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Critiques de Auður Ava Ólafsdóttir (1782)
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Rosa Candida

Je m'apprête à écrire un avis de lecture sur "Rosa Candida" de l'islandaise Audur Ava Olafsdottir. Pour cela, je m'assois à mon bureau, je fais un peu de place pour pouvoir ouvrir mon ordinateur. Papa dirait que le bureau est très mal rangé ; Maman n'aurait sûrement fait aucune remarque à ce sujet. Je pose mon portable sur le bureau et je l'allume. Pendant le démarrage, mon regard se porte vers la fenêtre. Dehors, il fait gris, cependant on perçoit un peu de soleil derrière un gros nuage, pareil à un énorme mouton mérinos. Voilà, l'écran s'allume, l'anti-virus me supplie comme chaque jour de télécharger sa mise à jour ; comme chaque jour, je clique sur non. Je me connecte à internet et j'attends que Babelio s'affiche. En attendant, je reporte mon regard vers dehors. A travers la vitre - qu'il faudrait que je nettoie - je n'aperçois plus le gros mouton mérinos ; à la place, il y a un timide rayon de soleil. Papa dirait qu'il va pleuvoir ce soir ; Maman n'aurait sans doute rien dit mais aurait sûrement souri. Je reviens à mes moutons et je clique sur le bouton qui permet d'ajouter une critique. Comme à chaque fois que je veux écrire une critique, je pense à tous les nouveaux usagers du site qui peuvent se tromper et cliquer sur le bouton pour ajouter une citation. Je ne vois pas bien mon écran à cause du soleil qui puise des forces dans la douceur du printemps. Alors, je change de position, je recule ma chaise pour limiter les reflets sur l'écran. Papa dirait qu'il vaut mieux tirer le rideau ; Maman aurait sans doute tiré le rideau. Je pose mes mains sur le clavier, prête à saisir mon avis. Ce faisant, je m'aperçois que mes mains sont très sèches et je me fais la réflexion que l'hiver n'a pourtant pas été bien rude cette année. Peut-être que la peau qui s'assèche est un signe visible et incontestable de vieillissement ? Pourtant je n'ai pas encore trente-cinq ans. Etrange, vraiment, j'y penserai plus tard. Le chat bondit soudain sur mes genoux. Il a de grands yeux verts et il se frotte contre mon ventre. Je le chasse après lui avoir caressé le crâne une seconde. J'essaie de me concentrer sur la critique à rédiger mais cette histoire de mains sèches me perturbe, je ne parviens pas à me concentrer. Je me lève et quitte le bureau. Je marche jusqu'à la salle de bains, empruntant le grand escalier. J'entends le chat grimper derrière moi. J'ai dans l'idée de me passer de la crème hydratante sur les mains, peut-être que j'en mettrai aussi un peu sur les poignets. Papa dirait que ça ne sert à rien, mieux vaut utiliser de l'huile végétale ; Maman aurait fait remarquer que le tube de crème est ouvert depuis trop longtemps, que peut-être la crème n'est plus si efficace. Dans la salle de bains, il y a une très faible lumière, le soleil a dû à nouveau se cacher derrière un nuage. Je me demande quelle forme il a, celui-là. Je fouille dans les placards, à la recherche de la crème pour les mains. Je mets plusieurs minutes à la trouver. le chat me regarde depuis le pas de la porte. Je remets la main sur le coupe-ongles que je croyais perdu depuis des lustres. Maman aurait eu raison, le tube de crème semble vraiment vieux ; Papa dirait que c'est parce que jusqu'à présent on utilisait plutôt de l'huile végétale, bien plus efficace. J'emporte quand même le tube jusqu'au bureau. Je me rassois devant mon ordinateur, qui s'est mis en veille. Il faut que je m'y mette, à écrire cette critique, sinon le soleil sera couché avant que je me souvienne du sujet du livre. Vu le nombre d'avis déjà déposés, je ne pense pas que ma contribution révolutionnera la blogosphère mais bon, ça me permettra toujours de garder un souvenir de ma lecture. Papa dirait que c'est important de se souvenir ; Maman aurait dit que les souvenirs ne servent qu'à rassurer l'avenir.



Eh, vous êtes toujours là ? Vous ne vous êtes pas écroulés, endormis, devant votre ordi ? Non ? Bon, alors voilà, si vous avez survécu à la lecture de cette critique, vous survivrez à la lecture de ce roman.



Un rythme que je qualifierais de lent ; une narration qui m'est souvent apparue comme une énumération de lieux communs (cf. les citations extraites) et de détails superflus mais qui, dans l'ensemble, réussit la prouesse de rester assez agréable à lire ; un ton doux comme du coton ou le précieux duvet des eiders islandais, mélodique comme une berceuse susurrée ou le vent balayant un champ de lave ; un chemin initiatique vers la paternité (et l'apprentissage culinaire) trop lisse pour être vraiment palpitant ; des personnages terriblement nordiques, c'est-à-dire calmes, fair-play, solitaires, introvertis, limite associables, pas très attachants ; une atmosphère étrange qui entraîne le lecteur dans des lieux quasi mystiques, pas tout à fait réels mais pas tout à fait fictifs non plus. Au final, un roman assez inclassable qui a pour lui de ne ressembler à aucun autre mais qui, à mes yeux, souffre d'être trop intimiste sans pour autant distiller de vraie poésie. Pourtant, on y parle de l'Islande, de fleurs, de sentiments, d'une maman, d'un bébé, de rencontres… mais non, pas de véritable alchimie en ce qui me concerne.



Sinon, pour savoir de quoi parle ce roman, vous pouvez vous référer aux 279 autres critiques publiées, sans doute bien plus instructives.





Challenge de lecture 2015 - Un livre qui se déroule à un endroit où vous avez toujours voulu aller

Challenge AUTOUR DU MONDE
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Miss Islande

Quel beau et envoûtant roman d’atmosphère❤️

Islande, années soixante. En cette île volcanique de feu et de glace où conservatisme et patriarcat écrasent toute velléité d’émancipation féminine, la très jolie Hekla, du nom d’un volcan, écrivaine en devenir, quitte sa contrée natale pour s’offrir un destin à contre-courant de celui auquel elle est prédestinée. Elle part avec pour seule et vraie richesse une valise contenant sa machine à écrire, ses manuscrits et un roman. Inviter avec insistance à briguer le titre de Miss Islande elle refuse, sa voie est dans l’écriture et elle préfère enchaîner les petits boulots en attendant d’être peut-être publiée même si la production littéraire d’alors ne se conjugue qu’au masculin. Portée par ce « pouvoir d’allumer une étoile sur le noir de la voûte céleste. Et celui de l’éteindre » que confère l’écriture.

Sa rencontre amoureuse avec « le poète » qui souffre de la supériorité du talent d’Hekla, ses retrouvailles à Reykjavik avec son ami homosexuel Jon John, sa correspondance épistolaire avec ses proches restés au pays, le travail et l’écriture compulsive et cachée constituent son quotidien. Jon et Hekla sont des précurseurs et ont une idéologie résolument moderne. Le courage et la pugnacité de cette étincelante héroïne l’aide dans son combat intime et dans celui contre le diktat du conformisme. Hekla avec sa robe couleur d’aurores boréales va sortir de sa chrysalide et déployer sa plume pour tenter de s’envoler vers une destinée écrite de sa main de femme et non imposée. « Je suis en vie. Je suis libre. Je suis seule. » La force de ce très beau roman tient à sa poésie et à son pouvoir évocateur. Ce n’est pas uniquement un livre sur la passion de la littérature, sur la force créatrice et sur la condition féminine. L’observation, la contemplation et l’émerveillement y tiennent une place prédominante. Sous la plume hypnotique de l’auteure le moindre détail ou petit évènement est sublimé. Son univers imagé est émaillé de sensations, de saveurs, d’effluves, de douce mélancolie, de rêves et d’émotions contenues, tout ici n’est que poésie, pudeur et grâce. Quelle beauté ❤️

prixmedicisetranger2019, prixbookstagram 2020.
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Rosa Candida

A 22 ans, Arnljotur quitte la lave et la glace de sa terre d'Islande pour rejoindre, sur le continent, un monastère dont il doit restaurer la roseraie. Il part avec, dans sa poche, une photo de sa petite fille, dans son coeur, l'amour de son père et de son frère autiste et le souvenir de sa mère trop tôt disparue, et dans son coffre trois boutures de rosa candida.



Un peu de douceur dans ce monde de brutes! Voilà les mots qui me sont venus à l'esprit quand j'ai refermé ce petit bijou de la littérature islandaise.

Tout est beau dans ce livre, les gens, les paysages, les sentiments. Quête initiatique, conte moderne, c'est le parcours d'un jeune homme à la recherche de lui-même qui grâce à des rencontres, à des conseils, à des expériences nouvelles, va découvrir qui il est et qui il peut devenir. J'ai beaucoup aimé Arnljotur, sa candeur, sa fraîcheur, sa bonté. Et j'ai adoré son père, vieux bonhomme complètement dépassé par la mort injuste et inattendue de sa femme, toujours inquiet pour son fils, tellement bon et aimant.

Un petit livre pour se déconnecter de la dure réalité, à déguster sans modération.
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Miss Islande

Charmante dans son pantalon à carreaux la jeune Hekla, qui par un beau jour de l'année 1963, lestée de sa machine à écrire, débarque de sa campagne à Reykjavik. Elle veut devenir écrivaine. Elle aime le plus beau garçon de son bled, Jon John, un garçon pas comme les autres, qui veut devenir costumier de théâtre.

Hekla et Jon, deux êtres sensibles, prisonniers de leurs conditions, de femme pour elle, d'homosexuel pour lui, qui devront patienter pour réaliser leurs aspirations créatives, dans un pays contre toute attente conservateur, du moins dans les années 60. Comme dit la maman de Hekla, il faut “porter en soi un chaos ....pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse”.





Dans ce quatrième opus que je lis d'elle, comme pour les précédents, je succombe très vite au charme de la prose et de l'histoire. A part ses personnages émouvants de sincérité et de tendresse, l'écrivaine touche ici à la création littéraire à travers Hekla, son petit ami le Poète et sa meilleure amie Isey, “Quand une idée me vient, j'ai l'impression de recevoir une décharge électrique, comme quand on touche le fil dénudé d'un fer à repasser.” La grande question étant, comment évaluer la valeur de cette création ?

J'adore aussi la forme, parsemée de petits poèmes, aux chapitres aux titres insolites, et quand elle gambade avec; comme avec ces phrases inachevées adressées par la maman du Poète à Hekla, coupées et achevées de suite par son fils, un beau ballet de langage.



Je vous invite donc à découvrir si non déjà fait, le conte de Miss Aurore boréal et de son Marin, au titre extravagant qui y donne le ton et sa fin surprenante, magnifique clin d'oeil d'Olafsdottir aux milieux de l'édition islandaise à domination mâle jusqu'au XXI éme siècle. Elle-même en souffrira beaucoup à ses débuts.



Coup de coeur !



“Je suis réveillée.

le poète dort.

En dehors des étoiles qui scintillent au firmament,

le monde est noir.”



“C'est la vérité. Mais pas forcément la réalité .......j'ai tellement envie de continuer chaque jour à inventer le monde”
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Miss Islande

°°° Rentrée littéraire 2019 #7 °°°



Ce que j'aime chez cette auteure islandaise, c'est son don à camper des personnages décalés avec tendresse et sincérité, on les adopte immédiatement. Impossible de ne pas aimer son héroïne, Hekla et son prénom de volcan. Elle est jeune, libre, moderne, sûre d'elle pour déterminer son destin qui sera d'être écrivaine et poétesse. Elle quitte la ferme de ses parents pour la capitale afin de mener à bien ses projets.



Mais voilà, en 1963, dans une société islandaise minuscule et étriquée, conservatrice et sexiste, il est fort difficile pour une femme, quel que que soit le talent qu'elle possède, de prétendre à être publiée et reconnue. D'autant plus lorsqu'on est aussi belle que Hekla et qu'on ne vous propose comme unique voie de réussite et de réalisation personnelle l'élection de Miss Islande, un voyage aux Etats-Unis et des fourrures.



Les ellipses sont toujours très justement semées pour susciter étonnement ou émotion chez le lecteur. L'écriture d'Audur Ava Olafsdottir peut sembler très simple voire naïve avec ses phrases courtes. Elle est en fait dénuée de toutes afféteries, droite, directe, évidente pour dire avec beaucoup de finesse et de subtilité toute la difficulté d'être différent et de vouloir s'accomplir malgré les obstacles.



Car il n'y a pas que Hekla dans ce roman. Il y a deux personnages secondaires qui gravite autour d'elles, eux aussi voient leurs aspirations être en décalage avec ce que la société leur propose. Plus que Hekla, personnage éminemment romanesque mais assez linéaire, c'est celui de sa meilleure amie, Isey, qui m'a profondément touchée.



«  Je me sentais tellement à l'étroit chez mes parents. La montagne touchait la clôture de la ferme, j'avais envie de partir. Je suis tombée amoureuse. Je suis tombée enceinte. L'été prochain, je serais seule avec deux enfants dans un appartement en sous-sol de Nordurmyri. Et je n'ai que vingt-deux ans. »



Isey, qui n'a pas eu le temps de tisser son destin individuel, Isey embourbée dans la solitude des tâches ménagères et maternelles mais qui essaie de s'échapper, elle aussi par l'écriture secrète de son quotidien. Elle est bouleversante lorsqu'elle se raconte à Hekla.



L'autre ami de Hekla, Jon John, est lui aussi différent, homosexuel tourmenté par ce que la société islandaise lui impose, la solitude, l'hypocrisie et la violente injonction à entrer dans le rang. Mais il m'a un peu agacé avec ses jérémiades constantes même si justifiées. Il permet en tout cas à l'auteur de traiter de thèmes lourds, toujours en profondeur et sans cynisme.



Avec ce beau roman, plus profond qu'il n'en a l'air, l'auteure rend hommage au travail des écrivains et poètes, à la force de la pulsion d'écriture. Sans doute pour cela que j'ai été assez stupéfaite des dernières pages. Je n'ai pas compris l'acte de Hekla, si étonnant étant donné le caractère linéaire du personnage, qu'après quelques jours. Il m'a désolée mais est porteur de sens dans cet hymne à l'écriture et rend le personnage de Hekla complexe et encore plus puissant. Libre avant tout.
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Ör

Jonas Ebeneser, la cinquantaine presque sonnée, abandonné par sa femme, sa fille adulte envolée, sa mère à l'esprit égaré en maison de retraite, l'entreprise vendue, sans amis, à part un voisin spécial, veut tirer sa révérence à la Vie. le problème, c'est qu'il ne sait pas comment s'y prendre, et veut épargner à sa fille l'épreuve de le trouver mort. Il décide donc de partir dans un des pays les plus dangereux du monde, où il pourrait le réaliser plus facilement, si non, plus naturellement......quelle triste histoire, n'est-ce-pas ? Eh bien non, détrompez-vous, c'est profond et très drôle, difficile de lâcher une fois les premières lignes attaquées.

Il adore bricoler et réparer toute sorte de défaillance matérielle; mais arrivera-t-il à rafistoler sa propre vie? Je vous laisse découvrir.....en tout cas il emporte avec lui sa petite caisse d'outils au cas où....pour ce long voyage à sens unique (?)........



À travers le portrait de ce personnage loufoque, Olafsdottir nous fait un état des lieux de notre monde actuel, “faune”, flore confondues; et en changeant les repères, bluffe aussi bien Jonas que nous. C'est malin comme idée, et trés réussie. le fond riche en imagination et la forme simple, composée de petits paragraphes dont la plupart des titres sont des citations, ponctuée de vers de S.Steinner, Hunter Thompson, Leonard Cohen, F.G. Lorca......magnifiques. Si vous aimez la poésie, la littérature nordique et l'humour particulier de cette partie du globe, ce livre est pour vous ! A la fin de l'histoire, une note sublime de l'écrivaine islandaise vous attend, ne la lisez surtout pas en anticipation !

Un coup de coeur !



Ça y est je suis parti.

A la rencontre de moi-même.

De mon dernier jour.

Je dis adieu à tout.

Les crocus sont en fleur.

Je ne laisse rien derrière moi.

Je passe de la lumière perpétuelle aux ténèbres.

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Rosa Candida

Quelle douceur que ce roman ! Il coule tout seul, à la fois tendre et triste, drôle et apaisant. Il m'a fait un bien fou. Arnljotur, ce personnage si jeune, si bringueballé par la vie avec sa mère chérie et décédée, son frère autiste qui s'en sort plutôt bien, son bébé "tombé du ciel" est tellement attachant. Il est si intiment lié à la terre via son amour des roses qu'il paraît fort et serein. Son père vieillissant qui se retrouve seul après le départ de son fils poursuit son bout de chemin, affrontant son deuil en annexant au fur et à mesure les recettes de cuisine de sa défunte épouse est lui aussi très émouvant. Et ce jardin de monastère oublié qui reprend vie peu à peu sous les doigts du jeune jardinier, je rêverais qu'il existe pour aller y passer l'après-midi...

Ajoutons à cela, la jolie relation qui se tisse entre le père et l'enfant et on n'a plus qu'attendre impatiemment d'autres romans d'Olafsdottir !

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Éden

Retour sur terre



Elle vole. Alba voit la ville scintillante en contrebas et continue de prendre de l'altitude pour suivre du regard le cours d'un fleuve jusqu'à ce qu'il se jette dans la mer. L'ascension continue jusqu'à ce que la terre devienne un petit point bleu.

Elle rêve.

Alba survole pourtant la planète pour participer à des colloques sur des langues minoritaires majoritairement en voie d'extinction. Elle réalise un jour que son emprunte carbone ne peut être compensée que par la plantation de milliers d'arbres.

Perturbée par ce constat, elle décide d'acquérir un terrain et une petite maison près de la mer. L'endroit est hostile. La terre est aussi rude que les vents qui la fouettent. Alba en a bien conscience mais elle convaincue de pouvoir apporter de la douceur dans ce lieu dont elle veut faire son jardin d'éden. La linguiste abandonne progressivement son ancienne vie, noue de nouvelles relations.

Les deux pieds sur terre, au coeur de son jardin, elle espère se rencontrer elle-même. Trouver le silence en regardant le ciel. Panser des blessures inavouées pour voler et conjuguer le verbe à nouveau.



Roman subjugué par le pouvoir des mots. Poésie et humour subtils qui s'entrelacent et nous transportent dans un univers dans lequel on se sent à l'aise. Un grand plaisir de lecture.
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L'Embellie

Étrange moment de lecture que je viens de vivre avec « L'embellie » de l'islandaise Audur Ava Olafsdottir dont j'avais beaucoup aimé « Rosa candida ». Ma note n'est pas synonyme de coup de coeur et pourtant je crois que ce livre m'a donné une belle leçon : celle de ne pas abandonner et de persévérer dans toute lecture pour donner la chance au livre de distiller son essence et d'infuser en nous, lecteurs parfois trop exigeants. Souvent impatients. L'embellie m'a résisté, jusqu'à se dévoiler. Pour finir par beaucoup me plaire. Avec cette envie de ne plus vouloir le lâcher.



Mon début de lecture a été en effet laborieux, je ne retrouvais pas la délicatesse et la douceur de Rosa Candida, trouvais même qu'elle en faisait un peu trop avec ce personnage de femme décalée, maladroite, un brin égoïste, déphasée et pas régie par l'instinct maternelle. Une femme quelque peu différente si tant est que la normalité se résume essentiellement à savoir tenir sa maison, cultiver le désir de son mari, rêver d'enfants à chérir et à élever. Pour elle la vie à deux c'est « le bon corps et la bonne odeur ; le foyer n'étant que l'habitacle des corps de chair et non un lieu d'expression des expressions de la vie et autres palabres ».

Certes quelques réflexions bien amenées permettant de mettre en valeur des sentiments intimes indicibles, qui touchent à notre part sauvage, que le surmoi contrôle, sont à souligner ainsi qu'un indéniable humour.

Mais jusqu'au tiers du livre je n'arrivais pas à m'attacher à la narratrice imaginée par la conteuse islandaise. Je ne comprenais pas…Place centrale est faite à une femme libre, forte, unique et indépendante. Qui subit et assume sa double rupture, celle que lui impose son mari, celle que lui sous-entend son amant. Mais qui a des idées farfelues et des comportements surprenants, sans parler de son indifférence aux évènements…voire de la sauvagerie, de la bestialité, que l'on devine en filigrane…idées, comportement, réactions, je le sentais confusément, qu'il arrive à tout un chacun d'avoir aussi. Je me suis même demandé si cette femme ne faisait pas trop écho à une part en moi, là enfouie, que je n'aime pas envisager, encore moins dévisager.

Gênée aux entournures j'étais, il fallait sans doute abandonner cette lecture si particulière dans laquelle je ne trouvais que peu de poésie et pas assez de sens. Si ce n'est celle de me perturber. Toujours sur le fil, entre le drame possible et un quotidien dans lequel la narratrice ne trouve pas sa place.



« J'ôte mon alliance et la pose sur la paillasse de l'évier derrière les entrailles de l'animal. Je brandis le couteau et mes yeux s'emplissent aussitôt de larmes, je ne vois plus rien, je poursuis mon travail à l'aveuglette, tâtonnant pour saisir le deuxième oignon, puis le troisième. Il y a belle lurette que je ne distingue plus une ligne du livre de recettes ; je louvoie au pifomètre dans la salle à manger cherchant la porte du balcon où la ciboulette pousse encore dru dans son pot en plein mois d'octobre. -Tu es bien trop sensible pour l'existence –m'a dit un jour ma voisine du dessous, en constatant une fois de plus les mauvais traitements infligés à mes yeux par l'oignon, alors que j'errais dehors entre les plates-bandes en m'efforçant de rassembler mes idées sur la vie. C'est le genre de choses que les femmes se disent. Même les femmes qui couchent avec votre mari ».



Et puis, la magie a opéré. Réellement. Joliment. Poétiquement. Notre jeune femme, pour se retrouver, décide de partir. C'est un thème cher à Audur Ava Olafsdottir, la fuite, le départ pour se retrouver, pour partir en reconnaissance et pourquoi pas en reconquête de ses territoires les plus intimes en avançant sur des territoires inconnus.

Elle décide de faire le tour de l'Islande, de parcourir cette Nationale 1, route circulaire sertissant l'Islande, bordée de lave et de sable noir, d'aller s'installer un temps indéterminé dans un chalet à l'autre bout de l'île. Elle aurait préféré être seule, coupée du monde, il se trouve que sa meilleure amie, tout aussi déjantée qu'elle, tout du moins non conventionnelle, en fin de grossesse gémellaire, lui confie son petit garçon de quatre ans, Tumi. Un petit garçon presque sourd (doté d'énormes prothèses auditives), presque aveugle (doté de grosses lunettes à double foyer) car grand prématuré. Un enfant aussi différent qu'elle est une femme hors norme. Et voici notre duo improbable dans un voyage touchant, un road trip drôle, émouvant.



« Je ne lui avoue pas le mal fou que j'ai à communiquer avec certaines personnes bien-entendantes et bavardes. Ca ne serait pas forcément pire avec un enfant partiellement sourd et muet – le moment n'est-il pas venu pour la linguiste distinguée de se pencher sur l'aspect et la forme des mots, de voir à quoi ressemble les concepts en trois dimensions, d'apprendre à fabriquer des mots avec le corps, sans la voix ? ».



Comme dans Rosa candida le thème de la rencontre entre un adulte et un enfant est superbement mis en valeur et la façon dont le duo s'apprivoise, s'enrichit, tisse des liens de plus en plus forts au fur et à mesure de leur progression est fascinante et très touchante. Au fil des kilomètres s'enchaînent les petits incidents, les rencontres avec des hommes ou avec des moutons, rencontres parfois très marquantes c'est peu de le dire, les arrêts dans les stations-services, les étapes en hôtel ou en gîte chez l'habitant. Voyage sous une pluie incessante et un climat très doux en ce mois de Novembre, dans un paysage lunaire propice à la méditation et à une période de l'année où le soleil de midi est tout juste crépusculaire.



« le soleil ne se lèvera pas avant le printemps, on pourra alors de nouveau distinguer des contours dans l'espace informe, entendre des bruits, rencontrer des humains. Je sais pourtant par expérience qu'il y a là un pays, dans le noir, sous de multiples couches de nuages, un pays que les guides de voyage recommandent pour sa beauté et son étrangeté, par les claires nuits d'été. Pour me remémorer la disposition du champ de lave et de la vallée, je dois faire appel à mon imagination, aux poètes patriotiques et à l'évocation d'un affluent bouillonnant qui se déverse sur les sables ».



Roman sur le lâcher prise et l'acceptation, sur l'art de savourer chaque petit bonheur, sur l'art de laisser glisser tout incident comme cette pluie qui ne cesse de couler, L'embellie est un livre qui fait du bien, qui nous donne l'impression de planer, de prendre du recul. L'embellie c'est parvenir à faire la lumière sur soi, sur qui nous sommes en s'acceptant et en acceptant les événements tels qu'ils surgissent. Pour trouver l'accalmie.



« C'est à ce moment précis que m'effleure pour la première fois l'idée que je suis une femme au milieu d'un motif finement tissé d'émotions et de temps, que bien des choses qui se produisent simultanément ont de l'importance pour ma vie, que les événements n'interviennent pas les uns après les autres, mais sur plusieurs plans simultanément de pensées, de rêves et de sentiments, qu'il y a un instant au coeur de l'instant. Bien plus tard seulement, la mémoire fera son tri et discernera un fil dans le chaos de ce qui a eu lieu ».

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Le rouge vif de la rhubarbe

Conçue dans un champs de rhubarbe, venue au monde sur le siège arrière d'une Moskvitch, Ágústína n'a pas les jambes suffisamment forte pour la soutenir. Pourtant, elle rêve de gravir la montagne qui domine son petit village islandais. 844 mètres qui sembleraient inaccessibles à toute autre que cette adolescente encouragée par l'amour inconditionnelle de Nina qui l'élève comme sa fille depuis que sa mère est partie observer les oiseaux quelque part en Afrique.



Le rouge vif de la rhubarbe ou quand Audur Ava Olafsdottir débutait en écriture... Un premier roman donc mais qui porte en lui toutes les qualités propres à cette auteure : la simplicité des situations, la poésie et la douceur, des personnages un peu décalés et la splendide nature islandaise.

Ágústína, sirène ou ange selon les circonstances, courageuse, rêveuse, lunaire, la bonne Nina, mère de substitution, experte en confiture de rhubarbe, en boudin, en couture, Vermundur, le bricoleur serviable, Salomon, le nouveau venu qui très vite devient un ami de cœur...autant de personnages attachants dans ce village entre mer et montagne, aux plages de sable noir. Les saisons passent, des premiers rayons de soleil aux tempêtes de neige, de la cueillette de la rhubarbe à la fabrication du boudin, rythmées par les lettres d'une mère absente qui court après les oiseaux au sud de la planète...

Une petite pépite que ce premier roman qui invite au rêve et au voyage sur cette terre islandaise douce et violente à la fois. Des couleurs, des sensations, une poésie à découvrir.
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Éden

Alba Jakobsdóttir, est linguiste. Vivant en Islande, cette île à deux pas du cercle polaire, sa participation aux colloques sur les langues minoritaires menacées de disparition dont elle est spécialiste se traduit la plupart du temps par deux vols suivis de deux correspondances ferroviaires et souvent d’une dernière portion en autocar.

Elle a un appartement à Reykjavík et donne aussi des cours de linguistique historique à l’université de cette même ville tout en étant par ailleurs relectrice pour deux maisons d’édition d’une quinzaine de romans policiers par an.

De retour de son dernier séminaire, elle se pose la question de savoir combien d’arbres elle devrait planter si elle voulait compenser l’empreinte carbone de tous les trajets en avion qu’elle a effectués l’an dernier et son calcul aboutit à cinq mille six cents !

Une annonce d’un terrain à vendre d’une superficie de vingt-deux hectares avec du potentiel pour la personne adéquate et d’un lieu de séjour attire sa curiosité par les deux fautes d’orthographe qu’elle comporte et sa formulation inhabituelle.

Elle visite. Séduite par ce terrain de roche, de lave et de sable avec une petite maison, près d’un petit village, elle l’achète et sans tarder quitte Reykjavík et part s’y installer. Peu à peu, Alba tente d’apprivoiser son jardin d’Éden, plante des bouleaux et envisage même une serre pour ses légumes et pourquoi pas des arbres fruitiers, au vu du réchauffement climatique en cours.

Au fil de ses relectures, elle n’avait pu s’empêcher d’ailleurs, de remarquer que le thème des arbres était de plus en plus présent dans les manuscrits et trouvait cela plutôt surprenant de la part d’écrivains nés sur une île pour ainsi dire dénuée d’arbres.

Ainsi, elle laisse tomber sa carrière universitaire, conservant seulement son poste de relectrice.

Le village ayant accueilli au début de l’hiver un groupe de réfugiés, elle est bientôt sollicitée pour leur donner des cours d’islandais, cette langue nationale qui est la plus faiblement diffusée. Alba s’est d’ailleurs parfois demandé s’il était vraiment judicieux d’enseigner « une langue minoritaire dotée d’un système complexe de déclinaisons et de conjugaisons, une langue où comprendre quelqu’un et divorcer s’expriment en recourant au même verbe – skilja – une langue qui n’est parlée que dans le troisième pays le plus venteux de la planète »...

Dans Éden, Auður Ava Ólafsdóttir aborde de nombreux sujets, de manière légère. S’ils peuvent sembler au premier abord de faible importance, il n’en est rien et ouvrent en fait la porte à une profonde réflexion.

Déjà Éden m’a permis de faire connaissance avec l’islandais, grâce aux nombreuses digressions linguistiques toujours enrichissantes que Auður Ava Ólafsdóttir glisse dans son roman et ce malgré la complexité de cette langue. Elle a avec les mots une relation fusionnelle, une relation très forte, s’interrogeant sans cesse sur leur sens précis, leur place, leur étymologie. Elle les triture, les décortique, les manipule, les analyse… se penchant sur le rôle de la virgule qui lui permet de respirer, sur la valeur et le sens du silence. Elle va au cœur des mots comme au cœur de l’existence.

J’ai découvert également ce travail de relecture qui n’est pas aussi simple qu’il n’apparaît à première vue. Le principal écueil étant de modifier le sens du texte sans le vouloir. Il a permis en tout cas à Alba de s’apercevoir que de nouvelles expressions apparaissaient dans les textes.

Si Éden est une ode toute en sensibilité au pouvoir infini des mots, il est aussi une ouverture à l’imaginaire, au rêve, au possible de ce qui peut être tenté face au réchauffement climatique, à la pollution, au tourisme. Il explore notre faculté à déjouer les paradoxes de l’existence, à nous réinventer.

Je ne peux terminer sans souligner le travail magistral assuré par le traducteur Éric Boury.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Ör

Ör – Cicatrices – Blessures de la vie.



Quand la poisse vous poursuit, que votre épouse vous quitte, que votre fille est d’un autre, que votre mère arrive au bout de sa vie, que votre voisin vous réveille en pleine nuit, vous vous dites peut-être que votre utilité sur terre est réduite à néant.



C’est en tout cas ce qui arrive à Jonas qui décide de mettre un terme à son existence en plein mois de mai. Dur, dur quand même à quarante-neuf ans. Alors, scrupuleusement, il vide son appartement, vend sa société, laisse son portable sur sa table de nuit, embarque ses carnets d’adolescent, sa boîte à outils (on ne sait jamais), une paire de chaussettes et le voilà parti pour un aller simple dans un pays (de l’Est vraisemblablement) où la guerre vient juste de se terminer. Il se donne une semaine pour réfléchir au meilleur moyen d’en finir.



Comme il n’a aucun projet précis, il erre dans le périmètre étroit déminé, rencontre beaucoup d’estropiés et de visages fermés. Un étranger, ici, en ce moment, c’est louche ! Vient-il piller les pauvres œuvres d’art qui n’ont pas été détruites ? Pas de bagage, bizarre ! Peu à peu, grâce à sa boîte à outils, il se rend utile ici et là jusqu’à devenir (quasi) indispensable tant il manque de bras dans ce village défiguré par la guerre.



Il comprend vite que ses blessures personnelles sont peu de choses à côté de celles vécues par les rescapés du conflit. La lecture, par bribes, de son journal intime d’autrefois lui rappelle sa vie, ses souvenirs et gomme peu à peu les sujets d’intérêt de sa jeunesse pour s’intéresser aux autres, trouver une sorte d’apaisement et la reconsidération de soi.



La manière de décrire la vie ordinaire de gens ordinaires d’Audur Ava Ölafsdöttir est émouvante dans sa simplicité, délicate dans son expression teintée d’humour, déterminée dans sa foi à changer son angle de vue sur soi. Sans masquer la peur, le chagrin, les larmes, les vicissitudes du temps. C’est tout le contraire d’un livre cafardeux et désespéré. Là réside sans doute la magie de cet écrivain qui ponctue son récit de quelques citations de grands auteurs, comme une gradation sur la voie d’un mieux-être.



« … je me suis colleté plusieurs fois avec la vérité, là où les ombres sont tantôt longues tantôt courtes, et je sais que l’homme peut rire et pleurer, qu’il souffre et qu’il aime, qu’il est doté d’un pouce et qu’il écrit des poèmes et je sais que l’homme sait qu’il est mortel. Qu’est-ce qu’il me reste à faire ? » (p. 81)



Savoir que le bricolage est une arme bienfaitrice pour une éventuelle réparation personnelle a quelque chose de poétique, non ?



Rosa Candida de la même, m’avait ouvert la voie sur la littérature islandaise.

Ör a creusé une route vers de nouvelles découvertes.



Audur Ava Ölafsdöttir a suivi des cours d’histoire de l’art à la Sorbonne. Elle enseigne cette matière à l’université d’Islande et donne des conférences à travers le monde. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires.



J’aimerais aussi marquer mon admiration aux éditions Zulma pour les couvertures originales et colorées qui attirent le regard et la curiosité.

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Rosa Candida

J’ai été amenée au cours de ma lecture à me poser bien des questions :

d’abord sur les personnages : un jeune homme qui ne présente pas vraiment de traits de caractère particuliers, qui se cherche constamment, se pose une foule de questions, qui se décrit sans exprimer de sentiment comme s’il était extérieur à lui-même et sans communiquer son ressenti de façon évidente, un père octogénaire anxieux, soucieux que son fils ne manque de rien, une maman décédée omniprésente, un frère autiste dont je n’ai pas bien cerné le rôle dans ce récit , un moine érudit qui pour répondre aux questions, utilise les moyens dont il dispose : livres et films.

Ensuite sur l’histoire : sorte d’errance contrôlée du jeune Arnljotur qui quitte le foyer pour se rendre dans un endroit perdu où les gens pratiquent un patois étranger.

Les lieux : pas d’indication de temps, de lieux.

Le but du héros : faire revivre sa mère à travers ses passions, ses actions afin qu’elle poursuive son éducation et en fasse un homme.

Je l’ai abordé finalement comme une sorte de conte avec pour épreuve, devenir un homme, devenir un père et faire son apprentissage de la vie. Ce jeune homme m’a parfois fait sourire et et m’a attendrie, particulièrement lors de son initiation au métier de père qui a tout à apprendre.

Par ailleurs, ce roman pourrait être assimilé à une œuvre philosophique si on considère que les nombreuses questions que se pose Arnljotur interpellent le lecteur.

La ligne conductrice de ce récit est fort agréable et poétique : l’histoire d’une rose à huit pétales sans épine, à laquelle peut être comparé notre héros , pacifique et candide.


Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Miss Islande

Hekla a vingt ans, du talent, et ne rêve que d’écrire. Née en 1945 dans une Islande patriarcale et conservatrice, la jeune femme aura besoin de tout le tempérament suggéré par son prénom, choisi d’après un volcan de son pays, pour s’extraire de la gangue dans laquelle sa vie menace de s’enliser. L’impulsion nécessaire viendra de son ami d’enfance, un homosexuel qui ne trouve pas non plus sa place dans la société de l‘époque.





A travers Hekla et son ami Jon John, l’auteur pose la question du droit à être soi-même, de l’ouverture à la différence, et de la liberté de faire ses propres choix. Racisme – dans les années soixante, l’Islande s’est opposée à la présence de noirs sur la base américaine installée sur place –, sexisme, homophobie, sont trois thèmes que le livre évoque avec pudeur, loin du cynisme parfois cru des Fureurs invisibles du coeur de John Boyne, auquel on pense d’autant plus facilement qu’Islande et Irlande opèrent déjà un phonétique et insulaire rapprochement entre les deux romans. En Irlande, l’histoire de John Boyne est marquée par la forte imprégnation catholique du pays, en Islande, celle d’Olafsdottir fait une large place à l’âpreté du climat, aux rudes splendeurs de la nature, et à des références culturelles dépaysantes pour les non-autochtones.





Les aspirations littéraires d’Hekla et de son amie Ivey sont aussi émouvantes les unes que les autres : tandis que la seconde s’escrime tant bien que mal à voler des moments d’écriture à une existence par ailleurs conforme à celle dévolue aux femmes d’alors, rythmée par d’incessantes maternités, la première ose le non-conformisme et la rupture totale avec son monde, sacrifiant tout pour que son œuvre puisse être publiée, fut-ce en ayant recours à des pseudos masculins ou à des prête-noms.





Hommage à l’écriture, protestation contre les préjugés sexistes et immersion dans la société islandaise, ce roman exprime en douceur, et avec beaucoup de tendresse pour ses personnages, un engagement féministe résultant, on s’en doute, des propres et injustes difficultés de l’auteur à trouver sa place dans le monde littéraire masculin islandais.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ör

Le roman démarre en Islande en compagnie de Jonas Ebeneser, 49 ans.

Il n'arrive plus à trouver un sens à sa vie.

Il envisage de se faire tatouer cacher les cicatrices de son corps. Pour les cicatrices de l'âme, c'est une autre paire de manches.

Sa femme est partie depuis quelques années, sa fille mène sa propre vie et sa mère, ancienne prof de maths est placée en maison de retraite dans un état pitoyable physiquement et mentalement. Il se sent fort seul.

Jonas a une passion, il bricole, il répare mais plus rien ne l'intéresse. il veut en finir avec cette vie qui n'a plus d'intérêt.

Il passe en revue les suicidés célèbres et en conclut que les hommes utilisent souvent l'arme à feu. Il s'apprête à emprunter celle de son voisin.

C'est un livre qui pourrait être noir.

Pas du tout !

Le narrateur, Jonas , raconte les faits avec un détachement étonnant.

La vie est bien présente car les dialogues avec sa mère, avec son voisin Svanur, ses rencontres lors de son voyage dans un pays qui se remet à peine de la guerre.

Tout cela fait que nous sommes plutôt dans un roman initiatique lors d'une seconde vie après cinquante ans que dans un désespoir sans fin.

Le personnage principal m'est apparu très attachant.

L'écriture est très intimiste avec des citations courtes, des noms donnés aux différentes parties dans les chapitres.

Le livre se divise en deux étapes : "Chair" et "Cicatrices".

A noter que l'éditeur n'a pas changé le titre "Ör" qui signifie "Cicatrices" .

Un beau roman très profond de l'auteure dont j'avais lu "Le rouge vif de la rhubarbe" très apprécié et "Rosa Candida", nettement moins à cause du style trop enfantin.



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Éden

" le jardin est le lieu où advient la rencontre avec soi-même."



C'est d'abord une histoire de mots.Et celle d'une femme, Alba, qui se trouve à la croisée des chemins.Les mots, elle les connaît, elle est linguiste.Les mots, ils tournent dans sa tête, ils deviennent images, réflexions, déclinaisons, dans cette curieuse langue qu'est l'islandais.



5600,c'est le nombre d'arbres qu'elle devrait planter pour compenser son empreinte carbone annuelle. Un constat qui va l'amener à changer de vie.



Fidèle à elle-même, cette autrice de talent au nom compliqué sème des livres comme les cailloux du petit Poucet pour nous faire réfléchir au sens et aux paradoxes de l'existence. Dans celui-ci, il est question de bouleversements autant personnels qu'environnementaux, de la place qu'on accorde à nos désirs,à l'imprévu,de la manière dont les protagonistes,tels des satellites,gravitent autour d'elle et de la perception que chacun a du monde.

J'ai aimé le cheminement d'Alba,sa simplicité, la façon qu'elle a d'appréhender ce qui lui arrive,son rapport à la nature.



Parsemé de poésie, Eden ,au nom évocateur, c'est " l'endroit où nous devons être, au centre de notre existence, à chaque instant."
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Le rouge vif de la rhubarbe

Agustina vit dans un village islandais au bord de la mer.

Sa mère est partie au loin faire des recherches sur les oiseaux et découvrir d'autres mondes.

Elle lui envoie de temps à autre une lettre écrite en italique dans le livre.

Son père était de passage dans le village, a connu à peine sa mère et est reparti par le bateau qui l'avait amené.

Agustina é été conçue dans un jardin de rhubarbe dans lequel elle passe beaucoup de temps.

Elle est née dans la camionnette de Vermundur, un des seuls hommes du village, juste avant d'arriver à l'hôpital. Le cordon enroulé autour du cou a provoqué un manque d'oxygène et les jambes d'Agustina sont très faibles. Elle est constamment soutenue par des béquilles.

Elle est élevée par Tina et Vermundur veille sur elle.

Elle grandit, arrive tout doucement à l'adolescence dans ce village où règne une vie calme, où les habitants s'échangent leurs confitures de rhubarbe et leurs boudins rouges de mouton.

C'est un roman d'ambiance vraiment charmant, dépaysant.

Les scènes qui décrivent la longue nuit en hiver et les trop longs jours de lumière en été sont adorables.

La protection du jeune Salomon envers Agustina est très bien décrite.

Très beau roman , il faut s'y plonger car le contraste avec notre vie remuante est fort mais ça calme, surtout avant le sommeil.
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Miss Islande

Je me retrouve ainsi devant ma machine à écrire, le syndrome de la page blanche, des cendres éteintes, mes poussières de cheminée, de vie. Seul dans la pénombre du matin, un bol de skyr entre les mains. Je cherche les mots, ils ne me trouvent pas. Ils se sont perdus dans ma pensée, dans la fraîcheur de la tourbe, devant l’immensité de la nuit. Les mots se sont enfouis, ou se sont perdus comme un phoque esseulé sur un rivage, comme une lune bleue derrière l’amoncellement de nuages noirs.



Fuck le blizzard, le vent souffle et tourne les pages de cette vie, une vie incomprise, dans un temps pas si reculé. Les années soixante et Hekla, aussi volcanique que le volcan qui lui doit son nom, est une poétesse, une écrivaine. Avec Jon John, son plus fidèle ami qui lui cout des robes, elle tente de trouver sa place, en terre viking, là où les femmes sont le plus souvent cantonner au foyer familial, à entretenir le feu dans la cheminée, ou sous la marmite. Hekla, c’est une écrivaine de talent. Elle le sait, et chaque nuit, elle tape des pages et des pages de son premier roman, au moins 200 pages, moins que James Joyce tout de même.



C’est avec des odeurs de hareng fumé que je me décapsule une Skøll, pour l’ambiance islandaise, Sigur Rós m’accompagne musicalement, pour l’atmosphère islandaise, comme souvent quand mon esprit s'aventure dans cette lumière boréale. Il faut savoir se mettre en condition, j’ouvre les fenêtres de ma prairie, pour laisser pénétrer la froidure dans mes vieux os, les étoiles m’envahissent de cette soudaine luminosité, les embruns me submergent d’un voyage iodé. Un autre temps, une époque différente et mon regard plonge dans l’océan qui nous sépare. Une miss Islande en toile de fond, belle – peut-elle être trop belle d’ailleurs, moi j’imagine son sourire dont la pétillance de celui-ci ne saurait éclipser son esprit, - elle quitte la campagne pour Reykjavik pour vivre son rêve, aller au bout de sa passion. Écrire coûte que coûte. Miss Islande est une ode à la poésie et surtout à la liberté. Mais l’époque est en retard sur la société, le brouillard l’enveloppe, le blizzard se fracasse contre la petite lucarne de sa chambre, une minuscule fenêtre ouverte sur le lendemain, là où en hiver les nuits sans fin distilleraient la musique de sa machine à écrire, là où en été les jours sans fin tourneront les pages de son prochain roman. C’est aussi une œuvre de tolérance pour l’homosexualité de Jon John.



Miss Islande est aussi une réflexion sur ceux qui ne trouvent pas leur place dans ce triste monde, ceux qui naviguent en dehors des voies fluviales. Le destin de Hekla, celui de Jon John ne laissent donc pas indifférents, et passer la dernière page, j’avais envie de prolonger ses vies-là, le besoin de sentir comment ils s’en sortent, de finir mon bol de skyr et de décapsuler une nouvelle Skøll.



þakka þér kærlega.
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Ör

À la lecture des quatre-vingt premières pages, j'ai failli abandonner deux fois, deux fois j'ai refermé le livre. Page 83, mon intérêt est enfin éveillé et c'est d'une traite que j'ai poursuivi et achevé le roman.

Jónas est obsédé par l'idée de suicide, il a l'impression d'être surveillé par Svanur, son voisin. Jónas évoque sa rencontre avec son ex-femme, parle de Nymphéa, sa fille ... Un jour, il prend l'avion et à partir de là, c'est moi qui n'ai plus décollé de ma lecture !

Au final, un livre que j'ai beaucoup aimé grâce à l'écriture de Audur Ava Ólafsdóttir.

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L'Exception

Tandis que le champagne coule à flot et que les feux d'artifice embrasent le ciel en ce 31 décembre, María peine à entendre les mots de son mari, Flóki, alors obligé de les lui répéter plus distinctement. Des mots qui, à coup sûr, vont irrémédiablement changer le cours de leur vie puisque Flóki lui annonce qu'elle est la dernière femme de sa vie et qu'il la quitte pour son collègue et amant, lui aussi prénommé Flóki. Pourtant, rien ne laissait présager une telle situation. Un mari attentionné qui la couvrait de cadeaux et un père exemplaire avec les jumeaux, Björn eBergthóra. Pourtant, à bien y réfléchir, il rentrait toujours très tard du boulot et s'absentait souvent. María doute, se remet en question, se reproche de n'avoir rien vu venir et se penche sur son passé, sa voisine de l'entresol étant toujours à l'écoute, et tente d'envisager un avenir sans lui... 



Auður Ava Ólafsdóttir nous plonge en plein coeur d'un drame familial. Son mari ayant fait son coming-out, María se retrouve du jour au lendemain seule face à toutes ses questions et à son quotidien qu'elle doit gérer. Ce roman, à l'intrigue simple, décrit avec précision le deuil de ce mariage, les relations parfois compliquées entre hommes et femmes et la reconstruction. L'auteur dépeint une galerie de personnages un brin fantasques et décalés, notamment ce père biologique qui refait surface ou Perla, la voisine naine, psychanalyste et nègre pour un auteur de polars, véritable guide spirituelle. Dans ce roman linéaire, presque froid et manquant de profondeur, l'on peine à s'attacher à María, comme tenu à distance de ce qui se joue. Un roman déroutant, sans éclats et douceâtre.
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