et trop grands, quelques vagues traits pour la barbiche clairsemée de Dorsday, ou au contraire la sensation de percevoir l’état d’esprit du personnage. Le lecteur se dit que cette façon de représenter les individus correspond à la perception subjective qu’en a Else elle-même. Sa propre délicatesse avec son visage épurée et doux, l’âge de monsieur Dorsday avec son visage asymétrique et marqué, ses trois cheveux sur le dessus du crâne, son corps lesté par un gros ventre, la tante avec son air revêche et repoussant comme si elle était incapable de ressentir la détresse qui émane de sa nièce, etc.



Ces traits de contour fins et fragiles sont habillés par des aquarelles qui leur apportent de la consistance, des nuances changeantes, des couleurs naturelles ou bien des impressions de lumière. En fonction de la séquence, du moment de la journée, de l’état d’esprit d’Else, un visage peut aussi bien être de couleur chair, que jaune, ou taupe, ou encore gris. De la même manière, l’aquarelle pare les décors de consistance, soit en venant occuper l’espace délimité par les traits de contour, soit en couleur directe. Passés les quatre dessins en pleine page sur fond blanc, le lecteur découvre le paysage de l’hôtel se détachant sur la ligne de montagne, un trait délimitant le contour du bâtiment, des portes fenêtres et des fenêtres, le pinceau donnant corps aux poutres apparentes, à la rangée d’arbres devant le bâtiment, à celle derrière de couleur plus sombre, ainsi qu’aux pentes de la montagne. Les images emmènent le lecteur sur le court de tennis avec son filet comme quadrillé au crayon, sur les marches menant à la très longue terrasse de l’hôtel, sous les lustres des salons très hauts de plafond, dans la chambre juste esquissée d’Else, de retour dans les salons maintenant teintés d’une nuance verte alors que la soirée commence, puis à l’extérieur dans des teintes bleutées et grises alors que la nuit commence à tomber, sur les rives rougies d’un lac avec de nombreux voiliers, etc.



L’intrigue s’avère fort simple : Else est mandatée par ses parents restés aux Pays-Bas pour demander un prêt urgent de trente mille guldens à monsieur Dorsday, vicomte von Eperies, pour rembourser une dette dans les deux jours. Celui-ci accepte à une condition : pouvoir la contempler nue un quart d’heure. Acceptera-t-elle de se soumettre à cette exigence infâmante et ainsi sauver son père ? Ou refusera-t-elle pour conserver sa dignité au risque de condamner son père ? Un suspense binaire. Les auteurs, le romancier et le bédéiste, mettent admirablement en scène à la fois l’entrée dans l’âge adulte avec ses compromis, à la fois le tourment psychologique de la toute jeune femme. La lettre de la mère, reproduite dans son intégralité, constitue un exercice exemplaire de manipulation coercitive sous les dehors d’une demande gentille d’un menu service aussi banal que dérisoire, sur les plans affectif, émotionnel et psychologique. Voilà que la fille a le pouvoir de vie et de mort sur son père, ou plutôt la responsabilité afférente, ce qui constitue une inversion de la responsabilité des parents envers les enfants. Aussi bien les parents que monsieur Dorsday illustrent la maxime que l’âge et la traîtrise auront toujours raison de la jeunesse et du courage.



Dès la première séquence, le lecteur a conscience que la jeune demoiselle est ballotée par les injonctions sociales à trouver un mari et par ses hormones. D’un côté, elle ressent le fait de devoir bientôt se trouver un mari, devoir accepter les avances d’un homme qu’elle ne pourra au mieux que choisir par défaut, au pire qui lui sera imposé, tout en défendant sa vertu contre toutes les tentations. Elle a déjà pu constater l’effet que la présence physique de son corps habillé a sur les hommes, le pouvoir de séduction que cela lui confère et les avantages qu’elle peut en retirer. Dans le même temps, elle a compris que se montrer nue à Dorsday équivaut à faire de son corps, d’elle-même, une simple marchandise vendue pour de l’argent, un produit ayant une valeur économique dans un système capitaliste. D’un autre côté, elle fait l’expérience qu’elle ne peut pas concilier toutes les injonctions sociales qui pèsent implicitement la femme qu’elle est. Pouvoir faire l’expérience d’être amoureuse, et faire un bon mariage ou un mariage de raison. Accepter son corps sexué et la sexualité qui va avec, et rester pure. Sauver son père au prix d’être souillée par le regard d’un quinquagénaire libidineux et riche, et préserver sa vertu, sa virginité comme les convenances l’exigent. Conserver son intégrité psychique et sauver son père. Personne ne peut ressortir indemne d’autant de doubles contraintes. Comment devenir adulte dans une telle situation ? Comment construire sa propre voie, sa manière personnelle de faire ?



Adapter Arthur Schnitzler en conservant toute sa finesse et ses subtilités : un beau défi, relevé avec élégance par Manuele Fiore. Une bande dessinée à la narration visuelle sophistiquée et élégante, exprimant en douceur feutrée toutes les dimensions du conflit psychique se déroulant dans l’esprit d’une jeune femme estimant qu’elle est née pour être insouciante.
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Mademoiselle Else



Voici une lecture très déroutante ! Je dois avouer qu'au début j'ai été déroutée voire agacée par la personnalité de Mademoiselle Else. En effet, l'œuvre est un monologue intérieur, celui d'une jeune fille dont le père a fait de mauvais placements. Nous plongeons donc dans les considérations de cette jeune fille qui passent du coq à l'âne, dont le caractère est prétentieux et hautain.

Le style se veut volontairement décousu : pas de paragraphe, les phrases s'enchaînent, les sujets fusent, révélant le caractère exalté d'Else.

Mais ce style décousu et ce flot de pensées mettent en relief le trouble de cette jeune femme, jetée en pâture par ses propres parents qui lui demandent de quémander de l'argent à un aristocrate plutôt libidineux. En échange, elle doit se montrer nue.

Le roman est lancé : la jeune femme est contrainte d'accepter mais le bouleversement est tel que la jeune fille panique, en veut à ses parents tout en souhaitant les aider.

Entre devoir et déshonneur il faut choisir....

J'ai aimé la critique sous-jacente de la place laissée aux filles dans la société : elles sont de vulgaires monnaies d'échange pour permettre de conserver la belle image parentale...et patriarcale surtout.

Le glissement vers la folie et le désespoir est rudement bien mené.

Une œuvre incontournable !
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La Nouvelle rêvée

Petit livre très rapide à lire, assez étrange quoique l’écriture soit tout-à-fait explicite. Le thème de l’œuvre tourne autour du désir et du sentiment de culpabilité qui l’accompagne, avec deux époux qui se renvoient l’aveu de leurs infidélités réelles ou fantasmées, mais pas du tout sur le mode de la compétition ou de la provocation ; simplement sur celui de la discussion à cœur ouvert avec l’autre. Le rêve côtoie intimement le récit factuel et tendrait à se confondre avec lui, s’il ne se démarquait par les potentialités paradoxales, absurdes, surnaturelles des caractères qui le composent et du rêveur lui-même.



La longue aventure nocturne de Fridolin, ponctuée de rencontres féminines plus ou moins séduisantes, constitue l’intrigue principale du récit. Parti pour une consultation nocturne alors que son épouse vient de lui révéler son attirance passée pour un parfait inconnu croisé quelque temps auparavant, anecdote à laquelle il a répondu par une histoire similaire, le docteur finit par « s’incruster » dans ce qu’il imagine être un bal masqué bien décadent mais inoffensif, et qui se révèle une sorte de bacchanale rituelle où il fait bien vite tâche et où il ne risque rien moins que sa vie. Rentré chez lui, il écoute le rêve érotique qu’Albertine a commis en son absence et se tient pour quitte de sa propre conduite. Encanaillement réel manqué pour encanaillement virtuel accompli, l’aventure de Fridolin et celle d’Albertine se renvoient dos à dos, dans une même espérance vaine de décrypter le mystère de leurs aventures respectives, Fridolin par l’enquête, Albertine par la réflexion. Les personnages réels investissent le rêve d’Albertine, quoiqu’ils interagissent et se comportent de façon invraisemblable ; tandis que l’escapade de Fridolin est remplie de détails aussi difficiles à concevoir que s’ils étaient rêvés : toutes les femmes ont l’air d’être aux pieds de ce pur beau gosse de Fridolin, qui fait LA rencontre fortuite avec un ami perdu de vue depuis des années, et change radicalement d’humeur d’une phrase à l’autre, au gré de sentiments spontanés et sans fondements que seul le rêve procure, sans compter les détails de l’histoire qui ne débouchent sur rien (un homme qui semble l’espionner au café et dont il n’est plus jamais question par la suite, par exemple : comme tout est censé être utile dans une nouvelle, on s’interroge assez longuement sur la fonction de ce personnage, et franchement, à part comme décalque du rêve où les rôles sans but existent, je n’en vois pas).



A part la collusion du rêve et de la réalité, et la mise en évidence d’obsessions peu avouables chez le plus uni des ménages, ce qui paraît un peu léger, le reste est assez mystérieux. Beaucoup moins lubrique et ésotérique que l’adaptation qui en a été faite au cinéma, on peut assez difficilement, malgré la permanence latente du désir amoureux ou sexuel, parler d’une œuvre érotique au sens propre. Les expressions sont soigneusement choisies pour « euphémiser » le sujet et l’on passe toujours très rapidement sur les évocations de la nudité. Ce ne serait pas irresponsable de laisser l’adolescent moyen, qui voit largement plus explicite à la télé chaque jour, se plonger dedans. C’était peut-être scandaleusement licencieux pour l’époque, mais aujourd’hui, ce serait presque la caution minimale de pornographie pour avoir une chance d’être édité. Un livre très abordable sur la forme, sans complexité apparente, mais dont la signification profonde est loin d’être évidente.
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Liebelei

Un texte très court, une pièce de théâtre, lue en version originale. Le vocabulaire n'étant pas complexe, la lecture en VO est aisée.



Une histoire qui démarre comme une comédie et qui se finit de façon inattendue. Cette fin est intéressante et l'aurait été encore plus si certains des personnages n'étaient pas caricaturaux.



Christine est trop jeune dinde pour être convaincante.

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La Nouvelle rêvée

Une nouvelle diaboliquement troublante, génialement complexe, qui nous entraîne à travers un récit linéaire et plutôt froidement relaté dans un labyrinthe d'interrogations, avec en toile de fond une réflexion très freudienne sur les pulsions qui nous habitent. Chaque événement apparaît déconnecté du reste de la nouvelle et recèle pourtant un sens caché qui sert le tableau principal. Le style d'Arthur Schnitzler est très adéquat au format du court roman : précis mais pas trop expansif.



Je suis bien sûr forcé de comparer « La Nouvelle rêvée » à son alter ego plus fameux, le très bon « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick. Si la nouvelle me paraît globalement plus réussie encore que le film, notamment grâce à son analyse psychologique très fine, je dois tout de même reconnaître que le film réussit à instaurer de la tension là où la nouvelle aboutit à un résultat un peu décevant (je pense notamment au moment où , ainsi qu'à la fin du récit).



Quoi qu'il en soit, cette version littéraire est tout de même un grand coup de coeur que je trouve très en phase avec les écrits des amis autrichiens de Schnitzler, notamment Zweig et bien sûr Freud.
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Double rêve

Un texte troublant, sur le désir, l'amour, la sensualité dans lequel l'auteur autrichien sonde les rêves et les fantasmes de la société viennoise du début du XIXè, et fait imploser l'union parfaite en apparence des deux personnages, Albertine et Fridolin. J'ai été subjuguée par la finesse psychologique de Schnitzler et par cette histoire superbement ambiguë, qui a inspiré à Kubrick, son fascinant "Eyes Wide Shut".
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Mademoiselle Else

Belle plongée dans la tête d'une jeune fille à laquelle un marché effroyable est proposé par sa mère pour sauver la réputation de son père... Par certains points, l'innocence flétrie par un vieux faune m'a fait penser aux Belles Endormies de Kawabata ... Notre esprit fait de drôles de liens. La pensée intérieure de la jeune fille est rendue avec beaucoup de sensibilité, on voit bien que Schnitzler est véritablement hanté par la question du suicide. Quelle ironie tragique que sa fille Lili ait succombé à une fin similaire ! Rapide à lire et très juste, l'écriture rend bien le dialogue intérieur qu'on peut avoir par moments dans notre esprit, j'aime le contraste entre la Mademoiselle Elsie du début qui tente de se faire croire qu'elle est une grande et qui montre qu'elle n'est qu'une toute petite fille dès que le réel, avec ses immondes compromissions, lui saute à la figure.

Seul petit bémol, l'ouvrage semble parfois, sur certain points, trop suivre un plan préétabli, être dans l'application d'une thèse psychologique, même si cela reste ténu, on sent parfois cette thèse qui, certes renforce la démonstration scientifique, mais affaiblit la portée artistique de l'oeuvre.
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Mademoiselle Else

Mademoiselle Else/Arthur Schnitzler

La belle Else, jeune bourgeoise de 19 ans, habitée par quelques scrupules, acceptera –t-elle de dévoiler ses charmes au vieux Von Dorsday pour les cinquante mille florins qui sauveraient l’honneur de son père, célèbre avocat viennois qui a perdu au jeu semble-t-il ?

Va-t elle longtemps hésiter à se vendre et s’interroger encore sur la conduite à tenir se sachant si belle et séduisante.

« Je ne me vends pas ; non, jamais je ne me vendrai. Je me donnerai. À l’homme de mon choix je me donnerai. Me vendre, ah non. Je veux bien être une dévergondée mais pas une putain. »

Son monologue intérieur un peu décousu allié à une imagination débordante et riche de fantasmes constitue la trame de cette nouvelle délicate et délicieuse. Se parlant à elle-même :

« Approchez, belle demoiselle ; je veux baiser vos lèvres rouges, presser vos seins contre mes seins. Quel dommage qu’il y ait cette vitre froide entre nous. »

Et puis une idée originale va germer dans son imagination …Une mise en scène ingénieuse mais…

Un récit vivant, au style alerte et soigné pour évoquer les déchirements de la morale viennoise à l’aube de l’ère de la modernité, valse hésitation entre désir et devoir.

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La Nouvelle rêvée

La nouvelle rêvée/Arthur Schnitzler/collection Poche

Onirisme et érotisme discret. / 3 étoiles sur 5

Cette nouvelle a inspiré le scénario du célèbre film de Stanley Kubrick « Eyes wide shut », avec Tom Cruise et Nicole Kidman. Les prénoms des personnages furent changés : Alice pour Albertine, et Bill pour Fridolin. Dès 1968, Kubrick fut passionné par ce texte et travailla au scénario. Mais ce n’est qu’en 1999 que sortit le film qui connut le grand succès que l’on sait. La préface du livre nous apprend beaucoup de chose sur ce sujet et notamment que dès 1930, Schnitzler songeait à un scénario pour porter sa nouvelle à l’écran, laquelle avait été publiée en 1925 après dix sept ans de travail sur le manuscrit. Au final, Kubrick n’a que peu respecté la trame de ce récit et en a seulement exacerbé l’érotisme pour le mettre plus au goût du jour.

Globalement, on peut dire que Schnitzler a été largement inspiré par les travaux de Freud dans le cadre de la psychanalyse, même s’il fut assez critique à son égard. Il reproche notamment à la psychanalyse de trop vite se précipiter vers l’inconscient et d’en faire une généralisation abusive. Il estime que l’inconscient n’est pas assignable. Il veut ouvrir la voie à une réflexion se rapprochant plutôt de la théorie lacanienne. Certains ont cependant dit que c’était une nouvelle freudienne.

Arthur Schnitzler est né à Vienne en 1862 et mort en 1931. Il fut médecin et écrivain de romans, nouvelles et pièces de théâtre. L’univers onirique et un certain érotisme dans lesquels baignent ses œuvres lui valut d’être taxé de pornographe. Mais c’était en d’autres temps…

« La nouvelle rêvée » est sans doute son œuvre la plus accomplie et allie la virtuosité d’écriture à la profondeur. L’art cohabite avec l’humanité. C’est un chef d’œuvre classique.

Il est à noter que l’auteur, très fin analyste, pour écrire ce récit, s’est appuyé sur de nombreux documents médicaux personnels : son journal intime (de 6 000 pages en dix volumes, publiés entre 1981 et 2000), recèle une mine inépuisable de récit de rêves.

Fridolin de retour nuitamment dans Vienne d’une visite à un malade rencontre son ami Nachtigall dans un café, lequel l’entraîne dans une soirée masquée où se déroule une orgie ritualisée. À son retour au domicile conjugal, Albertine lui raconte un rêve étrange dans lequel elle a vu son mari mis en croix. Peut-on considérer qu’elle sublime son mari au point d’en faire une figure christique ? Y a-t-il un rapport spéculaire entre la virée de Fridolin et le rêve d’Albertine ? On peut se poser les questions et bien d’autres encore.

Une nouvelle qui conduit indubitablement à la réflexion, écrite dans un style agréable, mais dont l’intensité dramatique reste modeste.

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Vienne au crépuscule

Premier livre lu de Arthur Schnitzler, et je ne regrette pas. J'ai eu un petit peu de mal à rentrer dedans au début, mais dès que l'intrigue a été lancée, c'était bon. J'ai trouvé la manière d'écrire très agréable et intelligente, nous mettant vraiment à la place de Georges, et personnellement même si je désapprouve certaines actions, je le comprends. Le côté Henri a été moins exploré je trouve, mais je pense qu'il servait plus de contraste au personnage de Georges, plutôt qu'un personnage à part entière.



L'ambiance antisémite et le climat pour les juifs et chez les juifs est aussi très bien dépeint, et j'ai apprécié cette plongée globale dans Vienne de cette époque.

Je trouve que j'ai apprécié de plus en plus ma lecture, ne pouvant plus l'arrêter une fois la première moitié du livre passée. C'est une lecture qui mérite qu'on s'y accroche un peu si nécessaire! Je recommande.
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Mademoiselle Else (BD)

Mademoiselle Else est au départ une nouvelle d'Arthur Schnitzler publiée en 1924 par l'écrivain et médecin autrichien. On ne compte plus ses nombreuses adaptations au cinéma et au théâtre. C'était un défi pour Manuele Fior de l'adapter en bd à la demande des éditions Delcourt. Futuropolis nous en propose pour notre plus grand bonheur une très belle réédition.



Mademoiselle Else est une jeune fille Viennoise en vacances avec sa tante et son cousin Paul dans les montagnes en Italie. Elle reçoit un télégramme de sa mère qui va changer le cours de ses vacances.

Son père couvert de dettes, a besoin de façon urgente de 30 000 Gulden pour satisfaire un créancier. Sa mère l'implore de demander cette somme à un ami de la famille, marchand d'art, Monsieur Dorsday qui acceptera avec la contrepartie de la voir nue.



Commence alors un monologue intérieur pour Else, son père fragile aux pensées suicidaires, son refus d'être considérée femme objet et en même temps le sentiment d'être dévergondée. Hésitation entre désir et devoir, fantasmes et bienséance.



Le dessin tout en douceur, tout en pudeur est magnifique. C'est de l'aquarelle ou de la peinture à eau. Il nous fait entrer à merveille dans l'esprit d'Else. On ressent bien ses doutes et malaises. Cet album est splendide empruntant le courant artistique sécession viennois, l'empreinte de Klimt et Schiele.



Un petit bijou.



Ma note : ♥♥♥♥♥






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Mademoiselle Else (BD)

Quelle belle manière de découvrir un classique de la littérature autrichienne que par cette adaptation aboutie du bédéiste Manuele Fior! Publié en 1924 par Arthur Schnitzler, «Mademoiselle Else» détonne par l’originalité de sa forme, sorte de long flux de conscience où tourbillonnent chantage émotif et désir de loyauté. Cette Else, issue de la haute société viennoise, doit sauver l’honneur de son père en quémandant de l’argent à un vieil ami de la famille. Évidemment, celle-ci se voit contrainte de s’exhiber en échange. La plume de Schnitzler chatouille la grossièreté courante et critique à merveille la salacité (aussi intemporelle soit-elle) de certains individus.
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Les Dernières Cartes

Cette nouvelle d'Arthur Schnitzler met en scène le code de l'honneur d'un lieutenant austro-hongrois, Kasda, en prise avec une dette d'argent. Schnitzler montre comment un moment d'égarement peut décider du sort de l'existence. Court, bien écrit et passionnant. Le style de l'auteur est percutant et ne s'attarde pas dans de longues descriptions. C'est un instantané de la société viennoise avant la première guerre mondiale, monde disparu dont Schnitzler reste certainement le meilleur chantre.
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