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Citations de Charles Dobzynski (228)


Dans la cour



Matin d’été – cinq heures sonnent
Déjà la cour s’est éveillée,
Et l’on court joyeux et vivace
Porter la graine au poulailler.

Un garçon poursuit une fille,
Le coq en est paralysé.
Il lui prodigue des caresses
Il lui donne un tendre baiser.

Ne sachant quoi faire, la fille
Ne s’avise plus de bouger.
Le sang lui vient-il au visage,
Le coq jaune reste figé.

Et s’il picore dans ses yeux
La jeune rougeur de la fille
Porteront dès lors tous les œufs
Tache de sang sur leur coquille.


//Myriam Ulinover (22/02/1890 – 08/1944)


Miryam Ulinover (née Manya Hirshbein en 1890 à Łódź et morte assassinée par les nazis en août 1944 à Auschwitz) est une poétesse juive de langue yiddish.
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Dans la forêt



En haut sont proches les couronnes,
Les troncs – chacun pour soi – sont éblouis.
En haut s’enlacent les couronnes :
Sous terre d’aveugles racines luttent pour la sève et la pluie.

En haut, baignées de soleil les couronnes ;
L’ombre sur les troncs tombe et disparaît.
En haut l’oiseau chante dans les couronnes :
Sous terre des doigts aveugles creusent la forêt.

En haut avec le vent jouent les couronnes,
Les troncs brisent le grondement.
En haut avec le ciel bavardent les couronnes :
Sous terre d’aveugles racines se taisent éternellement.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)

/ Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Automne tsigane



extrait 3

Battez bandouras ! Déversez aux vents et jetez la danse !
Laissez-moi tresser d’épines dardées la couronne ardente !
Tant qu’enfin la neige en la recouvrant l’éteigne à nos fronts,

Car dès lors au vent toutes nos tribus s’évanouiront ;
La steppe hurlante et les arbres nus, seuls dans la vallée,
Parfois nous verront dans leur rêverie ombres dévaler.

Sur ses sabots d’or galope l’automne et bat son tambour,
Et palpe le vent, doigts ensanglantés, la plaine alentour,
Chante à travers champs sa vieille balade – elle est ivre morte.

Tsiganes blottis, pareils aux moutons serrés en cohorte.


//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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Automne tsigane



extrait 2

Un tsigane âgé portant des anneaux d’argent aux oreilles,
D’un coup de couteau sa tristesse fend, si grise et si vieille,
Le noir de ses yeux se couvre soudain d’un voile de sang.

– Aïe, petit frérot, je vois bien venir la fin qui descend
Sur le clan tsigane. Et nous engloutit l’abîme funeste,
Serons effacés avec les tisons du brasier céleste.



//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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Automne tsigane



extrait 1

Sur ses sabots d’or galope l’automne et bat son tambour,
Et palpe le vent, doigts ensanglantés, la plaine alentour,
Chante à travers champs sa vieille balade – elle est ivre morte.

Tsiganes blottis, pareils aux moutons serrés en cohorte,
Devant le brasier du couchant qui souffle un vol d’étincelles,
Échoppe-tristesse où sanglote un cœur et sa mort ruisselle.



//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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... Bonella s'ennuyati comme un rat mort à trainer ses guêtres telluriques autour d'un soleil plutôt pingres, question lumière, et dont l'aiguille, coté thermostat, avait tendance à retomber vers le zéro de la déconfiture. Bonella était de ce fait aussi dépourvue de prestige qu'un iceberg flottant dans une mer tropicale l'est d'avenir à court terme. Elle appartenait à cette génération du bing-bang du dernier quart d'heure...
Bonella p.7
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Peintures chinoises à la Bibliothèque nationale
C’est un fait capital et assez étrange aux yeux des Européens : le lien qui nous est révélé entre la pensée d’un Valéry, qui parle d’un Léonard de Vinci en disant « qu’il a la peinture pour philosophie » et cette vue synthétique de l’Univers qui caractérise ces peintres-philosophes de la Chine. « Peintre et grand lettré », « calligraphe, poète et peintre », telles sont les désignations courantes des maîtres de la peinture. Les tableaux eux-mêmes en prouvent le bien-fondé.

Un grand nombre de ces peintures portent des légendes importantes. Sans parler de celles qui ont été ajoutées plus tard par des collectionneurs, les plus intéressantes sont celles qui proviennent de la main des artistes eux-mêmes. Multiples sont les sujets de ces calligraphies qui font, en quelque sorte, partie du tableau. On y trouve des commentaires ou des références à d’illustres maîtres. On trouve, plus souvent encore, de simples notations personnelles. En voici qui seraient aussi bien détachées d’un journal intime que d’un recueil de poésies lyriques.


Sur les arbres la neige demeure encore glacée...
Tout un jour je ne me lasse pas de ce spectacle.
TS’lEN KIANG.


Dans un pavillon au cœur des eaux où nul n’atteint
J’ai fini de lire les chants de « Pin »
Ceux du septième mois.
LIEOU WAN-NGAN.


« Ces peintres sont des lettrés », dit M. Dubosc. Il ajoute : « Leur peinture est cependant à l’opposé de toute littérature. »

L’antinomie qu’il indique en ces termes pourrait bien constituer le seuil qui donnât accès d’une manière authentique à cette peinture — antinomie qui trouve sa « résolution » dans un élément intermédiaire, lequel, bien loin de constituer un juste milieu entre littérature et peinture, embrasse intimement ce en quoi elles paraissent les plus irréductiblement s’opposer, c’est-à-dire la pensée et l’image. Nous voulons parler de la calligraphie chinoise. « La calligraphie chinoise en tant qu’art », dit le savant Lin Yu-tang, « implique... le culte et l’appréciation de la beauté abstraite de la ligne et de la composition dans des caractères assemblés de telle manière qu’ils donnent l’impression d’un équilibre instable... Dans cette recherche de tous les types théoriquement possibles du rythme et des formes de structures qui apparaissent au cours de l’histoire de la calligraphie chinoise, on découvre que pratiquement toutes les formes organiques et tous les mouvements des êtres vivants qui sont dans la nature ont été incorporés et assimilés... L’artiste... s’empare des minces échasses de la cigogne, des formes bondissantes du lévrier, des pattes massives du tigre, de la crinière du lion, de la lourde démarche de l’éléphant et les tisse en un réseau d’une beauté magique. »

La calligraphie chinoise — ces « jeux de l’encre », pour emprunter le mot par lequel M. Dubosc désigne les tableaux eux-mêmes — se présente donc comme une chose éminemment mouvante. Bien que les signes aient un lien et une forme fixés sur le papier, la multitude des « ressemblances » qu’ils renferment leur donne le branle. Ces ressemblances virtuelles qui se trouvent exprimées sous chaque coup de pinceau, forment un miroir où se réfléchit la pensée dans cette atmosphère de ressemblance ou de résonance.

De fait, ces ressemblances ne s’excluent pas entre elles ; elles s’enchevêtrent et constituent un ensemble que sollicite la pensée comme la brise un voile de gaze. Le nom « hsie-yi », peinture d’idée — que les Chinois réservent à cette notation,. est significatif à cet égard.

Il est de l’essence de l’image de contenir quelque chose d’éternel. Cette éternité s’exprime par la fixité et la stabilité du trait, mais elle peut aussi s’exprimer, de façon plus subtile, grâce à une intégration dans l’image même de ce qui est fluide et changeant. C’est à cette intégration que la calligraphie emprunte tout son sens. Elle part à la recherche de l’image- pensée. « En Chine » — dit M. Salles — « l’art de peindre est avant tout l’art de penser. » Et penser, pour le peintre chinois, veut dire penser par ressemblance. Comme, d’autre part, la ressemblance ne nous apparaît que comme dans un éclair, comme rien n’est plus fuyant que l’aspect d’une ressemblance, le caractère fuyant et empreint de changement de ces peintures se confond avec leur pénétration du réel. Ce qu’elles fixent n’a jamais que la fixité des nuages. Et c’est là leur véritable et énigmatique substance, faite de changement, comme la vie.

Pourquoi les peintres de paysages atteignent-ils une si grande vieillesse ? se demande un peintre philosophe. « C’est que la brume et les nuages leur offrent une nourriture. »

La collection de M. Dubosc suscite ces réflexions. Elle évoque bien d’autres pensées encore. Elle servira prodigieusement la connaissance de l’Est. Elle mérite de durer. Le Musée du Louvre, en l’acquérant, vient de consacrer ce mérite.
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Se délester



Extrait 1

Trop empêtré d’un corps
en mal d’apesanteur
tu te délestes peu à peu  tu te délestes
de tes os qui trahirent leur maquette
de ta face effacée
de tes arrières-idées moulues jusqu’à
l’ultime farine de l’avant
de tes pensées processionnaires
de tes étés sans souvenir
qui te coincent dans leurs étaux
tu te délestes de ton âge
de ta mâchoire
qui ne sert plus qu’à mordre la poussière
tu te délestes de tes peaux de serpent
de tes peaux de serment
de tes oreilles barbelées
qui écorchent les sons
tu te délestes de tous les livres jamais lus
qui pèsent si lourds sur ta mémoire
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Dieu de miséricorde



Extrait 2

Dieu de miséricorde,
Que ton sourcil de feu se lève :
Contemple les peuples du monde –
Et donne-leur les jours d’effroi, les prophéties.
En chaque langue on prêche ta parole,
Apprends-leur les actes
Et les chemins de l’endurance.

Dieu de miséricorde,
Donne-nous l’humble vêtement
Du berger parmi ses moutons,
Du forgeron à son marteau,
De la lingère et du peaussier,
Fussent-ils les plus grossiers.
Rends-nous encore une autre grâce,
Dieu de miséricorde :

Délivre-nous de l’aura du génie.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)
/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Prière à soi-même



Extrait 2

J’écoute et je vois, tous les sons-symboles me sont des aiguilles
Pour recoudre les plaies sur les muscles blancs du papier.
Mais tout cela que j’ai chanté jusqu’à présent me semble pauvre
Comparé aux trésors qu’en moi tu as éparpillés.
Et chaque son est un écho du mystère des profondeurs,
La ruche s’éloigne et se voile encore plus à chaque pas.

Le temps est fait de cire bleue. Elle va fondre goutte à goutte,
Ô silence déshabillé du temps ! Voici que les abeilles
Reviennent déjà de leur long voyage ensoleillé.
Une fois au moins laisse-moi rentrer en moi-même ainsi que
  le sang dans le sang.
J’attends le coup de dard de leur reine sauvage.


//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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Prière à soi-même



Extrait 1

À moi-même ainsi qu’à un étranger je colle mon oreille,
Et mes yeux débordants de visions chantantes,
Je me ramifie dans tes profondeurs comme les veines dans
  le marbre :
Par qui tous tes secrets furent-ils ensevelis ?
Pour qui la musique de tes secrets non révélés ?
Musique de mains et de lèvres. Sons-symboles dans les ténèbres.
Musique de pluie, d’arc-en-ciel. Plus loin, plus loin, plus loin...

Tu es ruche que le feu cerne et je ne puis m’en approcher.
Tu me nourris du bruit brisé de tes abeilles.
Parfois une abeille s’égare, elle vole vers le désert,
Cherche une brindille de chair et la beauté la rend aveugle,
Une autre voudrait embrasser la fleur venimeuse et mourir.



//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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La ville du massacre


Extrait 16

Et sort demain dans la rue, fils d’Adam,
Contemple ce marché de bric-à-brac vivant,
Hommes-vermines à demi-morts, moulus de coups,
Echines cassées et contorsionnées,
Os et peau emmitouflés dans des haillons,
Avec des enfants, tristes estropiés, des femmes
Mortes d’épuisement et rabougries ;
L’essaim de fin d’été, les ailes crépitantes,
Assaille les fenêtres et les portes,
Noircit le seuil de toutes les demeures,
Et des savants pour mendier tendent leurs mains
  difformes
Exhibent leurs plaies purulentes,
Chacun vante sa camelote,
Et tournant à la dérobée les yeux vers les fenêtres
Comme des chiens battus ou des serfs vers le maître,
Un sou pour une plaie, un sou pour une plaie,
Un sou pour une fille violentée,
Un sou pour la mort d’un vieux père,
Pour le martyre, un sou, d’un jeune homme à marier...
Au cimetière ! avec les traîneurs de besaces,
Allez là-bas déterrer les os blanchis
De vos martyrs dans leurs tombes fraîches,
Bourrez vos sacs, à chacun son fardeau
Et parcourez le monde, allez et traînez-vous
De ville en ville où se tient quelque foire,
Partout sous les hautes fenêtres étrangères
Chantez à voix enrouée, ô chantres quémandeurs,
Demandez l’aumône et marchandez et manœuvrez
Comme jusqu’à ce jour votre chair et vos os.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 15

Écoute, fils d’Adam, ce que le chantre crie devant l’autel :
« Seigneur, agis pour ceux qui furent massacrés,
Pour les petits enfants, agis, et pour les sages. »
La foule à pleine voix multipliera le cri
Si bien que tous les murs et colonnes du temple
Avec toi trembleront de crainte
Et je te prouverai ma cruauté,
Tu ne pleureras pas avec eux devant moi
Et si de toi devait s’élever une plainte
Je saurai l’étouffer entre tes dents.
Tu ne dois point comme eux pervertir le malheur,
Qu’il reste sans compassion dans les âges futurs,
Enfouis au fond de toi la larme non pleurée,
Mure-la dans ton cœur, et là bâtis pour elle
De haine, de colère et de fiel un bastion,
Et que grandisse en ce nid un reptile
Et que sans cesse l’un se nourrisse de l’autre,
Et que demeure en lui pourtant la faim, la soif,
Et quand viendra le jour du Jugement dernier
Casse ton cœur, libère le serpent, qu’il file furieux
Telle une flèche empoisonnée,
Mourant de faim, gonflé de son venin brûlant
et du cœur de son propre peuple.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 11

Sors de la ville maintenant quand nul ne te regarde,
Cherche en silence le chemin du cimetière,
Installe-toi devant les tombes fraîches des victimes,
Reste debout, contemple et baisse les paupières
Deviens de pierre.
Que ton cœur sombre et s’évanouisse toute larme,
Mais ton œil reste sec comme une pierre du désert,
Et tu voudras crier, griffer les tombes
Et beugler comme un bœuf que l’on attache à l’abattoir,
Pourtant tu demeures muet comme les dalles funéraires.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 8

Homme, rampe dehors, viens plus loin, je te montrerai
Des refuges – des porcheries.
Vois de tes propres yeux toutes les immondices
Où tes frères, les héritiers des Maccabées,
Petits neveux des éternels martyrs
Se sont dans chaque trou, et par dizaines,
Au moment du massacre entassés et cachés,
Voilà comment ils firent honneur à mon nom...
Fuyant comme des rats, se terrant comme des punaises,
Crevant comme des chiens... Un fils, le lendemain
A pu sortir de sa maison, découvrir dans l’ordure
Les restes de son père... Alors, homme, pourquoi pleurer,
Pourquoi voiler avec tes mains ta face ?
Grince plus fort tes dents et crève de douleur !


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 7

Ah, va plus loin, fuis la lumière, cache-toi,
Enfouis-toi dans la terre et les caves obscures
Et gave-toi là-bas, de ton cœur de métal.
Le vois-tu ? C’est ici que des hommes vils, étrangers à
  ton peuple,
De ton peuple ont déshonoré les filles pures.
Dix pour une, dix pour une, la mère
Sous les yeux de la fille, et la fille
Sous les yeux de la mère, avant le massacre,
Pendant le massacre, et après. Alors prends,
Fils d’Adam, prends et palpe avec tes mains les taches
De sang et d’autre chose sur les draps
Où l’homme-porc, l’homme barbare s’est vautré
Avec sa hache ruisselante de sang chaud...
Et vois, fils d’Adam, vois dans ce coin-là,
Là-bas, sous ce tonneau, derrière cette caisse,
Allongés, retenant leur souffle, s’abritèrent
Frères et fiancés, les maris, les fils et les pères,
Et de leur trou ils regardèrent palpiter,
S’étrangler dans leur sang, dans leur nausée,
Les saintes, les angéliques, les pieuses chairs
Sous l’étreinte des mains profanes et du fer,
Et ils virent cela, couchés sous terre, et ils se turent,
Et leurs yeux n’ont pas éclaté
Et leur tête n’est pas tombée, perdant raison,
Et peut-être chacun d’entre eux séparément,
A-t-il pour soi dit à voix basse entre ses lèvres :
« Mon Dieu, fais un miracle, aveugle-les, Seigneur,
Qu’elles ne voient point leur bourreau ! » Mais à peine
L’une d’elles pourtant revint-elle à la vie,
Tirée de la fange et du sang par une misérable vie,
Pour son honneur sali, pour soi, pour Dieu, pour les deux
  mondes,
Lui, l’homme, alors, il a rampé hors de son trou
Pour rendre grâce au Seigneur dans Son temple
Et demander à son rabbin pieusement
S’il peut encore vivre auprès de son épouse...


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 6

Et tu dresses la tête – il n’y a pas de ciel,
Un toit, un toit muet avec des lattes noires,
Une araignée y pend – va, demande à l’insecte brun,
Il a tout vu, il fut témoin,
Témoin vivant dans ce grenier,
Alors laisse-le te conter toutes les histoires,
Celle du ventre ouvert que l’on bourra de plumes,
Des narines percées de clous et des crânes sous le
  marteau,
Des têtes après la tuerie pendues comme celles
  des oies
Au bord de la fenêtre du grenier,
D’un enfant endormi au côté de sa mère
La bouche ouverte sur un sein sectionné,
Celle d’un autre enfant, écartelé vivant
En même temps que son ultime cri
Une moitié de MA... Maman demeure inachevé,
Et tant et tant d’histoires terrifiantes,
Qui te forent la tête et vrillent ton esprit
Et qui tuent à jamais ton âme.
Et tu étouffes dans ta gorge un hurlement,
Et tu bondis, et tu cours dans la rue
Et le monde est pour toi encore comme hier
Et sans vergogne le soleil comme toujours
Verse sur chaque seuil, à chaque porte, sa lumière,
Jette ses perles aux pourceaux...


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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ÉCRAN


Écoutez,
Celui qui vous parle, c’est moi
Écran,
Des écrins de velours
Et des cadres dorés
Trop longtemps m’ont tenu captif,
Des cloisons décorées, des murs et des clôtures
M’ont toujours isolé
Et mon clair appel
Fut converti
En hurlement mensonger des enseignes.
Aujourd’hui
Je m’adresse aux murs:
Dispersez-vous !
Plus de toitures,
Plus de planchers
Délivrez-moi l’espace,
Ici
Toutes les têtes
Créant ensemble un océan,
Pour vous j’ai surgi
Pour vous je suis né,
Plus larges les gradins au milieu de la place,
Sur le gouffre reptilien des rues, élevez
Mon estrade !
Ma semence sera le ciel
Et mon espace l’œil multiplié des foules.


//Aron Kushnirov
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MURS


Nous,
Solides et durs, nous les murs,
Condamnés à écouter et à nous taire,
Des milliers
Des milliers d’années nous restâmes soumis,
Écoutant, comprenant,
Étouffant en nous silencieusement
La rumeur des générations.
Mais plus jamais
Plus jamais nous ne serons muets,
Nous entendrons
L’escalade,
La griffade,
La tornade
Des pas pesants, des pas épais
Des pas d’acier.
Il vient un colosse, un puissant,
Et tout ce qui, hier encore,
Régnait,
Comme le roc
Ou le granit
À genoux tombe devant lui,
Tremblant de panique,
Nous donne une langue,
Nous colle et nous couvre
D’affiches à foison, de placards et de feuilles,
Avec elles
Comme avec des gueules énormes
Nous allons crier
En écoutant le tonnerre des pas.


//Aron Kushnirov
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LA VIE ME RACONTE UNE HISTOIRE...


La vie me raconte une histoire
Genèse et Dieu, naissance et devenir,
La vie me raconte une histoire
J’écoute, je crois et j’admire.

La vie me raconte une histoire
De péché, d’amour et de châtiment,
Et parfois la vie me raconte
Une histoire sans dénouement.

Alors, triste, je vagabonde,
Sans trouver sommeil ni repos,
Inventant moi-même à l’histoire
Un dénouement heureux et beau.


//Louis Miller
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