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Citations de Charif Majdalani (183)


La plupart des pères fondateurs de l’État libanais étaient poètes, écrivains, juristes. Mais c’étaient aussi des hommes d’affaires avisés, et des banquiers sourcilleux, lecteurs de Hugo et de Heredia, mais aussi du Commerce du Levant, le vénérable et encore efficace magazine économique fondé à leur époque. Selon Le Commerce du Levant de cette semaine, plus de deux mille entreprises commerciales ont fermé leurs portes ce dernier mois, deux cents pharmacies, ainsi que des enseignes internationales fameuses qui quittent définitivement le pays ...
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Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire. 
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Lorsque nous avons parlé des poubelles qui ne sont plus ramassées depuis quelques jours, les dieux de l’Olympe ont fait leur travail et un ancien bouquiniste a détourné le sujet en racontant comment il lui arrivait parfois d’acheter des fonds de livres entiers, des centaines et des centaines d’ouvrages, dont certains sans aucune valeur qu’il portait alors lui-même jusqu’aux plus proches bennes à ordures du quartier, avant de les voir revenir quelques jours plus tard, proposés à la vente par des chiffonniers qui les y avaient récupérés. Il a donc pris le parti de jeter ce genre d’acquisitions inutiles dans des décharges plus lointaines, dans d’autres quartiers, mais les livres revenaient, inévitablement, comme par sortilège, ou comme une farce que lui aurait réservée quelque dieu rigolard.
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À l’évidence, ces enfants mentent pour cacher une origine plus compliquée que celle qu’ils veulent bien avouer, ou bien ils ne savent tout simplement pas d’où ils sont originaires, soit parce qu’ils sont arrivés très petits, soit parce qu’ils sont nés ici. La natalité dans ce milieu est apparemment vertigineuse. L’État libanais ne s’en est pourtant jamais préoccupé, laissant croître la misère, la violence domestique, l’ignorance et sans doute la drogue et la prostitution. Aujourd’hui, dans le naufrage général, le destin de cette immense population déjà largement livrée à elle-même reste d’une opacité totale.
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Depuis quelques jours, les cas de contamination au Covid-19 augmentent très sensiblement et les rumeurs courent sur un possible reconfinement. Pour les entreprises, c’est comme un jeu de quilles où les coups se suivent avec une régularité méchante jusqu’à l’élimination de tout ce qui reste debout.
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Le Liban dans la crise, me suis-je dit, ou la rencontre pas si fortuite que ça, chez un grand photographe, d’une spirale de bouse compressée et d’un Churchill.
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La plupart des pères fondateurs de l’État libanais étaient poètes, écrivains, juristes. Mais c’étaient aussi des hommes d’affaires avisés, et des banquiers sourcilleux, lecteurs de Hugo et de Heredia, mais aussi du Commerce du Levant, le vénérable et encore efficace magazine économique fondé à leur époque. Selon Le Commerce du Levant de cette semaine, plus de deux mille entreprises commerciales ont fermé leurs portes ce dernier mois, deux cents pharmacies, ainsi que des enseignes internationales fameuses qui quittent définitivement le pays, tels Adidas ou Coca-Cola.
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Ce soir, il n’y a ni guerre ni destructions, mais l’absence d’électricité donne la même impression de ténèbres. Pourtant, un réverbère inexplicablement éclairé dans la rue, insolite, fait jaillir au cœur de l’obscurité les couleurs pourpre, rose, rouge et mauve d’un grand bougainvillier. Les générateurs ronronnent dans le fond de la nuit, couverts par les éclats de voix de nos conversations. Un coup de vent bienfaisant passe, et se lève alors la voluptueuse odeur des gardénias.
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La catastrophe aurait commencé à se produire lorsque les grandes monarchies du Golfe n’ont plus alimenté leurs comptes faramineux au Liban, puis lorsque l’aide internationale a cessé d’affluer, à cause de l’évidente corruption des milieux politiques. Les banques ayant par ailleurs accordé d’énormes crédits à l’État qui s’est trouvé incapable de les rembourser (l’argent prêté n’ayant par ailleurs jamais été utilisé pour le bien public mais disparaissant systématiquement dans les trous noirs des sociétés écrans des hommes au pouvoir, de leur clientèle politique et des caisses parallèles), l’ensemble du système bancaire s’est effondré.
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La toile de fond infernale sur laquelle se projettent nos gestes et nos activités désormais limitées, la pauvreté croissant à vue d’œil, la misère, les licenciements de masse, les suicides, tout ça est dessiné sans fin, de manière virtuelle, par les réseaux sociaux, les rumeurs, la presse. Seul l’impact direct sur moi de ce qui se passe témoigne qu’il se passe bien quelque chose. Or cet impact est certain, et se ressent dans l’inquiétude, l’angoisse, l’esprit en permanence occupé par des scénarios catastrophes, des doutes soudains sur la validité des choix face à la situation, devant nos comptes bancaires vides parce qu’on a tout investi dans des achats, ces investissements mêmes qui peut-être ne vaudront rien avant quelques années, et alors comment envisager notre avenir et celui des enfants dans un pays en ruine ?
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Il n’y a plus d’argent et l’ouverture de crédits pour l’achat de mazout est devenue impossible. Quand finalement les autorités concernées en font l’acquisition, il se volatilise. “On se demande où passe le fuel que nous achetons”, déclare, étonné, le ministre de tutelle. Autrement dit, en plein milieu de la crise, ce qui s’est évaporé, ce sont encore quelques dizaines de millions de dollars qu’on avait réussi à trouver en raclant les fonds de caisse.
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Quoi qu’il en soit, à partir de minuit, les rues deviennent des gouffres insondables, encre noire ponctuée par les lumières rouges des feux arrière des automobiles qui filent.
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Il était bon d’y être riche, mais on pouvait le devenir dans l’art et le design autant que dans les affaires et l’immobilier, les banques offraient de si faramineux taux d’intérêt que c’était l’eldorado des rentiers. On ne produisait plus rien, l’agriculture était à l’abandon, l’industrie inexistante, on vivait sur les importations, et le gouvernement, afin de développer encore les grands projets, prit la décision d’emprunter en dollars américains aux banques locales, à des taux absurdes. La dette grimpa à trente milliards, puis à quarante, puis à cinquante, et ses intérêts seuls égalèrent puis dépassèrent le PIB. Mais Alagna chantait à Beiteddine, Plácido Domingo à Baalbek et l’élection de Miss Europe se déroulait au Liban.
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Il y a peut-être décidément dans les dates qui émaillent l’histoire de ce pays quelque énigme à déchiffrer. Parce que trente ans, c’est aussi le nombre d’années qui avaient été nécessaires pour que la Ire République s’effondre. Trente Nouvelles Glorieuses, de 1990 à 2020, réduplication des premières, celles du troisième quart du xxe siècle. Beyrouth devint à nouveau à ce moment la capitale de la vie nocturne et de la fête de tout l’Orient et peut-être de tout le pourtour de la Méditerranée.
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Elle me pose des questions sur la situation, sur son avenir et sur la possibilité que nous la laissions partir pour l’étranger l’an prochain afin de poursuivre ses études, à l’image de nombre de ses amies. Le rêve de départ des jeunes comme elle, pourtant attachés au pays jusqu’à récemment, est un des sujets les plus glaçants et les plus embarrassants.
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Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire. Jusqu’où remonter sur ces cent années, dans la généalogie du désastre ?
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La machine économique est moribonde, les commerces sont au bord de la ruine et pourtant, depuis le matin, une activité effrénée s’empare de la ville, comme aux plus beaux jours de son opulence subitement passée. Les embouteillages ne sont pas pires que naguère, bien que les feux de signalisation se soient éteints avec la pénurie de courant électrique. Là où il y en a encore, incompréhensiblement, les agents de la circulation encouragent les automobilistes à les brûler, à grands gestes rageurs, faisant rouler tout le monde en même temps, comme s’ils mettaient un soin qui relève de la revanche à rappeler que l’ordre ne règne plus, alors pourquoi respecter encore ces foutus derniers feux survivants. Les automobilistes en restent pantois. Certains, comme moi, résistent, sous le regard hargneux des agents qui semblent conscients et honteux d’être devenus les représentants du désordre général et de la faillite de l’État, et qui en rajoutent, comme on achève avec fureur de casser un objet auquel on tient pour se punir de l’avoir inconsidérément ébréché.
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L’effondrement économique, la ruine du pays, le contrôle des capitaux, les taux de change et la livre en chute libre, l’inflation, la pénurie qui guette.
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Ces détails du quotidien sur lesquels nous sommes impuissants m’agacent et me mettent en colère. On se met vite en colère, ces temps-ci.
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Il fait le galant, l'homme délicat qui ne veut pas embarrasser, mais il sait placer les mots qui font rêver les femmes, après quoi il les laisse rêveuses, n'insiste plus, se laisse dévorer discrètement des yeux, s'en va en refaisant un baisemain, et c'est comme le vin, il laisse bonifier, une fois, deux fois ou plus selon le cru, et lorsqu'il estime que c'est bon, que c'est dégustable, il sort le grand jeu, il fait des compliments appuyés, il pose des questions sur des sujets qui l'ennuient mais dont il sait qu'ils le servent, propose de raccompagner, de se retrouver pour une promenade sur la corniche, et après ça il déguste.
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