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Citations de Charles Dobzynski (228)


ENFANTS MORTS
(extrait)


La mort c’est la dépouille un soir d’automne
D’un enfant de sept jours
Dans sa caisse clouée, longue de dix-huit pouces,
Portée dévotement par sa grand-mère
À travers champs jusqu’au paisible cimetière
Où la pluie fait tinter sur les tombes
Son cantique du cœur.
D’un enfant de sept jours la mort est la dépouille
Poussée dans la terre humide et glacée ;
L’aïeule rentre à la maison, et l’on attendait son retour
Avec le pain noir odorant, le bol brûlant de chicorée :
Telle est la mort.


//Melech Ravitch
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COMMENT L’HOMME EST VENU


L’inquiétude s’en vint, grosse de l’homme,
Et l’inquiétude contempla le sans-espoir,
Le sans-espoir a soupiré devant le doute,
Le doute l’entendit avec perplexité,
La perplexité fut indécise face au qui-sait,
Le qui-sait discuta avec le peut-être,
Et le peut-être interrogea le si-jamais,
Le si-jamais creusa vers le probable,
Le probable en conclut c’est possible,
Le possible montra le vraisemblable,
Le vraisemblable fit un signe au pourquoi-pas,
Le pourquoi-pas se faufila vers le vraiment
Le vraiment chuchota certainement,
Certainement railla l’indubitable,
L’indubitable tempêta le défini,
Le défini frappa du poing: assurément,
Assurément se jeta sur le vrai,
Et le vrai tomba sur le cœur.
C’est ainsi qu’est advenu l’homme,
C’est ainsi qu’a survécu l’homme
Avec toutes sortes de doutes
Toutes vérités jamais sûres.


//Aron Lutski
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POURQUOI ?


Chacun de nous parfois est une branche
Que le vent fait frémir,
Parfois on est un peu d’écume
Qui passe aveuglément
Sur l’abîme des mers,

Mais dans son rêve
Chacun de nous est un navire
Qui avance et se bat
Furieux, aveugle, avec le vent.

En duel le jour et la nuit
Ici nous coupons une corde,
Là nous rejetons un regard
Et très souvent nous arrachons
Dans notre jardin une rose
Que nous-mêmes nous piétinons.

Tel est l’ordre
Maintenant des jours et des nuits
On vous crie: c’est permis,
Il doit en être ainsi
Mais bien souvent nous pleurons de douleur
Pourquoi doit-il en être ainsi ?


//Zisho Weinper
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MAINS
D’après une sculpture de Rodin


Vous avez des mains de silence et de douleurs, si douces,
Des doigts tout droit tendus comme des menorah,
Chaque ongle est de nacre, une flamme rose,
Chacun recèle un sortilège.
Un secret du Seigneur,
Une marque de sa bonté.
J’étreins le cœur chantant alleluia
Du proche inconnu, du lointain bonheur,
J’endors les mains aimées si douces caressantes
Moi tout à coup devin du secret des secrets.


//Moshe Broderson
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À DEVENIR SOURD


À devenir sourd
J’affinai mon ouïe.
Jusqu’à être aveugle
J’aiguisai ma vue,
Avec une acuité morbide,
Évaluant tout chuchotement
Pour le livrer totalement
À mon âme endolorie,
À ma chair brûlante,
Cherchant où se cacher
Tourbillonnent en moi
Tous les bruits et toutes les ombres,
Croissent en moi, fructifient,
Enfouis profondément dans mon fiel et mon sang.
Alors qui veut, quel bruit
Quel coup,
Celui du massacre des jeunes gens
Sur les toits de chaume ?
Celui sauvagement qui hurle et qui s’échappe
Des lits comblés ?
Chaque chose à son heure :
Tout, de mes ennemis, jour et nuit
Vit en moi.


//Leib Kvitko
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TENDU COMME UN VIOLON


Tendu comme un violon
J’attends intensément la main du virtuose
Sur la soie de l’archet
Les yeux éteints.
J’attends comme une forêt sombre,
Embrase-moi de toutes parts,
Prends-moi comme on force une fille,
Je suis une salle fébrile
Aux fenêtres illuminées,
Bourdonne la soie fine et moi partout je tourbillonne,
Les sens béants comme des plaies à vif.


//Aba Stoltzenberg (1/10/1905-1941)
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POÈME À PROPOS DE POÈMES


Pourquoi diable ai-je appris à chanter des poèmes :
Ne me suffit donc point l’inquiétude du vent ?
Ô toi, ma tête, toi qui es si lasse et inquiète,
Viens, je vais te bercer comme on berce un enfant.
Il ne connaissait rien des poèmes, ton père,
Il épelait difficilement l’A.B.C.
Et tu aurais été cordonnier ordinaire
Et simple comme lui, le corps sain et musclé.
Lorsque s’étoufferait le ciel dans ses couleurs
Seul le vent bercerait ton âne sur la sente,
Et comme lui tu chanterais à ton labeur
Ne sachant même pas toi-même que tu chantes.
La fatigue serait dans ton corps plus légère
Et tout serait léger dans ta tête à jamais.
Pourquoi as-tu appris à chanter des poèmes
Ô toi ma tête, toi mon enfant inquiet ?


//Izi Harik (1898-1937)
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LA NUIT


La nuit
Quand je dors
Veille à mon chevet
Mon squelette –
De blanches rotules,
Un violon blanc.
Du trou des orbites
Jaillit
Dans mon rêve
La sonate au clair de lune.


//Reid Zychlinski
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LA NUIT EST OBSCURE


La nuit est obscure
Aveugle je suis
Et le vent m’arrache
Mon bâton de buis

Vide est ma besace
Et mon cœur béant
Tous deux – en surcharge
Tous deux – trop pesants.

J’entends que m’effleure
La main de quelqu’un
Donne, et ton fardeau
Portons en commun

Le monde est opaque
Nous marchons à deux
Moi portant le sac
Lui – portant mon cœur.


//H. Leivick (25/12/1888 - 23/12/1962)
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UN VENT FRAPPE


Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon cœur

Je fais ce que je veux
Ma tête tombe sur la table
Je la relève et regarde au-dehors
Regarde dans la rue

On frappe à la porte
Et je dis Entrez
Et je dis Entrez, qui donc, peu m’importe
Si, cela m’importe
Nul pourtant ne vient
Je dis Qu’il en soit ainsi c’est fort bien.

Je bondis soudain
Je sors dans la rue
Je sors dans la rue et puis je reviens
Ayant acheté des noix
Ces noix les ai-je achetées ?
Pour quel invité ?
Suis-je allé vraiment acheter des noix ?

Il y a des noix et puis du raisin
Alors peut-être aller chercher du vin ?
Aller chercher du vin très vite ?
Je bondis encore
Je sors dans la rue et puis je reviens
Avec une fiole de vin

Ce vin l’ai-je acheté ?
Pour quel invité ?
Suis-je allé vraiment acheter du vin ?
Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon cœur.


//H. Leivick (25/12/1888 - 23/12/1962)
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UN MIOCHE


Nuit, lucioles d’orage,
Un tortueux chemin
Je leur cherche un langage,
Je leur cherche un refrain.

Tous les mots s’émerveillent
Du plus petit discours –
Juste créé, s’éveille
Le monde âgé d’un jour.

Un bruit d’orage roule,
La voie lactée se tord
L’odeur du divin moule
Flotte partout encore.

Juste issu de l’abîme
Vers son but, son sens vrai,
Tout demeure anonyme –
Sourire, jeu, secret.

La lune, hochet-cloche,
Paraît puis déguerpit
Dieu lui-même – un mioche
Joue avec sa toupie.


//H. Leivick
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AU MIROIR


Il se tient devant le miroir et voit sa propre cécité.
Les franges de ses yeux sont lourdes,
comme découpées dans l’acier.

Sa pupille est grise comme le brouillard en suspens de
  l’idée universelle.
Et le miroir dans lequel il regarde est complètement
  aveugle,
et il voit sa propre cécité.

Il se tient devant le miroir et regarde si clairement, avec
  tant d’acuité,
mais il ne peut transgresser du regard sa propre cécité
– elle est si lointaine, illimitée !


//Moshe Nadir
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MALHEUR À MOI


Tant de ciel, tant de soleil, tant de terre,
et moi je suis assis et j’écris. Je suis bimane.
Je suis bipède, et j’ai des muscles vigoureux.

Cependant je suis assis et j’écris.
Je suis assis et j’écris parce qu’écrire est un
  travail aisé.
Un travail pur. Un travail agréable.

Creuser les champs ? Labourer la terre ? Abattre
  des troncs ?
Merci beaucoup ! Ce n’est pas pour moi.
Je dois rester assis à ma petite table
et expliquer à l’univers la beauté du travail.


//Moshe Nadir
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GESTES


J’ai feint d’être joyeux, et l’on m’a cru.
J’ai feint d’être amoureux et l’on a eu pitié de moi.
J’ai feint d’être désespéré et les gens ont pleuré sur mon
  malheur.

Mais une fois j’ai renoncé à toute feinte et j’ai dit la vérité,
que je ne cesse de feindre parce que la vie est si terriblement
  vide.

Alors tout le monde a hoché la tête et l’on m’a dit :
– Cet homme ne fait que feindre !
Et personne ne m’a cru.


//Moshe Nadir
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Une fois j’eus besoin d’un certain mot…


Une fois j’eus besoin d’un certain mot.
Je l’ai fait appeler et je l’ai mis à sa juste place.
Soudain j’ai entendu la clameur des mots en tous genres,
jeunes, âgés, neufs ou usés.

J’ai tendu l’oreille et perçu le brouhaha
de la famille perdue du mot, qui l’avait accompagné.
Oncles, tantes, nièces, frères, compatriotes.
Tous se bousculaient et voulaient rester auprès du mot-père.

Je tentais de me les concilier.
Je leur dis : «Je n’ai pas de place et de toute façon
je n’ai nul besoin d’une aussi nombreuse famille. »
Mais ils s’en sont tenu à leur principe :
tous en même temps ou rien.

Finalement, avec les oncles,
tantes, neveux, beaux-frères et concitoyens du mot,
j’ai dû aligner tout un paragraphe.
Rien à faire pour m’en dépêtrer !


//Moshe Nadir
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DANS LES TERRES LES PLUS LOINTAINES


Nous sommes ceux qu’on dispersa
Dans les terres les plus lointaines.
Chacun de nous est un anneau
De la nouvelle chaîne.

Non seulement à Babylone
Mais au bord des fleuves, partout
Nous sommes venus nous asseoir,
Cherchant un toit qui soit à nous.

C’est ainsi qu’est devenu cher
À notre cœur le monde entier,
Sur les rives les plus lointaines
Se trouve pour nous un foyer.

Et maintenant nous chérissons
La Vistule autant que le Rhin,
Le large Dniepr à notre cœur
Murmure aussi douce complainte

Le libre Hudson nous fait un signe
Fraternel du fond de ses flots,
Il est permis, sur son rivage,
De connaître enfin le repos !

Quelque chanson que l’on écoute
Nous connaissons sa mélodie,
Quel que soit le fleuve qui coule
Il nous apporte nostalgie,

Quel que soit le drapeau qui flotte,
Nous est familier son appel,
Quel que soit le bateau qui vogue
C’est vers un pays fraternel.


//Avrom Reisen (1876-1953)
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LE TANAH DIT
(extrait)


Des tuiles, des planches, des vitres,
Et martèle, et façonne, et bats,
Assemble-les, plus vite, vite,
Le jour s’assombrit et s’en va.

Le jour s’assombrit et s’en va,
Et tout à coup surgit la nuit,
Tu restes perdu dans ton champ
Sans avoir fini ton abri.

Des tuiles, des planches, des vitres,
Rien ne peut sortir de cela,
Le vent disperse ta demeure
Avant que monte le soleil.


//Joseph Rolnik
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POÈMES


Dans ma querelle avec le monde
Me battant de tous les côtés,
Me voici tout seul dans ma chambre
Mais qui a tort en vérité ?

J’ai dit parfois ou je n’ai pas su dire
Ce qu’il fallait, ce qu’il ne fallait pas.
Avec tout l’univers on se déchire
Chacun poursuit, chacun se bat.

Monde, ô brave monde, j’enrage
Mais il faut bien se séparer,
Jamais je ne saurais te plaire
Ni toi me comprendre jamais.


//Joseph Rolnik
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ÉTRANGERS


Voilà, comme un enfant, qu’il tombe sur son cœur,
Solitude et douleur – et de ses yeux l’implore,
Et son sang assoiffé boit comme d’une amphore
À ses deux sources d’or la vivante liqueur,

Et sa saveur de lait – puis, poignard, il se tend
Pour ouvrir son doux corps, le fendre comme foudre,
S’éteindre dans sa sève en cendres, se dissoudre
En elle, au séminal abîme se jetant.

Ils sont assis avec les étoiles, le soir
À table. Tous les deux partagent le pain noir
Et le couteau entre eux sur la table s’étale.

Mais l’un l’autre étrangers se dérobent leurs yeux
Comme si le couteau, coupant en deux leur nœud,
Les avait séparés tels les bords de la table.


//Many-Leib
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Dans la hutte de neige


Aurore

Les empreintes de pattes qu’une bête
Roses dans la neige a disséminées,
Lorsqu’un soleil neuf et inconnu jette
Un cri aigu, sont vaguement illuminées
Par la lueur d’en haut. Mais la nuit sombre
Règne en bas. Les racines des forêts
Grincent des dents au fond des gouffres d’ombre.
Du chien lié à son traineau paraît
S’échapper comme une vapeur qui fait cortège
Au panache des cheminées. Sans fin s’embue
L’haleine d’un homme en ces lieux de neige,
Jusqu’à ce qu’une tente en l’air soit suspendue.


//Avrom Sutzkever (15/07/1913 – 20/01/2010)
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