Citations de Carlos Fuentes (229)
L'aveugle a d'autres yeux : la mémoire.
La réalité est un songe malade.
La nature et la femme se ressemblent. Elles disposent de la même arme pour nous vaincre : la beauté.
La sensibilité artistique est la capacité à rendre visible l’invisible en englobant le marginal, le peureux, l’exclu.
A un certain moment- je voudrais le préciser-, j'ai renoncé à connaître ma mère. Je n'ai pas voulu admettre ce que je savais. Et peut-être ai-je écrit pendant tout ce temps un livre que je n'écrirai jamais. Je veux dire que j'ai vécu ma vie comme si j'étais en train d'écrire un livre . Et un livre ne nous rapporte pas à une signification: un livre existe. On ne le fait pas pour s'y reconnaître.
- Mais il disait aussi que mourir sous les balles d'un peloton d'exécution mexicain n'était pas une mauvaise façon de dire ses adieux au monde. Puis il ajoutait avec un sourire : «C'est plutôt mieux que de mourir de vieillesse, de maladie ou d'une chute dans un escalier.»
Existait-il une seule vie véritablement achevée, une seule vie qui ne fût promesse inaccomplie, possibilité latente, plus encore… ? Ce n’est pas le passé qui meurt avec chacun de nous. C’est l’avenir.
Je rangeais mes livres, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps. Certains d'entre eux, sur les plus hauts rayons, étaient restés fermés depuis des années, oui, et j'allais de surprise en surprise. Tant d'années que le tranchant des feuilles était devenu poussière, de telle sorte qu'il tomba sur mes mains ouvertes de la poudre d'or et de la paillette grisâtre, mélange évocateur du vernis qui couvre certains corps entrevus en rêves d'abord puis dans la réalité décevante de la première représentation de ballet à laquelle nous sommes conduits.
Pourtant, pendant la guerre, le Mexique était devenu une sorte de Lisbonne latino-américaine (une Casablanca avec des figuiers de Barbarie, dirait l'incorrigible Orlando), lieu de refuge pour nombre d'hommes et de femmes fuyant le conflit européen. Deux cent mille républicains espagnols avaient débarqué. Il s'agissait de la fine fleur de l'intelligentsia espagnole, une terrible saignée pour l'ignominieuse dictature franquiste, mais une superbe transfusion pour la vie universitaire, littéraire, artistique et scientifique du Mexique. En échange d'un abri hospitalier, les républicains espagnols apportèrent au Mexique la rénovation culturelle, cet universalisme qui nous protège des virus nationalistes dans la culture.
- Vos textes rendent hommage au nombre de trois, mais votre étoile ne porte que le chiffre deux...
- Lequel avant était un.
- Que le deux annule?
- Seulement de manière relative. [...] Le binaire différencie. Le tertiaire active. L'unité confère l'individualité en mouvement. La dualité est coupure et différenciation immobile. Le tertiaire, en activant la rencontre des opposés, est la manifestation parfaite de l'unité. [...] En effet, trois est le nombre créateur ; sans lui, la forme et la matière seraient inertes. Rien ne se développe sans l'apparition d'un troisième facteur ; sans le trois, tout resterait en polarité statique. Jeunesse et vieillesse requièrent un âge intermédiaire ; passé et futur exigent le présent ; sensation et conscience, la mémoire ; addition et soustraction, la commutativité. [...]
- Et après?
- Le quatre est la Nature, le cycle des éternelles répétitions : quatre saisons, quatre éléments. Le cinq est le premier nombre circulaire, le nombre de la créature, dotée de cinq sens et qui, enfermée dans un cercle dessine un pentagone avec les cinq pointes formées par sa tête, ses mains et ses pieds : c'est notre étoile, et la main du prophète Mahomet. Le six est deux fois trois, perfection de la forme et de la matière incarnée dans l'homme : beauté, justice, équilibre. Le sept est l'homme en chemin, le destin, la progression de la vie, car l'homme dit le sage hindou du Atharva-Veda, «le temps chemine sur sept roues». Le huit est la libération, la santé, le bien-être résultant de la progression du sept : ce sont les huit voies du Gautama Bouddha, les huit règles pour sortir du fleuve des réincarnations et toucher la rive du Nirvana. Cependant, peu nombreux sont ceux qui parviennent à pareille béatitude, et le nombre neuf signifie la rédemption et la réintégration de tous au sein de l'Unité ; le Nirvana n'est pas le point final de l'évolution humaine [...] Cette perfection est atteinte par le nombre dix : l'unité véritablement réalisée, l'être collectif, le bien commun.
Elle, à vrai dire, c’est son parrain qui lui avait plu.
C’était un homme de cinquante ans, vingt cinq de plus qu’elle, vigoureux, à moitié chauve, avec de longs favoris, mais doté d’un profil parfait de facture classique, comme celui d’un empereur romain, avec le sourire et le regard à l’avenant. Il avait surtout des yeux rêveurs qui lui disaient : je t’ai attendue longtemps.
Michelina aurait reculé devant la pure perfection ; elle n’avait pas connu de très bel homme qui ne l’ait point déçue. Ils se sentaient plus séduisants qu’elle. La beauté leur donnait des comportements de tyrannie insupportable. Le parrain don Leonardo avait ce profil parfait, mais tempéré par les bajoues, la calvitie, l’âge même…
Le sourire, cependant, lui signifait : Ne me prends pas trop au sérieux, je suis un viveur et un jouisseur ; d’un autre côté, le regard était d’une intensité irrésistible, je m’éprends réellement, signifait-il, je sais tout demander parce que je sais tout donner, qu’en dis-tu ?
Souvenez-vous qu'en politique il n'y a pas de principes. Il n'y a que des moments propices. Et la capacité de les saisir au vol. C'est ce qu'on appelle avoir de l'astuce.
Les Etats-Unis en revanche, affirment que leur politique extérieure est totalement désintéressée, presque un acte de philanthropie. Comme cela n'a jamais été le cas pour aucune grande puissance, y compris les États-Unis, personne ne les croit, mais l’auto-mystification des Américains est telle qu'elle les plonge tous dans la confusion. Ils savent quels sont les intérêts en jeu, mais personne ne veut l'admettre. Le but officiellement poursuivi, de manière désintéressée, est la liberté, la démocratie, sauver les autres d'eux-mêmes.
Elle ouvre les yeux petit à petit, comme si elle craignait les vives lumières de la chambre à coucher. A la fin, tu pourras voir ces yeux de mer qui se déverse, qui devient écume puis retourne à la paix verte, à la crête d'une vague ; tu vois cela et tu te répètes que ce n'est pas vrai, que ce sont de beaux yeux verts pareils à tous les beaux yeux verts que tu as connus ou pourras connaître. Cependant, tu ne t'y trompes pas : ce regard fluide change comme un paysage offert que toi seul peut deviner et désirer.
- Bien. Je vais vivre avec vous.
Tengo pocos amigos, por no decir, francamente, ninguno. Los británicos no son particularmente abiertos al extranjero. Y quizás - voy averiguando - no hay nación que dedique tantos y tan mayores sobrenombres despectivos al foreigner : dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky...
(El amante del teatro)
Un rêve peut se résumer à un escalier sans fin, rien d'autre.
je ne dirai pas leurs noms, seuls les connaissent ceux qui savent écouter le silence,
je ne raconterai pas leurs exploits, seules les égrennent les étoiles de poussière des sentiers,
je ne rappellerai pas leurs souffrances, elles sont hurlées par l'ouragan des oiseaux,
je ne parlerai pas de leurs calendriers, ils se sont tous réunis en un fleuve de cendres,
Que les eaux de la Seine se fussent mises à bouillir avait sans doute, trente-trois jours et demi plus tôt, été considéré comme une miraculeuse calamité; un mois plus tard, personne ne se retournait plus sur le phénomène. Les péniches noires, surprises par la subite ébullition, et qui avaient été violemment projetées contre la muraille du quai, avaient cessé de lutter contre l'inévitable. Les hommes du fleuve mirent leur casquette, éteignirent leur tabac noir, et grimpèrent sur le quai comme des lézards. Les squelettes des bateaux s'amoncelèrent sous l'oeil ironique d'Henri le Béarnais puis restèrent là, splendides ruines de charbon, de fer et d'éclats de bois.
(...) la vieillesse n'est qu'une auberge de maladies, un logis de préoccupations, angoisse continuelle, plaie incurable, peine du passé, chagrin du présent, triste souci de l'avenir, voisine de la mort.
Fray Julian se rappela son ami perdu, le Chroniqueur. Il aurait aimé lui dire en ce moment : « Laisse à d’autres le soin d’écrire les événements apparents de l’histoire : les guerres et les traités, les querelles héréditaires, la concentration ou l’éclatement du pouvoir, la lutte des Etats, l’ambition territoriale, toutes choses qui continuent de nous rattacher à l’animalité. Toi, ami des fables, écris l’histoire des passions sans laquelle l’histoire de l’argent, du travail et du pouvoir demeure incompréhensible. »